National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission prend note des informations contenues dans le rapport du gouvernement et des observations du Congrès des syndicats britanniques (TUC) dans sa lettre du 13 janvier 1989. La commission prend également note des renseignements fournis par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1988 et des débats à ce sujet, ainsi que des commentaires du Comité de la liberté syndicale concernant le cas no 1261 (259e rapport du comité, approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1988, paragr. 14).
2. Licenciement de travailleurs du GCHQ. La commission observe avec regret que 13 employés du Centre gouvernemental des communications de Cheltenham (GCHQ) viennent d'être licenciés parce qu'ils refusaient de renoncer à leur affiliation au syndicat de leur choix. La commission note que le gouvernement reste d'avis que la convention no 87 ne peut être examinée indépendamment des conventions nos 98 et 151, et que l' article 1, paragraphe 2, de cette dernière prévaut sur la convention no 87. La commission doit de nouveau rappeler au gouvernement que les organes de contrôle du BIT ont toujours adopté un point de vue contraire, et ont déclaré que l'article 2 de la convention no 87 garantit à tous les travailleurs sans distinction d'aucune sorte, y compris aux fonctionnaires, le droit de constituer librement des organisations de leur choix et de s'y affilier.
La commission observe également que le gouvernement considère que les fonctions confiées au personnel du GCHQ sont souvent identiques à celles qu'exercent les membres des forces armées travaillant dans le même domaine. Pour étayer cette assertion, le gouvernement s'appuie sur la décision de la Commission européenne des droits de l'homme dans le cas no 11603/85. Le gouvernement semble suggérer par là que l'exemption visant les "forces armées" à l'article 9 de la convention s'applique aux civils travaillant au GCHQ. La commission doit souligner à cet égard qu'elle a toujours estimé que les forces armées et la police constituent les seules catégories de travailleurs qui peuvent être exclus des garanties prévues par la convention (étude d'ensemble, paragr. 89). Dans ce contexte, seuls les travailleurs qui, aux termes de la législation ou de la réglementation nationale, sont considérés comme faisant partie des forces armées ou de la police peuvent être visés par l'exemption, ce qui ne semble pas être le cas des employés civils du GCHQ.
La commission observe avec regret que le gouvernement n'estime pas utile de reprendre les négociations avec les syndicats concernés. La commission reste persuadée que de telles négociations constituent le moyen le plus approprié de régler ce problème d'une manière compatible avec les exigences de la convention.
Au vu des commentaires qui précèdent, la commission ne peut que: 1) demander instamment au gouvernement de réexaminer sa position sur l'utilité de la reprise des négociations; et 2) réitérer que les travailleurs du GCHQ doivent avoir le droit de s'affilier à l'organisation de leur choix, conformément à l'article 2 de la convention.
3. Article 3 de la convention. a) Généralités. La commission note que la loi de 1988 sur l'emploi a reçu la sanction royale le 26 mai 1988. Il s'agissait donc de la quatrième loi importante en matière de relations professionnelles adoptée depuis 1980, les autres étant les lois de 1980 et de 1982 sur l'emploi et la loi de 1984 concernant les syndicats.
Cela indique clairement que le gouvernement a entrepris une restructuration systématique de la législation des relations professionnelles au Royaume-Uni. Les première et deuxième mesures de ce programme législatif concernaient essentiellement la réglementation de certaines formes de grève et d'autres moyens de pression (et, en particulier, les piquets de grève et les "actions de solidarité") ainsi que les dispositions relatives à la sécurité syndicale. Les lois de 1984 et de 1988, quant à elles, traitaient plus directement des règlements et pratiques internes des syndicats.
La commission admet sans réserve que la révision de la législation concernant les relations professionnelles est à la fois légitime et nécessaire si l'on veut faire en sorte que le système de relations professionnelles fonctionne de façon équitable et efficace et qu'il reflète bien les besoins socio-économiques du moment. Par conséquent, un gouvernement ne saurait être critiqué pour la seule raison qu'il tente de modifier le statu quo au moyen d'amendements législatifs. Toutefois, lorsque ces modifications portent préjudice à la position des organisations d'employeurs et de travailleurs, la commission se doit de les analyser attentivement pour s'assurer qu'elles ne soient pas incompatibles avec les garanties prévues par la convention.
