National Legislation on Labour and Social Rights
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1. La commission a pris note des commentaires sur l’application de la convention communiqués le 20 août 2003 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et transmis au gouvernement le 26 septembre 2003. Selon ces commentaires, préparés par la CISL en collaboration avec Anti-Slavery International, le statut d’esclave continue àêtre transmis par la naissance aux personnes issues de certains groupes ethniques. Elles sont tenues de travailler pour leur maître sans percevoir de salaire, essentiellement en tant que bergers, travailleurs agricoles ou employés domestiques. Le syndicat se fonde sur une étude menée par l’Association nigérienne Timidria, en 2002 et 2003, dans six régions du Niger, auprès de 11 001 personnes, identifiées par l’association comme étant issues d’une «caste esclave». Ces personnes travaillaient généralement directement pour leur maître en échange de nourriture et d’un endroit pour dormir. Certaines des personnes interrogées ont indiqué qu’elles travaillaient à l’extérieur et donnaient l’argent ainsi gagnéà leur maître. Si l’on se réfère à la définition de l’esclavage donnée par la Convention sur l’esclavage de 1926, la grande majorité des 11 001 personnes interrogées sont effectivement des esclaves dans la mesure où elles ont identifié une personne comme étant leur maître et où ce dernier les fait travailler sans les rémunérer.
Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que si le phénomène de l’esclavage n’est pas totalement éradiqué, l’ampleur qui lui a été donnée par la CISL est assez démesurée. Il indique que son attention a été attirée sur des situations de survivance de pratiques esclavagistes dans plusieurs zones du pays et qu’un certain nombre d’actions ont été entreprises en vue d’y remédier. Sur le plan juridique, selon l’article 12 de la Constitution, nul ne peut être soumis à l’esclavage. En outre, la loi no 2003-025 du 13 juin 2003 a modifié le Code pénal en y ajoutant une section consacrée à l’esclavage. S’agissant des actions entreprises en vue de l’éradication effective de l’esclavage et des pratiques analogues, le gouvernement indique qu’un forum sur le travail forcé a eu lieu à Niamey, en novembre 2001, avec le soutien du Bureau international du Travail. Ce forum avait pour but de sensibiliser les chefs traditionnels à ce problème et de les mobiliser. Ces autorités coutumières très respectées se sont engagées, au côté des pouvoirs publics, à lutter contre ce phénomène. En outre, grâce au soutien du Projet d’appui à la mise en œuvre de la Déclaration de l’OIT sur les principes et droits fondamentaux au travail (PAMODEC), des actions de formation et de sensibilisation ont été menées en faveur de plusieurs catégories sociales. Le gouvernement précise à cet égard qu’un réseau d’experts en normes internationales du travail a été créé afin d’intensifier les activités d’information et de sensibilisation en matière de droits et principes fondamentaux au travail.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle note que le gouvernement a entrepris de nombreuses actions pour lutter contre le travail forcé des personnes réduites en esclavage. Elle note avec un intérêt tout particulier que, suite à l’adoption de la loi no 2003-025 du 13 juin 2003, le Code pénal incrimine désormais l’esclavage et punit le fait de réduire autrui en esclavage d’une peine d’emprisonnement de dix à trente ans et d’une amende. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur l’application de ces nouvelles dispositions dans la pratique et notamment sur le nombre de personnes ayant été poursuivies, jugées et sanctionnées pour avoir imposé du travail forcé aux personnes réduites en esclavage. Elle rappelle à cet égard que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
Par ailleurs, la commission a pris connaissance de l’étude réalisée en août 2001 sous l’égide de l’OIT intitulée «Identification des obstacles à la mise en œuvre des principes et droits fondamentaux au travail et propositions de solutions au Niger». Selon cette étude, il existe au Niger un esclavage archaïque qui se manifeste au sein des communautés nomades. Le maître dispose de l’esclave à titre gratuit ou onéreux. Les relations entre maître et esclave sont basées sur l’exploitation directe. La commission note que cette étude a fait l’objet de discussions et a été adoptée et validée par le gouvernement et les partenaires sociaux. A cette occasion, un certain nombre de propositions d’action pour lutter contre le travail forcé imposé dans le cadre de pratiques esclavagistes ont été avancées, comme par exemple:
- le renforcement de l’arsenal juridique;
- l’organisation d’activités d’information, de sensibilisation et d’éducation de la population sur ses droits et ses devoirs;
- le développement des conditions d’accès à des moyens de subsistance durables grâce à un emploi librement choisi;
- la réalisation d’une enquête nationale susceptible de cerner les formes d’esclavage, d’estimer le nombre des victimes et des auteurs et de localiser les zones touchées.
Tout en notant les mesures déjà prises par le gouvernement en ce qui concerne le renforcement de l’arsenal juridique et les activités d’information et de sensibilisation, la commission souhaiterait que le gouvernement fournisse des informations sur les mesures prises pour estimer l’ampleur du phénomène de l’esclavage au Niger ainsi que sur les programmes ou actions mis en œuvre spécifiquement en faveur des anciens esclaves ou descendants d’esclaves pour empêcher qu’ils ne retombent en esclavage faute de moyens de subsistance.
