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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Analyse de la plainte
    1. 81 La plainte soumise par la Fédération syndicale mondiale contient les allégations suivantes:
      • a) De graves atteintes auraient été portées au droit de grève au cours des dernières semaines, notamment dans les chemins de fer. A la suite d'une menace de grève, en août 1950, le gouvernement des Etats-Unis aurait réquisitionné les chemins de fer et en aurait remis la gestion nominale à l'armée américaine. En réalité, cependant, la direction privée en aurait conservé le contrôle absolu. Un nouvel arrêt du travail s'étant produit en janvier et en février 1951, M. Charles E. Wilson, Directeur de la mobilisation pour la défense nationale, aurait fait une déclaration radiodiffusée au cours de laquelle il aurait dit que la grève n'était pas un moyen légitime à employer par les cheminots. En février 1951, l'armée aurait déclaré que tout employé qui n'aurait pas repris le travail le 10 février et qui n'aurait pas pu prouver qu'il était hors d'état de travailler, serait licencié et perdrait tous ses droits d'ancienneté. Le Wall Street Journal du 9 février 1951 aurait mis en manchette la phrase suivante : " L'armée dit aux cheminots grévistes de reprendre le travail sous peine de licenciement ".
      • b) Dans certaines industries, l'établissement de listes noires aurait été institué dans le cadre de la réglementation sur la " sécurité nationale ". La " Coast Guard " aurait été autorisée à présumer coupables les travailleurs maritimes et à les licencier sans leur donner de préavis ni d'explications et sans leur permettre aucun recours. Le West Coast Sailor, organe officiel d'un syndicat affilié à l'A.F.L, aurait écrit, à propos d'une réglementation antérieure, mais similaire, que quiconque avait la réputation d'être militant syndicaliste pourrait être renvoyé de son navire parce que son " mode d'existence " le ferait paraître comme un " fauteur de troubles " aux yeux de la " Coast Guard " et que le prétendu droit de recours était illusoire. Le Shipping Register, organe patronal, aurait, d'autre part, écrit, lors de la publication de la réglementation de la " Coast Guard " : " On dirait que les grèves vont enfin s'arrêter. "
      • c) La loi Taft-Hartley continuerait à produire ses effets. La loi aurait été décrite par le président du C.I.O comme une " première étape vers le fascisme " et, en octobre 1950, lors du Congrès annuel de l'" American Federation of Labor ", comme une loi privant les travailleurs américains de " leur droit fondamental de s'organiser ".
      • d) L'ingérence politique dans les affaires syndicales sous le couvert de cette mesure répressive serait notoire. Malgré le fait qu'il serait interdit aux employeurs d'intervenir dans l'élection des représentants syndicaux dans leurs usines, des porte-parole du gouvernement ne se seraient pas conformés à cette disposition. En mai 1950, le secrétaire au Travail aurait invité les travailleurs de l'usine de la " General Electric " à Lynn (Massachusetts) à voter pour l'un des deux syndicats rivaux de cette usine. Du fait de la menace implicite que faisait peser cette intervention gouvernementale, le syndicat soutenu par le gouvernement serait venu en tête.
      • e) Les lois sur l'immigration et la loi McCarran seraient appliquées d'une manière discriminatoire contre les fonctionnaires syndicaux nés à l'étranger.
      • f) Des entraves seraient apportées au droit qu'ont les membres des syndicats du Canada et des Etats-Unis qui appartiennent à une même fédération de traverser la frontière lorsqu'ils le désirent en vue de consultations sur des négociations syndicales, sur des grèves et autres questions d'intérêts communs.
      • g) Des poursuites seraient intentées contre les syndicats en application de la loi Sherman relative aux trusts qui visait initialement à dissoudre les monopoles et les trusts.
      • h) Des poursuites pour outrages au tribunal seraient intentées lors des grèves, de façon à épuiser les ressources financières des syndicats.
    2. Analyse de la réponse
    3. 82 Dans sa réponse, le gouvernement des Etats-Unis déclare qu'il est fermement attaché à la sauvegarde des droits syndicaux et de la liberté syndicale, et rappelle qu'il a été parmi les plus actifs à demander l'établissement de la Commission d'investigation. Il se déclare prêt à coopérer avec celle-ci à l'investigation des accusations qui seraient portées contre les Etats-Unis lorsque celles-ci ne seront pas d'un caractère purement politique et lorsque, conformément à la procédure prévue, il sera estimé approprié, au vu des preuves apportées, qu'elles fassent l'objet d'une enquête ou d'une conciliation. Mais, en l'espèce, il estime que les accusations formulées sont purement politiques, ne sont pas correctement présentées, consistent principalement en de vagues affirmations non étayées par des faits et ne constituent pas en réalité une allégation de violation des droits syndicaux ; il considère donc qu'elles ne devraient pas être retenues par le Conseil d'administration.
