Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement ne
reconnaît pas le statut de syndicat de TruckSol, une division sectorielle du KPTU, et a
porté atteinte à la liberté syndicale de ses membres en émettant des ordonnances de reprise
du travail à l’intention des camionneurs en grève, et en utilisant des véhicules et du
personnel militaires pour effectuer des transports de remplacement lors de la grève
nationale de TruckSol, du 24 novembre au 8 décembre 2022. Elles dénoncent en outre des actes
d’ingérence et de discrimination antisyndicales ainsi que des mesures de rétorsion contre
des camionneurs à la suite de la grève
- 510. La plainte figure dans une communication du Syndicat coréen des
travailleurs du service public et du transport (KPTU), de la Confédération coréenne des
syndicats (KCTU), la Fédération internationale des travailleurs des transports (FIT), de
l’Internationale des services publics (ISP) et de la Confédération syndicale
internationale (CSI) datée du 19 décembre 2022. Dans des communications datées du
3 février et du 5 avril 2023, les organisations plaignantes ont envoyé de nouvelles
allégations et des informations complémentaires.
- 511. Le gouvernement a fourni ses observations dans une communication
datée du 9 janvier 2024.
- 512. La République de Corée a ratifié la convention (no 87) sur la
liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur
le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 513. Dans leurs communications, le KPTU, la KCTU, la FIT, l’ISP et la CSI
allèguent que la réaction du gouvernement à une grève menée du 24 novembre au 8 décembre
2022 par la Division de soutien aux transporteurs routiers de marchandises du KPTU
(KPTU-TruckSol) dans le secteur du transport routier de marchandises a porté atteinte à
la liberté syndicale des travailleurs en grève et de leur organisation. Les
organisations plaignantes déclarent qu’il s’agissait de la seconde action de grève menée
en 2022 par les camionneurs contre le «système de tarification favorisant la sécurité»
qui fixe des taux de salaire de base pour les propriétaires exploitants de
camions-remorques et de camions-citernes pour le transport de conteneurs et de ciment en
vrac. Les camionneurs concernés étaient classés légalement comme «spécialement recrutés»
ou «entrepreneurs indépendants». Le système de tarification favorisant la sécurité
devait expirer à la fin de 2022 conformément à une clause d’extinction prévue dans la
législation. La KPTU-TruckSol a réclamé l’abrogation de la clause d’extinction pour
assurer la pérennité du système de tarification favorisant la sécurité et son extension
à d’autres secteurs du transport. Les organisations plaignantes précisent que,
conformément à l’article 2.13 de la loi relative aux activités de transport par camion
(TTBA), le système de tarification favorisant la sécurité visait à prévenir le
surmenage, l’excès de vitesse et la surcharge en garantissant le recouvrement des coûts
et la rémunération de toutes les heures de travail, et offrait aux camionneurs
bénéficiaires une garantie de base contre la hausse des prix des carburants et du coût
de la vie. Ce système était conforme aux recommandations en faveur d’une «rémunération
durable» énoncées aux paragraphes 76-77 des Principes directeurs sur la promotion du
travail décent et de la sécurité routière dans le secteur des transports de l’OIT.
- 514. Les organisations plaignantes déclarent que les membres de la
KPTU-TruckSol et d’autres camionneurs ont mené une première action de grève du 7 au
14 juin 2022, réclamant le maintien et l’extension du système de tarification favorisant
la sécurité. Ce mouvement de grève a été arrêté, et les camionneurs ont repris le
travail après que le ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports
(MoLIT) et la KPTU-TruckSol sont parvenus à un accord selon lequel le MoLIT s’engageait
à «promouvoir le système existant de tarification favorisant la sécurité et à étudier la
possibilité d’une extension à d’autres types de transport de marchandises». Toutefois,
le gouvernement n’a pas respecté cet engagement, le ministre et le vice-ministre du
Territoire, des Infrastructures et des Transports ayant tous deux déclaré immédiatement
après l’arrêt du mouvement de grève que la clause d’extinction ne pouvait être abrogée,
et le vice-ministre ayant affirmé que le système de tarification favorisant la sécurité
n’était pas adapté à une économie de marché. Les organisations plaignantes allèguent en
outre que, le 29 septembre 2022, le MoLIT a présenté un rapport à l’Assemblée nationale
dans lequel il aboutissait à la conclusion, fondée sur des données inexactes et
incomplètes, que le système de tarification favorisant la sécurité n’avait pas eu une
incidence manifeste sur la sécurité routière et proposait l’abrogation de l’obligation
imposée aux propriétaires de cargaison d’assurer le respect des taux de rémunération
garants de la sécurité, l’allègement des sanctions pour violation et d’autres
modifications qui contribueraient à affaiblir le rôle des syndicats et à rendre le
système de tarification inapplicable. Le 30 septembre, des représentants de la
KPTU-TruckSol se sont rendus au MoLIT pour dénoncer ce rapport. Concernant l’extension
de la protection, le MoLIT a attendu que le syndicat déclare son intention d’organiser
une grève nationale le 14 novembre pour entamer des pourparlers avec la KPTU-TruckSol ou
d’autres parties prenantes. Le 15 novembre, des négociations ont eu lieu entre des
représentants du MoLIT et le syndicat, au cours desquelles les représentants du
gouvernement ont déclaré qu’ils n’accepteraient pas l’extension des taux de rémunération
garants de la sécurité, craignant que cela n’entraîne une augmentation des membres du
syndicat dans les secteurs nouvellement protégés. Les organisations plaignantes
allèguent que, les deux réunions du 30 septembre et du 15 novembre mises à part, le
MoLIT a refusé d’engager un dialogue constructif avec le syndicat.
- 515. Selon les organisations plaignantes, bien qu’avant la grève les
législateurs du Parti démocratique aient proposé des mesures législatives qui auraient
assuré la pérennité du système de tarification favorisant la sécurité et son extension
aux camionneurs travaillant dans les secteurs de la sidérurgie, des marchandises
dangereuses, de l’automobile, de la production de grains et de céréales fourragères, et
de la livraison de colis, les 22 et 23 novembre, d’autres projets de loi ont été déposés
par le Parti du pouvoir populaire en place qui visaient à réviser à plusieurs égards la
législation pour en limiter la protection, notamment en éliminant les obligations
imposées aux propriétaires de cargaison et en modifiant le mode de calcul des taux
minimums, de manière à renforcer le pouvoir du gouvernement en la matière. Dans ce
contexte, la KPTU-TruckSol a exigé à l’occasion de la grève qu’aucune «révision
régressive» ne soit apportée au système de tarification favorisant la sécurité, que la
clause d’extinction soit abrogée et que le système soit étendu à d’autres secteurs.
- 516. Les organisations plaignantes indiquent que le gouvernement a
commencé à préparer sa réponse immédiatement après que le syndicat a annoncé son
intention de faire grève, en relevant le niveau d’alerte en cas de crise à compter du
15 novembre. Le 23 novembre, le ministre chargé du MoLIT a annoncé l’adoption par le
gouvernement d’un plan interministériel prévoyant des mesures telles que l’introduction
de moyens de transport de remplacement, l’exemption des péages routiers pour les
camionneurs non-participants, la suspension des subventions aux carburants pour les
grévistes et la possibilité d’émettre des ordonnances de reprise du travail si la grève
se prolongeait. Des représentants du MoLIT ont déclaré la grève illégale, injustifiée et
guidée par des intérêts personnels, en la qualifiant de «refus collectif de
transport».
- 517. Les organisations plaignantes allèguent que, à compter du
24 novembre 2022, premier jour de la grève, le gouvernement a posté des forces de
l’ordre sur les lieux de grève disséminés dans le pays et a commencé à utiliser des
camions militaires et d’autres véhicules pour effectuer des transports de remplacement.
Des fonctionnaires du MoLIT ont rencontré des représentants des propriétaires de
cargaison et des sociétés de transport et se sont rendus sur des sites de production et
centres logistiques locaux pour suivre la riposte à la grève. Le 27 novembre, le
gouvernement a qualifié la grève d’«accident social» en vertu de la loi-cadre sur la
gestion des catastrophes et la sécurité, au motif qu’elle pouvait déclencher une «crise
dans l’économie nationale», et a convoqué une réunion du centre de gestion des
catastrophes et des contremesures de sécurité. Le 28 novembre, des pourparlers ont eu
lieu entre le MoLIT et le syndicat, qui n’ont rien donné, et le 29 novembre, après une
réunion du Cabinet et avec l’approbation du gouvernement, le MoLIT a émis des
ordonnances de reprise du travail à l’intention des entreprises de transports routiers
et de 2 500 camionneurs du secteur du ciment. Selon les organisations plaignantes,
c’était la première fois que des ordonnances de reprise du travail étaient émises à
l’encontre de camionneurs depuis qu’un tel pouvoir avait été accordé au MoLIT grâce à la
modification de la TTBA, en 2004. Le 30 novembre, le deuxième cycle de négociations
entre le syndicat et le ministère n’a rien donné.
