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Observación (CEACR) - Adopción: 2013, Publicación: 103ª reunión CIT (2014)

Convenio sobre las peores formas de trabajo infantil, 1999 (núm. 182) - Senegal (Ratificación : 2000)

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Suivi donné aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 102e session, juin 2013)

La commission prend note de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 30 août 2013 ainsi que du rapport du gouvernement. Elle prend également note de la discussion détaillée qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes au cours de la 102e session de la Conférence internationale du Travail de juin 2013.
Articles 3 a), et 7, paragraphe 1, de la convention. Vente et traite à des fins d’exploitation économique, travail forcé et sanctions. Mendicité. Dans ses commentaires précédents, la commission a constaté avec préoccupation que, bien que l’article 3 de la loi no 2005-06 du 29 avril 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées et à la protection des victimes interdise d’organiser la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ou d’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire, l’article 245 du Code pénal dispose que «le fait de solliciter l’aumône aux jours, dans les lieux et dans les conditions consacrés par les traditions religieuses ne constitue pas un acte de mendicité». Elle a fait observer qu’à la lecture conjointe de ces deux dispositions il semblerait que le fait d’organiser la mendicité des enfants talibés ne puisse être incriminé ne s’agissant pas d’un acte de mendicité au sens de l’article 245 du Code pénal.
La commission a pris note des observations de la CSI qui indiquaient que le nombre d’enfants talibés forcés à mendier – pour la plupart, des garçons âgés entre 4 et 12 ans – était estimé à 50 000 en 2010. La CSI a observé que la plupart de ces enfants venaient des zones rurales reculées du Sénégal ou avaient fait l’objet de traite depuis les pays voisins, notamment le Mali et la Guinée-Bissau. Elle a insisté sur le fait que ces enfants recevaient en réalité très peu d’éducation et étaient extrêmement vulnérables car ils dépendaient totalement de leur professeur coranique ou marabout. Ils vivaient dans des conditions d’insalubrité et de pauvreté et faisaient l’objet de sévices physiques et psychiques s’ils ne réussissaient pas à rapporter leur quota financier en mendiant. En ce qui concerne les causes de ce phénomène, la CSI a expliqué que la pauvreté ne pouvait expliquer à elle seule cette forme d’exploitation, étant donné que des preuves tendaient à montrer que certains marabouts gagnaient davantage grâce à la mendicité des enfants que le revenu nécessaire à l’entretien de leur daaras (écoles coraniques). La CSI a, en outre, affirmé qu’il n’y avait eu aucune trace d’arrestations, de poursuites ni de condamnations de marabouts pour avoir obligé des talibés à mendier jusqu’en août 2010, moment où le Premier ministre a annoncé l’adoption d’un décret interdisant la mendicité dans les lieux publics. Suite à cet événement, bien que sept maîtres coraniques aient été arrêtés et condamnés à des peines de prison en application de la loi no 2005-06, les jugements n’ont jamais été appliqués. En effet, selon les révélations de la CSI, des filiales des associations des maîtres coraniques auraient condamné l’application de la loi no 2005-06 et menacé de retirer leur soutien au Président lors des élections de février 2012. En octobre 2010, le Président est donc revenu sur la décision de son gouvernement. Selon la CSI, depuis la condamnation et la remise en liberté des marabouts arrêtés en 2010, aucun marabout n’a été poursuivi et encore moins condamné.
La commission note les récents commentaires de la CSI dans lesquels elle souligne le fait que le gouvernement actuel du Sénégal s’est dit déterminé à lutter contre le phénomène des enfants talibés. Elle indique à ce propos que, à la suite du décès de neuf talibés dans l’incendie d’une daara à Dakar en mars 2013, le Président a pris l’engagement de fermer toutes les écoles coraniques ne satisfaisant pas aux normes fondamentales de sécurité et d’éradiquer, d’ici à 2015, la mendicité des enfants. Cependant, la CSI note que, malgré la diffusion de la circulaire no 4131 par le ministère de la Justice en 2010 invitant les autorités judiciaires à faire preuve de rigueur dans le traitement du contentieux relatif à la traite des personnes et notamment de l’exploitation économique des enfants par la mendicité, le gouvernement, dans une large mesure, n’a pas fait appliquer la législation. La CSI précise en effet que dans les rares cas où ont été poursuivis des marabouts, cela a presque toujours été au motif d’autres infractions et que l’article 3 de la loi no 2005-06 n’a pas été appliqué.
