National Legislation on Labour and Social Rights
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1. Depuis plusieurs années, la commission examine, au regard de l’application de la convention, les informations relatives aux pratiques d’enlèvement, de trafic et de travail forcé affectant des milliers de femmes et d’enfants dans les régions du sud du pays où se déroule un conflit armé, mais également dans des régions sous contrôle du gouvernement. Dans sa dernière observation, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour abolir le travail forcé. Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et de transmettre copie des décisions de justice prononcées. Elle avait également prié le gouvernement de fournir des informations complètes à la Conférence lors sa 89e session et de faire parvenir un rapport détaillé en 2001.
2. Dans les conclusions qu’elle a adoptées en juin 2001, la Commission de l’application des normes de la Conférence s’est déclarée profondément préoccupée par la grave situation qui prévaut au Soudan. Elle a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures rigoureuses qui soient proportionnelles à l’ampleur et à la gravité du problème et de répondre aux questions soulevées par la commission d’experts, en particulier dans le domaine de la prévention, pour identifier les personnes qui exigent du travail forcé et imposer des sanctions pénales appropriées. La Commission de la Conférence a noté que le représentant gouvernemental avait refusé la proposition visant à envoyer dans son pays une mission de contacts directs pour que celle-ci puisse collaborer avec le gouvernement à la recherche de solutions pour éliminer la pratique du travail forcé, mais avait déclaré que cette possibilité serait examinée. La Commission de la Conférence a décidé de faire figurer ce cas dans un paragraphe spécial de son rapport comme un cas continu de défaut d’application de la convention.
3. La commission note les informations fournies par un membre travailleur pendant la discussion de la Commission de la Conférence, indiquant qu’en octobre 2000 deux représentants d’Anti-Slavery International (ASI) se sont rendus au Soudan pour évaluer les résultats de l’action du Comité pour l’élimination des rapts de femmes et d’enfants (CERFE), institution créée en 1999 qui dépend du ministère de la Justice. Les représentants d’ASI se sont entretenus avec des membres du CERFE, du Comité dinka, de la communauté dinka du nord du Soudan et d’anciens esclaves qui vivent dans trois centres de transit administrés par le CERFE. Les informations fournies par le membre travailleur ont indiqué que les représentants d’ASI ont découvert que les dirigeants gouvernementaux et autres responsables ne considéraient pas les personnes enlevées qui sont intégrées dans une autre famille, soit parce qu’elles lui ont été vendues, soit à la suite d’une adoption simulée ou d’un mariage ou après l’écoulement d’un certain temps, comme des victimes de violations des droits de l’homme et encore moins comme des victimes de l’esclavage.
4. La commission note que, selon les informations fournies par le membre travailleur, le CERFE ne s’est pas acquitté de son mandat en engageant des poursuites, mais a opté pour une procédure consistant à identifier ceux qui devraient être libérés et assurer leur libération, avec la participation aussi bien de représentants de la population dinka que de la communauté qui les maintient en détention. Toutefois, cette procédure est d’une lenteur inacceptable.
5. La commission a également pris note des informations fournies oralement par un représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence. La commission note que le représentant du gouvernement a fait observer que la résolution adoptée en avril 1999 par la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et par l’Assemblée générale des Nations Unies se réfère à«l’enlèvement» et au «rapt» mais non pas au travail forcé. Selon ce représentant gouvernemental, le gouvernement du Soudan ne nie pas que des enlèvements aient lieu et soient «communément pratiqués» dans certaines tribus.
6. La commission note que, dans sa résolution d’avril 2001 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (E/CN.4/RES/2001/18), la Commission des droits de l’homme s’est à nouveau déclarée profondément préoccupée par «le rapt de femmes et d’enfants pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues». De même, dans une résolution adoptée en décembre 2000 sur la situation des droits de l’homme au Soudan (A/RES/55/116), l’Assemblée générale s’est déclarée profondément préoccupée par «les cas de conscription forcée dans le cadre du conflit dans le sud du Soudan» et «le rapt de femmes et d’enfants pour les soumettre au travail forcé ou à des conditions analogues».
