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Observación (CEACR) - Adopción: 2008, Publicación: 98ª reunión CIT (2009)

Convenio sobre pueblos indígenas y tribales, 1989 (núm. 169) - Perú (Ratificación : 1994)

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La commission prend note d’une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relative à l’application de cette convention dans ce pays et incluant le rapport alternatif 2008 sur l’application de la convention au Pérou, communication qui a été reçue le 5 août 2008 et qui a été transmise au gouvernement le 1er septembre 2008. Ce rapport alternatif a été établi avec la participation de l’Association interethnique du développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA) et la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), l’Association régionale des peuples indigènes de la forêt centrale (ARPI), l’Organisation régionale AIDESEP Ucayali (ORAU) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes de la Coordination nationale des droits de l’homme. La commission a également pris note des deux communications du Syndicat général des commerçants en gros et au détail du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT), du 17 septembre 2007, communiquées par le gouvernement le 27 septembre 2007, et de celle du 28 mars 2008, communiquée par le gouvernement le 2 mai 2008. Dans son observation de 2007, la commission avait pris note d’une autre communication de la CGTP et d’une communication du SIGECOMGT, transmises en temps opportun au gouvernement, qu’elle n’avait pas examinées suite aux difficultés évoquées par le gouvernement en raison du séisme qui a frappé le Pérou le 15 août 2007. Elle prend note du rapport du gouvernement reçu le 17 octobre 2008, dans lequel celui-ci déclare avoir reçu directement le 5 août dernier de la CGTP le rapport alternatif, mais ne fait pas de commentaires à ce sujet. En raison de cette réception tardive, la commission prendra en considération certains éléments qui portent sur des questions soulevées dans les communications et examinera le rapport de manière plus détaillée en 2009, en même temps que la réponse aux présents commentaires.

Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Il est indiqué dans les communications susmentionnées que l’on utilise au Pérou plusieurs catégories pour se référer aux peuples indigènes, si bien que l’on ne sait pas clairement quels sont ceux auxquels la convention s’applique. Ainsi, la catégorie juridique des «peuples indigènes» n’est pas mentionnée dans la Constitution, et la notion juridique issue de la colonisation et admise par la Constitution et dans la plus grande partie de la législation est celle de la «communauté». Il existe dans le pays des communautés paysannes et des communautés aborigènes. Il y en a ainsi 6 000 à être enregistrées. Un certain nombre de lois utilisent les termes de «communautés aborigènes», «communautés paysannes» ou «peuples indigènes», de manière parallèle et parfois de manière différenciée; en outre, il existe une différence de degrés dans l’application de la convention, par exemple dans le cas des «communautés aborigènes», qui ont bénéficié d’une série de mesures volontaristes, tendant à mieux garantir leurs droits à la consultation, mais bien peu de progrès auraient été enregistrés par rapport à l’application de la convention en ce qui concerne les communautés paysannes de la côte et de la région montagneuse du pays.

La commission note que le gouvernement indique que le règlement d’application de la loi no 28.945 portant création de l’Institut national des peuples andins mentionne sous son article 2 les définitions qui correspondraient aux peuples andins, aux peuples de l’Amazone et aux peuples afro-péruviens. La commission note que, selon le gouvernement, les communautés paysannes et les communautés aborigènes bénéficient de la reconnaissance de leurs droits ethniques et culturels en tant que collectivités assimilées aux peuples indigènes, eu égard aux aspects sociaux, politiques et culturels. Cette phrase semble être positive, dans le sens où elle confirme de précédents rapports du gouvernement et commentaires de la commission tendant à ce que les communautés indigènes soient couvertes par la convention quelle que soit leur dénomination. Il semble cependant qu’il y ait des différences dans l’application des dispositions de la convention, particulièrement quant à leur portée. La commission considère que, dans la mesure où les communautés paysannes satisfont aux conditions posées par l’article 1, paragraphe 1, de la convention, elles doivent jouir de la protection intégrale de la convention, sans considération des différences ou similitudes qu’elles peuvent avoir avec d’autres communautés, ou encore de leur dénomination.

