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La commission a pris note du rapport du gouvernement sur l'application de la convention, ainsi que des commentaires alléguant le non-respect de la convention présentés par la Fédération des syndicats danois (LO) par lettre du 19 août 1988, le Syndicat danois des marins par lettres du 7 septembre et du 7 octobre 1988 et la Confédération des employés et des fonctionnaires (FTF) par lettre du 7 novembre 1988. Elle a également noté la réponse donnée en janvier 1989 par le gouvernement à ces commentaires, ainsi que les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1470 (262e rapport du Comité de la liberté syndicale approuvé par le Conseil d'administration à sa 242e session, février-mars 1989).
Dans sa communication du 19 août 1988, la LO juge notamment que les paragraphes 2 et 3 de l'article 10 de la loi instituant le Registre maritime international danois, adoptée le 23 juin 1988, violent la convention no 111.
L'article 10 a la teneur suivante:
1. Les conventions collectives portant sur les salaires et les conditions de travail du personnel des navires inscrits sur ce registre devront indiquer explicitement qu'elles ne s'appliquent qu'à ce personnel.
2. Les conventions collectives visées au paragraphe 1 auxquelles un syndicat danois est partie ne pourront concerner que les personnes qui sont réputées résider au Danemark ou qui, en vertu d'obligations internationales en vigueur, seront mises sur un pied d'égalité avec les citoyens danois.
3. Les conventions collectives visées au paragraphe 1 auxquelles une organisation syndicale étrangère est partie ne pourront concerner que les membres de cette organisation ou les ressortissants du pays où celle-ci est domiciliée, pour autant qu'ils ne sont pas membres d'une autre organisation avec laquelle une convention au sens du paragraphe 1 aurait été conclue.
4. La loi sur le Tribunal du travail s'appliquera également aux cas auxquels une organisation syndicale étrangère est partie.
La LO soutient que, aux termes du paragraphe 2 de l'article 10, les organisations danoises de salariés ne peuvent conclure de conventions que pour les personnes domiciliées au Danemark. Il ressort du paragraphe 3 de l'article 10 que les organisations étrangères de salariés peuvent conclure des accords parallèles pour les personnes de leur propre nationalité. Ainsi, par exemple, s'agissant d'un navire danois inscrit sur le Registre maritime international danois, trois accords peuvent être conclus: un pour les Danois, un pour les Polonais et un pour les Philippins.
Dans sa lettre du 7 septembre 1988, le Syndicat danois des marins cite la présentation qu'a faite par écrit le ministre de l'Industrie du projet de loi au Parlement danois: "L'institution du Registre maritime international danois permettra aux armateurs danois d'employer des équipages étrangers aux taux salariaux applicables dans les pays d'origine de ces équipages."
Selon la même communication, cette loi empêche le Syndicat danois des marins de conclure des conventions collectives pour une partie substantielle de ses membres. Le Syndicat danois des marins affirme que dorénavant, chaque année, quelque 400 de ses membres ne pourront être couverts par des conventions collectives qu'il conclut, soit parce que - tout en étant ressortissants danois - ils ne résident pas au Danemark, soit parce que - bien qu'ils puissent avoir navigué à bord de bateaux danois depuis plusieurs années - ils ne font pas partie des catégories de personnes envers lesquelles le Danemark, comme le requiert l'article 10, paragraphe 2), a des obligations internationales. Le syndicat a fait remarquer que la loi précitée a substantiellement restreint la portée des conventions collectives de la marine marchande qui s'appliquaient jusqu'alors, compte tenu du transfert de la flotte marchande danoise, à raison de 82 pour cent (en tonnage de jauge brute), sur le Registre maritime international danois, et a donc levé les dispositions des accords en vigueur.
Dans sa communication du 7 octobre 1988, le Syndicat danois des marins indique que, après l'adoption de l'article 10 de la loi, la plus grande association d'armateurs (l'Association danoise des armateurs) a conclu des conventions collectives avec des organisations maritimes des Philippines et de Singapour. Aux termes de ces conventions, les employeurs sont convenus de verser aux matelots valides de ces deux pays des salaires horaires de 20 couronnes pour les premiers et de 27 couronnes pour les seconds, alors qu'ils sont tenus de verser aux marins danois 54 couronnes de l'heure. Le syndicat ajoute que, pour les marins des Philippines et de Singapour, la dégradation s'est étendue à d'autres éléments du salaire et des conditions d'emploi.