    4. 83 Le gouvernement des Etats-Unis présente ensuite deux observations d'ordre général:
      • a) en premier lieu, certaines allégations (celles qui figurent dans l'analyse de la plainte sous les lettres c, e, f, g et h), sont de simples affirmations d'ordre général faites sans aucune référence à des situations de fait pouvant les justifier. Dans ces conditions, il estime qu'elles ne méritent ni réponse de la part du gouvernement des Etats-Unis, ni examen de la part du Conseil d'administration. Le gouvernement indique qu'il a pris pour principe de ne présenter des observations sur des allégations que si celles-ci sont étayées par des faits.
      • b) En second lieu, il fait remarquer que certaines allégations ont implicitement une portée qui dépasse de beaucoup les faits sur lesquels elles s'appuient. Les exemples qu'il cite à cet égard seront repris dans l'analyse de ses commentaires sur chacune des allégations présentées par la F.S.M.
    5. I. Allégation relative aux atteintes portées à l'exercice du droit de grève
    6. 84 Bien qu'à la lecture de cette allégation, les " graves atteintes portées au droit de grève au cours des dernières semaines " paraissent, du fait de l'usage du terme " notamment ", s'être produites dans d'autres industries que celle des chemins de fer, les faits cités pour étayer cette allégation ont seulement trait aux conflits du travail dans les chemins de fer et les observations du gouvernement traitent donc de ce seul sujet.
    7. 85 En vertu d'une loi du Congrès datant de 1916, le Président est autorisé à assurer le fonctionnement continu des chemins de fer en cas de guerre, de menace de guerre ou de crise nationale. A de pareils moments, c'est la responsabilité de tout gouvernement, quel qu'il soit, d'agir de manière à assurer le bien-être et la sécurité de l'ensemble de la nation. L'agression qui s'est produite en Corée a engendré une situation de crise. La sécurité des forces des Nations Unies en Corée dépend d'un envoi régulier et adéquat de fournitures et munitions. Les chemins de fer de ce pays jouent un rôle important à cet égard. Lorsque le fonctionnement continu des chemins de fer a semblé compromis du fait d'une menace de grève d'ampleur nationale, le Président, une fois épuisés tous les autres moyens de règlement du conflit prévus par la loi, a agi conformément à ses pouvoirs et à ses responsabilités en plaçant les chemins de fer sous le contrôle de l'armée. A des moments moins critiques, des conflits du travail dans les chemins de fer n'ont pas provoqué de mesures de contrôle de la part du gouvernement (par exemple, la grève de la ligne du Missouri-Pacifique en septembre et octobre 1949).
    8. 86 Après cette prise de contrôle par l'armée, les négociations qui s'étaient engagées entre les syndicats et la direction ayant échoué en décembre 1950, une série de grèves non autorisées par les dirigeants syndicaux ayant éclaté et ces événements ayant coïncidé avec l'intervention agressive des communistes chinois en Corée, M. Wilson adressa son appel aux cheminots. La phrase citée de son discours donne une impression trompeuse parce qu'elle a été tronquée. On prétend qu'il aurait dit que la grève n'était pas pour les cheminots un moyen légitime, alors qu'en fait il a déclaré qu'une grève dirigée contre l'ensemble de la nation, particulièrement en période de crise aiguë, n'était pas un moyen légitime. Ce disant, il ne contestait pas d'une façon générale la légalité du droit fondamental de recourir à la grève. On trouve une preuve manifeste du fait que le droit de grève n'a pas été restreint aux Etats-Unis dans les rapports du Bureau des statistiques du travail sur les arrêts de travail consécutifs à des conflits du travail, qui indiquent notamment que 3.075 nouveaux arrêts du travail intéressant 1.550.000 travailleurs se sont produits au cours des huit premiers mois de 1951.
    9. 87 Le plaignant n'a pas cité dans son intégralité la manchette du Wall Street Journal du 9 février 1951. Si celle-ci déclarait effectivement : " L'armée dit aux cheminots grévistes de reprendre le travail sous peine de licenciement ", elle ajoutait : " et décrète une augmentation des salaires ". Ceci est une preuve évidente de la fausseté de l'allégation affirmant que " la direction privée avait en réalité conservé le contrôle absolu " des chemins de fer.
    10. 88 Un règlement final est intervenu le 2 mars 1951, direction et syndicats s'étant mis d'accord sur certaines augmentations de salaires.
