Allégations: Les organisations plaignantes allèguent toute une série d’actes
antisyndicaux de la part d’une entreprise de services funéraires contre un syndicat
d’industrie, dont le licenciement de cadres syndicaux et de syndicalistes, des actes
d’ingérence aux fins de la désaffiliation de ses membres, l’interdiction de manifester, la
présentation d’une demande judiciaire de radiation du registre syndical et des restrictions
à la négociation collective
- 259. La plainte figure dans une communication de l’Association
colombienne des travailleurs de l’industrie des services funéraires et des services
connexes (ACTIFUN) et de la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) datée du
26 mai 2017.
- 260. Le gouvernement de la Colombie a fait part de ses observations
concernant les allégations dans deux communications, en date du 23 mai 2018 et du
30 septembre 2022.
- 261. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 262. Dans leur communication en date du 26 mai 2017, les organisations
plaignantes allèguent que la Centrale coopérative des services funéraires de Carthagène
(ci-après «l’entreprise») a commis des actes portant atteinte au droit de liberté
syndicale et au droit de négociation collective des travailleurs membres de l’ACTIFUN,
dont le licenciement de cadres syndicaux et de syndicalistes, une immixtion dans ses
affaires aux fins de la désaffiliation de ses membres et de l’interdiction de
manifester, la présentation d’une requête de la part de l’entreprise demandant à ce que
l’ACTIFUN soit radiée du registre syndical et des restrictions au droit de négociation
collective. Les organisations plaignantes affirment que ces actes, commis par
l’entreprise, visent à démanteler l’ACTIFUN et, ultimement, à la faire disparaître.
- 263. Les organisations plaignantes indiquent que l’ACTIFUN est un
syndicat d’industrie créé le 2 février 2014.
- 264. Les organisations plaignantes affirment que, en novembre 2014,
l’entreprise a mis fin aux contrats de travail de tous les membres du conseil
d’administration de l’ACTIFUN, en particulier de Luis Alberto Cabarcas Taborda,
président, Diana Castro Pérez, vice-présidente, Mariano Ezequiel Diago Severiche,
secrétaire général, Yajaira Rocío Posso Muñoz, comptable, Ana María Vázquez Prasca, Dora
María Sharp, Berledys Barragán Barreto, Hernán Padilla Cervantes et Indira Mondol Pardo.
Les organisations plaignantes ont joint à leur plainte une copie des lettres de
licenciement exposant les motifs de licenciement: i) en octobre 2014, l’ACTIFUN a
organisé une manifestation ou une réunion publique dans les locaux de l’entreprise, à
l’emplacement du parking; ii) l’entreprise interdisait de tels actes dans son enceinte;
et iii) la manifestation a perturbé une veillée funèbre organisée par l’entreprise, et
des violences ont éclaté entre les personnes assistant à la veillée, la direction de
l’entreprise et les manifestants. Elles indiquent également que le droit du travail
ordinaire interdisait à l’entreprise de licencier MM. Cabarcas Taborda et Diago
Severiche, respectivement président et secrétaire général du syndicat.
- 265. Les organisations plaignantes affirment que l’entreprise continue de
mener une politique systématique de persécution des syndicalistes et d’ingérence dans
les activités syndicales puisque, en mai 2017, M. Diago Severiche, secrétaire général, a
été licencié de nouveau sans que soit levée son immunité syndicale, l’entreprise ayant
précisé dans la lettre de licenciement qu’elle ne tenait pas compte de l’immunité
syndicale étant donné que la justice avait déjà ordonné la dissolution et la liquidation
du syndicat qu’il représentait. De la même façon, en décembre 2016, M. Cabarcas Taborda,
président, a reçu une communication dans laquelle il lui était notifié que, en
application de l’article 140 du Code du travail, il lui était interdit de pénétrer dans
l’enceinte de l’entreprise pour exercer ses activités professionnelles et syndicales, au
motif que: i) il avait perpétré des actes irrespectueux, des attaques et des mauvais
traitements sur la personne du directeur de l’entreprise; ii) l’entreprise n’était pas
tenue de tolérer son «intention équivoque de systématiquement s’immiscer» dans les
décisions de l’entreprise; et iii) l’entreprise le dispensait de se présenter à son
poste, lui versera son salaire et lui garantira ses droits au travail pendant toute la
durée des procédures judiciaire et administrative engagées contre lui.