- 518. Les organisations plaignantes déclarent que le 29 novembre 2022, la
Commission des pratiques commerciales loyales (FTC) a publié un communiqué de presse
pour indiquer qu’elle se penchait sur la question de savoir si la KPTU-TruckSol a conclu
une entente illicite et/ou a perpétré des actes interdits aux associations
professionnelles en vertu de la loi sur la réglementation des monopoles et les pratiques
commerciales loyales (FTA) et, le 2 décembre, des représentants de la FTC ont tenté de
mener une enquête dans les locaux de la KPTU-TruckSol à Séoul et à Busan. Selon les
organisations plaignantes, les représentants de la FTC ont demandé à voir un large
éventail de documents non pertinents tels qu’une liste des membres du syndicat. Le
4 décembre, le ministre de l’Économie et des Finances a déclaré que des mesures seraient
prises à l’encontre de ceux qui refusaient de retourner au travail, en violation des
ordonnances de reprise du travail, et de ceux qui incitaient ou aidaient à perpétrer ces
violations. Il a indiqué en outre que la KPTU TruckSol serait tenu pour responsable et a
jugé regrettable que le syndicat ait empêché la FTC d’enquêter sur place. Le 5 décembre,
la KPTU-TruckSol a présenté un avis écrit à la FTC pour soulever des questions
concernant l’objet, la portée et le mode opératoire de l’enquête, et les documents
demandés. Le syndicat a indiqué son intention d’examiner la demande officielle d’enquête
sur place de la FTC et d’y répondre. Dans leur communication datée du 3 février 2023,
les organisations plaignantes déclarent que, comme indiqué dans un communiqué de presse
daté du 18 janvier 2023, la FTC a intenté des poursuites au pénal contre la
KPTU-TruckSol pour ingérence dans une enquête en empêchant les représentants de la FTC
d’entrer dans les locaux du syndicat en violation des articles 124(1) et 13 de la FTA.
Les organisations plaignantes indiquent que cette infraction est passible d’une peine
d’emprisonnement d’une durée maximale de trois ans ou d’une amende pouvant atteindre
200 millions de wons sud-coréens (1 400 000 dollars des États-Unis
(dollars É.-U.)).
- 519. Les organisations plaignantes allèguent que, le 7 décembre 2022, une
plainte a été déposée auprès de la police contre un conducteur de camion-bétonnière qui
n’avait pas repris le travail malgré l’émission d’une ordonnance de reprise du travail,
et une demande de sanction administrative a été déposée contre lui auprès du
gouvernement local compétent. Dans leur communication du 3 février 2023, les
organisations plaignantes allèguent en outre que le MoLIT a porté plainte auprès de la
police contre plusieurs camionneurs qui ne s’étaient pas conformés aux ordonnances de
reprise du travail. La police a saisi le ministère public d’une affaire pour «suffisance
de la preuve», tandis que l’enquête était toujours en cours concernant l’autre
travailleur. Selon les organisations plaignantes, lorsque les procureurs décident de
déposer des accusations, les travailleurs font face à un long procès et, en cas de
condamnation, leur licence de transport de marchandises risque d’être annulée si la
nature de la peine l’exige. Enfin, les organisations plaignantes allèguent que l’un des
camionneurs accusés a reçu un avis de sanction administrative – la suspension de sa
licence pour une durée de trente jours – pour non-respect de l’ordonnance de reprise du
travail.
- 520. Selon les organisations plaignantes, le 2 décembre 2022, la société
coréenne responsable de l’aménagement du territoire et du logement (HL) a annoncé
qu’elle envisagerait la possibilité d’une poursuite en dommages-intérêts contre la
KPTU-TruckSol en cas de dommages. Le 6 décembre, le MoLIT a annoncé qu’il appuierait les
entreprises engageant des poursuites en dommages-intérêts contre le syndicat et, le
7 décembre, une réunion du centre de gestion des catastrophes et des contremesures de
sécurité a eu lieu pour faire le point sur les dommages causés dans chaque secteur par
la grève de la KPTU-TruckSol et pour discuter des contremesures à prendre. Les
organisations plaignantes demandent au comité de prier instamment le gouvernement de
renoncer à ces demandes de dommages-intérêts qui constituent une entrave à l’exercice
légitime du droit de grève.
- 521. Le 8 décembre, après une réunion extraordinaire du cabinet, la
deuxième série d’ordonnances de reprise du travail a été émise, visant 6 000 et
4 500 camionneurs dans les secteurs de la sidérurgie et de la pétrochimie
respectivement. Les organisations plaignantes déclarent que, au vu de toutes les mesures
strictes prises par le gouvernement contre les grévistes et le syndicat, le 8 décembre,
le comité exécutif central de la KPTU-TruckSol a décidé de procéder à un vote en
assemblée générale sur la poursuite ou l’arrêt de la grève. Le lendemain, le 9 décembre,
61,8 pour cent des participants ont voté la fin de la grève nationale et le retour au
travail. Les organisations plaignantes font valoir que, compte tenu de la dureté des
mesures prises par les autorités, face à la menace de sanctions et de punitions qui
pesait sur eux, la plupart des camionneurs ont été forcés de renoncer à leur droit et
ont repris le travail. Les organisations plaignantes évoquent également les déclarations
menaçantes qu’auraient faites plusieurs hauts fonctionnaires – le Président de la
République, le Premier ministre et plusieurs ministres – affirmant que des mesures
strictes seraient prises à l’endroit des contrevenants. Elles ajoutent que, si certains
ministères ont affirmé que la grève était illégale, le ministère de l’Emploi et du
Travail avait annoncé qu’il ne jugeait pas illégale en soi cette action collective, et
le ministre de l’Économie et des Finances avait également déclaré que le refus de
transport était légal pour l’essentiel.
- 522. Les organisations plaignantes indiquent par ailleurs que
l’article 14 de la TTBA, le fondement juridique de l’émission d’ordonnances de reprise
du travail, autorise une telle mesure s’«il existe des motifs raisonnables de croire
qu’un refus collectif de transport injustifié a causé ou pourrait causer une crise grave
dans l’économie nationale en perturbant gravement le transport de marchandises». Le
non-respect des ordonnances de reprise du travail constitue une infraction criminelle,
passible d’une amende pouvant atteindre 30 millions de wons (22 500 dollars É.-U.) ou
d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. Les ordonnances de reprise
du travail émises prévoyaient également d’éventuelles sanctions administratives telles
que la suspension et l’annulation de licences en cas de non-respect. Les organisations
plaignantes rejettent la position du gouvernement selon laquelle la grève provoquait une
situation d’urgence dans l’économie nationale et indiquent que, dans le secteur
pétrochimique, seulement 0,8 pour cent des stations d’essence ont signalé être en
rupture de stock après la grève. Elles affirment également que les dispositions énoncées
à l’article 14 n’étaient pas pleinement respectées, parce que le gouvernement avait
décidé d’émettre les ordonnances avant le début de la grève et que la première série
d’ordonnances avait été rendue seulement cinq jours après le début de la grève, ce qui
montre qu’un jugement arbitraire avait été fait sur l’éventualité d’une crise très grave
causée par la grève au sein de l’économie nationale. Enfin, la situation ne correspond
pas à une «crise aiguë» justifiant des restrictions aux actions revendicatives
conformément aux normes de l’OIT.
- 523. Les organisations plaignantes déclarent en outre que l’article 14 de
la TTBA a été introduit par le gouvernement en 2003, en réponse à deux grèves de la
KPTU-TruckSol, survenues peu de temps après la constitution du syndicat. Au moment où
cet article était examiné à l’Assemblée nationale, des cabinets d’avocats et
organisations de la société civile ont soulevé des questions à son sujet et ont noté
que, à la différence des fonctionnaires nationaux ou des médecins, pour lesquels des
ordonnances de reprise du travail étaient également légales, on ne peut considérer que
les camionneurs sont engagés au service de la population dans leurs fonctions. Elles
soulignent également que, d’un côté, les camionneurs se sont vus priver du droit de
s’organiser et de négocier collectivement en tant qu’entrepreneurs indépendants et, de
l’autre, un système juridique a été introduit en vertu duquel le gouvernement peut les
forcer à travailler. Les organisations plaignantes font valoir que, dans le cas présent,
l’émission des ordonnances de reprise du travail constituant une entrave à l’exercice
légitime du droit de grève par un syndicat, ainsi que la tentative d’enquêter sur lui
pendant la grève et de le sanctionner pour entente illicite en vertu du droit économique
sont autant de violations du principe de la liberté syndicale. Les organisations
plaignantes allèguent que les dispositions de la TTBA autorisant le recours à des
ordonnances de reprise du travail sont incompatibles avec le principe de la liberté
syndicale et l’interdiction du travail forcé. Dans leur communication datée du 3 février
2023, les organisations plaignantes indiquent que, le 19 décembre 2022, M. Choi, un
conducteur de camion-bétonnière de la région de Busan, a présenté au tribunal
administratif de Séoul une requête en contestation de la constitutionnalité des
articles 14(1) et 4 de la TTBA.
