National Legislation on Labour and Social Rights
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Une représentante gouvernementale a indiqué à la commission que le gouvernement indonésien avait pris, conformément à la dynamique de la réforme et à son esprit, plusieurs mesures d'importance pour assurer la pleine application de la convention. Parmi elles figure la signature par le Président de la République d'un décret ratifiant la convention no 87, qui sera suivie de la préparation d'une nouvelle législation sur les syndicats. Le 27 mai 1998, le ministre de la Main-d'oeuvre a publié un nouveau règlement ministériel, no 5 de 1998, qui abroge le précédent règlement ministériel no 3 de 1993 sur l'enregistrement des syndicats. Ce nouveau règlement permet à tout syndicat national ou régional de procéder à son enregistrement au niveau de l'entreprise, en déposant simplement auprès de l'autorité administrative compétente la liste de ses dirigeants et de ses membres ainsi que ses statuts. Ce nouveau système a permis au syndicat connu sous le nom de Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI) d'être enfin reconnu en tant que syndicat indépendant, et ses représentants ont été inclus dans la délégation indonésienne tripartite à la Conférence.
La loi no 25/1997 établit les principes fondamentaux en matière de travail et fera l'objet de règlements d'application précisant son contenu. Douze de ces règlements sont actuellement en cours d'élaboration et devraient être adoptés au début du mois d'octobre prochain afin que la loi no 25 puisse entrer en vigueur. Cette loi ne consacre pas seulement les principes des sept conventions fondamentales de l'OIT, elle facilite également la ratification des quatre conventions fondamentales non encore ratifiées. Le gouvernement a déjà ratifié la convention no 87 et prépare actuellement l'instrument de ratification de la convention no 138. Les autres conventions seront étudiées en temps utile. En conséquence, on peut espérer que le gouvernement sera en mesure de répondre entièrement aux préoccupations exprimées par la commission d'experts concernant la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, la protection des organisations d'employeurs et de travailleurs contre les actes d'ingérence des unes par rapport aux autres et les restrictions de la négociation collective. En ce qui concerne la liberté syndicale des fonctionnaires, le gouvernement reconnaît pleinement le droit de tout travailleur de s'affilier à l'organisation de son choix, ainsi que la convention no 87 le prévoit.
En conclusion, il convient de souscrire à la demande d'assistance technique du BIT exprimée par M. Muchtar Pakpahan au sein de la Commission de la Conférence pour élaborer une nouvelle législation du travail. Il est à espérer que cette assistance pourra être fournie par le secrétariat à Genève ou par l'équipe multidisciplinaire responsable de l'Asie du Sud-Est et du Pacifique. Le gouvernement de l'Indonésie, en collaboration avec les partenaires sociaux, continuera à identifier les dispositions réglementaires qui ne sont pas conformes à l'esprit de la réforme.
Les membres travailleurs ont remercié la représentante gouvernementale pour les informations fournies et rappelé qu'ils suivaient de très près l'évolution de la situation en Indonésie. La libération de Muchtar Pakpahan (le discours de M. Muchtar Pakpahan devant la Commission de la Conférence est reproduit à la fin de ce cas), la reconnaissance du SBSI, la ratification de la convention no 87 sont autant de signes de progrès dans le respect des droits syndicaux qui permettent d'envisager les perspectives d'une collaboration constructive avec l'OIT sous un jour plus favorable que par le passé. L'application effective des normes fondamentales, et notamment de celles de la convention no 98, va toutefois nécessiter des modifications importantes dans l'ensemble de la législation, des institutions et des pratiques, afin d'instaurer l'Etat de droit indispensable à l'exercice des droits et libertés civils et politiques. La doctrine de sécurité, qui a trop longtemps inspiré le système de relations professionnelles, doit d'urgence faire place aux règles de l'Etat de droit. Il s'agit là d'un des cas les plus notoires de la commission: elle l'a discuté à cinq reprises depuis 1991 et le Comité de la liberté syndicale a pris des conclusions et recommandations très fermes dans plusieurs cas. Comme la commission d'experts, la présente commission a insisté pour que soit adoptée une législation spécifique qui protège effectivement les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, ainsi que les syndicats contre les ingérences des employeurs, des autorités publiques et des services de sécurité. En outre, le gouvernement devrait mettre en place un cadre légal solide, plutôt que de régir les éléments fondamentaux des relations professionnelles par voie de décrets ou de circulaires. La commission d'experts indique à cet égard que le projet de législation de 1997 comporte plusieurs éléments qui ne sont pas conformes à la convention. Il n'assure pas une meilleure protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Il ne comporte aucune disposition garantissant la protection des organisations syndicales contre les actes d'ingérence de la part des employeurs. Par ses articles 48 et 49, il soumet l'enregistrement des syndicats d'entreprises et de leurs fédérations à des conditions excessivement contraignantes qui sont autant de restrictions à la négociation collective qu'il faudrait au contraire promouvoir. Par ailleurs, la méthode de fixation des conditions d'emploi des fonctionnaires devrait impérativement être clarifiée. C'est au regard des changements intervenus récemment qu'il convient d'insister auprès du gouvernement pour qu'il entame sans délai les profondes réformes nécessaires à l'instauration d'un système de relations professionnelles réellement démocratique et conforme à l'Etat de droit. La garantie effective des droits civils et politiques est indispensable au plein respect de la liberté syndicale et du droit de négociation collective. La coopération technique du BIT à laquelle a fait appel la représentante gouvernementale pourra certainement y aider, vu l'ampleur de la tâche à accomplir. Mais une mission de contacts directs serait nécessaire pour mieux identifier les principales priorités et accélérer les adaptations nécessaires.
