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Observación (CEACR) - Adopción: 2022, Publicación: 111ª reunión CIT (2023)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Líbano (Ratificación : 1977)

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La commission note avec une profonde préoccupation que le rapport du gouvernement, attendu depuis 2018, n’a pas été reçu. Compte tenu de l’appel urgent qu’elle a lancé au gouvernement en 2021, la commission procède à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations à sa disposition.
La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2018.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Situation de vulnérabilité des travailleurs domestiques migrants à l’imposition de travail forcé. Depuis plusieurs années, la commission a exprimé sa préoccupation face à la situation des travailleurs domestiques migrants, qui sont exclus de la protection du droit du travail et ont un statut juridique qui les lient à un employeur particulier en vertu du système de la kafala (parrainage), système qui les expose au risque d’exploitation et fait qu’il leur est difficile de quitter des employeurs abusifs. La commission a instamment prié le gouvernement de faire en sorte que le projet de loi portant réglementation des conditions de travail des travailleurs domestiques migrants soit adopté dans un très proche avenir et de protéger pleinement ces travailleurs contre les pratiques abusives et les conditions de travail relevant du travail forcé.
La commission note, d’après les observations de la CSI, que plus de 250 000 travailleurs domestiques migrants sont employés par des ménages privés au Liban. La CSI souligne que, si le gouvernement a formé un comité directeur national sur le travail domestique et examiné divers projets de politiques portant sur les travailleurs domestiques migrants, aucune de ces initiatives n’a abouti à l’adoption d’une loi. En outre, l’exclusion des travailleurs domestiques de la législation du travail et de la protection sociale accentue le déséquilibre de des forces entre l’employeur et l’employé créé par le système de la kafala, ainsi que leur vulnérabilité aux abus, à l’exploitation et au travail forcé. À cet égard, la CSI indique que les travailleurs domestiques migrants continuent de faire état de la confiscation systématique de leurs passeports, de longues heures de travail, du refus de leurs employeurs de leur accorder des congés suffisants, du confinement forcé sur le lieu de travail, de mauvaises conditions de vie, du retard ou du non-paiement des salaires, et de violences verbales, physiques et sexuelles.
La commission note qu’un contrat standard unifié (CSU) révisé pour l’emploi de travailleurs domestiques a été adopté par le ministère du Travail le 8 septembre 2020, lequel comprend de nouvelles dispositions protégeant les travailleurs domestiques, telles que la possibilité de mettre fin à leur contrat sans le consentement de leur employeur, et d’autres garanties accordées aux autres travailleurs, telles qu’une semaine de travail de 48 heures, un jour de repos hebdomadaire, le paiement des heures supplémentaires, les indemnités de maladie, les congés annuels, et le salaire minimum national (certaines retenues étant autorisées pour le logement et la nourriture). Elle note toutefois que, suite à une plainte déposée par le Syndicat des propriétaires d’agences de recrutement devant le tribunal administratif, le Conseil de la Choura (Conseil d’État) a décidé, le 14 octobre 2020, de suspendre la mise en œuvre du contrat standard unifié au motif qu’il était susceptible de porter «gravement préjudice» aux intérêts des agences.
À cet égard, la commission note que, dans leurs observations finales, plusieurs organes des traités des Nations Unies ont réitéré leurs préoccupations concernant: 1) la suspension de la mise en œuvre du CSU révisé pour les travailleurs domestiques migrants; 2) le retard dans l’adoption d’une législation visant à protéger les travailleurs domestiques migrants, qui sont principalement des femmes originaires d’Afrique et d’Asie; et 3) la situation des travailleurs domestiques migrants soumis au système de la kafala, qui sont exposés à des conditions de travail abusives, en particulier le retard dans le paiement ou même le non-paiement des salaires, les longues heures de travail, le refus d’accorder des congés, la confiscation de leurs pièces d’identité, la séquestration forcée, les situations de servitude pour dettes et les violences verbales, physiques et sexuelles, comportements qui se sont intensifiés pendant la pandémie de COVID-19 (CEDAW/C/LBN/CO/6, 1er mars 2022, paragr. 49; CERD/C/LBN/CO/23-24, 1er septembre 2021, paragr. 24; et CCPR/C/LBN/CO/3, 9 mai 2018, paragr. 39). À cet égard, la commission note que, comme l’a récemment souligné le BIT, la crise économique à laquelle le Liban fait face, combinée à la pandémie de COVID-19, a accentué la précarité socioéconomique des travailleuses domestiques migrantes et le risque qu’elles soient soumises au travail forcé, en particulier en ce qui concerne les heures de travail excessives, les salaires non payés, le fait d’être en situation irrégulière par la force des choses (BIT, Women Migrant Domestic Workers in Lebanon: A Gender Perspective, 2021, p. 4).