Etant donné la nature et l'ampleur des modifications législatives intervenues au cours de ces dernières années, la commission estime opportun d'analyser maintenant l'effet global des lois de 1980, 1982, 1984 et 1988 et d'examiner si elles sont compatibles avec les exigences de la convention, notamment en son article 3.
En procédant à cet examen, la commission a tenu compte de la plainte présentée au Comité de la liberté syndicale par le Congrès des syndicats britanniques (avec l'appui de la Confédération internationale des syndicats libres), et par le Syndicat national des mineurs et l'Organisation internationale des mineurs. Cette plainte (cas no 1439) a été formulée dans des communications datées des 22 février, 14 septembre, 2 novembre et 20 décembre 1988. La commission a également pris note de la réponse du gouvernement énoncée dans des lettres datées du 23 mars 1988 et du 16 janvier 1989. La commission relève également qu'à sa réunion de février-mars 1989 le Comité de la liberté syndicale a décidé d'ajourner l'examen du cas no 1439 jusqu'à ce que cette commission ait pu examiner la législation applicable (262e rapport du Comité de la liberté syndicale, paragr. 9).
b) Effet global de la législation. La commission estime qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre l'article 3 et les dispositions de la législation mises en cause par les plaintes relatives au cas no 1439 concernant: i) l'élection des représentants syndicaux; ii) la destitution des syndics; iii) le droit d'accès des syndiqués aux registres comptables des syndicats; iv) les dépenses de nature politique effectuées par les syndicats; v) l'exclusion ou l'expulsion des rangs d'un syndicat, dans les cas où un accord d'atelier syndical est en vigueur; vi) la possibilité pour les syndiqués d'intenter les poursuites judiciaires contre leur syndicat, s'ils ont un grief à formuler contre celui-ci; vii) les votes devant être tenus pour les grèves et autres moyens de pression; et viii) le rôle, tel qu'il est actuellement défini, du Commissaire aux droits des syndiqués.
Toutefois, la commission estime que plusieurs autres aspects de la législation ne sont pas en conformité avec les exigences de la convention, à savoir: le concept de "sanction disciplinaire injustifiée" énoncé à l'article 3 de la loi de 1988; l'article 8 de la loi de 1988 qui traite de l'indemnisation des syndiqués et des dirigeants syndicaux; l'érosion de la protection législative contre la responsabilité civile découlant des grèves et autres actions assimilées et enfin les licenciements de travailleurs pour fait de grève et autres actions assimilées.
La commission s'inquiète également du fait que certaines dispositions qu'elle ne juge pas incompatibles avec la convention - notamment celles qui ont trait au Commissaire aux droits des syndiqués - pourraient être appliquées d'une façon incompatible avec la lettre ou l'esprit de la convention. Elle demande donc au gouvernement de fournir, dans ses prochains rapports, des informations sur l'application pratique de ces dispositions.
c) Le concept de "sanction disciplinaire injustifiée" à l'article 3 de la loi de 1988. La commission note que l'article 3 1) de la loi de 1988 dispose que tous les membres et ex-membres d'un syndicat ont le droit de ne pas se voir imposer de "sanction disciplinaire injustifiée" par le syndicat en question. L'expression "sanction disciplinaire" dans ce contexte comprend: l'expulsion du syndicat, ou d'une division ou d'une section de celui-ci; l'imposition d'une amende; la privation ou le refus des avantages, services ou prestations par ailleurs offerts aux employés en raison de leur affiliation syndicale; ou le fait de subir "quelque autre préjudice" (art. 3 5)).