Les membres employeurs ont rappelé que les restrictions à la liberté syndicale affectaient aussi bien les employeurs que les travailleurs. Les manquements de l'Indonésie quant à l'application de la convention ont été examinés à cinq reprises depuis 1991, et en 1997 pour la dernière fois. Les questions soulevées concernent trois domaines, à savoir la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, la protection des organisations d'employeurs et de travailleurs contre les actes d'ingérence des unes par rapport aux autres et des limitations excessives à l'organisation par les syndicats de leurs propres fonctionnement et activités et des restrictions exagérées de la négociation collective. Par le passé, les représentants gouvernementaux ont mentionné différentes réglementations et un projet de législation visant à améliorer la situation, mais la commission d'experts a continué d'estimer que le projet de loi du travail de 1997 était insuffisant au regard des exigences de la convention sur un certain nombre de points, tel le fait que la négociation collective ne peut être menée que par des syndicats enregistrés ayant le soutien de la majorité des travailleurs de l'entreprise concernée. Il n'est pas aisé de savoir si cela signifie que la majorité des travailleurs de l'entreprise doivent apporter leur soutien aux efforts de négociation collective des syndicats ou si cela veut dire que le syndicat doit compter parmi ses membres la majorité des travailleurs de l'entreprise. Néanmoins, des progrès ont été réalisés depuis 1991, bien que l'évolution n'ait pas été considérée entièrement satisfaisante par la commission d'experts. Le représentant gouvernemental a informé la présente commission de nouveaux changements, ce qui n'est pas étonnant compte tenu des événements récents. Il s'agit là des prémisses importants de réformes de grande ampleur. L'accent doit toutefois être mis sur le fait que la législation du travail doit être plus profondément modifiée dans un proche avenir. Il convient de reconnaître que l'acceptation des commentaires de la commission d'experts par le gouvernement témoigne d'un progrès considérable. Toutefois, il faut souligner que des progrès réels doivent être accomplis dans le pays lui-même. Les membres employeurs expriment en conséquence l'espoir que ces promesses seront tenues et que le gouvernement fera des efforts importants pour mettre fin aux manquements récemment relevés. Bien que le gouvernement ait sollicité une assistance technique, il conviendrait de le prier instamment d'accepter l'aide qui pourrait être apportée par une mission de contacts directs.
Le membre gouvernemental de l'Islande a tenu à rappeler que, s'exprimant l'année passée au nom des pays nordiques, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, il avait soutenu un appel lancé au gouvernement de l'Indonésie afin qu'il prenne les mesures nécessaires pour rendre la situation conforme à la convention et pour libérer le dirigeant syndical indépendant Muchtar Pakpahan. S'exprimant cette année au nom des gouvernements nordiques de Finlande, d'Islande, de Norvège et de Suède, ainsi qu'au nom des gouvernements de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Canada, des Etats-Unis, de l'Italie, du Japon, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Turquie, l'orateur se réjouit tout particulièrement de l'évolution positive observée dans le cas présent et note en particulier les décisions du gouvernement de ratifier les conventions nos 87, 105, 111 et 138, et de libérer M. Pakpahan qui a pu prononcer un discours devant la Commission de la Conférence il y de cela deux jours. Le gouvernement est instamment prié de libérer les autres prisonniers d'opinion. Des progrès restent également à faire pour assurer, tant dans la législation que dans la pratique, le respect des droits fondamentaux consacrés par la convention; les évolutions en ce sens seront suivies avec une attention particulière. Enfin, la demande d'assistance technique formulée par le gouvernement doit être accueillie favorablement.