Tout en reconnaissant les circonstances difficiles auxquelles le Liban doit actuellement faire face, la commission note avec une profonde préoccupation que les travailleurs domestiques migrants ne bénéficient toujours pas d’une protection juridique adéquate et qu’ils continuent d’être soumis à des pratiques abusives de la part de leur employeur, propres à transformer leur emploi en une situation relevant du travail forcé. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour apporter aux travailleurs domestiques migrants une protection juridique adéquate, notamment en assurant la mise en œuvre effective du contrat standard unifié révisé et l’adoption du projet de loi portant réglementation des conditions de travail des travailleurs domestiques, et de fournir copie du texte de loi une fois adopté. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à cet égard, ainsi que sur toute modification législative adoptée ou envisagée pour revoir le système de la kafala (parrainage). La commission prie également instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, dans la pratique, les travailleurs domestiques migrants qui sont victimes de situations abusives et de conditions de travail relevant du travail forcé bénéficient d’une protection et d’une assistance adéquates ainsi que de voies de recours. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
Article 25. Sanctions pénales punissant l’imposition de travail forcé. La commission a précédemment noté plusieurs obstacles auxquels se heurteraient les travailleurs domestiques migrants en ce qui concerne leur accès à la justice, et elle a instamment prié le gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer que les employeurs qui imposent aux travailleurs domestiques migrants des pratiques relevant du travail forcé sont passibles de sanctions réellement efficaces et strictement appliquées. La commission observe, à cet égard, que l’article 569 du Code pénal prévoit des sanctions pénales contre quiconque prive autrui de liberté, et que, selon les informations fournies par le gouvernement, cet article devrait s’appliquer à l’exaction de travail forcé.
La commission note que, dans ses observations, la CSI souligne l’absence de mécanismes de plainte accessibles, la longueur des procédures judiciaires et les politiques restrictives en matière de visas, qui dissuadent de nombreux travailleurs domestiques migrants de déposer des plaintes contre leurs employeurs. Même lorsque les travailleurs domestiques migrants portent plainte, la police et les autorités judiciaires ne traitent généralement pas les abus commis contre les travailleurs domestiques comme des crimes et les travailleurs sont souvent renvoyés par la police chez l’employeur à l’encontre duquel ils ont porté plainte, ou se retrouvent détenus parce qu’ils n’ont pas le statut de résidents légaux ou parce que l’employeur a à son tour déposé une plainte à leur encontre pour vol. Selon la CSI, l’un des obstacles majeurs à l’accès des travailleurs domestiques migrants à la justice est que leur possibilité de rester au Liban après avoir quitté leur employeur est limitée. Dès qu’une plainte légale est en cours, l’employeur peut mettre fin à son obligation de parrainage, faisant du travailleur domestique migrant un résident illégal.
La commission note également que, dans leurs observations finales, plusieurs organes des traités des Nations Unies ont exprimé leur préoccupation persistante concernant: i) le fait que de nombreux travailleurs domestiques migrants ne connaissent pas les voies de recours qui leur sont offertes en cas de violation de leurs droits; ii) l’existence d’obstacles auxquels se heurtent les travailleurs domestiques migrants lorsqu’ils cherchent à dénoncer des abus et le risque d’emprisonnement ou d’expulsion auquel s’exposent ceux qui poursuivent leurs employeurs, compte tenu du système restrictif des visas; et iii) le fait que les auteurs de violations restent impunis (CEDAW/C/LBN/CO/6, 1er mars 2022, paragr. 15; CERD/C/LBN/CO/23-24, 1er sept. 2021, paragr. 26; et CCPR/C/LBN/CO/3, 9 mai 2018, paragr. 39).
À cet égard, la commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire doit être passible de sanctions pénales et que, lorsque la sanction envisagée consiste en une amende ou une courte peine d’emprisonnement, elle ne peut être considérée comme une peine efficace de nature dissuasive eu égard à la gravité de l’infraction (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 319). Soulignant qu’il est crucial que des sanctions pénales appropriées soient imposées aux auteurs de tels actes afin que le recours à des pratiques de travail forcé ne reste pas impuni, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que: i) les travailleurs domestiques migrants aient accès à la justice en cas de violation de leurs droits et soient protégés contre toute mesure de représailles ou d’expulsion; et ii) des sanctions suffisamment dissuasives soient infligées aux employeurs qui imposent aux travailleurs domestiques migrants des pratiques relevant du travail forcé. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour renforcer la capacité des organes chargés de l’application de la loi à cet égard, ainsi que sur le nombre de cas de travail forcé concernant des travailleurs domestiques migrants ayant fait l’objet d’une enquête et de poursuites judiciaires, le nombre de condamnations prononcées et les peines infligées.
Compte tenu de la situation décrite ci-dessus, la commission note avec une profonde préoccupation l’absence répétée de réponse du gouvernement aux commentaires de la commission depuis 2018. La commission se doit également d’exprimer sa profonde préoccupation au sujet de la situation des travailleurs domestiques migrants qui ne bénéficient pas d’une protection juridique adéquate et continuent d’être soumis à des pratiques abusives de la part des employeurs, telles que le retard ou le nonpaiement des salaires, la rétention de leurs documents d’identité, le refus d’accorder des congés, le confinement forcé sur le lieu de travail, les violences verbales, physiques et sexuelles, qui pourraient transformer leur emploi en situation relevant du travail forcé. Enfin, la commission observe que les travailleurs domestiques migrants se heurtent à des barrières lorsqu’ils cherchent à dénoncer les abus et que les auteurs des violations restent impunis. La commission considère que ce cas répond aux critères énoncés au paragraphe 114 de son rapport général pour être appelé devant la Conférence.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 111e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]
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