National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission note que le gouvernement n'a pas fourni de rapport sur l'application de la convention. A la suite des recommandations de la commission d'enquête chargée d'examiner l'exécution par le Myanmar de la convention sur le travail forcé, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans deux lettres, en date respectivement des 12 et 18 mai 1999, adressées au Directeur général du BIT, et du rapport du 21 mai 1999 que le Directeur général a soumis aux membres du Conseil d'administration sur les mesures prises par le gouvernement du Myanmar. Elle prend également note du mémorandum, en date du 7 juin 1999, sur le rapport susmentionné que le gouvernement du Myanmar a adressé au Directeur général, des informations présentées par le gouvernement en juin 1999 à la Commission de la Conférence de l'application des normes et des débats qui ont ensuite eu lieu au sein de cette commission. De plus, la commission prend note des observations formulées par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans une communication du 19 octobre 1999 intitulée "non-application par le gouvernement des recommandations de la commission d'enquête constituée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT pour examiner la plainte relative à l'application par la Birmanie de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930". Ces observations ont été transmises au gouvernement pour qu'il formule tous commentaires qu'il jugerait utiles mais, à ce jour, ces commentaires n'ont pas été reçus.
2. Dans son observation précédente, la commission avait rappelé qu'une plainte avait été déposée en 1996, en vertu de l'article 26 de la Constitution, contre le gouvernement du Myanmar pour le non-respect des dispositions de la présente convention, et qu'une commission d'enquête avait été constituée pour examiner cette plainte. La commission avait pris note des conclusions et recommandations de la commission d'enquête qui confirmaient et élargissaient les conclusions qu'elle avait elle-même formulées concernant le non-respect par le gouvernement des obligations découlant de cette convention fondamentale, celles de la Commission de la Conférence de l'application des normes, ainsi que celles adoptées par le Conseil d'administration à l'issue de l'examen d'une réclamation portant sur le même objet. Elle avait noté, par ailleurs, que le gouvernement se déclarait disposé à mettre en oeuvre les recommandations contenues dans le rapport de la commission d'enquête. La commission avait exprimé l'espoir que le gouvernement serait très prochainement en mesure d'indiquer qu'il s'était pleinement acquitté des obligations contractées au titre de la convention.
3. Les informations disponibles sur l'application de la convention par le gouvernement du Myanmar sont exposées en trois parties: i) l'amendement de la législation; ii) toutes mesures prises par le gouvernement pour mettre un terme à l'imposition, dans la pratique, du travail forcé ou obligatoire, et les informations disponibles sur les pratiques existantes; iii) l'application de sanctions qui peuvent être imposées en vertu du Code pénal pour le fait d'exiger un travail forcé ou obligatoire.
I. Amendement de la législation
4. Au paragraphe 470 de son rapport, la commission d'enquête avait noté ce qui suit:
... qu'aux termes de l'article 11 d), lu conjointement avec l'article 8, paragraphe 1 g), n) et o), de la loi sur les villages, ainsi que de l'article 9 b) de la loi sur les villes, du travail ou des services peuvent être imposés à toute personne résidant dans un arrondissement rural ou urbain, c'est-à-dire un travail ou des services pour lesquels l'intéressé ne s'est pas offert de plein gré et que la non-obtempération à une réquisition faite en application de l'article 11 d) de la loi sur les villages ou de l'article 9 b) de la loi sur les villes est passible des sanctions pénales prévues à l'article 12 de la loi sur les villages ou de l'article 9A de la loi sur les villes. Ainsi, ces lois prévoient l'imposition d'un "travail forcé ou obligatoire" relevant de la définition de l'article 2, paragraphe 1, de la convention.
La commission avait noté en outre que les larges pouvoirs de réquisition de main-d'oeuvre pour du travail et des services énoncés dans ces lois ne sont pas compris dans les exceptions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la convention et qu'ils sont entièrement incompatibles avec la convention. Rappelant que le gouvernement promettait depuis plus de 30 ans de modifier les dispositions de ces lois, et qu'il l'annonçait de nouveau dans ses observations sur la plainte, la commission avait exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer que la loi sur les villages et la loi sur les villes soient mises sans délai en conformité avec la convention, au plus tard le 1er mai 1999 (paragr. 539 a) du rapport de la commission).