Le membre travailleur des Etats-Unis a indiqué que le cas présente des signes d'espoir après des années de stagnation et de frustration. La présente commission a eu à discuter de ce cas à cinq reprises au cours des six dernières années, et il aura fallu attendre les événements majeurs intervenus dernièrement pour voir des changements réels. Le gouvernement a imposé depuis des décennies un monopole de représentation aux organisations de travailleurs placées sous contrôle militaire. Les déclarations du représentant gouvernemental indiquant que cette période est révolue sont rassurantes et encourageantes. Pour assurer le respect de la convention, le gouvernement doit toutefois reconnaître que des obstacles hérités de l'ancien système demeurent et entravent la création d'organisations de travailleurs indépendantes du gouvernement, des partis politiques et des employeurs. Une telle situation appelle des mesures dynamiques afin de créer un climat dans lequel les travailleurs seront assurés de pouvoir choisir librement par eux-mêmes. La commission d'experts a exposé les changements qui doivent être apportés à la législation du travail de l'Indonésie pour parvenir à un tel climat. Il est nécessaire de renforcer la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, en particulier lors de la constitution d'un nouveau syndicat ou de la promotion de l'affiliation à une organisation. Il est nécessaire de protéger les organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence des employeurs et de supprimer les restrictions apportées à la négociation collective qui sont contraires à la convention. En ce qui concerne la préoccupation légitime quant à la possibilité offerte par la législation actuelle de créer des syndicats d'entreprises (SPTP), le plus souvent à l'initiative des employeurs, elle devrait disparaître à mesure que les syndicats pourront réellement s'exprimer au nom des travailleurs. Des mesures contraignantes qui affecteront la vie quotidienne de plusieurs millions de personnes devront être adoptées afin de surmonter la crise économique qui touche l'Indonésie. Pour que le plus grand nombre puisse adhérer à ces mesures, il est nécessaire de donner le sentiment qu'elles touchent de manière égale tous les secteurs de la société et que les travailleurs participent au plan de redressement économique du pays. Il est essentiel pour réussir ce redressement économique qu'une nouvelle législation du travail non seulement permette mais encourage l'existence d'un partenaire social capable de participer à un tel consensus. Le mouvement syndical américain suit de près l'évolution de la situation en Indonésie depuis plusieurs années et a fait tout son possible pour obtenir la libération de Muchtar Pakpahan et des autres syndicalistes détenus. Le gouvernement doit libérer rapidement les dirigeants syndicaux qui restent détenus. Solidaire du mouvement syndical international, le mouvement syndical américain continuera à apporter son soutien à l'organisation SBSI ainsi qu'aux autres organisations syndicales indépendantes afin de les aider à développer leur capacité de représenter les intérêts de leurs membres au moment où le pays se trouve dans une situation difficile mais porteuse d'espoir.
Le membre travailleur de l'Espagne s'est félicité de la libération du dirigeant syndical du SBSI, Muchtar Pakpahan, pour estimer que la libération des autres syndicalistes détenus devait être exigée avec la même énergie. Plus que jamais, il s'impose de mener une réflexion approfondie sur le rôle de l'OIT et de la présente commission. Ce pays traverse une profonde crise financière, politique et économique, dont les conséquences affectent gravement l'économie d'autres pays, non seulement en Asie, mais également en Amérique latine et en Afrique. Cela impose une réflexion sur la capacité de l'OIT à faire face aux mutations que connaissent ces économies. La croissance de l'Indonésie s'est fondée sur le déni des droits syndicaux et des droits fondamentaux des travailleurs. Ce modèle ne fonctionne pas et a de graves répercussions sur le reste du monde. La raison d'être de l'OIT est d'éviter les injustices sociales et, faute d'appliquer ses principes, des crises telles que la crise indonésienne se reproduiront. A la veille du prochain millénaire, et à mesure que l'économie se mondialise, l'OIT se fait plus indispensable encore pour éviter les crises sociales dans le monde.
