National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
Visualizar en: Inglés - EspañolVisualizar todo
Article 7 de la convention. Dérogations permanentes – Travail dominical. La commission prend note des commentaires de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (CGT-FO) reçus les 4 juin, 20 août et 7 septembre 2009 concernant l’application de la convention.
La CGT-FO dénonce l’extension progressive des dérogations au repos hebdomadaire dominical, notamment dans le secteur du commerce, en relevant, d’une part, leur incompatibilité avec les dispositions de la convention et, d’autre part, leur impact négatif sur les travailleurs, en ce qu’elles remettent en cause un principe mis au service de la séparation entre la vie privée et la vie professionnelle depuis 1906. Elle observe que les amendements successifs au régime du repos dominical ouvrent la voie à la généralisation du travail du dimanche et au contournement de la consultation des organisations des travailleurs à ce sujet.
Dans ses trois communications, la CGT-FO souligne la non-conformité à la convention des mesures adoptées successivement en 2008 et 2009. Elle relève ainsi que l’extension antérieure du régime des dérogations au repos dominical s’est renforcée par la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008, ainsi que par la recodification du Code du travail qui l’a suivie. La première réforme a eu pour effet d’ajouter à la liste des établissements autorisés à déroger au repos dominical «les établissements de commerce de détail d’ameublement». De son côté, la recodification a conduit à élargir le champ des dérogations, d’une part, en usant de la notion nouvelle de «besoins du public» et, d’autre part, en renvoyant au domaine réglementaire la compétence pour fixer la liste des établissements admis de plein droit à déroger à la règle. La nouvelle disposition de l’article L.3132-12 du Code du travail dispose à ce titre que «certains établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public peuvent, de droit, déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. Un décret pris en Conseil d’Etat déterminera les catégories d’établissements intéressés.»
S’agissant de la deuxième réforme, la loi no 2009-974, adoptée par le parlement le 22 juillet 2009, a procédé à la modification du régime des dérogations au repos dominical dans les communes et les zones touristiques (article L.3132-25 du Code du travail), en substituant aux restrictions antérieures afférentes à la désignation territoriale, à la délivrance de l’autorisation et à la période en cause un régime qui rend la dérogation acquise de plein droit, permanente et généralisée, aboutissant, de fait, à généraliser le travail du dimanche dans les zones et les communes qualifiées de touristiques par décision du préfet, sur proposition des maires concernés. Le même mouvement d’extension des dérogations a affecté les établissements de vente au détail dans les villes de plus d’un million d’habitants, en instituant une autorisation d’ouvrir le dimanche de plein droit, pendant une période de cinq années, dans les «périmètres d’usage de consommation exceptionnelle» (PUCE) caractérisés «par des habitudes de consommation dominicales, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre».
La CGT-FO constate que ces dérogations, qui ne retiennent les conditions de volontariat et de contreparties obligatoires qu’à propos des PUCE, s’écartent nettement de celles qui sont prévues dans la convention et recouvrent des critères difficiles à vérifier dans la réalité, tels que «l’importance de la clientèle concernée» ou les «besoins» de consommation. Elle souligne aussi la faiblesse des données statistiques permettant d’évaluer l’impact de ces dérogations. Elle insiste sur les enjeux que représente l’interprétation de la convention pour endiguer une évolution contraire à son esprit.
Dans sa réponse, reçue le 4 septembre 2009, le gouvernement rappelle que la législation du travail satisfait pleinement aux conditions prescrites par l’article 6, paragraphe 3, de la convention, qui dispose que, dans l’intérêt des travailleurs, le repos hebdomadaire est accordé le dimanche (art. L.3132-3 du Code du travail), et indique qu’elle va même au-delà du minimum prévu par la convention, en accordant un repos hebdomadaire de 35 heures (art. L.3132-2 du Code du travail). Concernant les arguments mis en avant par la CGT-FO, le gouvernement soutient que:
i) la recodification du texte du Code du travail n’avait pas pour objectif de rendre permanente la dérogation à la réglementation sur le repos dominical, mais de reformuler les critères déjà appliqués aux dérogations accordées, à savoir les contraintes de l’activité de production et les besoins du public;
ii) la notion de besoins du public n’est pas contraire aux dispositions de l’article 7 de la convention dans la mesure où «la nature du service fourni par les établissements» dont il est question dans cet article véhicule la même idée. En outre, la convention impose de prendre en considération tous les aspects sociaux et économiques pertinents, ce qui laisse une fois encore la possibilité de tenir compte de l’évolution des besoins du public;
iii) la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 vise à favoriser la concurrence dans l’intérêt du consommateur. Etant donné les changements de style de vie, notamment dans les grandes villes, une forte demande dans le secteur des magasins d’ameublement a été observée le week-end, d’où la nécessité d’autoriser ces établissements à ouvrir le dimanche;
iv) aucune consultation n’a été tenue avant d’introduire la dérogation concernant les magasins d’ameublement pour des raisons tenant au processus législatif, mais aussi parce que le secteur concerné est couvert par une convention collective qui prévoit des indemnisations particulières pour le travail le dimanche.