5. Toutes les informations disponibles indiquent que, à la fin de novembre 1999, ni la loi sur les villages ni la loi sur les villes n'avaient été modifiées. De plus, il n'a été porté à la connaissance de la commission ni la proposition ni l'examen d'un projet de loi dans ce sens.
6. Toutefois, le gouvernement a pris, le 14 mai 1999, un arrêté ordonnant aux autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par certaines dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages. Cet arrêté sera examiné aux paragraphes 8 et suivants.
II. Mesures prises pour mettre un terme à l'imposition du travail forcé ou obligatoire, et informations disponibles sur les pratiques existantes
A. Mesures visant à mettre un terme à l'imposition dans la pratique du travail forcé ou obligatoire
7. Au paragraphe 539 b) de ses recommandations de juillet 1998, la commission d'enquête avait indiqué que:
... au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 ci-dessus (du rapport de la commission), afin d'arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d'un salaire; elles doivent assurer que personne ne sera contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d'oeuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunérées ...
8. Alors que la commission d'enquête a indiqué que des mesures devaient être prises immédiatement, il ressort des informations émanant du gouvernement du Myanmar et d'autres sources que les mesures concrètes que demande la commission d'enquête n'avaient pas été prises à la mi-mai 1999. Toutefois, dans sa lettre du 18 mai 1999, le gouvernement a indiqué que le ministère de l'Intérieur a pris, le 14 mai 1999, un arrêté ordonnant aux autorités compétentes de ne pas exercer les pouvoirs qui leur sont conférés au titre des articles 7, paragraphe 1 l) et m), 9 et 9A de la loi sur les villes, et des articles 8, paragraphe 1 g), n) et o), 11 d) et 12 de la loi sur les villages. Cette indication ne correspond pas à la teneur de l'arrêté no 1/99 du 14 mai 1999 qui réserve de plusieurs manières la possibilité d'exercer les pouvoirs prévus dans les dispositions pertinentes de la loi sur les villages de 1908 (datée par erreur de 1907 dans l'arrêté public) et de la loi sur les villes de 1907, comme il est indiqué aux paragraphes 48 et suivants du rapport du Directeur général du 21 mai 1999.
9. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté, les restrictions à l'exercice des pouvoirs permettant une réquisition pour un service personnel, conformément aux lois en question, sont effectives "tant qu'aucune autre instruction n'aura été donnée".
10. En second lieu, l'arrêté prévoit deux exceptions aux termes de l'article 5 a) et b) dont le libellé correspond en partie à celui de la convention no 29. L'exception a) reprend l'essentiel des termes de l'exception prévue à l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention en cas de situations d'urgence. Mais l'exception b) prévoit "la réquisition, pour un service personnel, en vue de l'exécution des travaux ou services qui sont d'un intérêt direct et important pour la collectivité et la population en général et d'une nécessité actuelle ou imminente, pour lesquels il a été impossible de se procurer une main-d'oeuvre volontaire malgré l'offre d'un salaire normal et qui ne constituent pas un fardeau trop lourd pour la population actuelle". Cette disposition est incompatible, pour plusieurs raisons, avec les exigences de la convention.
11. L'exception b) reflète en partie l'article 10 de la convention, mais elle ne retient pas les conditions prévues au paragraphe 2 d) et e) de cette disposition, à savoir que "l'exécution de ce travail ou service n'obligera pas les travailleurs à s'éloigner du lieu de leur résidence habituelle" et "que l'exécution de ce travail ou service sera dirigée conformément aux exigences de la religion, de la vie sociale et de l'agriculture".