La commission se réfère à cette question depuis un certain nombre d’années. Dans une demande directe de 1998, «elle [s’était permise de] suggérer au gouvernement d’appliquer un critère homogène aux populations susceptibles d’être couvertes par la convention, étant donné que les différents termes et définitions employés peuvent prêter à confusion entre les différentes populations: paysannes, indigènes, ‘natives’, montagnardes, forestières ou de la lisière de la forêt». D’après les communications reçues, plusieurs gradations seraient faites dans l’application de la convention, en fonction de la dénomination de la communauté concernée. De plus, la terminologie utilisée dans les différentes lois génère une confusion et la dénomination ou les caractéristiques respectives des peuples n’entrent pas en considération quant à l’application de la convention à leur égard, dès lors que ceux-ci répondent aux critères fixés à l’article 1, paragraphe 1, de la convention. La commission répète que le concept de peuple est plus large que celui de communauté qu’il englobe et que, quelle que soit la dénomination de chacun, aucune différence ne doit être faite entre eux quant aux effets de la convention, tant qu’il s’agit des communautés désignées comme «natives», «paysannes» ou autres qui répondent aux critères de l’article 1, paragraphe 1 a) ou b), de la convention, et les dispositions de la convention doivent leur être appliquées d’une manière égale pour tous. Cela ne veut pas dire que des actions différenciées ne peuvent pas être envisagées pour répondre aux nécessités spécifiques de certains groupes, comme les communautés non contactées ou qui vivent volontairement en isolement, par exemple. La commission signale une fois de plus à l’attention du gouvernement que la diversité des dénominations et des traitements dans la loi engendre la confusion et rend l’application de la convention plus difficile. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement d’établir, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, un critère unifié d’appartenance aux peuples susceptibles d’être couverts par la convention, de manière à mettre fin à la confusion créée par la diversité des définitions et des termes, et de fournir des informations sur ce point. En outre, elle demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir que tous les peuples qui rentrent dans la définition de l’article 1 de la convention soient couverts par toutes les dispositions de celle-ci et jouissent de manière égale entre eux des droits qui y sont garantis et de fournir des informations à cet égard.

Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. La CGTP dénonce une inapplication flagrante et systématique de l’article 33 de la convention, en vertu duquel l’autorité gouvernementale doit s’assurer que des institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés et qu’ils disposent des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions. La CGTP évoque à ce propos la création, en 2005, de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), à travers la loi no 28.495, en tant qu’organisme participatif doté de l’autonomie administrative et budgétaire ayant pour principale mission de proposer des politiques nationales de promotion et de défense des peuples indigènes et afro-péruviens, de superviser ces politiques et de veiller à leur mise en œuvre. La CGTP déclare, à propos de cette institution que, si son conseil de direction comporte des représentants indigènes, la disparité de représentation en son sein favorise l’imposition des décisions de l’Etat; qu’en tout état de cause la grande majorité des décisions y sont prises sans la participation de ce conseil et, fondamentalement, l’INDEPA n’a pas de pouvoirs réels et constitue une structure intégrante du ministère de la Femme et du Développement social, au sein duquel sa mission se trouve dénaturée et sa participation étouffée. La CGTP préconise un renforcement de l’INDEPA. Comme elle l’a fait précédemment, la commission rappelle que les articles 2 et 33 de la convention sont complémentaires et que, pour une application correcte de l’article 2, en vertu duquel «il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité», les institutions ou autres mécanismes envisagés à l’article 33 étant indispensables à cette fin. La convention prévoit que l’application de ses dispositions doit s’effectuer de manière systématique et coordonnée, en coopération avec les peuples indigènes. Cela suppose un processus graduel de création d’organes et de mécanismes adéquats. La commission demande que le gouvernement entreprenne, avec la participation des peuples indigènes, et en consultation avec ceux-ci, de se doter des institutions et mécanismes prévus à l’article 33 de la convention, et veille à ce que ces institutions ou mécanismes disposent des moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Elle demande également que le gouvernement indique les mesures prises.