- 266. Les organisations plaignantes dénoncent également le licenciement de
Arnoldo Álvarez Castellar, Sobeida Álvarez Jiménez, Said Bayte Zumaque, Martha García
Acosta, Egla Álvarez Muñoz et Ricardo Bellido Hurtado, protégés par l’immunité de
circonstance, et de Heydys San Juan Florez, personne handicapée membre de
l’ACTIFUN.
- 267. Les organisations plaignantes affirment en outre que l’entreprise a
mené des campagnes pour décourager l’affiliation syndicale, proposant aux travailleurs
de prendre à sa charge certaines prestations s’ils renonçaient à être syndiqués, ce qui
a convaincu 15 personnes de se désaffilier.
- 268. Les organisations plaignantes affirment aussi que l’entreprise s’est
immiscée dans les activités prévues par le syndicat afin d’en entraver le bon
déroulement, notamment en interdisant les journées de protestation et les réunions
publiques.
- 269. Les organisations plaignantes arguent ensuite que l’entreprise a
demandé que l’ACTIFUN soit radiée du registre syndical au motif que l’association
n’avait pas le nombre de membres requis. De la même façon, elles indiquent que, même si
la quatrième chambre du tribunal du travail de la circonscription de Carthagène a
ordonné l’annulation de la personnalité juridique de l’ACTIFUN, ladite décision a fait
l’objet d’un recours qui est en cours d’examen.
- 270. Les organisations plaignantes font valoir que leur droit de
négociation collective a été mis à mal par diverses mesures, exposées ci-après:
i) l’entreprise a refusé de valider les deux cahiers de revendications présentés qui
n’ont abouti à aucun accord; et ii) deux ans après le dépôt du dossier en vue de la
saisine d’un tribunal arbitral du ministère du Travail en raison de l’absence d’accord
au sujet du premier cahier de revendications daté de mars 2014, l’ACTIFUN a été informée
que le dossier s’était perdu.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 271. Dans sa communication en date du 23 mai 2018, le gouvernement
transmet les observations de l’entreprise, ainsi que sa propre réponse, aux allégations
des organisations plaignantes.
- 272. Pour ce qui est du licenciement des membres du conseil
d’administration de l’ACTIFUN, l’entreprise indique que: i) toutes les personnes citées
par les organisations plaignantes ont commis des fautes graves dans l’exercice de leurs
fonctions; ii) les travailleurs concernés ont reçu une lettre de licenciement les
informant que l’entreprise avait présenté des requêtes judiciaires de levée de
l’immunité syndicale les concernant, dont certaines avaient abouti, et d’autres étaient
encore en cours; iii) les lettres de licenciement ne seront effectives qu’une fois que
le tribunal du travail les aura validées; et iv) les contrats de travail restent en
vigueur. Pour ce qui est précisément du licenciement de MM. Cabarcas Taborda et Diago
Severiche, président et secrétaire général du syndicat respectivement, l’entreprise
indique que: i) dans le cas de M. Cabarcas Taborda, directeur de l’ACTIFUN, l’entreprise
s’est fondée sur l’article 140 du Code du travail, tout en respectant son immunité
syndicale, au motif que M. Cabarcas Taborda avait agressé, menacé et défié oralement le
directeur de l’entreprise, raison pour laquelle l’entreprise avait engagé des poursuites
pénales et des poursuites devant le tribunal du travail: et ii) pour ce qui est de
M. Diago Severiche, secrétaire général de l’ACTIFUN, il a été licencié pour un motif
valable et il ne jouissait pas de l’immunité, étant donné qu’à cette date la quatrième
chambre du tribunal du travail de la circonscription de Carthagène avait déjà ordonné la
dissolution de l’ACTIFUN.
- 273. L’entreprise indique que Arnoldo Álvarez Castellar, Sobeida Álvarez
Jiménez, Said Bayte Zumaque, Martha García Acosta, Egla Álvarez Muñoz et Ricardo Bellido
Hurtado ont été licenciés pour des motifs valables, qu’ils ne bénéficiaient pas de
l’immunité syndicale et qu’il y avait des plaintes en cours, exception faite de Bellido
Hurtado, qui travaille toujours pour l’entreprise. Pour ce qui est de Mme San Juan
Florez, l’entreprise indique qu’elle a été licenciée pour un motif valable, qu’elle ne
bénéficiait pas de l’immunité syndicale et qu’elle n’était pas handicapée.