2. Travail forcé des enfants dans les exploitations minières. Dans sa précédente observation, la commission avait pris note de l’étude entreprise en 1999 par l’OIT sur le travail des enfants dans les petites exploitations minières au Niger. Cette étude porte sur quatre types d’exploitation minière artisanale, à savoir: l’exploitation du natron de Birini N’Gaouré (Département de Dosso), l’exploitation du sel de Gaya (Département de Dosso), l’exploitation de l’or de Torodi et de Téra (Département de Tillabéry), l’exploitation du gypse de Madaoua (Département de Tahoua). Selon l’étude, le travail des enfants est extrêmement répandu au Niger, particulièrement dans le secteur informel. Le travail dans les petites exploitations minières artisanales constitue l’une des activités les plus dangereuses du secteur informel nigérien. Cette seule branche emploie plusieurs centaines de milliers de travailleurs avec, d’après les estimations données dans l’étude, une proportion d’enfants de 47,5 pour cent dans les petites mines; ce taux passant à 57 pour cent si l’on considère les petites mines et les carrières. Dans toutes les exploitations susmentionnées, l’étude montre que les conditions de travail des enfants sont extrêmement difficiles (l’orpaillage étant l’une des activités les plus pénibles et les plus dangereuses). Dès l’âge de huit ans, les enfants effectuent des tâches physiquement astreignantes et dangereuses, le plus souvent tous les jours de la semaine, pour une durée de travail journalière de huit heures et plus. Les travaux d’exploitation comportent d’importants risques d’accidents et de maladies et portent gravement atteinte à la santé des enfants. L’étude fait état de l’absence de techniques de sécurité minière modernes sur les sites observés ainsi que d’infrastructures sanitaires à proximité de ces sites. En raison de la situation économique extrêmement précaire des familles, les enfants ne sont pas scolarisés et sont souvent forcés par leurs parents à travailler.
La commission rappelle que tout travail effectué par des enfants ne saurait être qualifié de travail forcé. Il est néanmoins indispensable, pour déterminer si l’on est en présence d’une situation qui relève de la convention, d’examiner, à la lumière de la définition du travail forcé donnée par ladite convention, les conditions dans lesquelles ce travail est effectué, notamment en ce qui concerne la validité du consentement donné pour effectuer le travail et la possibilité de le quitter. La commission considère que ni les enfants, ni les personnes ayant l’autorité parentale ne peuvent valablement donner leur consentement pour le travail dans les exploitations minières d’autant plus que, comme la commission l’a déjà noté, l’âge minimum d’admission au travail au Niger est de 14 ans en général et de 18 ans pour le secteur minier, conformément à la convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973.
La commission note que dans son rapport le gouvernement communique copie de deux textes: l’arrêté no 051/MME/DM du 30 mai 2003 créant un comité technique chargé de réfléchir sur la formulation de propositions pour l’optimisation de la mine artisanale et le développement de la petite mine, et l’arrêté no 03/MME/DM définissant les modalités de la surveillance et du contrôle par l’administration des sites d’orpaillage. Elle regrette cependant que, depuis 2001, le gouvernement n’ait fourni aucune information sur la situation des enfants dans les exploitations minières. La commission le prie une nouvelle fois de communiquer des informations sur les conditions de travail de ces enfants, ainsi que sur toute mesure prise ou envisagée pour les protéger contre le travail forcé.
3. Travail forcé des enfants et mendicité. La commission s’était référée au rapport du groupe de travail des formes contemporaines d’esclavage selon lequel des enfants sont forcés de mendier en Afrique occidentale, notamment au Niger. Selon le paragraphe 73 de ce rapport, pour des raisons économiques et religieuses, de nombreuses familles confient leurs enfants, dès l’âge de cinq ou six ans, à un guide spirituel (marabout) avec qui ils vivent jusqu’à l’âge de 15 ou 16 ans. Durant cette période, le guide spirituel a un contrôle total sur les enfants. Il se charge de leur enseigner la religion et en retour les oblige à effectuer diverses tâches, dont celle de mendier.
La commission note également qu’en juin 2003, dans ses observations finales concernant le Niger, le Comité des droits de l’enfant a fait part de sa préoccupation face au nombre d’enfants qui mendient dans la rue. Certains d’entre eux sont des élèves qui ont été confiés à la garde d’enseignants de la religion islamique. Le comité est particulièrement préoccupé par leur vulnérabilitéà toutes formes d’exploitation (paragr. 66 et 67, CRC/C/15/Add.179).
La commission considère que ces enfants qui se trouvent dans un rapport analogue à celui d’esclave à maître, c’est à dire n’ayant pas la libre disposition de leur personne, effectuent, en raison même de cette relation, un travail pour lequel ils ne se sont pas offerts de leur plein gré. Elle prie une nouvelle fois le gouvernement de bien vouloir communiquer des informations sur les mesures prises pour protéger ces enfants contre cette forme de travail forcé. Notant que l’étude réalisée en 2001 sous l’égide de l’OIT, ci-dessus mentionnée, contient également des propositions d’action pour enrayer la mendicité de ces enfants, la commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur les mesures qui auraient été prises pour assurer le suivi de ces propositions.
La commission rappelle à cet égard que si le Code du travail (ordonnance no 96-039) interdit le travail forcé de façon absolue et fixe la sanction correspondante (art. 4 et 333), celui-ci ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs (art. 1 et 2). La commission avait déjà prié le gouvernement de prendre des mesures pour élargir l’interdiction du travail forcéà toutes les relations de travail, y compris celles qui existent entre les enfants et les guides spirituels. La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires à cet effet dans un très proche avenir.
En conclusion, la commission reconnaît que le gouvernement a pris des mesures pour combattre l’esclavage et le travail forcé des enfants sur l’ensemble du territoire. Compte tenu de la gravité des problèmes et de leur ampleur, la commission prie instamment le gouvernement d’accorder de toute urgence une attention particulière à la mise en place de moyens efficaces pour éradiquer ces pratiques.