L'article 3 3) énonce les motifs permettant de conclure qu'une mesure disciplinaire est "injustifiée". Il s'agit principalement des sanctions disciplinaires imposées aux travailleurs parce qu'ils: refusent de participer à une grève ou à d'autres actions semblables; encouragent ou aident une autre personne à refuser de participer à de telles actions; et se plaignent qu'un syndicat ou un représentant syndical a commis un acte illégal ou se propose de le faire.
La commission rappelle que l'un des droits fondamentaux garantis par l'article 3 de la convention est le droit des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, sans aucune ingérence susceptible de restreindre ce droit ou d'en entraver l'exercice légitime. Il est évident que des dispositions interdisant aux syndicats de donner effet à leurs règlements adoptés démocratiquement sont a priori incompatibles avec ce droit. L'article 3 de la loi de 1988 a manifestement cet effet et, pour cette raison, n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention.
Néanmoins, la commission estime que le droit des organisations d'élaborer leurs statuts et leurs règlements doit s'exercer dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et de la législation nationale (tout en tenant compte du fait que l'article 8 2) de la convention précise que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention). Cela signifie qu'une législation ne serait pas incompatible avec la convention si elle disposait que les règlements du syndicat ne doivent pas contenir de clauses discriminatoires contre les membres ou des membres potentiels, en raison de la race ou du sexe. Les mêmes commentaires s'appliquent en ce qui concerne les dispositions (tel l'article 3 3) c) de la loi de 1988) prévoyant que les syndicats ne peuvent imposer de sanctions disciplinaires aux membres qui, de bonne foi, prétendent que leur syndicat a transgressé ses propres règlements ou la législation nationale. Toutefois, la commission estime également que la nature et la portée des empiètements législatifs sur l'autonomie syndicale doivent se limiter strictement à ce qui est absolument nécessaire pour atteindre ces objectifs - faute de quoi les droits garantis par l'article 3 n'auraient aucun effet en pratique. Par conséquent, les membres des syndicats devraient avoir le droit, lorsqu'ils élaborent leurs statuts et leurs règlements, de déterminer s'il est possible d'imposer des sanctions disciplinaires à ceux de leurs membres qui refusent de participer aux grèves et aux autres types d'actions légales, ou qui tentent de persuader des travailleurs syndiqués de refuser d'y participer, pour que les garanties établies à l'article 3 soient respectées. L'article 3 de la loi devrait être modifié de façon à tenir compte de ce point de vue.
d) Indemnisation des membres et représentants des syndicats. La commission note que l'article 8 de la loi de 1988 dispose qu'un syndicat ne peut utiliser ses fonds pour indemniser une personne à l'égard de toute sanction qui pourrait lui être imposée en raison d'une infraction ou d'un outrage au tribunal. Cette interdiction s'applique même si les statuts d'un syndicat contiennent une disposition permettant expressément une telle indemnisation et lorsque l'infraction ou l'outrage au tribunal ont été commis sur les instructions expresses du syndicat lui-même.
La commission a toujours estimé que les dispositions législatives destinées à garantir une saine administration et une gestion honnête et efficace des fonds et biens syndicaux ne sont pas incompatibles avec la convention (Etude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 182 et 183). Toutefois, ces dispositions ne devraient pas avoir pour effet de priver les syndicats du droit d'élaborer leurs statuts ou leurs règlements et d'organiser leur administration et leurs activités sans ingérence des autorités publiques, pas plus qu'elles ne devraient nier aux syndicats le droit d'utiliser leurs fonds à leur gré, pour les fins normales et légitimes du syndicat. Or l'article 8 de la loi de 1988 semble avoir ces deux effets. En ce sens, il n'est pas compatible avec les garanties prévues à l'article 3 et devrait être abrogé.
e) "Immunités" à l'égard de la responsabilité civile découlant des grèves et autres moyens de pression. La commission a toujours considéré que le droit de grève est l'un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et qu'il est garanti par les articles 3, 8 et 10 de la convention (étude d'ensemble, paragr. 200). Elle estime également que les restrictions imposées quant aux objectifs de la grève et aux méthodes utilisées devraient être suffisamment raisonnables pour ne pas aboutir en pratique à une limitation excessive de l'exercice du droit de grève (étude d'ensemble, paragr. 226. Voir également les paragraphes 218 à 220).