- 524. Les organisations plaignantes évoquent également la déclaration du
ministre de l’Économie et des Finances, le 8 décembre 2022, indiquant que cette action
était non pas une grève, mais un «refus de transport» et que la reprise immédiate du
travail était la priorité. En outre, selon les organisations plaignantes, lors d’une
conférence de presse organisée le 2 décembre 2022, le président de la FTC a indiqué que
les membres de la KPTU-TruckSol étaient des propriétaires d’entreprises. Enfin, les
organisations plaignantes mentionnent les dépliants distribués par le gouvernement en
réaction à l’intervention de l’OIT concernant la grève de novembre-décembre 2022, dans
lesquels il était indiqué qu’aucun principe de l’OIT n’avait été violé, la KPTU-TruckSol
pouvant difficilement être considérée en droit comme un syndicat sans avoir obtenu de
certificat de constitution de syndicat ni s’être conformé aux procédures requises en
droit du travail. Les organisations plaignantes affirment à cet égard que, le
gouvernement et les employeurs ayant refusé de reconnaître le statut de syndicat de la
KPTU-TruckSol, la KPTU TruckSol ne peut se conformer aux procédures énoncées dans la loi
sur les syndicats et l’harmonisation des relations de travail (TULRAA). Elles allèguent
néanmoins que l’action de grève de la KPTU-TruckSol, qui concernait les intérêts
professionnels et économiques des travailleurs et visait à trouver une solution à des
questions de politique économique et sociale et à des problèmes touchant directement les
travailleurs, était conforme aux normes internationales du travail.
- 525. S’agissant du refus de reconnaître le statut de syndicat de la
KPTU-TruckSol en vertu de la TULRAA aux motifs que ses membres sont propriétaires
d’entreprise et que la KPTU-TruckSol n’a pas reçu de certificat de constitution de
syndicat, les organisations plaignantes affirment que: a) la KPTU-TruckSol est une
division sectorielle du KPTU, qui est un syndicat industriel en possession d’un
certificat de constitution de syndicat et que la KPTU-TruckSol n’est donc pas tenue de
demander un certificat de constitution distinct, au nom du principe selon lequel les
syndicats sont libres de définir leur structure et leur organisation. En outre, les
activités syndicales légitimes ne devraient pas dépendre de l’enregistrement; b) les
membres de la KPTU-TruckSol qui, en tant que camionneurs propriétaires, sont dépendants
économiquement de ceux pour lesquels ils travaillent dans le secteur du transport
routier de marchandises, peuvent être reconnus comme travailleurs à la lumière des
dernières décisions de la Cour suprême de la République de Corée selon lesquelles la
définition d’un travailleur aux termes de la TULRAA devrait être fondée sur le fait que
la nature exacte de la relation professionnelle dans le cadre de laquelle le travail est
fourni nécessite ou non la protection des droits fondamentaux au travail.
- 526. Concernant la structure du secteur du transport routier de
marchandises et la situation des camionneurs au sein de cette structure, les
organisations plaignantes allèguent que le système de tarification favorisant la
sécurité a été créé pour améliorer les conditions de travail des camionneurs qui doivent
gagner leur vie en fournissant des services de transport mal rémunérés dans le contexte
de la structure d’exploitation du marché du transport de marchandises dans laquelle les
propriétaires de cargaison – de grands conglomérats appelés chaebols pour la plupart –
font baisser les tarifs de transport à des niveaux exagérément bas; les sociétés de
transport et les transitaires imposent des frais excessifs aux chauffeurs, et tous les
frais encourus en cours de transport sont à la charge des camionneurs qui sont au bas de
l’échelle. Les organisations plaignantes déclarent que, depuis sa constitution en 2002,
la KPTU TruckSol a fait de gros efforts pour améliorer la structure inéquitable du
marché du transport de marchandises grâce à l’introduction du système de tarification
favorisant la sécurité.
- 527. Les organisations plaignantes allèguent en outre que, pendant la
grève et par la suite, certaines sociétés de transport ont pris des mesures de rétorsion
et ont perpétré des actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales contre la
KPTU-TruckSol et ceux de ses membres qui ont participé à la grève: a) le 2 décembre,
alors que la grève était en cours, des membres de la section de Cheonan ont reçu un
texto de leurs sociétés de transport leur demandant de «dire rapidement s’ils comptaient
reprendre le travail» et ont été avisés d’une «suspension de travail de sept jours» en
cas de non-réponse à ce message; b) le 9 décembre, des chauffeurs de camion-citerne
membres des sections de Cheonan et de Daesan de la KPTU-TruckSol ont été avisés par
leurs sociétés de transport qu’ils pouvaient reprendre le travail sous réserve de
confirmer par écrit qu’ils se désaffiliaient du syndicat. Les sociétés de transport ont
indiqué aux travailleurs de présenter dès que possible le document confirmant qu’ils
avaient quitté le syndicat, pour qu’elles puissent prévenir les sociétés donneuses
d’ordres (soit les propriétaires de cargaison) et leur redonner du travail; c) les
informations diffusées par les médias ont confirmé que, le 11 décembre, certaines
sociétés de transport ont indiqué aux travailleurs ayant participé à la grève qu’ils
seraient autorisés à reprendre le travail à condition de quitter le syndicat ou de
démissionner dans le cas de dirigeants syndicaux. Les entreprises ont également prévenu
les travailleurs qu’ils n’auraient pas de travail pendant un certain temps ou qu’ils
encouraient d’autres mesures de rétorsion pour avoir pris part à la grève; d) un
dirigeant de la section de Daesan de la KPTU-TruckSol a reçu un avis indiquant que
«d’autres membres du syndicat seront autorisés à reprendre le travail sous réserve de la
démission des dirigeants syndicaux». Un autre membre du syndicat a indiqué que sa
société de transport enjoignait aux dirigeants syndicaux de «quitter la société et de
laisser la société s’occuper de votre camion». À propos de ce dernier incident, les
organisations plaignantes citent les propos du directeur de la division régionale
d’Incheon de la KPTU-TruckSol selon lesquels la FTC a établi une directive en 2019
visant à protéger les travailleurs spécialement recrutés, directive qui a manifestement
été violée dans certains cas.
- 528. Concernant le devenir du système de tarification favorisant la
sécurité au lendemain de la grève, dans leur communication datée du 5 avril 2023, les
organisations plaignantes mentionnent une proposition du gouvernement visant à remplacer
le système de tarification favorisant la sécurité par un «système de tarifs minimums»
qui reviendrait supposément à abroger les obligations imposées aux propriétaires de
cargaison et à éliminer les dispositions prévoyant des sanctions, rendant ainsi la loi
inapplicable dans la pratique. Selon les organisations plaignantes, cette proposition
revenait également à retirer le pouvoir d’établir des modèles de coûts et de fixer des
niveaux de revenu équitables à la commission tripartite chargée des taux de rémunération
garants de la sécurité pour le confier au gouvernement. Qui plus est, elle donnait au
gouvernement le pouvoir de limiter les taux de salaire et d’empêcher la publication des
taux de salaire standard. Autrement dit, la proposition du gouvernement revenait dans
les faits à abolir le système de tarification favorisant la sécurité. Le projet de loi
n’a été débattu qu’au sein du parti au pouvoir et reflétait uniquement la position du
gouvernement. Les organisations plaignantes affirment qu’aucune communication ni
consultation réelle n’ont eu lieu avec la KPTU-TruckSol. Selon les organisations
plaignantes, les réunions que le gouvernement prétend avoir eues avec le syndicat,
notamment avec la commission chargée des taux de rémunération garants de la sécurité, la
création d’un «Conseil de développement de l’industrie de la logistique» avec le
syndicat et l’audience publique organisée le 18 janvier 2023 par le Conseil de
l’industrie de la logistique n’étaient que de simples formalités et non des occasions de
dialogue constructif. En effet, lors de ces réunions, le gouvernement a fait semblant
d’écouter les positions des groupes de parties prenantes sur plusieurs questions de
réglementation du transport routier de marchandises, notamment sur le système de
tarification favorisant la sécurité. Toutefois, selon les organisations plaignantes, le
gouvernement n’a pas tenté de prendre en compte la position de la KPTU-TruckSol ou des
associations représentant les sociétés de transport concernant le maintien du système de
tarification favorisant la sécurité, et a plutôt fait valoir sa propre proposition à
l’issue de ces réunions.
- 529. Dans leur communication datée du 5 avril 2023, les organisations
plaignantes ont également réagi aux déclarations du gouvernement selon lesquelles, lors
de la grève de juin 2022, la KPTU-TruckSol a commis des actions illégales –
perturbations des transports, agressions violentes et menaces notamment – et que, lors
de la grève de novembre 2022, ses membres ont commis des actes de violence, détruit des
infrastructures et proféré des menaces à l’encontre de membres non grévistes de la
KPTU-TruckSol et de camionneurs non affiliés au syndicat. Les organisations plaignantes
confirment que de regrettables cas de violation de la loi se sont produits lors de la
grève, mais affirment qu’il s’agissait d’actes isolés commis par un très petit nombre de
camionneurs et que, contrairement aux allégations du gouvernement, la KPTU-TruckSol n’a
jamais préconisé le recours délibéré à la violence ni à l’intimidation dans les actions
de grève.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 530. Dans sa communication du 9 janvier 2024, le gouvernement indique que
les allégations des organisations plaignantes de violation des conventions nos 87 et 98
ne sont pas fondées, que le refus collectif de transport de la KPTU-TruckSol en novembre
2022 a eu de graves conséquences sociales et économiques et que, contrairement aux
allégations des organisations plaignantes, le gouvernement a respecté les normes de
l’OIT en s’employant à résoudre cette crise aiguë.