- 274. L’entreprise affirme qu’elle n’a pas mené de campagnes visant à
encourager les travailleurs à quitter le syndicat, et que ceux qui l’ont fait ont
présenté leur demande de désinscription de l’ACTIFUN de leur plein gré. L’entreprise
indique en outre que: i) elle a des droits en matière de propriété privée, en vertu
desquels elle peut décider d’interdire les réunions publiques et les manifestations dans
son enceinte, en particulier lors de services funéraires; et ii) l’ACTIFUN peut
organiser à sa guise une réunion publique ou une marche de protestation en dehors de
l’enceinte de l’entreprise, de sorte à ne pas gêner le bon déroulement des activités de
celle-ci.
- 275. L’entreprise explique ensuite avoir entamé une procédure de
liquidation de l’ACTIFUN au motif que celle-ci n’avait pas le nombre de membres
suffisant, et que la quatrième chambre du tribunal du travail de la circonscription de
Carthagène a rendu une décision en faveur de l’entreprise.
- 276. Pour ce qui est de la procédure de négociation collective,
l’entreprise dit qu’elle a répondu aux demandes figurant dans les cahiers de
revendications présentés par l’ACTIFUN et que l’absence d’accord ne signifie pas qu’il y
a eu violation de la loi, qui prévoit une solution à cette situation, à savoir la
convocation d’un tribunal arbitral.
- 277. Le gouvernement répond ensuite aux allégations des organisations
plaignantes. Il communique les observations de la Direction territoriale du ministère du
Travail de Bolívar au sujet des enquêtes administratives du travail visant l’entreprise
sollicitées par l’ACTIFUN, indiquant que la Coordination chargée du règlement des
différends, des conflits et de la conciliation, qui relève de la direction technique,
est saisie de quatre plaintes administratives qui en sont à différents stades
d’avancement.
- 278. Pour ce qui est de l’allégation de licenciements pour motifs
antisyndicaux des membres du conseil d’administration de l’ACTIFUN, le gouvernement
indique: i) que bien que l’entreprise ait affirmé que les contrats de travail de Luis
Alberto Cabarcas Taborda, président, Diana Castro Pérez, vice-président, Mariano
Ezequiel Diago Severiche, secrétaire général, Yajaira Rocío Posso Muñoz, comptable, Ana
María Vázquez Prasca et Hernán Padilla Cervantes étaient toujours en vigueur, aucun
élément ne permettait de dire si les deux dernières personnes étaient ou non membres du
conseil d’administration de l’ACTIFUN ni; ii) si Dora María Sharp avait démissionné de
son plein gré. Le gouvernement dit ne pas approuver les méthodes de l’employeur, qui a
envoyé les lettres de licenciement, tout en conditionnant leur validité à une décision
de justice, alors que la législation prévoit que c’est à l’autorité judiciaire qu’il
appartient de décider d’autoriser ou non l’employeur à mettre fin au contrat de travail
de syndicalistes protégés par l’immunité syndicale, et que ce n’est qu’après cela que
l’employeur peut mettre fin au contrat de travail (articles 405 et 408 du Code du
travail). En conséquence, le gouvernement ne comprend pas et juge préoccupant que les
organisations plaignantes indiquent que les contrats de travail ont été résiliés en
2014, alors que l’entreprise affirme que les intéressés travaillent encore pour
l’entreprise.
- 279. Pour ce qui concerne M. Cabarcas Taborda, président de l’ACTIFUN, le
gouvernement indique que: i) l’entreprise a appliqué l’article 140 du Code du travail
qui dispose que le travailleur a le droit de percevoir son salaire, même si la
prestation de services n’a pas été réalisée, et ce que ce soit à la demande de
l’employeur ou par sa faute; et ii) l’entreprise fait état d’une agression qui aurait
été portée à la connaissance du tribunal pénal et du tribunal du travail, dont il faut
attendre la décision puis y donner suite. Pour ce qui est du licenciement présumé, en
mai 2017, de M. Diago Severiche, secrétaire général, le gouvernement indique qu’il
n’était pas opportun de la part de l’entreprise de mettre fin à son contrat de travail,
étant donné que la procédure de dissolution et de liquidation engagée par l’entreprise
faisait l’objet d’un recours et qu’il appartenait au tribunal du travail ordinaire de se
prononcer.
- 280. Pour ce qui est du licenciement d’Arnoldo Álvarez Castellar, de
Sobeida Álvarez Jiménez, de Said Bayte Zumaque, de Martha García Acosta et de Egla
Álvarez Muñoz, le gouvernement indique qu’il appartient au tribunal du travail de
décider si, au moment où l’employeur a mis fin aux contrats de travail, ces travailleurs
bénéficiaient de l’immunité de circonstance, ce sur quoi la justice doit rendre un arrêt
qu’il conviendra de respecter.