Articles 6 et 17. Consultation et législation. La commission prend note de l’adoption, le 19 mai 2008, du décret législatif no 1015, qui a pour effet de modifier le nombre des votants requis pour statuer sur l’aliénation d’un terrain communal. La CGTP indique que, devant une levée de protestations, cette norme a été modifiée le 28 juin 2008 avec le décret législatif no 1073, qui assouplit lui aussi les conditions d’aliénation d’un terrain communal. La CGTP ajoute qu’aucune consultation n’a précédé l’adoption de cette législation. La commission appelle l’attention du gouvernement sur l’article 6, paragraphe 1 a), de la convention, en vertu duquel les gouvernements s’obligent à consulter les peuples intéressés par des procédures appropriées et, en particulier, à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement et, par ailleurs, qu’en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention les peuples intéressés doivent être consultés lorsque l’on examine leur capacité d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres, en dehors de leur communauté. La commission rappelle que le Conseil d’administration, abordant une question similaire en 1998 à propos de la loi no 26.845 (document GB273/14/4), a déclaré qu’«en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention chaque fois que les gouvernements envisagent d’adopter des mesures qui touchent à la capacité des peuples indigènes ou tribaux d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté, ces peuples doivent être consultés préalablement. Dans le cas d’espèce, aucun élément n’indique que des consultations sur les conséquences de telles mesures d’aliénation ont eu lieu avec les peuples concernés, comme le prévoit pourtant la convention.» Ce même document rappelait au gouvernement l’obligation qui lui est faite sous cet article 17, paragraphe 2, de mener des consultations qui s’étendent aussi à la portée et aux implications des mesures envisagées. La commission exprime sa préoccupation en constatant que, dix ans après la publication de ce rapport du Conseil d’administration, des communications dénoncent l’absence de consultation préalable dans les circonstances prévues aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention. La commission prie instamment le gouvernement de s’engager immédiatement, avec la participation des peuples indigènes, dans la conception de mécanismes de consultation appropriés, et de consulter les peuples indigènes avant l’adoption de mesures dans les circonstances visées aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention, et le prie de fournir des informations à cet égard.

La commission note que, d’après le SIGECOMGT, le Congrès va être saisi des projets de lois nos 690 et 840, tendant à promouvoir l’investissement privé dans les territoires des peuples indigènes amazones, sans consultation aucune de ces peuples. La commission prie le gouvernement d’assurer que les peuples concernés soient consultés à propos de ces projets et elle le prie de fournir des informations sur les consultations ainsi menées.

Articles 2, 6, 7, 15 et 33. Participation, consultation et ressources naturelles. Les diverses communications font état de situations de conflits nombreuses et graves, décrites dans le détail, imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes, sans participation ni consultation de ceux-ci. Les activités minières, qui occupaient 3 millions d’hectares en 1992, en occupaient 22 millions en 2000, ce qui affectait 3 326 des 5 818 communautés reconnues au Pérou. Parmi les diverses affaires qu’elles considèrent comme emblématiques, elles évoquent le projet minier Río Blanco. La CGTP déclare que, dans cette affaire, le débat de fond concerne le type de développement auquel la population aspire, et elle signale l’existence d’une proposition alternative faite par la région, intitulée «Vision pour un avenir commun et durable» que l’industrie minière n’a pas prise en considération et à laquelle le gouvernement n’accorde aucune attention. Des 75 millions d’hectares que couvre l’Amazonie péruvienne, plus des trois quarts sont couverts par des concessions d’exploitations d’hydrocarbures, occupant des territoires indigènes. Les diverses communications décrivent de manière détaillée les nombreuses affaires d’exploitation de ressources naturelles sans participation ni consultation des populations, et s’appuient sur un rapport du Défenseur du peuple de décembre 2006, intitulé «Los conflictos socioambientales por actividades extractivas en el Perú», qui alerte sur la gravité de la situation et signale que les peuples indigènes et paysans en sont les plus gravement affectés et, sans être opposés par principe à l’exploitation de ces ressources, voudraient avoir leur part de retombées bénéfiques.