- 531. Le gouvernement présente sa version des faits concernant le
contexte, la réponse à la grève de novembre-décembre 2022 – qui est désignée comme étant
le «refus collectif de transport» – et ses retombées. Le gouvernement précise que, en
vertu du système de tarification favorisant la sécurité, le fret dû par l’expéditeur à
l’opérateur de transport ou au camionneur propriétaire exploitant n’est pas inférieur
aux tarifs de transport routier de marchandises garant de la sécurité. De plus, le fret
routier que l’opérateur de transport doit payer au camionneur propriétaire exploitant
est calculé à un taux garant de la sécurité. Le gouvernement indique que la TTBA
institue une commission de l’application de taux de fret routier favorisant la sécurité
(CSFRT) en vue de déterminer et d’ajuster des coûts du transport par camion favorisant
la sécurité ainsi que leur champ d’application. Les 13 membres de la commission
représentent les camionneurs propriétaires exploitants, les opérateurs de transport, les
expéditeurs et l’intérêt public. La CSFRT examine les questions suivantes: 1) les frais
fixes, dont les frais de personnel et la dotation aux amortissements; 2) les charges
variables, y compris les frais de carburant et le coût des pièces de rechange;
3) d’autres questions prescrites par décret présidentiel telles que les pénalités de
retard et le niveau des services offerts par les fournisseurs de services de
transport.
- 532. Concernant le «refus collectif de transport de marchandises» du 7 au
14 juin 2022, le gouvernement indique qu’il a entraîné une baisse du trafic de
conteneurs de 32,4 pour cent par rapport aux niveaux habituels, d’où un préjudice
équivalant à 1,24 milliard de dollars É.-U. Selon le gouvernement, la KPTU-TruckSol
s’est livrée à cette occasion à des activités illégales – perturbations des transports,
agressions violentes et menaces à l’encontre de membres ne participant pas à l’action
collective et de camionneurs non affiliés au syndicat. Lors de cette action collective,
le gouvernement a organisé cinq réunions avec la KPTU-TruckSol et, en réponse à la
proposition du gouvernement de «poursuivre les discussions» concernant le maintien du
système et son extension à d’autres types de transport de marchandises, les membres de
l’organisation ont repris les services de transport le 14 juin. Le gouvernement affirme
n’avoir abouti alors à aucun accord avec la KPTU-TruckSol, car le maintien du système de
tarification favorisant la sécurité nécessitait l’adoption à l’Assemblée nationale d’un
amendement législatif à la TTBA et ne dépendait donc pas de la volonté du gouvernement.
Le gouvernement indique que, après ces événements, il a poursuivi le dialogue avec les
parties prenantes, y compris les membres de la CSFRT et du «Conseil du secteur du
transport de marchandises». Selon le gouvernement, entre le premier refus collectif de
transport, en juin 2022, et le second, en novembre 2022, le gouvernement a eu au total
cinq réunions avec la KPTU-TruckSol.
- 533. Le gouvernement indique que, seulement cinq mois plus tard, la
KPTU-TruckSol a entamé un second «refus collectif de transport» d’une durée indéfinie à
l’échelle du pays, malgré les tentatives de dialogue du gouvernement. Ce second «refus»
a eu de graves retombées sociales et économiques sur le transport routier, du fait de la
situation géographique de la République de Corée ainsi que de sa dépendance
prédominante, pour les importations et les exportations, des ports et du transport
intérieur de marchandises. En outre, le refus collectif a été marqué par des actes de
violence, de vandalisme et d’intimidation envers les non-participants, qui ont entraîné
des arrêts de travail chez ces derniers, aggravant encore la situation du transport des
marchandises. Le gouvernement confirme par ailleurs la version des faits des
organisations plaignantes concernant la déclaration de l’état d’urgence, les deux
réunions infructueuses entre le gouvernement et la KPTU-Truck-Sol, l’émission
d’ordonnances de reprise du travail et l’arrêt de l’action collective par le syndicat le
9 décembre 2022.
- 534. Le gouvernement indique qu’il reconnaît les syndicats en tant que
principaux partenaires stratégiques et qu’il appuie diverses politiques prônant le
respect de la valeur du travail. Il mentionne la ratification des conventions nos 87 et
98, le 20 avril 2021 et l’adoption de plusieurs amendements à la législation nationale
en prévision de ces ratifications. Il évoque également sa promotion de la réforme du
travail pour la création d’un marché du travail durable qui applique des normes
mondiales telles que les normes de l’OIT et les meilleures pratiques en usage dans les
grands pays, ainsi que les mesures de lutte contre les écarts salariaux injustes et le
dualisme du marché du travail. Le gouvernement mentionne également l’accord signé en
février 2023 entre les principaux entrepreneurs et sous-traitants du secteur de la
construction navale, et les efforts déployés sans relâche pour étendre cette initiative
à d’autres secteurs d’activité.
- 535. Concernant le statut de la KPTU-TruckSol, le gouvernement affirme
que la TULRAA protège les droits en matière de liberté syndicale et de négociation
collective des camionneurs du transport routier de marchandises. Il indique que les
titulaires d’un type d’emploi spécial – qui sont classés comme travailleurs en vertu de
la TULRAA, comme les livreurs, chauffeurs/conducteurs désignés, livreurs de colis,
cyclistes professionnels, chauffeurs routiers (distincts des membres de la
KPTU-TruckSol), tuteurs de soutien scolaire, professionnels de l’assurance-vie et coachs
professionnels – ont constitué divers syndicats et participent à des activités
syndicales en toute légalité. Néanmoins, le gouvernement distingue des catégories
précitées la plupart des camionneurs propriétaires exploitants qui sont membres de la
KPTU-TruckSol étant donné qu’ils possèdent leurs propres véhicules, qu’ils sont
enregistrés en tant qu’entreprises individuelles et en possession d’une licence établie
à leur nom propre leur permettant d’exploiter leur propre entreprise de transport de
marchandises. En conséquence, selon le gouvernement, la KPTU-TruckSol est une
association professionnelle composée d’entreprises individuelles, et le refus collectif
de transport de la KPTU-TruckSol constitue non pas une grève protégée en vertu de la
Constitution de Corée ou des normes internationales du travail, mais un refus de
transaction déloyal de la part d’une «association d’intérêts».
- 536. Par ailleurs, le gouvernement indique que la KPTU-TruckSol n’a pas
les mêmes activités que les syndicats relevant de la TULRAA, en s’abstenant de déclarer
sa constitution et de se conformer aux procédures minimums requises dans la TULRAA pour
la négociation collective et les actions collectives. En conséquence, le gouvernement
conclut que ces activités ne sont pas protégées par le droit à l’action collective et à
la négociation collective en vertu de la TULRAA. Le gouvernement affirme à cet égard que
le système d’enregistrement des syndicats de la République de Corée (le système de
déclaration d’enregistrement de syndicat) n’est pas une forme d’homologation, les
autorités administratives n’ayant pas de pouvoir discrétionnaire et devant accepter la
demande et émettre le certificat de constitution du syndicat si la demande satisfait aux
exigences requises. Le gouvernement souligne que l’enregistrement officiel est la
première condition à remplir pour qu’un syndicat bénéficie de la protection de la
TULRAA, et que la KPTU-TruckSol s’est pourtant abstenue ces dernières années d’exercer
son droit de reconnaissance par un enregistrement officiel.
- 537. Concernant l’objectif du «refus collectif de transport» dans le
présent cas, le gouvernement indique que le maintien et l’extension du système de
tarification favorisant la sécurité réclamés par la KPTU-TruckSol suscitent des
inquiétudes au sujet des retombées sociales négatives à prévoir, étant donné que ce
système ne permet pas de faire un calcul objectif des taux de fret. Le gouvernement
précise à cet égard que: i) les processus d’établissement des coûts manquent
d’objectivité en ce sens que les enquêtes effectuées concernant 17 éléments sur 25
n’étaient pas fondées sur des données objectives; ii) le revenu des camionneurs
propriétaires exploitants a été déterminé dans le cadre de négociations entre les
membres de la CSFRT, dont la structure favorise les opérateurs de transport et les
camionneurs propriétaires exploitants bénéficiant d’un revenu garanti et dont les
intérêts se complètent, au détriment des expéditeurs qui paient le fret; iii) tous les
opérateurs de transport – pas les camionneurs propriétaires exploitants – étaient
assurés d’un profit (à environ 12 pour cent), ce qui était contraire au principe des
marchés concurrentiels, entraînait une hausse des coûts logistiques et était une charge
pour les entreprises et le public.