7. La commission prend également note du rapport intérimaire du 7 septembre 2001 du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Soudan (document des Nations Unies A/56/336).
8. Dans ce rapport, le Rapporteur spécial rend compte des résultats de la mission qu’il a effectuée au Soudan du 9 au 14 mars 2001 et donne des informations actualisées sur l’évolution générale de la situation, qui sont fondées sur des renseignements recueillis par la suite. La commission note que, dans ses conclusions et recommandations, le Rapporteur spécial, tout en reconnaissant que des mesures positives ont été prises, considère qu’une vaste campagne de sensibilisation demeure nécessaire. Plus précisément, le Rapporteur spécial a encouragé le gouvernement du Soudan à se prononcer publiquement contre les enlèvements et à soutenir ouvertement le CERFE. Il a indiqué que jusqu’au milieu de l’année 2001 le CERFE avait seulement facilité le retour dans leurs foyers d’environ 550 personnes enlevées alors que le nombre total de personnes qui attendent d’être libérées se situe, de l’avis général, entre 5 000 et 14 000, même si les estimations varient sensiblement, certains rapports faisant état de chiffres beaucoup plus élevés.
9. La commission note que, selon le Rapporteur spécial, le gouvernement doit exercer toute son influence sur les Murahaleen. Le Rapporteur spécial estime que le gouvernement a une part de responsabilité parce que l’armée soudanaise fait participer les Murahaleen à son action militaire et, dans une certaine mesure, les finance, les équipe et les déploie. Le Rapporteur spécial est d’avis qu’adopter une politique claire et sans équivoque sur les enlèvements permettrait d’éviter que des enlèvements ne se reproduisent et renforcerait l’efficacité du CERFE, surtout au niveau de la population locale, ce qui accélérerait la libération des personnes enlevées et la restitution à leurs familles.
10. La commission a pris note de la communication transmise en août 2001 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui contient des informations émanant d’Anti-Slavery International (ASI). Copie de la communication de la CISL a été transmise au gouvernement le 18 octobre 2001 pour qu’il puisse formuler les commentaires qu’il jugerait appropriés.
11. Les informations réunies par ASI et communiquées par la CISL ont également été portées en juin 2001 à la connaissance du Groupe de travail sur les formes contemporaines d’esclavage de la Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies. La commission note les indications d’ASI selon lesquelles, bien que le nombre de femmes et d’enfants enlevés et réduits en esclavage au cours de raids ait varié au cours des années qui ont suivi la reprise de la guerre civile en 1983, l’esclavage reste clairement une réalité au Soudan où des milliers de personnes attendent leur libération et où de nouveaux enlèvements ont encore lieu.
12. La commission note que, dans son rapport reçu en novembre 2001, le gouvernement indique qu’en juin 2000 une délégation du CERFE s’est rendue dans la ville de Pibor dans l’Etat de Jongli pour recueillir des informations sur douze enfants dinka, taposa, nuer et anyuak enlevés par les Murie, tribu du sud du Soudan. A son retour à Khartoum en juillet 2000, la délégation a pu produire des informations sur huit cas. Le gouvernement indique que deux personnes enlevées ont été restituées à leur famille dans la ville de Bor et deux autres ont été transférées à Khartoum pour y subir un traitement médical. Le gouvernement indique qu’en février 2001, le CERFE a remis quatre enfants à leurs familles dans la ville de Wau et qu’avec la coopération du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il a réussi à rapatrier 118 Baggara enlevés qui étaient détenus par les rebelles dans la ville de Yei depuis 1997. Ces personnes sont arrivées à Khartoum en mars 2001.