- 281. Au sujet des allégations concernant les campagnes visant à
décourager l’affiliation au syndicat, le gouvernement signale qu’il n’existe aucun
élément de preuve permettant d’affirmer que l’entreprise mène une campagne hostile pour
inciter les travailleurs membres de l’ACTIFUN à se désaffilier. De plus, pour ce qui est
des allégations d’ingérence, le gouvernement fait valoir qu’il s’agit là d’une question
complexe, mais que l’entreprise dit interdire les protestations au sein de l’entreprise
du fait qu’elle dispense des services funéraires mais autoriser le syndicat à organiser
de telles protestations en dehors de l’enceinte de l’entreprise. Le gouvernement indique
ensuite que la procédure engagée par l’entreprise pour dissoudre et liquider l’ACTIFUN
en est au stade de l’appel.
- 282. Concernant la violation présumée du droit de négociation collective
de l’ACTIFUN, le gouvernement dit qu’il n’est pas possible d’affirmer que le fait que
les parties ne soient pas parvenues à un accord dans le cadre de la négociation
collective est synonyme de refus de négocier, puisqu’il est encore possible qu’un accord
soit conclu, la législation du travail prévoyant la possibilité de convoquer un tribunal
arbitral si les travailleurs réunis en assemblée en décident ainsi. Le gouvernement
affirme que, pour ce qui est de la demande de convocation d’un tribunal arbitral
présentée par l’ACTIFUN en juin 2014, la Direction territoriale du ministère du Travail
de Bolívar a demandé à l’ACTIFUN de produire divers documents qu’elle ne lui a pas
communiqués et que, une fois passé le délai prescrit, il a été considéré que l’ACTIFUN
retirait sa requête, et la clôture du dossier a été ordonnée (décision no 2029 du 2 juin
2016).
- 283. Dans sa communication du 30 septembre 2022, le gouvernement transmet
un complément d’information fourni par l’entreprise concernant l’allégation de
licenciement antisyndical des membres du conseil d’administration de l’ACTIFUN, dans
lequel celle-ci précise que: i) les demandes de levée de l’immunité syndicale de Luis
Alberto Cabarcas Taborda, président, Diana Castro Pérez, vice-présidente, Mariano
Ezequiel Diago Severiche, secrétaire général, Yajaira Rocío Posso Muñoz, comptable,
Berledys Barragán Barreto, Indira Mondol Pardo, Ana María Vázquez Prasca et Hernán
Padilla Cervantes ont été finalisées; ii) ces membres du conseil d’administration
possèdent un contrat de travail valide; iii) s’agissant de M. Cabarcas Taborda, aucune
demande judiciaire n’a été déposée; et iii) Dora María Sharp a démissionné
volontairement.
- 284. En ce qui concerne Said Bayte Zumaque, Ricardo Bellido Hurtado, Egla
Álvarez Muñoz et Martha García Acosta, l’entreprise fait savoir que les trois premiers
ont conservé leur emploi et que Mme García Acosta a été licenciée pour un motif
valable.
- 285. S’agissant de l’allégation de restrictions à la négociation
collective, l’entreprise précise en outre que, malgré l’absence de convention
collective, un arbitrage engageant l’ACTIFUN et l’entreprise a été rendu par un tribunal
arbitral et qu’il s’applique jusqu’au 31 mai 2023.