Le membre travailleur des Pays-Bas a félicité le ministre de la Main-d'oeuvre pour avoir commencé sa carrière politique par un acte aussi stimulant que la ratification de la convention no 87. Il faut espérer que le ministre s'occupera des problèmes liés à l'application de la convention no 98 avec la même diligence. Beaucoup de ces problèmes sont soulevés par la commission d'experts depuis de nombreuses années, et pourtant le gouvernement n'a rien entrepris durant ces douze derniers mois pour répondre aux commentaires qui ont été formulés. Au cours de cette période, le changement le plus important a été l'adoption d'une nouvelle loi sur le travail. L'année passée, l'orateur a personnellement demandé au gouvernement de solliciter l'avis du BIT sur le projet de loi et de transmettre cet avis au parlement. Malheureusement, le gouvernement ne l'a pas fait et les commentaires du Bureau sur le projet de loi n'ont pas été pris en considération. Ainsi, le ministre de la Main-d'oeuvre se trouve confronté à une situation dans laquelle la nouvelle législation n'accorde pas de meilleure protection aux droits garantis par la convention. De plus, la loi n'est pas conforme à bien des dispositions fondamentales de la convention no 87 que l'Indonésie vient juste de décider de ratifier. Dans ce contexte, il faut saluer la demande d'assistance technique de la part du gouvernement. En outre, il conviendrait que le représentant gouvernemental réponde à un certain nombre de questions. En premier lieu, tout en saluant la ratification de la convention no 87, il faut noter que cette ratification n'a pas été soumise au parlement et que les syndicats et les employeurs n'ont pas été consultés sur cette question d'une grande importance. Par conséquent, il faut espérer que le gouvernement ne ratifiera pas d'autres conventions d'une manière aussi précipitée, mais qu'il le fera après avoir dûment consulté les autorités compétentes et les représentants des organisations de travailleurs et d'employeurs. Il convient de se demander si le gouvernement est conscient du fait que les éléments fondamentaux de la situation nationale ne sont pas en conformité avec la convention no 87 et s'il envisage d'élaborer une nouvelle législation du travail tenant compte des dispositions de cette convention. Il faut également demander au gouvernement de dire s'il admet que des droits aussi importants que le droit d'organisation doivent être inscrits plutôt dans la législation fondamentale du travail que dans des règlements ministériels, comme c'est actuellement le cas. Il faut aussi soulever la question des résultats de l'instauration du pluralisme syndical en pratique. Le SBSI sera-t-il seulement en mesure d'être présent dans les entreprises dans lesquelles d'autres syndicats, tels que le SPSI qui était le seul syndicat officiel, ne sont pas établis? Cela donnerait au SPSI, qui a bénéficié d'un monopole gouvernemental, un avantage injustifié. Le gouvernement devrait faire part de son avis sur ce sujet qui pourrait demeurer un obstacle majeur au développement d'organisations syndicales libres. Un vote pourrait être organisé sur les différents lieux de travail pour permettre aux travailleurs de déterminer l'organisation par laquelle ils souhaitent être représentés ou d'être représentés dans le cadre de la négociation collective par plus d'une organisation. La solution de ces problèmes est d'une importance vitale pour le développement, dans les années qui viennent, des relations professionnelles authentiques dans le pays. En outre, tout en saluant la décision du gouvernement d'étendre le droit d'organisation aux fonctionnaires, il convient de se demander si la neutralité imposée par le gouvernement et le manque d'indépendance syndicale qu'ils ont dû observer pendant longtemps à l'égard des intérêts des organisations représentatives pourra être dépassée dans la pratique. Et cela a duré plus de trente ans. Il convient également de savoir ce qui sera fait pour se débarrasser du plus sérieux des problèmes: la maladie qui ronge les relations professionnelles en Indonésie, à savoir l'approche sécuritaire du gouvernement qui consiste à ce que des militaires surveillent et s'ingèrent dans les activités syndicales, y compris les manifestations et les grèves, et parfois même à ce que des militaires en retraite détiennent des responsabilités syndicales. Cette attitude de soumission et d'oppression inculquée aux travailleurs pendant les trente dernières années ne disparaîtra pas d'un jour à l'autre. Enfin, il convient de demander au gouvernement de préciser sa position sur la persistance de l'existence de prisonniers politiques, et en particulier sur l'emprisonnement de dirigeants syndicaux, tels que Dita Indah Sari, directrice du Centre de la lutte pour les travailleurs indonésiens, qui fut détenue dans des conditions révoltantes, et de trois membres de l'antenne SBSI de Serong Java Ouest, soutenue par un projet du SBSI, à savoir Sumantri, Suseno et Mahmud Hadi. Ils ont été libérés après une période de détention au printemps dernier mais font maintenant l'objet de poursuites pénales pour des faits qui, en vertu des normes du BIT, sont de pures activités syndicales. En conclusion, l'orateur a appelé le gouvernement et le Bureau à poursuivre davantage l'implication de l'OIT dans les politiques menées par le FMI en Indonésie afin d'assurer que les répercussions sociales sur les travailleurs soient prises en compte dans les politiques d'ajustement structurel dans le contexte actuel d'un développement économique en plein traumatisme.
Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que l'Indonésie figurait au moins depuis 1968 en tête de la liste des pays qui ne respectent aucune liberté. La commission a eu l'occasion de le confirmer en discutant aussi de l'application d'autres conventions, et notamment de la convention no 29. Les changements intervenus depuis la dernière réunion de la commission d'experts sont porteurs de réels espoirs à cet égard. Ils se sont déjà traduits dans les faits, comme en témoigne la libération de Muchtar Pakpahan, qui a pu être salué en personne par la présente commission comme par la plénière de la Conférence. Il convient donc de le reconnaître tout en se gardant d'une euphorie trompeuse. C'est l'ensemble des prisonniers de conscience ou d'opinion qui doivent être libérés, et non les seuls syndicalistes. De même, un traitement digne doit être assuré aux travailleurs originaires des pays voisins. Une mission de contacts directs serait une bonne initiative car il ne faudrait pas qu'un retard éventuel de la coopération technique serve de prétexte à des atermoiements. Il serait certes prématuré d'exiger sur le champ du gouvernement des réponses fermes et précises sur tous les aspects du cas; mais les conclusions de la commission doivent insister sur la nécessité de donner réellement effet dans la pratique aux conventions ratifiées, prendre acte des nouvelles ouvertures et prévoir de revenir sur ce cas dès l'année prochaine pour vérifier si les promesses ont bien été suivies d'effet.
Le membre employeur des Etats-Unis a soutenu certaines des remarques formulées par le membre travailleur des Etats-Unis. Le rapport de la présente commission devrait souligner qu'il est essentiel de permettre aux travailleurs de choisir librement les organisations qui défendent leurs intérêts, et que les organisations syndicales sous domination de l'employeur sont un obstacle au succès à long terme de l'entreprise. Une législation équitable est celle qui permet la coopération au niveau de l'entreprise, qui contribue à son tour à la croissance économique et, ainsi, au bien-être social.
Un autre représentant gouvernemental a déclaré souscrire à la préoccupation exprimée par les précédents orateurs selon laquelle il avait été nécessaire de passer autant de temps sur ce cas qui a été examiné à cinq reprises par la Commission de la Conférence. Bien que le gouvernement ait réaffirmé son engagement de procéder à une révision de la législation du travail, il fallait toutefois comprendre que nombre de ces lois ont été héritées d'un lointain passé. C'est pour cette raison que le gouvernement avait accepté de recevoir une mission de contacts directs en 1993 pour l'aider à clarifier la situation. Un des objectifs de la nouvelle loi no 25/1997 a été de se substituer à toutes les différentes ordonnances et lois du passé tout en couvrant de nouveaux domaines tels que l'information sur le marché du travail, la gestion des ressources humaines et la productivité. En ce qui concerne cette loi, les conseils donnés par la mission de contacts directs de l'OIT ont été suivis et des consultations ont été menées avec les partenaires sociaux et les institutions compétentes. Le processus législatif en Indonésie est comparable à celui de la plupart des autres pays, dans la mesure où, avant d'être adoptés par le parlement, les projets de loi sont préparés par le gouvernement, après consultations des organismes compétents, ce qui inclut les partenaires sociaux. Le parlement a auditionné les représentants des organisations d'employeurs et de travaileurs, y compris du SBSI, et des ONG sur cette question. De plus, les observations formulées par des syndicalistes du monde entier ont été transmises au parlement et prises en considération. La loi no 25/1997 est le résultat des discussions entre les membres du parlement et le gouvernement. Dans ce contexte, il convient de souligner que le gouvernement a fait de son mieux pour concilier les intérêts de tous les secteurs de la société. Cette loi sera bientôt suivie de deux autres, la première sur les syndicats et la seconde sur les conflits du travail. Elles pourraient comprendre des dispositions détaillées sur les relations professionnelles. La semaine