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Observación (CEACR) - Adopción: 2022, Publicación: 111ª reunión CIT (2023)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Mauritania (Ratificación : 1961)
Protocolo de 2014 relativo al Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 - Mauritania (Ratificación : 2016)

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La commission observe une nouvelle fois que le gouvernement n’a pas fourni le premier rapport sur l’application du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, ratifié en 2016. Elle prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées sur son application conformément au formulaire de rapport adopté par le Conseil d’administration.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Esclavage et séquelles de l’esclavage. La commission a précédemment demandé au gouvernement de poursuivre son action de lutte contre l’esclavage, phénomène qui persiste en Mauritanie malgré les actions entreprises par le gouvernement dans le cadre de la feuille de route pour l’éradication des formes contemporaines de l’esclavage, adoptée en 2014. La commission a souligné que face à un phénomène aussi complexe que clivant, il était indispensable de renforcer l’approche multisectorielle et d’assurer une action coordonnée, notamment à travers l’adoption d’un plan d’action de lutte contre le travail forcé et l’esclavage qui serait articulé autour des quatre volets suivants.
a) Application effective de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage et répression des pratiques esclavagistes. La commission a précédemment pris note des mesures visant à renforcer les compétences, les capacités et les connaissances des membres des forces de l’ordre et du système judicaire impliqués dans la lutte contre l’esclavage en vue d’une application effective de la loi de 2015. Tout en saluant le fait que les trois Cours criminelles spécialisées en matière d’esclavage étaient saisies d’un nombre croissant d’affaires, la commission a constaté que des obstacles demeuraient pour parvenir à la saisine de ces Cours, que les informations concernant les affaires examinées restaient imprécises, et qu’un nombre limité d’affaires semblait avoir débouché sur l’imposition de sanctions réellement efficaces.
La commission note que dans son rapport le gouvernement indique que des mesures ont continué à être prises pour assurer une application effective de la loi. Il se réfère notamment à: i) la poursuite des caravanes de sensibilisation et de formation des autorités administratives, judiciaires et sécuritaires sur la loi de 2015 et l’organisation d’ateliers d’évaluation et d’échanges juridiques sur la loi; ii) l’adoption de nouvelles circulaires par le parquet général contenant des instructions et des orientations en vue de l’engagement systématique d’enquêtes et de poursuites concernant les allégations crédibles d’infraction d’esclavage ou de traite des personnes; iii) la mise en place d’une cellule de suivi chargée de veiller à la transparence, l’efficacité et la célérité du processus de traitement judiciaire des affaires portées devant les juridictions, composée de représentants de l’administration centrale du ministère de la Justice et du parquet général près la Cour Suprême; et iv) l’installation des bureaux chargés d’assurer l’aide judiciaire sur l’ensemble des tribunaux des Wilayas et l’inscription au budget de l’État du financement de cette aide pour l’exercice 2022. Le gouvernement réitère par ailleurs que les cours spécialisées ont rendu une jurisprudence variée qui démontre une abondance de traitement ayant couvert toutes les figures possibles de la décision judiciaire (condamnations, acquittements, non-lieux, questions préjudicielles d’incompétence, prescription). S’agissant des statistiques, le gouvernement indique que 7 plaintes font l’objet d’enquêtes et 11 sont en cours d’instruction; et que 7 affaires sont en instance devant les cours spécialisées, 11 au niveau des tribunaux des Wilayas et 16 au niveau des cours d’appel.
La commission note que dans son rapport annuel (2020-21), la commission nationale des droits de l’homme (CNDH) émet une série de recommandations au gouvernement en ce qui concerne le renforcement de la lutte contre l’esclavage. La CNDH demande notamment au gouvernement de «tout mettre en œuvre pour que la justice prenne son cours normal sans entraves aucunes afin d’appliquer les sanctions pénales aux auteurs du crime de l’esclavage sur la base de la loi de 2015. Elle recommande d’accélérer les procédures judiciaires des 22 cas d’esclavage pendants devant les juridictions suivis par la CNDH et SOS Esclaves et qui trainent sans justification valable depuis des années.»
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et notamment celles concernant la poursuite des activités de sensibilisation sur la loi de 2015 et l’accès à la justice des citoyens. Elle observe qu’un nombre important d’affaires sont en cours d’examen par le ministère public et les juridictions sans que le gouvernement n’ait fournit des informations précises sur les affaires ayant abouti à des condamnations et à l’imposition de sanctions pénales des auteurs, ni sur les plaintes déposées ou les affaires dans lesquelles les victimes ont été accompagnées par les instances compétentes. Elle observe également que les tribunaux des Wilayas semblent toujours être saisis de certaines affaires d’esclavage sans que celles-ci ne soient renvoyées auprès des Cours criminelles spécialisées par le ministère public. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention, les États ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Dans ce contexte, la commission salue la mise en place de la cellule de suivi chargée de veiller à la transparence, l’efficacité et la célérité du traitement judiciaire des affaires d’esclavage portées devant les juridictions et espère que celle-ci disposera des moyens nécessaires pour garantir le traitement rapide et en profondeur des affaires d’esclavage à toutes les étapes (enquête, instruction et jugement).La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures pour assurer la sensibilisation, la formation et la spécialisation des différents intervenants de la chaîne pénale. Elle prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour évaluer le fonctionnement des trois cours criminelles spécialisées et la manière dont les affaires d’esclavage leur sont renvoyées et pour renforcer les capacités de la police et du ministère public à l’identification des situations d’esclavage, à la collecte des preuves et à la qualification des faits. Prière de fournir des informations sur le nombre de cas d’esclavage dénoncés auprès des autorités, le nombre de ceux qui ont abouti à une action en justice, le nombre des condamnations et la nature des sanctions imposées, le nombre d’affaires qui ont été résolues en dehors du système judiciaire, et le nombre de victimes d’esclavage ayant été indemnisées du préjudice subi, conformément à l’article 25 de la loi de 2015.