La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport et lors de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence de juin 2013 relatives aux mesures prises pour lutter contre le phénomène de l’exploitation économique de la mendicité des enfants talibés. A ce titre, elle prend notamment note de la tenue, le 8 février 2013, d’un Conseil interministériel sur les voies et moyens d’éradication du phénomène de la mendicité et de la mise en place, à sa suite, d’un comité de pilotage pour le suivi et la mise en œuvre des recommandations.
Concernant l’ambiguïté existant entre l’article 245 du Code pénal et l’article 3 de la loi no 2005-06, le gouvernement affirme que le cadre juridique national actuel permet de poursuivre et sanctionner efficacement les personnes qui se livrent à l’utilisation de la mendicité des enfants talibés à des fins économiques. En effet, d’après celui-ci, l’alinéa 2 de l’article 245 du Code pénal, qui accorde une dérogation à l’interdiction générale de la mendicité, s’applique uniquement aux personnes adultes qui s’adonnent librement à la mendicité pour des motifs socioculturels et religieux. Le gouvernement indique que la mendicité des personnes de moins de 21 ans est sévèrement punie en tout état de cause. Eu égard aux poursuites engagées et condamnations prononcées à l’encontre des marabouts, le gouvernement indique qu’il ne partage pas l’observation de la CSI selon laquelle aucun marabout n’a été poursuivi ou sanctionné depuis 2010. A cet égard, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport sur les dernières affaires enregistrées. Elle constate cependant, que sur les quatre marabouts ayant récemment fait l’objet de poursuites, un seul individu a été poursuivi pour des charges relatives à l’exploitation de la mendicité, alors que les trois autres ont été poursuivis pour coups et blessures volontaires. En outre, les informations fournies par le gouvernement, bien que précisant le type de peines imposées, ne précisent ni les dispositions juridiques appliquées ni la durée ou le montant de la peine. Or cette information est nécessaire à la commission pour apprécier le degré d’application de la loi no 2005-06 ainsi que le caractère dissuasif de la sanction appliquée.
Tout en prenant note des politiques et mesures adoptées par le gouvernement pour lutter contre le phénomène de l’exploitation économique de la mendicité des enfants talibés, la commission se doit à nouveau d’exprimer sa profonde préoccupation devant la persistance du phénomène de l’exploitation économique des enfants talibés et devant le faible nombre de poursuites engagées en application de l’article 3 de la loi no 2005-06.