La commission relève qu'en common law pratiquement toutes les formes de grève ou d'autres moyens de pression sont considérés comme des actions illégales sur le plan civil. Cela signifie que les travailleurs et les syndicats qui prennent part à de telles actions s'exposent à des poursuites en dommages-intérêts du fait des employeurs (ou d'autres parties) qui en subissent un préjudice et (ce qui est le plus important sur le plan pratique) qu'ils peuvent se voir interdire la commission de ces actes "illicites" au moyen d'injonctions (provisoires ou permanentes). De l'avis de la commission, le fait que des parties puissent exercer sans aucune restriction de tels recours nie aux travailleurs le droit de faire grève ou d'exercer d'autres moyens de pression afin de protéger et de promouvoir leur intérêts économiques et sociaux.
Par conséquent, il est de la plus haute importance que les travailleurs et leurs syndicats puissent bénéficier d'une certaine protection contre les incidences de la responsabilité civile. Cet impératif est consacré dans la législation depuis 1906, sous la forme d'une série "d'immunités" (ou, ce qui serait plus exact, de "protections") contre les poursuites en responsabilité quasi délictuelle, accordées aux syndicats, à leurs membres et à leurs administrateurs. Ces "immunités" sont contenues actuellement dans la loi de 1974 sur les syndicats et les relations professionnelles.
Or, la portée de ces protections a été réduite à plusieurs égards depuis 1980. La commission observe par exemple que l'article 15 de la loi de 1974 a été modifié de façon à limiter le droit de placer des piquets de grève, qui ne peut être exercé que sur le lieu d'emploi d'un travailleur ou, dans le cas d'un représentant syndical, que sur le lieu de travail des travailleurs syndiqués concernés; par ailleurs, l'article 17 de la loi de 1980 abolit la protection à l'égard des "actions secondaires", expression désignant les actions syndicales visant un employeur qui n'est pas directement partie à un conflit de travail. En outre, la définition de l'expression "conflit de travail" à l'article 29 de la loi de 1974 a été restreinte de façon à désigner seulement les conflits entre les travailleurs et leur employeur propre, plutôt que les conflits "entre les employeurs et les travailleurs" ou "entre travailleurs", comme c'était le cas auparavant.
L'effet combiné de ces dispositions, semble-t-il, est qu'il est pratiquement impossible aux travailleurs et aux syndicats de participer légalement à quelque forme de boycott ou d'action de "solidarité" contre des parties qui ne sont pas directement concernées par un différend. La commission ne s'est jamais prononcée sur le recours au boycott en tant que modalité du droit de grève. Toutefois, elle est d'avis que, lorsqu'un boycott a directement trait aux intérêts économiques et sociaux des travailleurs concernés par le différend principal, par l'action secondaire, ou les deux, et si le différend principal et l'action secondaire ne sont pas eux-mêmes illégaux, pareil boycott devrait alors être assimilé à un exercice légitime du droit de grève. Cette assertion est manifestement compatible avec l'approche adoptée par la commission à l'égard des "grèves de solidarité":
Il semble qu'on ait recours de plus en plus fréquemment à ce type de mouvement (c'est-à-dire les grèves de solidarité) en raison de la structure ou de la concentration des entreprises ou de la localisation des centres de travail dans les différentes régions du monde. La commission estime à ce propos qu'une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d'être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements pour autant que la grève initiale qu'ils soutiennent soit elle-même légale (étude d'ensemble, paragr. 217).