- 286. Dans sa communication du 30 septembre 2022, le gouvernement fournit
des informations supplémentaires sur la suite donnée aux plaintes administratives liées
au cas présent: i) la plainte n° 05636 du 2 septembre 2016 concernant la retenue
supposée des cotisations syndicales a été classée par le ministère du Travail, la
violation du droit à la liberté syndicale n’ayant pu être établie dans la mesure où les
cotisations syndicales ont été mises à la disposition de l’ACTIFUN par l’entreprise
(décision no 302 du 25 avril 2018); ii) à la suite de la plainte n° 07075 du 16 novembre
2016 concernant des faits présumés de persécution antisyndicale liés au non respect
supposé du processus de négociation, l’entreprise a d’abord été sanctionnée (décision
no 47 du 24 janvier 2019), puis, dans le cadre du recours intenté par cette dernière, le
ministère du Travail a annulé la sanction, ayant considéré que l’entreprise n’avait pas
refusé la négociation collective ni dérogé au délai prescrit pour engager cette
négociation (décision no 0549 du 17 mai 2019); iii) la plainte no 07576 du 13 décembre
2016 concernant des faits présumés de persécution antisyndicale a conduit à l’ouverture
d’une enquête préliminaire qui a été classée par le ministère du Travail, celui-ci ayant
jugé inappropriée l’ouverture d’une procédure administrative de sanction étant donné que
les demandes de l’ACTIFUN ne relevaient pas de sa compétence, et rappelé à cette
dernière qu’elle pouvait saisir la justice ordinaire pour régler la question (décision
no 603 du 24 juillet 2018); et iv) la plainte no 01757 du 27 mars 2017 concernant la
violation présumée du droit d’association syndicale a été définitivement classée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 287. Le comité fait observer en l’espèce que les organisations
plaignantes allèguent qu’une entreprise de services funéraires a commis contre un
syndicat d’entreprise tout un ensemble d’actes antisyndicaux, dont le licenciement de
cadres syndicaux et de syndicalistes, des actes d’ingérence visant à encourager la
désaffiliation des membres du syndicat, l’interdiction de manifester, la présentation
d’une requête judiciaire en vue de radier le syndicat du registre syndical et
l’imposition de restrictions au droit de négociation collective. Le comité constate que
l’entreprise, quant à elle, nie l’existence d’actes antisyndicaux, et souligne qu’un
arbitrage a été rendu afin de régler le conflit lié au processus de négociation
collective, tandis que le gouvernement fait part de l’achèvement de plusieurs procédures
administratives liées à la plainte.
- 288. Le comité prend note des allégations des organisations plaignantes,
qui affirment que les actes commis par l’entreprise ont pour objet de démanteler et
faire disparaître l’ACTIFUN. Les organisations plaignantes dénoncent le licenciement
antisyndical, en novembre 2014, des membres du Conseil d’administration de
l’organisation syndicale ACTIFUN, à savoir Luis Alberto Cabarcas Taborda, président,
Diana Castro Pérez, vice-présidente, Mariano Ezequiel Diago Severiche, secrétaire
général, Yajaira Rocío Posso Muñoz, comptable, Ana María Vázquez Prasca, Dora María
Sharp, Berledys Barragán Barreto, Hernán Padilla Cervantes et Indira Mondol Pardo. Le
comité note également que les lettres de licenciement font référence à la participation
de ces personnes à une manifestation ou à une réunion publique interdites dans
l’enceinte de l’entreprise. Il prend note des informations communiquées par le
gouvernement par l’intermédiaire desquelles celui-ci transmet la réponse de l’entreprise
au sujet desdits licenciements, qui ont été motivés par des fautes graves et qui sont
soumis à des autorisations judiciaires, garantissant ainsi l’immunité syndicale. Le
comité prend note de la préoccupation exprimée par le gouvernement face aux divergences
d’opinion entre l’ACTIFUN et l’entreprise au sujet de ces licenciements. Il relève que,
d’après le gouvernement, les articles 405 et 408 du Code du travail prévoient que c’est
à l’autorité judiciaire qu’il appartient d’octroyer ou non à l’employeur le droit de
mettre fin au contrat de travail d’un syndicaliste bénéficiant de l’immunité syndicale,
et que ce n’est qu’à partir de ce moment-là que l’employeur peut licencier la personne
concernée. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement selon
lesquelles le tribunal du travail ordinaire, dans le cas de ces procédures judiciaires,
n’a pas autorisé l’entreprise à licencier MM. Cabarcas Taborda et Diago Severiche,
respectivement président et secrétaire général du syndicat. Il prend note également des
informations supplémentaires fournies par l’entreprise et transmises par le gouvernement
dans sa communication du 30 septembre 2022, selon lesquelles tous les membres
susmentionnés du conseil d’administration de l’ACTIFUN ont conservé leur emploi au sein
de l’entreprise, à l’exception de Mme Sharp, qui a choisi de démissionner.
- 289. De la même façon, le comité prend note des allégations des
organisations plaignantes relatives au licenciement antisyndical d’Arnoldo Álvarez
Castellar, de Sobeida Álvarez Jiménez, de Said Bayte Zumaque, de Martha García Acosta,
d’Egla Álvarez Muñoz et de Ricardo Bellido Hurtado qui, d’après les organisations
plaignantes, bénéficiaient de l’immunité de circonstance, ainsi que de Heydys San Juan
Flores, membre de l’ACTIFUN. Le comité note que, d’après le gouvernement, il appartient
au tribunal du travail de décider si, au moment où l’employeur a mis fin aux contrats de
travail, les travailleurs concernés bénéficiaient de l’immunité de circonstance. Il
prend note également des informations supplémentaires fournies par l’entreprise et
transmises par le gouvernement le 30 septembre 2022, selon lesquelles: i) MM. Bayte
Zumaque, Álvarez Muñoz et Bellido Hurtado ont conservé leur emploi au sein de
l’entreprise; et ii) MmesGarcía Acosta et San Juan Florez ont été licenciées pour un
motif valable.