12. Sur un plan plus important, il est indiqué au paragraphe 1 de l'article 10 de la convention que les formes de travail forcé ou obligatoire décrites dans cet article "devront être progressivement supprimées". Comme l'a noté la commission d'enquête au paragraphe 472 de son rapport, l'article 10 fait partie d'une série de dispositions prévoyant des conditions et des garanties "pour restreindre et réglementer le recours au travail obligatoire en attendant son élimination", c'est-à-dire pendant la "période transitoire" prévue à l'article 1, paragraphe 2, de la convention. A cet égard, la commission réitère qu'étant donné que la convention, adoptée en 1930, demande la suppression du travail forcé dans le plus bref délai possible, invoquer aujourd'hui (69 ans après l'adoption de la convention) que certaines formes de travail forcé ou obligatoire sont conformes à l'une des exigences de cet ensemble de dispositions revient à méconnaître la fonction transitoire de ces dispositions et n'est pas conforme à l'esprit de la convention. La commission estime qu'on ne saurait justifier le recours à une forme de travail forcé ou obligatoire relevant, aux termes de l'article 2, du champ d'application de la convention en invoquant le respect des articles 1, paragraphe 2, et 4 à 24, bien que les interdictions absolues figurant dans ces dispositions lient toujours les Etats ayant ratifié la convention. Dans son rapport, la commission d'enquête a partagé cet avis, compte tenu également du statut de l'abolition du travail forcé ou obligatoire en droit international général, en tant que norme impérative à laquelle aucune dérogation n'est admise.
13. En outre, au paragraphe 472 de ses observations relatives au respect de la convention, la commission d'enquête a constaté que:
... en l'espèce, l'engagement pris en vertu de l'article 1, paragraphe 1, de la convention de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible interdit au gouvernement de recourir à une législation dont il avait déclaré pendant de nombreuses années qu'elle était obsolète et non appliquée.
14. En prévoyant la possibilité d'exercer le pouvoir d'imposer le travail obligatoire au titre d'une exception reprenant partiellement l'article 10, paragraphe 2 a) à c), de la convention, l'arrêté du 14 mai 1999 n'observe ni les conditions prévues au paragraphe 2 d) et e) de l'article 10, ni la fonction transitoire de cette disposition; à fortiori, cet arrêté n'assure pas, comme le demandait la commission d'enquête dans ses recommandations au paragraphe 539(b), "que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne sera plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires".
15. Dans son mémorandum du 7 juin 1999, le gouvernement a indiqué que l'arrêté no 1/99 "dispose spécifiquement qu'il doit être immédiatement mis un terme à tout travail non rémunéré ou obligatoire". En fait, l'arrêté ne se réfère pas à "tout travail non rémunéré ou obligatoire", mais seulement à l'exercice des pouvoirs conférés en vertu de la loi sur les villages et de la loi sur les villes. La commission d'enquête avait souligné au paragraphe 539 b) de son rapport que, dans la pratique nationale, "le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes". Cela est confirmé par les informations disponibles sur les pratiques exercées en fait par les autorités militaires depuis la publication du rapport de la commission d'enquête (voir partie B ci-dessous), y compris les textes d'ordres exigeant la contribution d'un travail, émis aussi bien avant qu'après le 14 mai 1999 sans jamais se référer à la loi sur les villages, à la loi sur les villes, ou à quelque autre base légale que ce soit.
16. En conclusion, les mesures concrètes que la commission d'enquête avait demandées pour "assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré" n'ont pas encore été prises.
B. Informations disponibles sur les pratiques existantes
a) Août 1998 à mi-mai 1999
17. Dans son rapport du 21 mai 1999 qu'il a adressé aux membres du Conseil d'administration, le Directeur général a indiqué que toutes les informations sur les pratiques existantes (informations émanant d'organisations de travailleurs et d'employeurs, d'organisations intergouvernementales et de gouvernements d'Etats Membres de l'OIT) qui ont été reçues en réponse à sa demande relevaient la persistance du recours généralisé au travail forcé par les autorités, et en particulier par l'armée.
18. Il existe de très nombreuses informations faisant état de cas concrets de recours au travail forcé entre août 1998 et avril 1999, y compris un grand nombre d'ordres officiels écrits émanant de l'armée ou des représentants de l'administration qui exigent de chefs de villages qu'ils fournissent des villageois pour exécuter un travail forcé. De même que les ordres antérieurs, ceux émis après juillet 1998 ne font jamais référence à un quelconque fondement légal pour justifier le pouvoir exercé.