D'autres modifications apportées à la définition de l'expression "conflit de travail" dans la loi de 1974 semblent également restreindre de façon excessive l'exercice du droit de grève: i) la définition actuelle exige que le conflit de travail concerne "complètement ou principalement" un ou plusieurs des points mentionnés dans la définition; auparavant, il suffisait qu'il existe un "lien" entre le conflit et les points précisés. Cette modification semble abolir la protection à l'égard des conflits où les syndicats et leurs membres ont des motifs "mixtes" (par exemple, lorsqu'ils poursuivent à la fois des objectifs "professionnels", "politiques" ou "sociaux"). La commission estime également que les syndicats auront souvent les plus grandes difficultés à déterminer à l'avance si une conduite donnée présenterait ou non le lien nécessaire pour bénéficier de la protection; ii) le fait que la définition fasse maintenant uniquement allusion aux différends entre les travailleurs et "leur" employeur pourrait empêcher les syndicats d'exercer des moyens de pression efficaces dans les cas où le "véritable" employeur avec qui ils sont en conflit peut se réfugier derrière une ou plusieurs filiales qui sont techniquement "l'employeur" des travailleurs concernés, mais n'ont pas le pouvoir de prendre les décisions susceptibles de conduire à un règlement satisfaisant du conflit; et iii) la protection pour les différends relatifs aux situations survenant à l'extérieur du Royaume-Uni ne s'applique maintenant que si les personnes qui exercent au Royaume-Uni des moyens de pression au sujet d'un conflit de travail concernant des problèmes survenant hors du Royaume-Uni, risquent d'être touchées, en ce qui concerne un ou plusieurs sujets donnant lieu à la protection, par l'issue du conflit. Cela signifie que les travailleurs n'auraient aucune protection à l'égard des grèves ou autres moyens de pression exercés en vue de protéger ou d'améliorer les conditions d'emploi de travailleurs en poste hors du Royaume-Uni, ou pour manifester leur désapprobation à l'égard des politiques sociales ou raciales d'un gouvernement avec lequel le Royaume-Uni entretient des liens commerciaux ou économiques. La commission a toujours considéré que les grèves de nature purement politique n'entrent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale. Toutefois, elle estime également que les organisations syndicales devraient avoir la possibilité de recourir à des grèves de protestation, notamment en vue d'exercer une critique à l'égard de la politique économique et sociale des gouvernements (étude d'ensemble, paragr. 216). La définition révisée de l'expression "conflit de travail" semble nier ce droit aux travailleurs.
La commission estime que les modifications législatives adoptées en ce domaine depuis 1980 ont pour effet global d'abolir la protection reconnue à l'égard des grèves et des autres moyens de pression dans des situations où ces moyens devraient être ouverts aux travailleurs et aux syndicats, afin qu'ils puissent protéger et promouvoir adéquatement leurs intérêts économiques et sociaux, et organiser leurs activités (étude d'ensemble, paragr. 200 et 226). En conséquence, la commission demande au gouvernement de modifier sa législation afin de permettre aux travailleurs de faire grève ou d'exercer d'autres moyens de pression contre leur "véritable" employeur et afin de protéger, de manière appropriée, leur droit d'engager des actions légitimes telles que des grèves de protestation ou de solidarité, comme le garantissent les articles 3, 8 et 10 de la convention.
f) Licenciements pour faits de grève et autres moyens de pression. La commission estime qu'il est incompatible avec le droit de grève, tel que garanti par les articles 3, 8 et 10 de la convention, de permettre à un employeur de refuser de réintégrer une partie ou l'ensemble de ses employés à la fin d'une grève, d'un lock-out ou d'autres actions semblables, sans que ces employés n'aient le droit de saisir une cour ou un tribunal indépendant, afin qu'il statue sur le caractère équitable ou non du licenciement. Le Comité de la liberté syndicale a d'ailleurs adopté une approche semblable (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1989, paragr. 442, 444, 445, 555 et 572).
La commission observe, à cet égard, qu'en common law, les grèves et la plupart des autres formes d'actions assimilées constituent une rupture du contrat de travail individuel, de telle sorte que l'employeur peut légalement considérer que la relation d'emploi a pris fin sans autre forme de procès. Cela ne se produit que rarement en pratique, mais ce n'est pas exclu, et la commission sait qu'il est survenu, durant les dernières années, plusieurs cas où des employeurs ont invoqué le fait que leurs employés étaient en grève pour licencier tout leur personnel et recruter de nouveaux employés.