- 290. Le comité prend bonne note de ces divers éléments. En ce qui
concerne les allégations de licenciement antisyndical des membres du conseil
d’administration de l’ACTIFUN et d’autres membres du syndicat, dont certains
bénéficiaient de l’immunité de circonstance, le comité observe que: i) Mmes et
MM. Cabarcas Taborda, président, Castro Pérez, vice-présidente, Diago Severiche,
secrétaire général, Posso Muñoz, comptable, Vázquez Prasca, Barragán Barreto, Padilla
Cervantes et Mondol Pardo, membres du conseil d’administration de l’ACTIFUN, ainsi que
MM. Bayte Zumaque, Álvarez Muñoz et Bellido Hurtado, membres du syndicat bénéficiant
d’une immunité de circonstance, ont conservé leur emploi au sein de l’entreprise;
ii) Mme Sharp a choisi de démissionner; et iii) Mmes García Acosta et San Juan Florez
ont été licenciées pour un motif valable. Étant donné que les membres du conseil
d’administration de l’ACTIFUN et les membres du syndicat bénéficiant d’une immunité
syndicale de circonstance ont conservé leur emploi au sein de l’entreprise et s’agissant
des autres membres, au vu du caractère volontaire de la démission et du fait que les
licenciements prononcés reposent sur des motifs valables, le comité ne poursuivra pas
l’examen de ces allégations.
- 291. Le comité fait observer qu’il dispose de peu d’informations sur les
cas de M. Álvarez Castellar et de Mme Álvarez Jiménez, qui, aux dires des organisations
plaignantes, bénéficiaient de l’immunité syndicale de circonstance. Il rappelle que, en
cas de licenciement de syndicalistes en raison de leur affiliation ou de leurs activités
syndicales, il a demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
permettre aux dirigeants et aux membres du syndicat qui ont été licenciés en raison de
leurs activités syndicales légitimes d’obtenir leur réintégration dans leur poste de
travail et d’appliquer aux entreprises les sanctions légales pertinentes. [Voir
Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 1167.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour
que les procédures judiciaires concernant M. Álvarez Castellar et Mme Álvarez Jiménez
aboutissent dans les meilleurs délais et qu’elles permettent de déterminer s’il y a eu
ou non discrimination antisyndicale de la part de l’entreprise lors du licenciement de
ces affiliés bénéficiant de l’immunité de circonstance et, le cas échéant, que des
sanctions et des mesures de réparation appropriées soient prises, y compris la
réintégration des travailleurs concernés à leur poste.
- 292. Le comité note ensuite que, d’après les organisations plaignantes,
pour interdire à M. Cabarcas Taborda, président de l’ACTIFUN, de pénétrer dans
l’enceinte de l’entreprise et d’y exercer ses activités professionnelles et syndicales,
l’article 140 du Code du travail lui a été appliqué, article qui dispose que le
travailleur a le droit de percevoir son salaire même si la prestation de services n’a
pas été réalisée, et ce que ce soit à la demande de l’employeur ou par sa faute. En
outre, il prend note des informations fournies par les organisations plaignantes selon
lesquelles l’entreprise a, dans la communication qu’elle a adressée le 16 décembre 2016
à M. Cabarcas Tabord, indiqué à celui-ci que: i) que l’application de l’article 140 du
Code du travail est à mettre en lien avec les actes irrespectueux, les attaques et les
mauvais traitements commis sur la personne du président de l’entreprise; et
ii) l’entreprise n’est pas dans l’obligation de tolérer «son intention subversive qui
consiste à systématiquement s’immiscer» dans les décisions de l’entreprise. Tout en
prenant bonne note des informations supplémentaires communiquées par l’entreprise et
transmises par le gouvernement dans sa communication du 30 septembre 2022, selon
lesquelles le contrat de travail de M. Cabarcas Taborda est toujours valide et aucune
demande judiciaire n’a été déposée le concernant, le comité observe que ni l’entreprise
ni le gouvernement n’ont fourni d’informations supplémentaires sur la manière dont
l’article 140 du Code du travail s’applique aujourd’hui à M. Cabarcas Taborda. Le comité
rappelle, d’une part, que les représentants syndicaux devraient bénéficier du droit
d’accès à l’entreprise et que nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres
mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de
l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de
discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique.