v) la loi no 2009-974 du 10 août 2009 a été adoptée pour donner suite aux recommandations du Conseil économique, social et environnemental, contenues dans deux rapports élaborés en 2007. Selon les conclusions de ces rapports, le dimanche n’est plus seulement une journée de repos collectif, mais il est aussi une occasion de profiter de la vie culturelle ou des loisirs, et de faire des achats en famille ou individuellement;
vi) la nouvelle dérogation concernant les communes et les zones touristiques est fondée sur la dérogation existante en ce qu’elle élargit simplement le champ d’application de ladite dérogation, dans l’objectif de promouvoir le tourisme. Elle concernera environ 150 000 personnes au maximum, sur les 6,5 millions à qui il est demandé habituellement ou occasionnellement de travailler le dimanche;
vii) l’établissement de PUCE, ou de zones d’usage de consommation exceptionnelle dans les zones urbaines de plus de 1 million d’habitants, entend répondre à la pratique existante de la consommation dominicale. Ces zones seront soumises à l’autorisation du préfet, à la demande préalablement faite par le conseil municipal, et à condition qu’une convention collective fixe les compensations qui seront accordées aux travailleurs privés du repos dominical. Environ 20 zones devraient être établies, et cela concernerait 15 000 personnes. Les autorisations d’ouverture le dimanche sont limitées à cinq ans, ce qui démontre le caractère exceptionnel de ces nouvelles dispositions, dans la mesure où une commission parlementaire de six membres présentera un rapport dans l’année suivant la publication de la nouvelle législation au Journal officiel.
La commission prend note des observations de la CGT-FO et de la réponse du gouvernement qui concernent des mesures législatives ayant un impact sur l’application de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la convention. La commission souhaite rappeler d’emblée que, pour la détermination du repos hebdomadaire, la convention s’articule autour des trois principes de base de continuité (au minimum 24 heures consécutives au cours de chaque période de sept jours), de régularité (repos hebdomadaire pour chaque période de sept jours) et d’uniformité (le repos hebdomadaire coïncidera autant que possible avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région). Ces principes sont reflétés dans les articles du Code du travail et il semblerait qu’il n’y ait pratiquement pas de désaccord entre la CGT-FO et le gouvernement concernant le principe du repos dominical comme étant un jour défini et profondément ancré dans la législation française du travail. Il est communément admis aussi qu’une certaine flexibilité dans l’application de ces principes est nécessaire, compte tenu de l’impératif, d’une part, de maintenir le fonctionnement permanent de certaines unités de production et, d’autre part, de tenir compte de l’intérêt manifeste du public à pouvoir bénéficier de certains services le dimanche. En conséquence, la commission est d’avis que les différentes questions soulevées dans les communications de la CGT-FO concernent, en fin de compte, le champ d’application et les conditions exactes d’application des dérogations permanentes prévues par l’article 7 de la convention.
La commission rappelle que l’article 7 permet l’application de régimes spéciaux de repos hebdomadaire, y compris la possibilité d’attribuer un autre jour de la semaine par roulement lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir ou le nombre de personnes employées ne permettent pas l’application des dispositions de l’article 6. A cet égard, la commission se réfère aux paragraphes 110-123 de l’étude d’ensemble de 1964 sur le repos hebdomadaire où elle avait conclu que, «à la lecture des listes d’établissements soumis à des régimes spéciaux, trois critères peuvent être énoncés: nécessité de faire face à certains besoins quotidiens de la population; nécessité de maintenir certains établissements en activité; et nécessité de prévoir des conditions de repos spéciales pour des localités ou des régions particulières». Plus concrètement, la commission avait mentionné: i) les établissements où s’effectuent des travaux qui ne peuvent être interrompus en raison de la nature des besoins qui les motivent ou en raison du préjudice que leur arrêt porterait à l’intérêt public, c’est-à-dire les industries, les commerces et services répondant à des nécessités quotidiennes et indispensables du point de vue de la santé, de l’alimentation, de la sécurité, ainsi que généralement à des besoins essentiels de la population, comme les hôpitaux et établissements similaires spécialisés dans le traitement des malades; les hôtels, restaurants et établissements similaires, certains établissements de commerce de gros et de détail; les services de lutte contre l’incendie; les pompes funèbres; les entreprises de presse, d’information et de spectacles; les établissements de bains, entreprises de distribution d’énergie (eau, électricité et gaz); les entreprises de transport; ii) les industries ayant un fonctionnement nécessairement continu pour des motifs techniques et dont l’arrêt compromettrait le fonctionnement normal desdites industries, comme les industries de fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate, les industries où toute interruption du travail entraînerait la perte ou la dépréciation du produit en cours de fabrication et, enfin, les industries qui utilisent certaines techniques particulières (fours, hauts fourneaux, gazogènes, etc.); iii) les établissements ne fonctionnant qu’une partie de l’année ou qui dépendent d’une énergie naturelle ou d’autres circonstances variables (par exemple, établissements où il est fait usage de l’eau ou du vent comme moteur exclusif ou principal; industries qui s’exercent en plein air et dans lesquelles le travail peut être entravé par des intempéries), notamment certains établissements situés dans des stations balnéaires et touristiques ou villes d’eaux.