La commission observe également qu'un lock-out entraînerait également la rupture des contrats d'emploi des travailleurs concernés. Toutefois, la common law ne leur offre aucun moyen d'obtenir la réintégration dans leurs fonctions, aussi arbitraire ou déraisonnable qu'ait pu être le comportement de l'employeur. Par ailleurs, en common law, des travailleurs placés dans une telle situation ne pourraient obtenir, dans la quasi-totalité des cas, que des dommages-intérêts symboliques.
Il est donc clair que la common law n'accorde pas aux travailleurs licenciés pour fait de grève, lock-out ou autre action assimilée le droit de présenter une plainte contre ledit licenciement à un tribunal ou à une autre autorité indépendante des parties. La même remarque vaut en ce qui concerne les dispositions législatives concernant les licenciements injustes - exception faite de la protection restreinte reconnue aux employés victimes d'un "licenciement discriminatoire" au sens de l'article 62 de la loi de 1978 (codification) sur la protection de l'emploi (modifié par l'article 9 de la loi de 1982). La commission est d'avis que cette dernière disposition n'assure pas aux travailleurs une protection adéquate aux fins de la convention: i) parce qu'elle permet encore à un employeur de licencier tout son personnel, même s'il a déclaré un lock-out ou provoqué une grève par son attitude parfaitement déraisonnable; et ii) parce qu'un employeur peut réembaucher des employés sur une base discriminatoire, à condition de laisser écouler un délai de trois mois entre le licenciement des travailleurs "victimes" de ses tactiques et la réembauche.
La commission demande donc au gouvernement d'adopter des mesures législatives de protection contre les licenciements, discriminatoires ou non, et les autres formes de traitement discriminatoire - tels le transfert, la rétrogradation ou le retrait des droits acquis - imposées pour fait de grève et actions assimilées, afin de donner effet aux principes mentionnés ci-dessus.
g) Complexité de la législation. Enfin, la commission s'estime tenue d'exprimer sa préoccupation à l'égard du nombre et de la complexité des modifications législatives adoptées depuis 1980, ce qui l'amène à conclure qu'il serait opportun de réexaminer le fond et la forme de la législation. La commission est confortée dans son opinion par quatre considérations, à savoir:
i) bien que la plus grande part des mesures législatives examinées ne soit pas incompatible avec les exigences de la convention, il peut arriver un moment où l'effet cumulatif d'interventions législatives qui, prises indépendamment, sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale, peut néanmoins constituer, en raison de leur complexité et de leur portée, un empiétement sur les droits garantis par la convention;
ii) ces réformes parcellaires, souvent adoptées pour atteindre des objectifs assez restreints, ont entraîné une incertitude dans certains domaines du droit, ce qui pourrait donner lieu à des violations non intentionnelles de la convention et entraver l'exercice des grèves et autres moyens de pression légaux;
iii) la flexibilité inhérente à la common law multiplie encore ces difficultés, puisque la situation juridique et l'impact qu'auront sur elle les dispositions législatives, ne seront pas clarifiés tant qu'un tribunal n'aura pas statué;
iv) la prévention d'abus de pouvoir de la part des syndicats était l'un des principaux objectifs de nombreuses modifications adoptées récemment qui visaient également à conférer une meilleure protection aux "droits" individuels. Il semble que la législation reflète une moindre préoccupation pour les "droits" des syndicats. La commission estime qu'il serait souhaitable d'exprimer ces droits plus positivement.
La commission veut croire que le gouvernement accueillera favorablement ces commentaires et lui demande d'indiquer dans son prochain rapport s'il a pris ou envisagé de prendre des mesures afin de codifier, clarifier et simplifier sa législation en matière de relations professionnelles.