- 538. Concernant les retombées sociales et économiques du «refus collectif
de transport» de la KPTU-TruckSol, le gouvernement indique que, étant un pays insulaire,
la République de Corée est tributaire du transport aérien et maritime pour ses
importations et exportations de tous les biens essentiels dont dépendent la vie et la
sécurité de la population coréenne – aliments, fournitures médicales et hydrocarbures,
notamment. Le refus collectif de transport de novembre 2022 a entraîné une baisse du
volume de conteneurs chargés ou déchargés dans les ports coréens, qui est passé à
60 pour cent du volume habituel. En République de Corée, la part du transport routier de
marchandises est très élevée (92,9 pour cent en 2021). De ce fait, toute interruption
prolongée du transport routier de marchandises a d’importantes retombées négatives sur
la vie, la santé et la sécurité personnelle de la population dans tout le pays. Le
gouvernement indique, par exemple, que selon certains professionnels de la santé le
refus collectif de transport peut entraîner une pénurie de médicaments importés. Le
gouvernement ajoute que le refus collectif de transport de novembre 2022 a bloqué
l’expédition de produits industriels essentiels tels que le ciment, l’acier et les
produits pétrochimiques. Les expéditions de ciment ont chuté de 95 pour cent, et 55 pour
cent de tous les chantiers de construction du pays ont été touchés, ce qui a soulevé de
graves préoccupations concernant les emplois et les moyens de subsistance des
travailleurs journaliers présents sur ces chantiers. Par ailleurs, la construction de
71,3 pour cent des logements sociaux destinés aux groupes à faible revenu a été
interrompue, retardant jusqu’à cinq mois les dates d’emménagement. Le gouvernement
ajoute que, dans les industries sidérurgique et pétrochimique, le transport de
marchandises a chuté de 50 et 70-80 pour cent respectivement. Les capacités de stockage
ont diminué dans les usines et, si le refus collectif de transport s’était poursuivi
plus longtemps, les usines pétrochimiques auraient dû fermer pendant au moins quinze
jours. Le refus collectif de transport a également touché les raffineries de pétrole.
Selon le gouvernement, si les produits pétroliers n’étaient pas livrés à temps, les
moyens d’existence et la santé de la population coréenne pendant la saison hivernale
s’en trouveraient affectés, avec des conséquences particulièrement graves pour les
groupes les plus vulnérables de la population. Selon les estimations des secteurs
touchés, les perturbations du transport de marchandises résultant du refus collectif de
transport pendant seize jours a causé un préjudice d’une valeur totale de 3,4 milliards
de dollars É.-U., dont 1,3 milliard de dollars É.-U. dans le secteur sidérurgique et
1,1 milliard de dollars É.-U. dans le secteur pétrochimique.
- 539. Le gouvernement indique également que le refus de transport a été
qualifié de «désastre social» en vertu de la loi-cadre sur la gestion des catastrophes
et la sécurité, parce qu’il a effectivement paralysé les infrastructures de base du
pays. Le refus de transport a eu des répercussions négatives sur les grandes plateformes
logistiques, notamment dans les secteurs de la sidérurgie et du raffinage, ainsi que
dans les principaux ports. Les chantiers de construction ainsi que d’autres secteurs,
dont la sidérurgie, n’ont pas tardé à en subir les conséquences. Le MoLIT, agissant
comme institution chargée de superviser la gestion des catastrophes dans les cas
d’accidents de transport routier de marchandises, a décrété que le niveau d’alerte
maximal était atteint dans cette crise et, le 28 novembre, a décrété l’état d’urgence,
qui nécessitait l’intervention du Centre de gestion des catastrophes et des
contremesures de sécurité chargé de gérer la crise.
- 540. Le gouvernement affirme en outre que l’émission d’ordonnances de
reprise du travail et l’utilisation de services de transport de remplacement en réponse
au «refus collectif de transport» de la KPTU-TruckSol étaient conformes aux dispositions
des conventions nos 87 et 98 de l’OIT et au principe de la liberté syndicale. Le
gouvernement indique à cet égard que le droit de grève n’est pas inaliénable et que le
Comité de la liberté syndicale a estimé que le recours à des ordonnances de reprise du
travail et à des services de remplacement était justifié dans certaines conditions, en
particulier lorsque la grève a lieu dans un secteur de services essentiels, au sens
strict du terme, ou qu’elle peut provoquer une crise nationale aiguë. Le gouvernement
déclare que, bien que les services de transport de marchandises ne soient pas considérés
comme des services essentiels par le Comité de la liberté syndicale et que, dans cet
esprit, ils ne figurent pas dans la liste des services essentiels en vertu de la TULRAA,
les circonstances particulières du présent cas exigeaient l’émission d’ordonnances de
reprise du travail et l’utilisation de services de remplacement pour assurer un service
minimal. À cet égard, le gouvernement souligne qu’il s’agissait de la seconde grève de
camionneurs en six mois à l’échelle nationale et rappelle les points soulevés concernant
la dépendance du pays des transports routiers intérieurs et les répercussions de la
grève sur l’économie et la société dans son ensemble. Le gouvernement ajoute que, après
le déclenchement de l’état d’urgence, il n’a eu d’autre choix que d’émettre des
ordonnances de reprise du travail à l’intention d’un nombre limité de sociétés de
transport et de camionneurs dans le secteur du ciment le 28 novembre et à l’intention
d’un nombre limité de camionneurs dans les secteurs de la sidérurgie et de la
pétrochimie le 8 décembre. Selon le gouvernement, le refus de transport répété et
prolongé de la KPTU-TruckSol, combiné aux actes de violence perpétrés par des membres de
la KPTU-TruckSol contre des camionneurs non participants, a provoqué une crise nationale
aiguë qui exigeait l’intervention du gouvernement en vue d’assurer un service
minimum.
- 541. Concernant le champ d’application des ordonnances de reprise du
travail émises, le gouvernement indique que, sur un total de 445 000 camionneurs, le
gouvernement a limité les travailleurs visés par les ordonnances de reprise du travail
aux 12 500 chauffeurs des secteurs du ciment, de la sidérurgie et de la pétrochimie.
Dans la pratique, les ordonnances ont été émises conformément à des procédures strictes
et limitées aux cas suivants: i) un site de camionnage a fait l’objet d’une enquête sur
place par un fonctionnaire; ii) une demande de transport a été rejetée. En conséquence,
le nombre de camionneurs qui ont effectivement reçu une ordonnance de reprise du travail
a été strictement limité à 932 individus, représentant seulement 4,2 pour cent des
22 000 camionneurs affiliés à la KPTU-TruckSol (soit 0,02 pour cent du total de
445 000 camionneurs). Cela confirme que le gouvernement a limité strictement les
ordonnances de reprise du travail émises dans le seul but d’assurer un service
minimum.
- 542. Le gouvernement précise également que l’émission d’ordonnances de
reprise du travail était conforme aux dispositions de la convention (no 29) sur le
travail forcé, 1930, ainsi qu’aux lois et procédures nationales.
- 543. Concernant l’utilisation de services de transport de remplacement,
le gouvernement indique qu’il a jugé nécessaire de déployer un nombre limité de
véhicules d’organismes publics pour atténuer les perturbations causées par des actes
d’intimidation et de violence perpétrés par des participants au refus collectif de
transport et les barrages qu’ils ont érigés pour empêcher les camionneurs non
participants d’accéder aux principales plateformes logistiques. Le gouvernement a fourni
69 camions porte-conteneurs (et 150 chauffeurs) gérés par le ministère de la Défense
(MOD), 24 véhicules (et 50 chauffeurs) appartenant au MOD; 18 camions (et 45 chauffeurs)
gérés par l’Office régional de la construction et de la gestion relevant du MoLIT,
4 camions (et 10 chauffeurs) de la Société des autoroutes de la République de Corée. Ces
véhicules ont été déployés dans les principales plateformes logistiques pour le
transport des marchandises de première nécessité importées ou exportées, assurant au
total 2 678 expéditions. Le gouvernement précise que le volume des expéditions assurées
était bien inférieur à la normale et conclut que l’utilisation de services de
remplacement dans le présent cas était conforme aux normes de l’OIT et à la pratique du
Comité de la liberté syndicale.
- 544. S’agissant de l’enquête de la FTC auprès de la KPTU-TruckSol au
sujet des allégations d’entente illicite et/ou d’actes interdits aux associations
professionnelles, le gouvernement fournit des précisions concernant le champ
d’application et le contenu de la loi sur la Réglementation des monopoles et les
pratiques commerciales loyales (FTA) et indique que l’enquête est une mesure légitime
d’application de la loi dans ce contexte. La FTA vise à promouvoir une concurrence libre
et loyale en réglementant les ententes illicites et les pratiques commerciales
déloyales. La FTA s’applique aux actes commis par des «entreprises» et des «associations
professionnelles» et peut s’appliquer à des entités qui sont également considérées comme
des syndicats ou des travailleurs en vertu de la TULRAA. Le gouvernement explique que,
en déterminant si une personne peut être considérée comme une entreprise ou une
association commerciale, la FTC se demande si elle peut offrir des services ou des
produits en échange d’une rémunération, indépendamment du type d’entreprise ou de la
structure d’organisation. Le gouvernement cite les cas du Syndicat coréen des
travailleurs de la construction (KCWU) et de la Fédération coréenne des syndicats des
travailleurs portuaires et des travailleurs des transports (KFPTWU), deux syndicats
légalement constitués en vertu de la TULRAA, qui ont été sanctionnés pour violations de
la FTA. Le gouvernement ajoute que la Cour suprême de la République de Corée a jugé que
la FTA pouvait s’appliquer à des syndicats. Plus précisément, dans une décision datée du
13 juillet 2023, la Cour suprême a qualifié d’«entreprise» le Syndicat des travailleurs
portuaires et des travailleurs des transports d’Ulsan qui entravait le chargement et le
déchargement de cargaisons par un syndicat concurrent. Aux termes de cette décision, un
syndicat qui a obtenu une licence d’agence de placement a à la fois le statut de
syndicat et celui d’entreprise, et il est donc justifié d’appliquer la FTA à ce
syndicat.