[Voir Compilation, paragr. 1075.] Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que
M. Cabarcas Taborda, président de l’ACTIFUN, puisse exercer pleinement ses activités
syndicales au sein de l’entreprise, conformément aux critères de liberté syndicale
énoncés ci-dessus.
- 293. Le comité prend note des allégations des organisations plaignantes
selon lesquelles l’entreprise a mené des campagnes visant à décourager l’affiliation
syndicale, ce qui a conduit à la désaffiliation de 15 membres de l’ACTIFUN. Il relève
également que l’entreprise affirme ne pas avoir mené de campagne visant à décourager
l’affiliation syndicale et que le gouvernement dit qu’aucun élément de preuve ne permet
d’affirmer que l’entreprise mène une campagne hostile pour inciter les travailleurs
membres à se désaffilier.
- 294. Le comité prend note également des informations fournies par le
gouvernement concernant les quatre enquêtes administratives visant l’entreprise qui ont
été sollicitées par l’ACTIFUN auprès de la Direction territoriale du ministère du
Travail de Bolívar et qui se sont soldées comme suit: i) la plainte n° 05636 du
2 septembre 2016 concernant la retenue supposée des cotisations syndicales a été classée
par le ministère du Travail, la violation du droit à la liberté syndicale n’ayant pu
être établie dans la mesure où les cotisations syndicales ont été mises à la disposition
de l’ACTIFUN par l’entreprise (décision no 302 du 25 avril 2018); ii) à la suite de la
plainte n° 07075 du 16 novembre 2016 concernant des faits présumés de persécution
antisyndicale liés au non-respect supposé du processus de négociation, l’entreprise a
d’abord été sanctionnée (décision no 47 du 24 janvier 2019), puis, dans le cadre du
recours intenté par cette dernière, le ministère du Travail a annulé la sanction, ayant
considéré que l’entreprise n’avait pas refusé la négociation collective ni dérogé au
délai prescrit pour engager cette négociation (décision no 0549 du 17 mai 2019); iii) la
plainte no 07576 du 13 décembre 2016 concernant des faits présumés de persécution
antisyndicale a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire qui a été classée par
le ministère du Travail, celui-ci ayant jugé inappropriée l’ouverture d’une procédure
administrative de sanction étant donné que les demandes de l’ACTIFUN ne relevaient pas
de sa compétence, et rappelé à cette dernière qu’elle pouvait saisir la justice
ordinaire pour régler la question (décision no 603 du 24 juillet 2018); et iv) la
plainte no 01757 du 27 mars 2017 concernant la violation présumée du droit d’association
syndicale a été définitivement classée. Le comité observe que ces procédures
administratives ont été engagées entre 2016 et 2017 et qu’elles se sont achevées un an
ou deux après que le ministère du Travail a été saisi. À cet égard, il rappelle que,
lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances
compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires
pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été
constatés. [Voir Compilation, paragr. 1159.] Le comité prend bonne note du règlement des
plaintes administratives susmentionnées et ne poursuivra pas l’examen de l’allégation y
afférente.
- 295. Pour ce qui est des allégations des organisations plaignantes au
sujet de la procédure engagée par l’entreprise aux fins de la dissolution et de la
liquidation de l’ACTIFUN au motif que celle-ci n’avait pas le nombre de membres requis
par la loi, le comité fait observer que, d’après les informations publiques disponibles,
le 5 septembre 2017, la chambre du travail du tribunal supérieur du district judiciaire
de Carthagène a décidé d’annuler la décision datée du 5 avril 2017 de la quatrième
chambre du tribunal du travail de la circonscription de Carthagène à l’issue d’une
procédure sommaire et a rejeté les revendications que l’entreprise a formulées dans sa
requête. Le comité prend bonne note de ces informations. Tout en constatant que la
demande de dissolution judiciaire de l’organisation est intervenue à un moment où de
nombreux membres du Conseil d’administration de cette organisation étaient licenciés, le
comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 296. Le comité prend note des allégations des organisations plaignantes
relatives aux actes d’ingérence commis par l’entreprise pour entraver les protestations
et les réunions publiques. Il prend également note des informations fournies par
l’entreprise selon lesquelles celle-ci interdit l’organisation de réunions publiques
dans son enceinte du fait qu’il s’y déroule des services funéraires, mais reconnaît
néanmoins que l’organisation syndicale est libre d’organiser des marches de protestation
ou des réunions publiques en dehors de l’entreprise.