En ce qui concerne plus particulièrement le commerce de détail, la commission avait noté qu’il relevait des activités faisant le plus communément l’objet de régimes spéciaux de repos hebdomadaire et qu’il convient de noter que, dans certains pays, la législation désigne d’une façon précise les produits dont la vente est autorisée le jour du repos hebdomadaire obligatoire. Elle avait également noté qu’une telle pratique a l’avantage de mettre mieux en relief le fait que les dérogations au régime normal de repos hebdomadaire ne se justifient que lorsqu’elles répondent réellement à des besoins de première nécessité (étude d’ensemble de 1964 sur le repos hebdomadaire, paragr. 113). Plus récemment, dans son étude d’ensemble de 1984 sur le temps de travail, la commission avait indiqué que, dans certains secteurs comme le commerce, on observe une tendance qui pourrait conduire à établir des régimes spéciaux ne correspondant pas forcément aux normes prescrites par la convention (paragr. 166).
A cet égard, la commission rappelle qu’elle a soulevé des points comparables dans une demande directe en 2005 et 2008 concernant l’application de la convention en Nouvelle-Calédonie, relativement à des dérogations accordées à des magasins de quincaillerie et de bricolage. Dans ses commentaires, la commission s’était également référée à la jurisprudence pertinente, notamment aux 19 décisions du Tribunal administratif de Paris rendues en novembre 1993 et à une décision du Conseil d’Etat de juillet 1983, qui a estimé que les magasins de bricolage ne répondaient pas aux conditions d’octroi d’une dérogation à la réglementation du repos dominical. A cet égard, la commission prend note des récentes décisions judiciaires, ordonnant aux magasins de détail, en particulier les magasins de bricolage et de quincaillerie, de ne pas ouvrir le dimanche (sous peine d’astreinte).
La commission croit comprendre que la question du travail dominical fait l’objet d’une vive controverse en France, et que cela a conduit le parlement à reporter à plusieurs reprises le débat sur le sujet avant l’adoption de la loi no 2009‑974. Elle croit également comprendre que le débat tient principalement à l’évolution des préférences et des modes de consommation de la population. Elle constate aussi que la CGT-FO regrette le manque de données statistiques sur ces situations et sur l’impact probable de ces réformes. Des divergences notables apparaissent aussi entre la crainte qu’elle formule relativement à la généralisation du travail le dimanche et les estimations du gouvernement, lequel estime à quelque 150 000 les personnes concernées dans les zones touristiques, alors que 6,5 millions de personnes seraient habituellement affectées par le travail du dimanche. Une juste évaluation de la situation constitue dans ce contexte un préalable nécessaire pour mesurer l’incidence de ces mesures législatives sur l’application de la convention. La commission serait donc reconnaissante au gouvernement et aux partenaires sociaux de communiquer des informations documentées supplémentaires sur les points suivants: les résultats de toute enquête d’opinion conduite auprès des travailleurs concernés; les mesures prises pour garantir le caractère volontaire du travail dominical; les mesures compensatoires prises pour les salariés qui travaillent le dimanche en application des nouvelles dispositions législatives, notamment copie des conventions collectives pertinentes; l’évolution de la situation concernant la délimitation des zones touristiques, la détermination des communes touristiques et l’établissement des périmètres d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE); copie des études officielles susceptibles d’avoir été conduites après les mesures législatives de 2008 et 2009, ou les nouveaux rapports susceptibles d’avoir été publiés par le Conseil économique, social et environnemental sur la question; copie du rapport qui sera élaboré par la commission parlementaire dont il est question dans la loi no 2009-974.
La commission serait également reconnaissante au gouvernement de répondre aux questions complémentaires suivantes: i) la loi no 2009-974 reflète‑t-elle les propositions contenues dans le rapport de 2007 du Conseil économique, social et environnemental? ii) des consultations ont-elles été tenues avec les partenaires sociaux pendant la période allant de 2007, au moment de l’élaboration du rapport, à juillet 2009, au moment de l’adoption de la loi, et, dans l’affirmative, quels ont été la nature et les résultats de ces consultations? iii) quelles sont les procédures consultatives généralement appliquées lorsque les mesures législatives portent sur des questions de travail? iv) quelles sont les procédures spécifiquement appliquées par le gouvernement dans cette affaire et pourquoi ont-elles été choisies?
La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est invité à répondre en détail aux présents commentaires en 2010.]