- 545. Concernant le motif de l’enquête menée par la FTC sur la
KPTU-TruckSol, le gouvernement indique que la plupart des membres de cette organisation
sont enregistrés comme entreprises individuelles fournissant des services de transport
de marchandises soit directement, soit en consignation. La KPTU-TruckSol est donc
considérée comme une association syndicale constituée en vue de promouvoir les intérêts
communs de ces entreprises de camionnage. L’enquête concernait des allégations de
violation de l’article 51 de la FTA, notamment en obligeant des membres associés à
refuser de fournir des services de transport et en entravant les activités de transport
d’entreprises non affiliées à la KPTU-TruckSol par le recours à la violence ou
l’occupation de centres de distribution. Le gouvernement affirme que l’enquête ne
concernait pas le refus de transport en tant que tel.
- 546. Le gouvernement indique en outre que, conformément à l’article 81 de
la FTA, les enquêtes menées par la FTC sont purement administratives et ne requièrent
pas de mandat judiciaire ni la présence de forces de l’ordre. Conformément à ce même
article, la FTC a demandé à voir la documentation minimum nécessaire aux fins de son
enquête, ainsi qu’une liste des entreprises affiliées à la KPTU-TruckSol, demande
légitime pour les besoins d’une enquête sur d’éventuels actes interdits commis par
l’association syndicale. Les forces de l’ordre n’ont pas été mobilisées, et des locaux
du syndicat n’ont pas été soumis à une fouille illégale. Le gouvernement ajoute que la
KPTU-TruckSol a refusé de coopérer en bloquant délibérément l’accès des locaux aux
fonctionnaires de la FTC et en refusant du même coup de participer à une enquête légale
et pacifique de la FTC sans donner de raisons valables pour justifier son refus de
coopérer. Comme la FTA contient des dispositions prévoyant des sanctions pour ingérence
dans une enquête (article 124), la FTC a porté plainte pour entrave au déroulement d’une
enquête et, le 9 août 2023, le ministère public a inculpé la KPTU-TruckSol pour
violation de la FTA. Le gouvernement confirme les indications des organisations
plaignantes concernant la sanction qui serait imposée à la KPTU-TruckSol si sa
culpabilité était reconnue.
- 547. Concernant la présence des forces de l’ordre sur les lieux de la
grève, le gouvernement indique qu’il fallait maintenir l’ordre public et évoque les
actes illégaux commis lors du refus collectif de transport de novembre 2022, qui ont
donné lieu à 781 incidents signalés au numéro d’urgence 112. Le gouvernement indique que
des délits d’entrave à l’activité économique et à l’administration publique ont été
commis et que les dirigeants de la KPTU-TruckSol ont tiré des billes d’acier sur
certains véhicules transportant des marchandises, endommageant les véhicules et blessant
les chauffeurs. Le gouvernement affirme que ces incidents n’étaient pas des actes isolés
commis par certains camionneurs et qu’ils constituaient une menace grave à l’ordre
public et à la sécurité. Par conséquent, on ne peut en déduire que la présence des
forces de l’ordre portait atteinte aux libertés civiles des grévistes ou à leur droit de
grève. Le gouvernement mentionne en outre certaines sanctions pénales prises contre des
dirigeants et des membres de la KPTU-TruckSol qui avaient commis des actes de violence
et d’intimidation et proféré des menaces contre d’autres conducteurs: le 26 novembre
2022, trois dirigeants de la KPTU-TruckSol ont tiré des balles en acier contre
2 véhicules transportant des marchandises dans le nouveau port de Busan, endommageant
les véhicules et blessant les chauffeurs. L’un d’entre eux a été condamné à deux ans
d’emprisonnement, et les deux autres à dix-huit mois. En mars 2023, le tribunal de
première instance a condamné à huit mois de prison et deux années de probation un
camionneur membre de la KPTU-TruckSol qui avait répandu sur la route plus de 700 pointes
en acier d’une longueur de 9 centimètres, endommageant les pneus de 6 véhicules. Par
ailleurs, entre le 30 novembre et le 1er décembre, un camionneur propriétaire exploitant
qui avait envoyé des textos à des opérateurs de transport les menaçant de «représailles
après la grève» a été mis en détention. Le gouvernement indique que, selon l’Agence de
police nationale, 66 individus faisaient l’objet d’une enquête pour des allégations de
violence, d’intimidation et de dégâts matériels liées aux deux refus collectifs de
transport de la KPTU-TruckSol en juin et novembre de 2022. Enfin, le gouvernement
indique que seuls les camionneurs ayant commis des actes illégaux risquent des sanctions
pénales.
- 548. Concernant la demande des organisations plaignantes selon laquelle
le gouvernement devrait être prié instamment de renoncer à des demandes de
dommages-intérêts constituant une entrave à l’exercice légitime du droit de grève, le
gouvernement indique que, à son avis, rien dans les conventions de l’OIT ni dans la
pratique du Comité de la liberté syndicale n’oblige les membres de l’Organisation à
interdire tous les recours civils, en particulier lorsque les entreprises subissent les
conséquences d’un bris de contrat dû à un refus de transport illégal et prolongé.
- 549. Concernant les allégations d’actes d’ingérence et de discrimination
antisyndicales, le gouvernement indique que, en vertu de la FTA, la FTC interdit l’abus
de position commerciale dominante et, en particulier, réglemente les pratiques
commerciales déloyales de la part des entreprises à l’endroit des fournisseurs de
main-d’œuvre au moyen de directives pour l’examen des cas d’abus de position dominante
pour les fournisseurs de main-d’œuvre. Selon le gouvernement, ces directives stipulent
que les entreprises qui exploitent leur position commerciale pour résilier abusivement
un contrat, ce qui équivaut à un refus de transaction, violent la FTA. Le gouvernement
ajoute cependant qu’aucune violation de ce type n’a été signalée à la FTC.
- 550. Concernant le devenir du système de tarification favorisant la
sécurité, le gouvernement rejette l’allégation des organisations plaignantes selon
laquelle sa proposition de le remplacer par un «système de tarification de fret
normalisée» équivaut à abolir le système existant de tarification favorisant la sécurité
et indique que la solution de remplacement proposée maintient la structure de
tarification existante, tout en garantissant le paiement de taux de fret par les
opérateurs de transport aux camionneurs propriétaires exploitants. En vertu de ce
système, les parties responsables du paiement des frais de transport aux camionneurs
propriétaires exploitants sont non pas les expéditeurs, mais les opérateurs de
transport. Les taux sont déterminés par la CSFRT, et le gouvernement annonce
publiquement ces taux. Le gouvernement affirme que la solution de remplacement proposée
vise à remédier aux limites du système de tarification favorisant la sécurité en
utilisant des données objectives, et non plus des données recueillies au moyen de
questionnaires, pour calculer les coûts. Par ailleurs, la structure de la CSFRT sera
modifiée: le nombre de membres représentant en toute neutralité l’intérêt public sera
augmenté, et le nombre de membres représentant les opérateurs de transport et les
camionneurs-propriétaires sera ajusté au nombre de membres représentant les expéditeurs.
Le système de tarification de fret normalisée fournit des lignes directrices aux
expéditeurs et aux opérateurs de transport, mais garantit aussi la liberté contractuelle
ainsi qu’un certain taux de fret pour les camionneurs-propriétaires. Le gouvernement
indique que, après la présentation à l’Assemblée nationale de la proposition
d’amendement de la TTBA, le 9 février 2023, le gouvernement est resté en communication
avec l’Assemblée nationale et diverses parties prenantes, dont la KPTU-TruckSol. Selon
le gouvernement, le 31 octobre 2023, la KPTU-TruckSol a réclamé un examen accéléré de la
proposition d’amendement du gouvernement et, le 3 novembre 2023, a réitéré sa demande
auprès de l’opposition. Le gouvernement considère que cette démarche révèle un
revirement de la part de la KPTU TruckSol et prie le comité de tenir pleinement compte
des efforts qu’il a déployés pour régler ces questions par la communication et la prise
en compte de l’évolution de la situation. Enfin, le gouvernement indique que son projet
de loi est toujours en instance à l’Assemblée nationale et que, pour remédier à ce
retard pris dans le processus législatif, le MoLIT est en train de rédiger une série de
«directives normalisées de tarification de fret». En outre, pour protéger les
camionneurs propriétaires exploitants contre les traitements injustes de la part des
sociétés de transport, le MoLIT compte faire état dans le décret d’application de la
TTBA des pratiques déloyales telles que les exigences financières déraisonnables de la
part des sociétés de transport et introduire des sanctions pour ces violations.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 551. Le comité note que ce cas concerne le refus du gouvernement de
reconnaître le statut de syndicat de la KPTU-TruckSol et les mesures qu’il a prises en
réponse à l’arrêt de travail déclenché par cette organisation entre le 24 novembre et le
9 décembre 2022.