La communication de la CGTP se réfère au décret no 012-2008-EM, portant règlement de la participation citoyenne aux activités concernant les hydrocarbures. La CGTP argue que ce décret procure une base légale aux activités de suivi promues par les entreprises, mais ne procure pas les mêmes bases pour un suivi communautaire, créant ainsi des conditions propices à la manipulation et à la cooptation. S’agissant des exploitations forestières, bien que la loi no 27308 protège de manière formelle les droits des peuples indigènes, il n’y a eu dans la pratique aucune mesure d’accompagnement technique ou économique, les contrôles ne sont pas effectifs et, en outre, les concessions d’exploitation sont prises sur des territoires communaux, comme en attestent 18 affaires dans la province d’Ucayali. Dans sa communication, le SIGECOMGT évoque de nombreuses affaires de violations présumées de la convention touchant à l’extraction de ressources naturelles, à la consultation et au droit foncier et aux graves conséquences de pollution du milieu, en particulier de l’eau, par les activités minières. Sont notamment évoquées, entre autres, les activités de l’entreprise Barrick Misquichilca, dans la province Huaraz de Ancash, et les activités de l’exploitation Newmont, dans le Tacna. En matière d’exploitation forestière, 53 000 hectares de la forêt de Loreto, qui est une forêt vierge, auraient été concédés, sans participation ni consultation des communautés indigènes concernées.

Le gouvernement n’apporte pas de réponse à ces commentaires, mais communique les informations suivantes: en mai 2008, il a adopté par voie de décret suprême no 020-2008-EM de la Direction générale des affaires sociales du ministère de l’Energie et des Mines, le règlement de participation citoyenne dans les activités minières qui, de son point de vue, donne effet aux articles 2, 7, 13, 15 et 33 de la convention et qui aurait été adopté avec une vaste participation citoyenne. En outre, les autres instruments suivants ont été adoptés dans ce sens: le décret suprême no 012-2008-EM, portant règlement de participation citoyenne dans le sous-secteur des hydrocarbures; le décret suprême no 015-2006-EM, portant règlement de protection de l’environnement pour le développement de l’exploitation des hydrocarbures; et le décret suprême no 020-2008-EM, portant règlement environnemental des activités d’exploitation minière. Le gouvernement ajoute que, depuis janvier 2008, le ministère de l’Energie et des Mines multiplie les réunions de dialogue, qu’il appelle «dialogue tripartite» entre le gouvernement, le secteur privé et les dirigeants indigènes dans les régions de Madre de Dios, Loreto et Ucayali, où des comités de coordination ont été formés. Le Programme national d’études hydrographiques de préservation des sols (PRONAMACHS) du ministère de l’Agriculture intègre la participation des populations comme élément central de sa stratégie.

La commission note que, d’après son rapport, le gouvernement a déployé un certain nombre d’efforts en matière de consultation et de participation. Cependant, elle ne peut que constater que les communications, établies avec une vaste participation indigène et qui incluent le rapport du Défenseur du peuple, font valoir que ces efforts sont ponctuels et isolés et ne répondent pas à la convention (réunions d’information et non de consultation, par exemple), et qu’il n’y a pas de participation ni de consultation pour répondre aux nombreuses situations de conflits posées par l’exploitation de ressources dans des terres occupées traditionnellement par les peuples indigènes. La commission se déclare préoccupée par les faits allégués et aussi par l’absence de commentaires à ce sujet de la part du gouvernement. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter très rapidement, avec la participation des peuples indigènes et en consultation avec ceux-ci, les mesures nécessaires pour garantir: 1) la participation et la consultation des peuples indigènes d’une manière coordonnée et systématique, conformément aux articles 2, 6, 7, 15 et 33 de la convention; 2) l’identification des situations qui nécessitent des mesures spéciales d’urgence en rapport avec l’exploitation de ressources naturelles qui mettent en péril les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples intéressés, et que des mesures spéciales soient rapidement prises pour assurer leur sauvegarde. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces mesures, en même temps que ses propres commentaires sur les communications reçues.

La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

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