dernière, le ministre de la Main-d'oeuvre a mis en place une équipe pour entamer le processus d'élaboration du projet de loi sur les syndicats. Le nouveau ministre a ainsi réalisé des progrès substantiels sur cette courte période. En réponse aux questions du membre travailleur des Pays-Bas, il faut souligner que des discussions ont eu lieu avec les partenaires sociaux sur la ratification des quatre conventions fondamentales de l'OIT encore non ratifiées. Il avait d'abord été envisagé de ratifier la convention no 138 avant les autres. Toutefois, il a ensuite été décidé de ratifier en premier lieu la convention no 87 afin de faciliter l'abrogration du règlement no 3/1993 qui avait fait l'objet de nombreux commentaires de la part de la commission d'experts. Le gouvernement procédera ensuite à la ratification des autres conventions fondamentales de l'OIT, en collaboration avec les partenaires sociaux. En ce qui concerne les commentaires relatifs au monopole syndical, il convient de relever qu'il existe plus de 1.000 syndicats indépendants au niveau de l'entreprise à travers tout le pays. Le SPSI n'est représenté que dans 10.000 des 160.000 entreprises du pays comptant plus de 25 salariés, ce qui laisse largement la place aux syndicats indépendants dans les entreprises qui restent. A cet égard, la loi no 25/1997 facilite l'établissement de plus d'un syndicat dans une entreprise. Davantage de détails sur cette question pourraient être inclus dans le nouveau projet de loi. Au sujet des prisonniers, il convient de réaffirmer l'engagement du gouvernement de revoir la situation de chaque détenu, en particulier des personnes emprisonnées pour des raisons politiques ou en raison de leurs activités syndicales. Des libérations de prisonniers ont progressivement commencé, et d'autres suivront. Par ailleurs, l'approche dite "sécuritaire" des activités syndicales a déjà pris fin. Il sera pleinement tenu compte des commentaires faits par les membres de la présente commission. Des progrès significatifs, y compris la libération de M. Pakpahan, l'abrogation du règlement ministériel no 3/1993 et la ratification de la convention no 87, ont été accomplis par le nouveau gouvernement dans un bref laps de temps. Le gouvernement apprécierait d'obtenir l'assistance technique du BIT pour accélérer le travail de mise en conformité avec les commentaires de la commission d'experts. Le gouvernement s'efforce de faire de son mieux, mais il faut comprendre qu'il est impossible de tout changer en si peu de temps.
Visite de M. Muchtar Pakpahan, Président de la Confédération
Le président de la Commission de l'application des normes a souhaité la bienvenue à M. Pakpahan et a salué ses activités syndicales, exercées dans un contexte particulièrement difficile en Indonésie, et dans lequel on a craint pour sa vie. Le président a rappelé que la présente commission était, depuis de nombreuses années, particulièrement attentive à la situation de M. Pakpahan et de son organisation.
M. Pakpahan a fait la déclaration suivante:
Monsieur le Président, honorables délégués, chers frères et soeurs,
Avant tout, je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, ainsi que le porte-parole du groupe des employeurs et mon cher ami et frère, Willy Peirens, de me faire l'honneur et de me procurer la joie de m'adresser à vous ce soir.
C'est un grand honneur pour moi de pouvoir participer à la Commission de l'application des normes de l'OIT. Cela me fait d'autant plus plaisir, car je suis enfin en mesure de vous remercier officiellement au nom du Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI) pour tout ce que la présente commission a fait pour les travailleurs indonésiens.
Je remercie le groupe des travailleurs, car il s'est montré fidèle à la mission et aux valeurs syndicales. Je remercie le groupe des employeurs, car il a soutenu, avec honneur, la liberté syndicale. Je remercie également les nombreux gouvernements qui sont intervenus pour soutenir le SBSI. A tous, je vous dis merci, "Trimakasih".
Vous, honorables membres de cette commission, avez suivi avec plus d'attention que tous les autres l'évolution du SBSI en Indonésie. Vous savez mieux que quiconque ce que nous avons dû affronter depuis 1992.