- 552. Le comité note que les organisations plaignantes évoquent diverses
déclarations officielles du gouvernement, en indiquant que les membres de la
KPTU-TruckSol sont non pas de simples travailleurs, mais des propriétaires d’entreprises
et que l’action collective organisée par la KPTU TruckSol était non pas une grève, mais
un «refus collectif de transport». Le comité note que la réponse du gouvernement
confirme le refus allégué de reconnaître le statut de la KPTU-TruckSol en tant que
syndicat, considérant qu’il affirme que cette organisation est une association
commerciale composée d’entreprises et que le refus collectif de transport de la
KPTU-TruckSol est non pas une grève protégée en vertu de la Constitution coréenne et des
normes internationales du travail, mais un «refus de transaction déloyal» de la part
d’une association d’intérêts. Le comité note que, pour étayer sa position, le
gouvernement indique également que la KPTU-TruckSol n’a pas demandé ces dernières années
de certificat de constitution de syndicat et n’a pas suivi la procédure énoncée dans la
TULRAA pour déclencher un mouvement de grève. Le comité note la réponse des
organisations plaignantes à ces affirmations, selon laquelle la KPTU-TruckSol se définit
comme une division sectorielle du KPTU et ne juge pas nécessaire à ce titre de présenter
une demande séparée de certificat de constitution de syndicat; et que les membres de
cette organisation sont économiquement dépendants de ceux pour lesquels ils travaillent
dans le secteur du transport routier de marchandises, soit les propriétaires de
cargaison et les sociétés de transport, et devraient donc être reconnus comme
travailleurs en vertu de la TULRAA.
- 553. Le comité rappelle que la question du refus du gouvernement coréen
et des employeurs de reconnaître les camionneurs propriétaires, en particulier les
propriétaires de camions-bétonnières ou de camions-bennes, comme des travailleurs et de
l’instruction donnée par le gouvernement aux syndicats d’exclure ces personnes en tant
que membres a été soulevée en 2009 dans le cas no 2602. [Voir 355e rapport, paragr. 636,
et 359e rapport, paragr. 348-349.] À l’époque, le comité avait prié le gouvernement «de
prendre les mesures nécessaires pour garantir que tous les travailleurs, y compris les
“travailleurs indépendants”, comme les conducteurs de véhicules de transport de charges
lourdes, peuvent jouir pleinement des droits de liberté syndicale dans les organisations
de leur choix en vue de promouvoir et de défendre leurs intérêts, notamment le droit de
s’affilier à la fédération ou la confédération de leur choix, sous réserve des statuts
de l’organisation intéressée et sans autorisation préalable» et «d’organiser des
consultations avec l’ensemble des parties concernées afin de trouver une solution qui
satisfasse les deux parties de manière à ce que, d’une part, les travailleurs
indépendants puissent jouir pleinement de leurs droits syndicaux conformément aux
conventions nos 87 et 98 pour promouvoir et défendre leurs intérêts, y compris par le
biais de la négociation collective». [Voir 359e rapport, paragr. 370 b) et d).]
- 554. Le comité rappelle en outre que, dans le cas no 3237 (2018),
certaines allégations concernaient une grève nationale organisée par la KPTU-TruckSol et
que les organisations plaignantes avaient expliqué à titre d’information que «la plupart
des conducteurs de camions de la République de Corée travaillent dans le cadre d’une
forme d’emploi déguisée. Les conducteurs achètent leur propre camion, mais ont en
réalité une relation contractuelle d’extrême dépendance à l’égard des sociétés de
transport et de leurs clients (propriétaires des marchandises), qui font appel à ces
sociétés. Ils sont considérés comme “spécialement recrutés” et, à ce titre, ne sont pas
reconnus comme des travailleurs bénéficiant des droits à la liberté syndicale, à la
négociation collective et aux actions collectives, droits garantis par la Constitution».
[Voir 386e rapport, paragr. 172.] À l’époque, le gouvernement avait répondu que «la
TULRAA s’applique seulement aux salariés. Ceux exerçant leur activité dans le cadre de
régimes d’emploi spéciaux, y compris les conducteurs propriétaires de véhicules de
transport de charges lourdes (ceux dont les camions sont enregistrés sous le nom d’une
compagnie de transport, mais appartiennent à leurs conducteurs), qui présentent à la
fois les caractéristiques des travailleurs indépendants et celles des salariés, peuvent
difficilement être tous considérés comme des salariés. Les tribunaux définissent leur
statut au cas par cas. Alors que ces régimes d’emploi concernent de plus en plus de
personnes, celles-ci font face à de mauvaises conditions de travail et bénéficient d’une
faible protection juridique de leurs droits fondamentaux au travail. Pour remédier à
cette situation, le gouvernement «a fait de la garantie des droits fondamentaux au
travail pour les personnes exerçant leur activité dans le cadre de régimes d’emploi
spéciaux une des priorités de sa politique et prévoit d’élaborer et de mettre en œuvre
des mesures spécifiques de protection, après la tenue de larges débats avec les
partenaires tripartites et des experts». [Voir 386e rapport, paragr. 190.] Le comité
avait noté avec intérêt la priorité accordée par le gouvernement à cette question et
avait prié ce dernier de le tenir informé des mesures adoptées à cet égard. [Voir
386e rapport, paragr. 209.]
- 555. Le comité note que toutes les questions soulevées dans le présent
cas découlent du refus persistant de reconnaître comme syndicats des organisations de
camionneurs propriétaires «spécialement recrutés» ou «indépendants». Par conséquent, il
réitère sa recommandation précédente et prie instamment le gouvernement de prendre
toutes les mesures nécessaires pour que ces travailleurs puissent exercer pleinement
leurs droits syndicaux.
- 556. Concernant la qualification et la légitimité de l’action collective
de la KPTU-TruckSol, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle
l’organisation n’a pas suivi les procédures minimales énoncées dans la TULRAA pour la
négociation collective et les actions collectives, et la réponse des organisations
plaignantes selon laquelle, au vu du refus du gouvernement de reconnaître la
KPTU-TruckSol en tant que syndicat, elles ne pouvaient se conformer à ces procédures. Le
comité note ces indications, mais rappelle également qu’il a précédemment observé dans
un cas concernant la République de Corée que les objectifs légitimes de la grève sont
interprétés de façon restrictive et portent exclusivement sur un différend entre les
travailleurs et les employeurs. [Voir 404e rapport, paragr. 69 f) et 76.] Le comité note
à cet égard que l’action collective dans le présent cas concerne la position des
camionneurs sur l’expiration imminente du système de tarification favorisant la
sécurité, réclamant le maintien et l’extension de la protection des salaires et des
conditions de vie que ce système leur garantissait. En soi, l’action collective ne
s’inscrivait pas dans un processus de négociation collective au sens strict du terme,
mais visait à appuyer la position des travailleurs concernant une politique et une
législation sociales et économiques majeures. En conséquence, le comité observe que,
dans ces circonstances, la KPTU-TruckSol ne pouvait pas organiser une grève concernant
cette question en pleine conformité avec la législation en vigueur en République de
Corée. Néanmoins, considérant que «le droit de grève ne devrait pas être restreint aux
seuls différends de travail susceptibles de déboucher sur une convention collective
particulière, les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas
échéant, dans un cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions
économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres» [voir Compilation des
décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 766];
le comité estime que la KPTU-TruckSol devrait pouvoir exercer pleinement ses droits
syndicaux, notamment le droit de mener une action collective légitime pour défendre les
intérêts de ses membres.
- 557. Concernant la réponse du gouvernement à l’action collective
organisée par la KPTU-TruckSol, le comité note que les organisations plaignantes
allèguent que l’émission d’ordonnances de reprise du travail et l’utilisation de
services de transport de remplacement portaient atteinte au droit de grève des
camionneurs, tandis que le gouvernement répond que les mesures qu’il a prises étaient
justifiées, étant donné que le refus de transport répété et prolongé de la
KPTU-TruckSol, associé à des actes de violence perpétrés par des membres de la
KPTU-TruckSol contre des camionneurs non participants, a provoqué une crise nationale
aiguë qui exigeait l’intervention du gouvernement en vue d’assurer un service minimum.
Le comité rappelle à cet égard qu’«il est légitime qu’un service minimum puisse être
demandé en cas de grève dont l’étendue et la durée pourraient provoquer une situation de
crise nationale aiguë mais, dans ce dernier cas, les organisations syndicales devraient
pouvoir participer à sa définition tout comme les employeurs et les autorités
publiques». [Voir Compilation, paragr. 871.] En conséquence, le comité estime que
des efforts auraient dû être déployés pour déterminer de concert avec les syndicats
concernés les services minimums nécessaires avant d’émettre des ordonnances de reprise
du travail limitées.
- 558. Le comité note que, dans sa description des conséquences de l’action
collective menée en novembre–décembre 2022, le gouvernement indique que, comme la part
du transport routier de marchandises est très élevée (92,2 pour cent en 2021), toute
interruption prolongée du transport routier de marchandises a d’importantes retombées
négatives sur la vie, la santé et la sécurité personnelle de la population dans
l’ensemble du pays. Le gouvernement évoque en outre les conséquences de l’action
collective sur le secteur de la construction, qui auraient obligé des demandeurs d’un
logement social à retarder la date de leur emménagement et auraient compromis les moyens
de subsistance des travailleurs journaliers dans ce secteur, ses retombées éventuelles
sur l’approvisionnement en médicaments importés, et son impact sur l’approvisionnement
en produits pétroliers et ses conséquences possibles concernant les moyens d’existence
et la santé de la population pendant la saison hivernale. Le gouvernement insiste
également sur le préjudice économique causé aux secteurs de la construction, de la
sidérurgie et de la pétrochimie.