19. Le travail forcé a continué d'être imposé pour du portage, pour l'exécution de travaux pour des camps militaires et d'autres travaux à l'appui des forces armées, pour des projets agricoles et d'autres projets de production entrepris par l'armée, pour la construction et l'entretien de routes, de voies ferrées et de ponts, et pour des travaux d'infrastructure allant du creusement de canaux à la construction de barrages ou de pagodes. Les informations reflétées dans le rapport du Directeur général comprennent des détails d'un certain nombre de cas dans lesquels le travail forcé a été imposé dans des circonstances d'une brutalité extrême - destruction de villages, torture, viols, mutilation et exécution de porteurs épuisés, malades ou blessés et (dans un cas) d'un chef de village non coopératif, et utilisation de civils, femmes et enfants compris, pour balayer les mines et servir de boucliers humains. D'une manière plus générale, les conditions dans lesquelles le travail forcé est imposé révèlent un mépris total de la dignité, de la santé et des nécessités premières des victimes.
b) Commentaires du gouvernement en date du 7 juin 1999
20. Dans son mémorandum du 7 juin 1999, le gouvernement indique ce qui suit à propos du rapport du Directeur général du 21 mai:
... le rapport est tissé d'accusations non fondées et partiales dirigées délibérément contre le Myanmar et son gouvernement.
Les faits allégués dans ce rapport sont à l'évidence des accusations mensongères concoctées dans l'intention maligne d'amener la destruction du Myanmar par des organismes d'expatriés du Myanmar à l'étranger et des groupes renégats qui sont opposés à toutes les mesures prises par le gouvernement du Myanmar. Ces allégations reposent également sur des accusations manifestement mensongères, formulées oralement, par écrit et sous la forme d'annonces par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) ...
Aujourd'hui, le gouvernement mène à bien des projets d'équipement en procédant à une planification systématique et à des allocations budgétaires appropriées. De plus, l'essentiel des travaux accomplis dans le cadre de ces projets le sont en ayant recours à des moyens et équipements mécanisés. Tout projet dans le cadre duquel de la main-d'oeuvre doit nécessairement être employée comporte un volet budgétaire consacré au paiement des salaires des ouvriers. Tout ouvrier ainsi employé perçoit un salaire équitable et il n'existe pas un seul cas ni le moindre commencement de preuve que du travail forcé serait pratiqué dans le cadre de ces projets.
Le travail nécessité par la construction des grands axes routiers dans diverses régions, notamment de l'axe routier dans l'Etat de Shan, ainsi que la construction des voies ferrées, est accompli par des membres des forces armées. Pas un seul civil n'est employé dans ce cadre.
Les seuls travaux auxquels la population soit associée se limitent au creusement de petits canaux d'irrigation destinés à acheminer l'eau jusqu'à leurs lopins privés. Les grands projets poursuivis par l'Etat pour la réalisation de canaux d'irrigation et de barrages ne font pas appel à des civils qui seraient soumis à un travail forcé ou qui seraient réquisitionnés. Comme indiqué, lorsque des personnes travaillent, elles le font dans leur propre intérêt et conformément à leurs intentions et à leurs horaires propres, sur leurs lopins de terre particuliers.
Les projets d'équipement de l'Etat ne font appel qu'à des membres des forces armées. Ainsi, l'accusation selon laquelle le gouvernement aurait recours au travail forcé dans le cadre de ces projets est à la fois sans fondement et manifestement erronée. Comme seuls les membres des forces armées sont employés dans le cadre de la réalisation des axes ferroviaires et routiers, prétendre que l'on a recours au travail forcé est absolument insensé.
Les autres projets en cours, tels que ceux concernant la bonification de terres incultes ainsi que la construction de logements et d'hôtels, correspondent tous à des opérations réalisées par des entreprises privées qui y ont investi leurs capitaux. Le recours à du travail forcé dans ces cas est absolument exclu. En fait, lorsque des conflits du travail surviennent, le gouvernement prend fermement position en faveur des travailleurs en vue du règlement de ces conflits.