- 297. Le comité observe en outre que l’entreprise et les organisations
plaignantes ont des points de vue opposés sur le point de savoir si l’activité syndicale
donne lieu ou non à des représailles. À la lumière de ce qui précède, le comité rappelle
que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour
défendre leurs intérêts professionnels. [Voir Compilation, paragr. 208.] Le comité
rappelle également que le droit de réunion est un élément essentiel pour que les
organisations syndicales puissent mener à bien leurs activités, et il appartient aux
organisations d’employeurs et aux organisations de travailleurs de fixer, d’un commun
accord, les modalités d’exercice de ce droit. [Voir Compilation, paragr. 1585.] Sur la
base de ce qui précède, le comité invite le gouvernement à mettre les parties en
présence, afin que celles-ci fixent d’un commun accord les modalités d’exercice des
activités syndicales, garantissant à la fois une représentation effective des
travailleurs et le fonctionnement efficace de l’entreprise.
- 298. Pour ce qui est de la violation présumée du droit de négociation
collective, le comité constate que, d’après les organisations plaignantes:
i) l’entreprise a refusé de valider les deux cahiers de revendications présentés; et
ii) l’ACTIFUN a donc saisi le ministère du Travail d’une requête en vue de la saisine
d’un tribunal arbitral, mais le ministère du Travail a égaré le dossier. Le comité note
que le gouvernement, quant à lui, indique que: i) l’absence d’accord entre les parties
n’est pas synonyme de refus de négocier et n’écarte pas définitivement la possibilité de
conclure un accord, la législation du travail prévoyant la possibilité de convoquer un
tribunal arbitral si les travailleurs réunis en assemblée en décident ainsi; et ii) pour
ce qui est de la demande de saisine d’un tribunal arbitral présentée par l’ACTIFUN, les
documents demandés n’ont pas été communiqués et, une fois passé le délai prescrit, la
clôture du dossier a été ordonnée. Le comité fait en outre observer que, d’après la
décision no 2029 du 2 juin 2016 du ministère du Travail, «[…] l’organisation syndicale
n’a pas donné suite à la mise en demeure […]. Il s’ensuit que le dossier va être classé.
L’organisation syndicale pourra toutefois présenter une nouvelle demande […].» Le comité
note que cette résolution a préservé le droit de l’ACTIFUN de présenter d’autres
demandes ultérieurement.
- 299. Enfin, le comité prend bonne note des informations supplémentaires
fournies par l’entreprise et transmises par le gouvernement le 30 septembre 2022, selon
lesquelles, malgré l’absence de convention collective, un arbitrage engageant l’ACTIFUN
et l’entreprise a été rendu par un tribunal arbitral et s’applique jusqu’au 31 mai
2023.
- 300. Compte tenu des nombreuses allégations du présent cas, le comité
invite pour finir le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour garantir le
plein respect de la liberté syndicale au sein de l’entreprise et à encourager le
dialogue et la négociation collective entre les parties concernées.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 301. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le
gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires
concernant M. Álvarez Castellar et Mme Álvarez Jiménez aboutissent dans les
meilleurs délais et permettent de déterminer s’il y a eu ou non discrimination
antisyndicale de la part de l’entreprise lors du licenciement de ces affiliés
bénéficiant de l’immunité syndicale de circonstance et, le cas échéant, que des
sanctions et des mesures de réparation appropriées soient prises, y compris la
réintégration des travailleurs concernés à leur poste.
- b) Le comité prie le
gouvernement de veiller à ce que M. Cabarcas Taborda, président de l’ACTIFUN, puisse
exercer pleinement ses activités syndicales au sein de l’entreprise, conformément
aux critères de liberté syndicale énoncés dans ses conclusions.
- c) Le comité
invite le gouvernement à s’acquitter, dans le respect des critères applicables à la
liberté syndicale exposés dans ses conclusions, des tâches suivantes:
- (i) mettre les parties en présence afin que celles-ci fixent d’un commun accord les modalités d’exercice des activités syndicales, garantissant à la fois une représentation effective des travailleurs et le fonctionnement efficace de l’entreprise;
- (ii) prendre les mesures qui s’imposent pour garantir le plein respect de la liberté syndicale au sein de l’entreprise et promouvoir le dialogue et la négociation collective entre les parties concernées.
- d) Le
comité considère que le présent cas est clos et n’appelle pas un examen plus
approfondi.