- 559. Concernant l’émission d’«ordonnances de reprise du travail», le
comité rappelle que, «lorsque, dans un secteur important de l’économie, un arrêt total
et prolongé du travail peut provoquer une situation telle que la vie, la santé ou la
sécurité de la population peuvent être mises en danger, il semble légitime qu’un ordre
de reprise du travail soit applicable à une catégorie de personnel déterminée en cas de
grève dont l’étendue et la durée pourraient provoquer une telle situation. Par contre,
exiger la reprise du travail en dehors de tels cas est contraire aux principes de la
liberté syndicale.» [Voir Compilation, paragr. 920.] Le comité note que, dans le
présent cas, la première série d’ordonnances émises le 29 novembre visait des
camionneurs transportant du ciment. Notant les indications du gouvernement sur les
conséquences du «refus collectif de transport» pour le secteur de la construction, le
comité ne considère pas que l’arrêt de travail des transporteurs de ciment relève de
cette catégorie. En outre, le comité note que ces ordonnances visaient
2 500 camionneurs, nombre qui correspond, selon les informations fournies par les
organisations plaignantes le 3 février 2023, au nombre total de membres de la
KPTU-TruckSol qui transportent du ciment. En conséquence, le comité note que l’émission
de ces ordonnances de reprise du travail équivaut en réalité à une interdiction de la
grève de la KPTU-TruckSol dans le secteur du ciment.
- 560. Le comité note que la seconde série d’ordonnances de reprise du
travail a été émise le 8 décembre et visait des camionneurs dans les secteurs de la
sidérurgie et de la pétrochimie. Là encore, le comité observe que le gouvernement ne
précise pas en quoi l’arrêt de travail des camionneurs dans le secteur de la
sidérurgique aurait mis en danger la vie, la santé ou la sécurité de la population.
Concernant le secteur de la pétrochimie, le gouvernement indique que, si les produits
pétroliers n’étaient pas livrés à temps, les moyens d’existence et la santé de la
population coréenne pendant la saison hivernale s’en trouveraient affectées, avec des
conséquences particulièrement graves pour les groupes les plus vulnérables de la
population. Pourtant le gouvernement n’aborde pas la question de l’ampleur et la durée
de cette grève particulière. Compte tenu de ce qui précède, et notant que les
contrevenants encouraient jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou une amende pouvant
atteindre 30 millions de wons (22 500 dollars É. U.), le comité considère que l’émission
d’ordonnances de reprise du travail, les 24 novembre et 8 décembre 2022, portaient
atteinte à la liberté syndicale des travailleurs en grève concernés ainsi qu’aux droits
syndicaux de la KPTU-TruckSol. Compte tenu de ce qui précède, le comité prie le
gouvernement de s’abstenir d’imposer des sanctions pénales à l’encontre des participants
à la grève pour le simple non-respect des ordonnances de reprise du travail.
- 561. Le comité note l’allégation des organisations plaignantes concernant
la poursuite intentée contre la KPTU-TruckSol en vertu de la FTA pour non-coopération à
l’enquête de la FTC et la réponse du gouvernement à ce sujet. Il note que, s’il est
condamné, le syndicat encourt une amende pouvant atteindre 1 400 000 dollars É.-U. Le
comité note que l’enquête concernait des allégations d’entente illicite et/ou d’actes
interdits aux associations professionnelles et que les fonctionnaires de la FTC avaient
demandé, entre autres choses, à voir la liste des membres du syndicat. Le comité
rappelle à cet égard qu’il a considéré par le passé que «la confidentialité de
l’affiliation syndicale devrait être assurée. Un code de conduite devrait être mis en
place à l’usage des organisations syndicales, code qui régulerait les conditions dans
lesquelles les renseignements concernant les affiliés pourraient être donnés, en
utilisant des techniques de traitement des données personnelles adéquates et propres à
garantir une confidentialité absolue». [Voir Compilation, paragr. 272.] Par
conséquent, le comité prie le gouvernement de garantir la confidentialité absolue des
renseignements concernant les affiliés de cette organisation.
- 562. S’agissant de la question de la FTA de façon plus générale, le
comité note l’indication du gouvernement selon laquelle, dans certaines circonstances,
les syndicats qui sont également des entreprises et des associations professionnelles
peuvent être soumis aux dispositions de la FTA, et leur conduite peut être examinée en
tant qu’«entente illicite» ou «actes interdits aux associations professionnelles» Le
comité note que, selon le gouvernement, la KPTU-TruckSol est régie par la FTA en tant
qu’«association professionnelle», parce que ses membres sont des «entreprises
individuelles». Le comité constate que cette question est à nouveau liée à la
non-reconnaissance des membres du syndicat en tant que «travailleurs». Le comité note
par ailleurs l’indication du gouvernement selon laquelle dans le présent cas, l’enquête
concernait des allégations de violation de l’article 51 de la FTA, notamment en
obligeant des membres associés à refuser de fournir des services de transport et en
entravant les activités de transport d’entreprises non affiliées à la KPTU-TruckSol par
le recours à la violence ou l’occupation de centres de distribution. Le gouvernement
affirme que l’enquête ne concernait pas le refus de transport en tant que tel. Le comité
note également les indications du gouvernement concernant la conduite violente et
illégale de certains grévistes et les sanctions pénales qui leur ont été imposées.
- 563. Le comité rappelle que le seul fait de participer à un piquet de
grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre
leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va
toutefois autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à
la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, actes qui, dans
beaucoup de pays, sont punis par la loi pénale. [Voir Compilation, paragr. 939.]
Il prend note de la confirmation des organisations plaignantes selon laquelle, dans le
présent cas, des incidents regrettables de violation de la loi se sont produits lors de
la grève. Le comité constate également que les allégations des organisations plaignantes
ne concernent pas les sanctions imposées pour une telle conduite criminelle et que les
organisations plaignantes affirment qu’il s’agissait d’actes isolés commis par un très
petit nombre de camionneurs, et que la KPTU-TruckSol n’a jamais préconisé le recours
délibéré à la violence ni à l’intimidation dans les actions de grève. Compte tenu de ce
qui précède et considérant que des sanctions pénales ont été imposées comme il se doit
aux auteurs d’actes criminels perpétrés pendant la grève, le comité note avec
préoccupation la poursuite pénale intentée contre le syndicat, à l’issue de laquelle il
pourrait être condamné à une lourde amende, simplement pour avoir refusé de coopérer à
une enquête pour «entente illicite» et de remettre la liste de ses membres. Le comité
rappelle à cet égard que «[l]es condamnations dont feraient l’objet, sur la base du
droit pénal ordinaire, certains syndicalistes ne devraient pas conduire les autorités à
adopter une attitude négative à l’égard de l’organisation même dont ces personnes font,
avec d’autres, partie» [voir Compilation, paragr. 159] et prie le gouvernement de
veiller à ce que toute sanction imposée à la KPTU-Trucksol pour des actes commis par
certains de ses membres ne soit pas incompatible avec la liberté syndicale.
- 564. Le comité note les dénonciations faites par les organisations
plaignantes des mesures de rétorsion prises par certaines sociétés de transport à
l’encontre de grévistes et les actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales
dans ce contexte. Le comité note que le gouvernement qualifie ces actes de violations
possibles de la FTA, mais indique que la FTC n’a pas reçu de plaintes dénonçant de tels
actes. Le comité note que, du point de vue du gouvernement, la non-reconnaissance du
statut de syndicat de la KPTU-TruckSol semble exclure l’application des règles
concernant l’interdiction d’actes d’ingérence et de discrimination antisyndicales aux
mesures de rétorsion à l’encontre de membres de la KPTU-TruckSol. Le comité rappelle que
les actes de discrimination antisyndicale peuvent revêtir différentes formes. Ils ne se
limitent pas au licenciement, à la réduction des effectifs ou à la cessation de service
mais englobent également toute mesure de représailles, telles que la suspension, prise
contre un travailleur exerçant des activités syndicales. [Voir Compilation,
paragr. 1088.] En outre, il n’est pas compatible avec la reconnaissance effective du
droit de négociation collective qu’un gouvernement permette que la renonciation à
l’affiliation syndicale soit une condition de maintien d’emploi. Par conséquent, le
comité prie le gouvernement de veiller à ce que de tels actes fassent l’objet d’une
sanction adéquate pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 565. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie
instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir
que tous les travailleurs, y compris les «travailleurs indépendants», comme les
conducteurs de véhicules de transport de charges lourdes, peuvent jouir pleinement
des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective dans les
organisations de leur choix en vue de promouvoir et de défendre leurs intérêts et de
le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- b) Le comité prie le
gouvernement de s’abstenir d’imposer des sanctions pénales à l’encontre des
participants à la grève de la Division de soutien aux transporteurs routiers de
marchandises du KPTU (KPTU-TruckSol) de novembre–décembre 2022 pour le simple
non-respect des ordonnances de reprise du travail.
- c) Le comité prie le
gouvernement de garantir la confidentialité absolue des renseignements concernant
les affiliés de la KPTU-TruckSol.
- d) Le comité prie le gouvernement de
veiller à ce que toute sanction imposée à la KPTU TruckSol pour des actes commis par
certains de ses membres ne soit pas incompatible avec la liberté
syndicale.
- e) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que toutes les
mesures de rétorsion et tous les actes d’ingérence ou de discrimination
antisyndicales à l’encontre de membres de la KPTU-TruckSol en raison de leur
participation à la grève de novembre–décembre 2022 fassent l’objet de sanctions
adéquates pour éviter qu’ils ne se reproduisent.