Pour ce qui est de l'accusation selon laquelle l'armée réquisitionne des porteurs dans le cadre de ses opérations militaires, on peut dire que telle était autrefois la pratique lorsque les mouvements de rébellion étaient chroniques. Mais le fait demeure que ces porteurs étaient toujours rémunérés et que le budget de la défense a toujours comporté une imputation de crédit pour le paiement de ces salaires. Ces porteurs jouissaient des mêmes droits que les soldats. Ils percevaient les mêmes rations ainsi que la même solde. En outre, un porteur victime d'une blessure obtenait une indemnisation égale à celle d'un soldat en service et avait droit aux mêmes indemnités de compensation pour la dureté de la mission. Mais cette question des porteurs servant l'armée n'a plus lieu d'être et ne se pose plus depuis que les opérations militaires ne constituent plus une nécessité impérieuse.
21. La commission prend dûment note que, dans sa déclaration, le gouvernement dément ce qui ressort des conclusions de juillet 1998 de la commission d'enquête et d'une profusion d'informations concordantes, sur la période août 1998-avril 1999, fournies par de très nombreuses sources, ainsi que des copies d'ordres émanant des forces armées ou de représentants de l'administration, qui sont mentionnées dans le rapport du Directeur général du 21 mai 1999. La commission note en outre que les affirmations citées plus haut et contenues dans le mémorandum du gouvernement du 7 juin 1999 sont démenties entre autres par les copies d'ordres militaires qui ont été émis à peu près en même temps et présentés par la CISL.
c) Pratique depuis la mi-mai 1999
22. Dans ses observations en date du 19 octobre 1999, la CISL indique que, plus d'un an après la publication du rapport de la commission d'enquête, et contrairement aux engagements qu'il a pris publiquement à maintes reprises, le gouvernement n'a cessé de recourir systématiquement, et à une grande échelle, au travail forcé, lequel a continué et continue d'être imposé à la population civile, comme il ressort de plusieurs ordres émis récemment par les forces armées et/ou des organismes placés sous leur contrôle direct.
23. Il ressort en effet de ces ordres que des officiers militaires ont continué, après le 14 mai 1999, à exiger de chefs de villages qu'ils fournissent des villageois pour cultiver des produits alimentaires destinés à l'armée et pour effectuer des travaux routiers et de portage, et qu'ils envoient, par roulement, à des camps militaires désignés un contingent régulier de travailleurs forcés utilisés comme serviteurs, messagers, sentinelles ou bâtisseurs pour une série d'autres tâches. La CISL souligne que ces travailleurs ne sont pas autorisés à quitter les locaux de l'armée tant que la relève n'est pas arrivée, que l'on ouvre le feu sur les personnes qui sortent sans autorisation et que les anciens du village peuvent être arrêtés, voire torturés en cas de manquements répétés à ces ordres.
24. La CISL a également communiqué un rapport indiquant que le travail forcé a été utilisé en août 1999 pour la réparation et l'entretien de la voie ferrée de Ye-Tavoy, ainsi qu'une étude du rapport de 1999 du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, dont il ressort que, parfois, le seul objet du travail forcé pour l'armée est de lui assurer un profit financier direct. A ce sujet, la CISL rappelle, parmi les ordres militaires qui ont été soumis, le recrutement forcé, par un ordre du 12 juin 1999, de personnes avec des boeufs et des charrues pour le travail sur des terres placées sous le contrôle d'un chef de bataillon de la région de Kawkareik, en tant qu'exemple confirmant l'analyse du rapporteur spécial selon laquelle des cultivateurs seraient exploités sur des terres confisquées.
25. Le gouvernement n'a pas formulé de commentaires à propos des observations de la CISL du 19 octobre. La commission note, comme l'a déjà signalé la CISL à propos d'autres ordres militaires, que les ordres présentés sont quasiment identiques, quant au style et au contenu, aux centaines d'ordres de travail forcé que la commission d'enquête avait examinés et jugés authentiques lors de son investigation.