13. La commission note également la réponse fournie par le CERFE, apparemment au nom du gouvernement, à ASI à propos du rapport de cette organisation, intitulé«Is there slavery in Sudan?». La réponse du CERFE, envoyée le 30 août 2001, indique que la pratique de l’enlèvement dans les tribus de l’ouest et du sud du Soudan est aussi ancienne que les tribus elles-mêmes, et que cette pratique est profondément ancrée dans divers aspects de la vie économique, sociale et culturelle. Elle a été favorisée par l’éloignement géographique et la médiocrité de l’infrastructure dans ces régions, et aussi par le manque d’information, d’instruction et de sécurité dans les tribus. Le CERFE indique que la réapparition et l’aggravation de ce phénomène ont été dans une très large mesure favorisées par les rébellions qui sont à l’origine de la guerre civile. Selon le CERFE, il est devenu difficile de recourir aux mécanismes traditionnels pour résoudre le problème des enlèvements entre tribus.
14. Dans sa réponse, le CERFE a indiqué que l’enlèvement est un crime aux termes de l’article 162 du Code pénal et non de l’article 161 qui traite du détournement, et que l’enlèvement est passible de dix ans d’emprisonnement. Il a également indiqué que la lenteur des procédures était due aux effets cumulés d’une pratique qui dure depuis plus de dix ans et que l’immensité du territoire en question et son éloignement des médias empêchaient le gouvernement de diffuser largement une «culture» des droits de l’homme. Le CERFE a indiqué qu’à sa connaissance le nombre de personnes enlevées n’est que de 1 200 et qu’il est difficile d’obtenir des renseignements et de traiter des affaires autres que les affaires d’enlèvement. Le CERFE a souligné qu’il a pour objectifs de contribuer à la coexistence pacifique par la sensibilisation, la restauration de la confiance, le règlement des conflits tribaux et le renforcement des structures de base et de celles qui favorisent le développement. Le CERFE a indiqué que, lorsque des personnes enlevées sont identifiées, la procédure suivie consiste à libérer immédiatement ces personnes et à les transférer dans des centres de paix. Selon le CERFE, il traite de cas complexes et particuliers au mieux des intérêts de la personne enlevée. Lorsque des enfants plus âgés et des femmes mariées sont en cause, c’est à eux qu’il appartient de prendre la décision finale.
15. La commission a pris note de la réponse d’ASI aux commentaires du CERFE, qui a été transmise au gouvernement le 12 octobre 2001. En réponse à l’indication du CERFE selon laquelle il n’avait connaissance que de 1 200 cas d’enlèvement, ASI fait observer que ce chiffre est très éloigné de l’estimation du Comité dinka, selon laquelle un nombre total de 14 000 personnes auraient été enlevées depuis 1986. ASI fait remarquer que le nombre de personnes enlevées dont fait état le CERFE n’est pas sensiblement supérieur à celui qu’il indiquait l’année précédente et se déclare par conséquent extrêmement préoccupé par le fait que le CERFE semble ne pas avoir pu, dans une mesure significative, poursuivre son action de libérer les victimes d’enlèvement au cours de l’année écoulée.
16. La commission demande instamment au gouvernement de prendre une position plus ferme pour combattre les cas de travail forcé dus aux enlèvements de femmes et d’enfants qui sont très répandus dans le pays. Cela requiert, de la part du gouvernement, une approche ferme et rendue publique en même temps que les mécanismes officiels de prévention, d’identification et de sanction de tels cas. La commission veut croire que le gouvernement sera prochainement en mesure de faire état de progrès à cet égard.
17. La commission a précédemment noté que le rapport du gouvernement ne comportait pas d’information lui permettant de s’assurer du respect des dispositions de l’article 25 de la convention, en vertu duquel «le fait d’exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, et tout membre ayant ratifié cet instrument a l’obligation de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées».
18. La commission a noté que les articles 161, 162 et 163 du Code pénal (the Criminal Act, 1991) portent sur l’enlèvement, le rapt et le travail forcé et que la peine prévue pour le fait d’exiger du travail forcé est d’une année d’emprisonnement seulement.
19. Dans son observation antérieure, la commission a prié le gouvernement de faire état des procédures pour engager des poursuites contre les personnes ayant imposé du travail forcé. La commission a en outre prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que, conformément à la convention, des sanctions pénales soient infligées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé et de communiquer copie des décisions de justice prononcées. La commission invite instamment le gouvernement à fournir ces informations dans son prochain rapport.