b) Action systématique et coordonnée. La commission note que le gouvernement ne fournit pas d’information sur l’état d’avancement d’un plan d’action de lutte contre le travail forcé dont il avait fait état auprès de la mission du BIT qui s’était rendue en Mauritanie en 2018. Il en est de même de la collecte de données qualitatives sur la question de l’esclavage dans le pays. La commission rappelle à cet égard que la lutte contre l’esclavage nécessite l’engagement de tous dans le cadre d’une action coordonnée et menée au plus haut niveau comme cela avait été le cas avec le comité interministériel chargé de la mise en œuvre de la feuille de route qui était sous la supervision directe du Premier Ministre. La commission prie par conséquent une nouvelle fois le gouvernement de s’assurer que la lutte contre l’esclavage s’inscrit dans le cadre d’une action systématique et coordonnée qui intègre toutes les parties prenantes, y compris les organisations de travailleurs et d’employeurs, de manière à combattre les causes profondes de l’esclavage et répondre efficacement à ses multiples facettes. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises en vue de disposer de données qualitatives et quantitatives fiables sur l’esclavage et ses différentes manifestations.
c) Protection et réinsertion des victimes. La commission observe une nouvelle fois que le gouvernement ne fournit pas d’information sur l’assistance spécifique qui aurait été apportée aux victimes d’esclavage et ce malgré l’existence d’un certain nombre d’affaires en cours d’investigation ou en instance devant les juridictions. Elle note que, parmi les mesures de lutte contre la pauvreté et d’insertion sociale de caractère général, le gouvernement cite les programmes développés par la Délégation Générale à la Solidarité Nationale et à la Lutte contre l’Exclusion (TAAZOUR) dont le programme CHEYLA concernant l’accès à l’éducation, la santé, l’eau et l’énergie et le programme ALBARKA concernant les activités génératrices de revenus pour les populations pauvres et vulnérables; les mesures prises pour faciliter l’accès à l’état civil des personnes sans filiation avec le prononcé, entre 2020 et 2022, de 191 684 jugements supplétifs d’état civil pour octroyer des actes de naissance. La commission note que le gouvernement indique que l’instance nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants, qui vient d’être créée, veillera en coordination avec les services et les structures concernés à fournir l’assistance sociale nécessaire aux victimes de la traite y compris l’esclavage et les pratiques esclavagistes.
La commission prend bonne note des mesures de lutte contre la pauvreté et d’insertion sociale de caractère général prises par le gouvernement et l’encourage à poursuivre ces actions en ciblant les régions où les cas d’esclavage sont répertoriés. Elle le prie également de fournir des informations sur les mesures prises pour faciliter l’accès à la propriété foncière, question qui a été identifiée par la CNDH dans son rapport comme générant de nombreux litiges concernant les descendants d’anciens esclaves, notamment dans le Ghidimaka.
La commission rappelle par ailleurs que les victimes d’esclavage doivent bénéficier d’un accompagnement spécifique et adapté à leur situation afin de leur permette de faire valoir leurs droits, de se reconstruire psychologiquement, économiquement et socialement et de bénéficier d’une protection contre toute forme de représailles ou de marginalisation. La commission note avec regret l’absence d’informations du gouvernement à cet égard. La Commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer l’accompagnement effectif des victimes de l’esclavage dès que leur situation est portée à la connaissance des autorités ou des associations de la société civile, afin notamment de faciliter leur accès à des mécanismes de plainte, de leur assurer une protection immédiate et à moyen terme en vue de leur réhabilitation, et de leur garantir une réparation. La commission prie une nouvelle fois le gouvernement d’indiquer le nombre de cas dans lesquels les autorités compétentes ont accompagné les victimes au stade de l’enquête et de la procédure judiciaire, en détaillant la nature de cette assistance.
d) Sensibilisation. La commission a précédemment demandé au gouvernement de continuer de mener des activités de sensibilisation sur le phénomène de l’esclavage sur l’ensemble du territoire en y associant toutes les parties prenantes, et notamment les autorités locales, afin que la position ferme de l’état sur la question de la lutte contre l’esclavage, ses séquelles et la discrimination soit relayée et comprise à tous les niveaux. La commission note que le gouvernement se réfère à la commémoration de la journée nationale de lutte contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes ainsi qu’aux caravanes de sensibilisation.
La commission note par ailleurs qu’à la clôture de sa mission réalisée en mai 2022, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a reconnu les mesures importantes prises par le gouvernement pour lutter contre l’esclavage tout en avertissant qu’il restait encore beaucoup à faire. Il a souligné que des formes d’esclavage fondées sur l’ascendance et contemporaines existent toujours en Mauritanie, au sein de tous les principaux groupes ethniques du pays, malgré le déni de cette pratique par certains acteurs. Il a déclaré qu’une transformation sociale et un changement de mentalité sont nécessaires pour reconnaître de façon directe et lutter contre l’esclavage plutôt que de nier son existence (communiqué de presse du 13 mai 2022).
La commission prie le gouvernement de continuer à prendre des mesures et de renforcer son action pour sensibiliser et mobiliser toutes les autorités compétentes et l’ensemble de la société dans la lutte contre l’esclavage, ses séquelles et la discrimination dont sont victimes les esclaves et leurs descendants. La commission espère que dans ce contexte le gouvernement collaborera avec les autorités traditionnelles, la société civile et les partenaires sociaux et qu’il continuera de bénéficier de l’appui du projet de coopération technique du BIT («Projet d’appui à la mise en œuvre de la loi 2015-31 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes»).
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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