26. En conclusion, rien n'indique que les pratiques en vigueur n'aient changé depuis que la commission d'enquête a présenté son rapport. Au contraire, l'imposition par les autorités de travail forcé ou obligatoire s'est poursuivie et est largement attestée.
III. Sanctions
27. Au paragraphe 539(c) de ses recommandations, la commission d'enquête avait exhorté le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:
... que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l'article 374 du Code pénal pour le fait d'exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, conformément à l'article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites, et l'application de sanctions efficaces à ceux reconnus coupables.
28. Dans son mémorandum du 7 juin 1999, le gouvernement attire l'attention sur le paragraphe 6 de l'arrêté no 1/99 du 14 mai 1999, qui dispose ce qui suit: "toute personne qui ne se conforme pas au présent arrêté s'expose à ce que des sanctions soient prises à son égard sur la base de la législation en vigueur". Ceci, selon le gouvernement, veut dire "sans aucune équivoque que les contrevenants seront punis conformément à l'article 374 du Code pénal".
29. La commission note qu'il n'est question dans l'article 6 de l'arrêté no 1/99 ni de l'imposition d'un travail forcé ni de punition au titre de l'article 374 du Code pénal, mais spécifiquement de l'inobservation de l'arrêté et de sanctions prises sur la base de la législation en vigueur. La commission rappelle également que l'arrêté en question n'interdit pas d'une manière générale l'imposition d'un travail forcé ou obligatoire mais qu'il restreint de manière spécifique le recours aux pouvoirs conférés en vertu de la loi sur les villages et de la loi sur les villes. Elle rappelle en outre que les ordres militaires imposant du travail forcé ne font pas référence à un quelconque fondement juridique.
30. Dans les faits, aucune sanction prise conformément à l'article 374 du Code pénal n'a été portée à la connaissance de la commission.
31. Il convient de rappeler à cet égard que l'imposition persistante par les autorités d'un travail forcé ou obligatoire a été catégoriquement niée par le gouvernement dans son mémorandum du 7 juin 1999, comme l'avait fait d'une manière analogue le lieutenant général Khin Nyunt devant la réunion du 14 mai 1999 des ministres du Travail de l'ANASE. A cette occasion, celui-ci avait évoqué "la mauvaise interprétation et la mauvaise connaissance" de la situation et de la mentalité du peuple du Myanmar, lequel "a volontairement contribué au travail" qui apporte "des avantages matériels immédiats" et "constitue un mérite pour les cycles futurs de vie". Il avait ajouté que, "pour dissiper ces fausses impressions", le gouvernement avait "publié des instructions selon lesquelles seul le travail rémunéré doit être utilisé dans des projets d'infrastructures", tout en indiquant que "nous faisons maintenant essentiellement appel aux militaires".
32. Comme l'ont déjà signalé un comité du Conseil d'administration en 1994, la présente commission dans ses observations ultérieures au titre de la convention et la commission d'enquête dans ses recommandations figurant au paragraphe 539 de son rapport, l'absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux ou militaires. Le pouvoir d'imposer du travail obligatoire ne cessera d'être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale.
33. La commission déplore l'imposition persistante et impitoyable, manifestement en toute impunité, de travail forcé à la population civile par des officiers militaires, le fait que le gouvernement n'a pas donné suite aux trois recommandations de la commission d'enquête et la non-observation persistante par le Myanmar de la convention sur le travail forcé. Dans ses observations finales, la commission d'enquête avait noté que l'expérience de ces dernières années tend à prouver que l'établissement d'un gouvernement librement choisi par le peuple et la soumission de toute autorité publique au droit sont, en pratique, des conditions indispensables à l'élimination du travail forcé au Myanmar. La commission exhorte le gouvernement à donner suite aux recommandations de la commission d'enquête afin de mettre un terme au fléau qu'est le travail forcé et à restaurer sa crédibilité aux yeux de la communauté internationale en démontrant qu'il est disposé à satisfaire à ses obligations internationales.