Le SBSI a essayé d'exercer son droit à la liberté syndicale dans le contexte difficile de la dictature et de l'unicité syndicale officielle. Nous avons tenté de nous constituer pour véritablement défendre les droits des travailleurs. Pour cette raison, nous avons été emprisonnés, quelques-uns parmi nous ont été torturés, nos réunions ont été interrompues, nos membres ont perdu leur emploi, nos locaux ont été saccagés, nos documents saisis... Honorables membres de cette commission, je m'arrêterai ici car vous connaissez bien cette histoire.
Le 21 mai dernier, après trente-deux ans, le régime dictatorial de Suharto a pris fin. Tout d'un coup, après six années de harcèlement incessant de la part du gouvernement contre le SBSI, nous sommes en train de vivre des changements qui nous permettent de reprendre notre souffle. J'ai été libéré de prison, il y a maintenant deux semaines, et la politique de l'unicité syndicale a été stoppée. Le gouvernement s'est engagé officiellement à procéder à l'enregistrement du SBSI et à ratifier quelques-unes des conventions fondamentales de l'OIT.
En dépit de ces rapides évolutions, le mouvement des réformateurs en Indonésie réclame des changements profonds dans la société. Il demande des réformes de la déclaration politique, une transition rapide vers la démocratie par le biais d'élections libres et équitables et la mise en place d'un gouvernement aux mains propres. En outre, le SBSI réclame, en premier lieu, la libération de tous les prisonniers de conscience. En second lieu, il demande la révision complète de la législation et l'adoption d'une nouvelle législation du travail en conformité avec les conventions de l'OIT. Mais, par-dessus tout, nous demandons l'application effective de toutes les conventions ratifiées par le gouvernement indonésien.
Ainsi, même si, Monsieur le Président, il y a eu des progrès, nous devons rester vigilants. C'est pourquoi, au nom du SBSI, je demande à cette honorable commission de suivre de très près le respect par le gouvernement indonésien de ses engagements présents et à venir. Nous vous demandons d'agir pour la libération de tous les prisonniers d'opinion, de nous aider à assurer la pleine conformité de la nouvelle législation du travail avec les conventions de l'OIT, afin qu'elle permette de protéger les travailleurs de la répression, des ingérences du gouvernement, de la discrimination antisyndicale, et de promouvoir la négociation collective. A cet égard, nous vous demandons de nous fournir l'assistance technique nécessaire, dès que possible, pour nous aider à élaborer une nouvelle législation du travail pour une Indonésie démocratique et pour nous permettre d'instaurer un climat démocratique dans lequel ces droits seront appliqués en pratique.
Monsieur le Président, je suis très ému d'être présent au sein de cette commission. Je souhaiterais terminer cette déclaration en rendant hommage à la présente commission et au système de contrôle de l'OIT, en particulier en cette année de commémoration du cinquantième anniversaire de la convention no 87. Cette commission est la conscience du monde du travail. Lorsque vous êtes en prison, vous n'avez ni voix, ni visage. Mais, Monsieur le Président, cette commission m'a donné une voix et m'a rendu visible. Mais, par-dessus tout, les travaux de cette commission m'ont donné la force. La force de continuer et de lutter pour le droit et la justice. De lutter pour la liberté syndicale en Indonésie. Je vous remercie.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion en son sein. Elle a rappelé que la commission d'experts formulait depuis plusieurs années des commentaires sur l'absence de mesures suffisantes pour assurer la protection contre la discrimination antisyndicale et l'ingérence, ainsi que sur les divergences entre la législation et la promotion de la négociation collective requise par l'article 4 de la convention. La commission a relevé avec intérêt les mesures positives prises récemment par le gouvernement, parmi lesquelles la libération de certains des dirigeants et militants syndicaux emprisonnés et la ratification de la convention no 87. La commission a toutefois constaté qu'il existait encore dans la législation de nombreux obstacles à la pleine application de la convention no 98. Dans ce contexte, la commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient levées les graves restrictions qui pèsent sur la libre négociation collective. En outre, elle a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour garantir l'entière protection des travailleurs contre les actions de discrimination antisyndicale ainsi que celle des organisations de travailleurs contre les actes d'ingérence de la part des employeurs. La commission a noté que le gouvernement demandait l'assistance technique du BIT. La commission a exprimé le ferme espoir qu'avec l'assistance d'une mission de contacts directs les obstacles législatifs et pratiques à la libre négociation collective et à la pleine application de la convention seraient levés. Elle veut croire que le gouvernement fournira l'année prochaine un rapport détaillé à l'examen de la commission d'experts sur les mesures concrètes adoptées afin de mettre la législation en conformité avec la convention.