En réponse à ces allégations, le gouvernement a affirmé que la loi instituant le Registre maritime international danois ne contient aucune disposition discriminatoire et qu'aucune discrimination en fonction de la race, de la religion, du sexe, de l'origine nationale, etc., n'a lieu dans la pratique. L'emploi à bord des navires inscrits au registre est ouvert à quiconque. Tous les marins sont couverts par la législation danoise et ont le droit de négocier et conclure des conventions collectives. Tous les membres d'équipage d'un navire battant pavillon danois ont, par conséquent, les mêmes droits fondamentaux. Le gouvernement fait observer à cet égard que les navires qui ne sont pas inscrits au registre sont des navires battant un pavillon de complaisance.
Selon le gouvernement, le fait que quiconque réside au Danemark - indépendamment de sa race, de son sexe, de sa nationalité, etc. - peut être couvert par des conventions collectives danoises n'est pas contraire à la convention. Les citoyens danois résidant à l'étranger ne sont pas, pour leur part, couverts par lesdites conventions. S'agissant des accords conclus avec les organisations des Philippines et de Singapour mentionnées par le Syndicat danois des marins, le gouvernement note qu'ils sont le fruit de négociations volontaires et n'impliquent aucune discrimination.
Le gouvernement estime que la promulgation la loi instituant le Registre maritime international danois était nécessaire pour préserver des emplois à bord de navires danois selon des normes d'emploi danoises; cette loi, qui énonce des principes directeurs généraux dans un domaine nouveau et très spécial, repose sur l'hypothèse que ce domaine est régi par des conventions collectives. Le gouvernement considère que les faits intervenus ont confirmé que le secteur considéré est régi par des conventions collectives qui n'entraînent pas de détérioration du niveau de vie ou des possibilités d'emploi des marins.
La commission prend bonne note de ces indications. Se référant aux explications fournies aux paragraphes 17, 18, 36 et 37 de son Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession, elle fait observer qu'en dépit du principe d'application de la convention à toutes les personnes, qu'elles soient ou non nationaux ou résidents du pays l'ayant ratifiée, les distinctions opérées dans l'emploi et la profession en fonction de la nationalité ou du lieu de résidence ne relèvent pas nécessairement de l'un des sept critères de discrimination visés à l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Pour déterminer si pareilles distinctions relèvent ou non des critères de discrimination prohibés, il convient d'examiner chaque cas à la lumière de ses conséquences concrètes.
Dans le cas présent, l'un des effets de l'article 10, paragraphes 2) et 3), de la loi instituant un Registre maritime international danois est que les marins philippins et singapouriens non-résidents, bien qu'ils soient employés à bord de navires battant pavillon danois et demeurent couverts par la législation danoise, qu'ils soient ou non affiliés à un syndicat danois, sont privés des avantages prévus aux conventions collectives conclues par les syndicats danois. Une autre conséquence directe de ces dispositions est qu'elles ouvrent la voie à des conventions collectives distinctes prévoyant des différences de taux de salaire entre marins philippins et singapouriens à bord de navires danois. Ces différences de traitement ne se fondent pas sur des différences découlant de la nationalité danoise ou de la résidence au Danemark; elles établissent une discrimination parmi des non-citoyens non-résidents, en fonction de leur origine nationale, et sont par conséquent contraires à la convention.
En ce qui concerne la nature volontaire de différentes conventions collectives prévoyant des taux de salaire différents, le gouvernement demeure responsable d'une discrimination dans l'emploi qui résulte de son intervention législative dans la libre négociation collective des syndicats danois à bord de navires battant pavillon danois. A cet égard, la commission se réfère à ses commentaires au titre de la convention no 98.
Qui plus est, en ce qui concerne la disposition de l'article 10, paragraphe 2), selon laquelle les syndicats danois ne peuvent s'engager dans une négociation intéressant des non-nationaux non-résidents que dans le cas où, en vertu d'obligations internationales en vigueur, ceux-ci doivent être mis sur un pied d'égalité avec les citoyens danois, la commission se réfère au paragraphe 18 de son étude d'ensemble précitée, où elle a souligné que les clauses de réciprocité régissant l'application aux marins étrangers de dispositions destinées à lutter contre les mesures discriminatoires contenues dans la législation maritime ne sont pas conformes à la convention.
La commission espère que le gouvernement, à la lumière de la convention aussi bien que des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective, réexaminera l'article 10 de la loi instituant le Registre maritime international danois et indiquera les mesures adoptées ou envisagées pour mettre à nouveau la loi et la pratique nationales en conformité avec la convention à cet égard.