Se référant à l’étude d’ensemble sur les conventions fondamentales concernant les droits au travail de 2012 (paragr. 483), la commission rappelle au gouvernement que, bien que la question de la quête de l’aumône utilisée comme outil pédagogique ne relève pas du mandat de la commission, il est clair que l’utilisation d’enfants pour la mendicité à des fins purement économiques ne puisse être acceptée en vertu de la convention. Elle lui rappelle également que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, il est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’établissement et l’application de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de garantir que l’article 3 de la loi no 2005-06 soit appliqué dans la pratique aux personnes se livrant à l’utilisation de la mendicité des enfant talibés de moins de 18 ans aux fins d’exploitation économique. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour renforcer les capacités des agents chargés de l’application des lois, en particulier de la police et des autorités judiciaires, afin de garantir la diffusion de la loi no 2005-06 et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient poursuivis et que des sanctions suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique. Elle le prie de communiquer des informations à cet égard, ainsi que des statistiques sur le nombre de poursuites engagées, de condamnations prononcées et de sanctions imposées en application de la loi no 2005-06.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants talibés. La commission a précédemment noté qu’un partenariat pour le retrait et la réinsertion des enfants des rues (PARRER) regroupant à la fois des membres de l’administration sénégalaise, d’ONG, du secteur privé, des partenaires au développement, d’organisations religieuses, de la société civile et des médias a été créé en février 2007. La CSI a également indiqué que le gouvernement a adopté des mesures en faveur d’un programme de daaras modernes gérées ou régulées par l’Etat. Le gouvernement a indiqué qu’il envisageait également d’intégrer certaines actions dans sa stratégie de prévention de la mendicité des enfants, comme la mise en place de mesures de protection sociale dans les zones d’origine des enfants migrants, la mise en place de programmes de transfert conditionnel pour les familles vulnérables, l’appui à la création d’activités génératrices de revenus des marabouts ainsi que l’élargissement du contenu enseigné dans les écoles coraniques afin de faciliter l’insertion des jeunes talibés dans la vie active. Par ailleurs, la commission a noté que, selon les informations contenues dans le rapport du 28 décembre 2010 de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants, le Centre d’accueil, d’information et d’orientation des enfants en situation difficile (centre GINDDI), rattaché au ministère de l’Education, a pour mission, depuis 2003, d’assurer le retrait et la réinsertion des enfants des rues et de fournir un accompagnement psychologique et une assistance sociale aux filles et garçons victimes de la traite (paragr. 68).
La commission prend note de la plus récente communication de la CSI dans laquelle elle recommande au gouvernement de renforcer le programme de modernisation des daaras et de l’appliquer à l’échelle nationale afin de mettre un terme à la mendicité forcée des enfants talibés.
La commission prend bonne note des informations détaillées communiquées dans le rapport du gouvernement relatives aux différents programmes de modernisation des daaras et de formation des maîtres enseignants, ainsi que concernant les derniers résultats obtenus sur l’identification, le retrait et la réinsertion des enfants talibés. Elle note notamment que, dans le cadre du PARRER, 200 enfants ont été retirés de la rue et ont bénéficié de mesures de réinsertion entre 2010 et 2011. En outre, le centre GINDDI a pris en charge 214 enfants, a assisté le retour de 15 enfants talibés en Guinée-Bissau, quatre en Gambie et quatre en Guinée, et le retour en famille de 13 enfants talibés sénégalais entre janvier et mai 2013. Le SAMU social («service d’aide médicale urgente») a également permis le retrait de 309 enfants de la rue entre 2010 et 2012. La commission prend également note de l’adoption, en avril 2013, du Plan-cadre national d’éradication de la mendicité infantile (PNEMI) 2013-2015 et du Plan-cadre national de prévention et d’élimination du travail des enfants (PCNPETE), lequel prévoit des actions visant à contribuer à l’amélioration de la qualité des apprentissages et des conditions de vie des enfants dans les daaras à l’horizon 2016. En outre, le gouvernement indique qu’il prévoit de mettre en place un projet visant le recensement de toutes les daaras du pays, ainsi que l’implantation de cantines scolaires devant bénéficier à 500 enfants talibés durant l’année 2012-13. Elle note enfin que, d’après les informations de la CSI, la Banque islamique de développement et la Banque mondiale se sont engagées à financer la création de daaras modernes (164 au total). La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour protéger les enfants talibés de moins de 18 ans contre la vente et la traite et le travail forcé ou obligatoire et assurer leur réadaptation et intégration sociale. Elle le prie de continuer à communiquer des informations sur les mesures prises, notamment dans le cadre du programme financé par le PARRER, et les résultats obtenus, en précisant le nombre d’enfants talibés qui auront été retirés des pires formes de travail des enfants et qui auront bénéficié de mesures de réinsertion et d’intégration sociale dans le centre GINDDI. Elle le prie également de fournir des informations sur les mesures prises et les résultats obtenus dans le cadre du PNEMI et du PCNPETE en vue de la modernisation du système des daaras.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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