    11. 89 Le gouvernement a joint en annexe à ses commentaires sur cette allégation le texte du rapport du Sénat sur l'enquête relative au conflit des chemins de fer qui fut menée par la Commission sénatoriale sur le travail et le bien-être public. Il est déclaré dans le rapport de la majorité de cette commission que, " conformément à la constitution et à la législation existante, le Président a indubitablement le pouvoir de prendre des mesures indispensables et notamment, s'il le juge approprié, de réquisitionner et de faire fonctionner les industries ou services impliqués dans le conflit, en attendant que celui-ci soit réglé par les parties intéressées. Le Président a non seulement le pouvoir, mais le devoir et la responsabilité, de prendre les mesures nécessaires dans les circonstances indiquées ci-dessus ". Notant qu'à son avis, " il est regrettable que le Département de l'armée, lors de la réquisition et de la remise en marche des chemins de fer, n'ait pas consulté un représentant des syndicats et n'ait pas cherché à s'assurer son concours ", la Commission signale néanmoins que " la réquisition et la remise en marche des chemins de fer par les soins du gouvernement ont été, dans ce cas, conformes aux normes établies lors de réquisitions gouvernementales antérieures ". Il conclut ainsi : " En tout cas, le présent conflit indique et souligne certainement la nécessité d'une étude approfondie et minutieuse de l'ensemble de la question des réquisitions gouvernementales et des moyens par lesquels ces réquisitions, lorsqu'elles se produisent, peuvent respecter, en matière de négociations collectives, la compétence des parties intéressées au conflit et ainsi, promouvoir plutôt qu'entraver de saines et démocratiques relations professionnelles ".
  • II. Allégation relative à l'établissement de listes noires dans le cadre de la réglementation sur la sécurité nationale
    1. 90 Bien que cette allégation évoque l'établissement de listes noires dans certaines industries ", les faits cités concernent seulement l'industrie maritime et les observations du gouvernement se réfèrent donc à cette seule industrie.
    2. 91 Les Etats-Unis ont pris des mesures pour mettre la marine marchande et les installations portuaires à l'abri du sabotage. Un plan de sécurité fut à cet effet primitivement établi en juillet 1950 par un accord tripartite. Ultérieurement, une loi du Congrès de 1950 donna au Président le pouvoir de prendre telles mesures qui lui paraîtraient nécessaires pour assurer la sécurité de la marine marchande et des installations portuaires lorsque celles-ci seraient mises en danger pour des causes diverses et notamment du fait d'activités subversives. En octobre 1950, le Président des Etats-Unis, estimant qu'il en était ainsi, édicta une réglementation en ce sens qui suivait les grandes lignes de l'accord volontaire et venait le compléter sans aucunement se substituer à lui.
    3. 92 Cette réglementation prévoit notamment que nul ne peut être employé à bord des navires des Etats-Unis du type désigné par le commandant de la " Coast Guard " et ne peut y avoir accès, ni aux installations riveraines désignées par le commandant s'il n'est muni d'un certificat délivré par le commandant, après que celui-ci se sera assuré qu'il s'agit d'une personne dont la conduite et le mode d'existence sont tels que sa présence n'est pas préjudiciable à la sécurité des Etats-Unis.
    4. 93 La réglementation édictée par le commandant indique de façon claire et précise les motifs en vertu desquels il rejettera une demande de certificat. Ce sera le fait pour cette personne:
  • d'avoir commis des actes de trahison ou de nature séditieuse, de s'être livrée à des actes d'espionnage ou de sabotage, d'avoir activement poussé ou contribué à l'accomplissement de tels actes par d'autres personnes ou de s'être sciemment associée avec des personnes accomplissant de tels actes ;
  • d'être employée par un gouvernement étranger ou soumise à son influence dans des conditions pouvant compromettre la sécurité des Etats-Unis;
  • d'avoir activement préconisé le renversement par la violence du gouvernement des Etats-Unis;
  • d'avoir intentionnellement divulgué, sans autorisation, des renseignements militaires de nature confidentielle, alors qu'elle devrait raisonnablement savoir ou supposer que ceux-ci pouvaient être transmis à un gouvernement étranger, ou d'avoir intentionnellement communiqué de tels renseignements à des personnes n'étant pas qualifiées pour en avoir connaissance ;
  • d'être ou d'avoir été récemment affiliée à, ou d'avoir eu des attaches ou d'avoir fraternisé avec, une association étrangère ou interne : i) qui est, ou dont le Procureur général a dit qu'elle était, totalitaire, fasciste, communiste ou de nature subversive ; ii) qui poursuit, ou dont le Procureur général a dit qu'elle poursuivait, une politique préconisant l'emploi de la violence en vue d'empêcher d'autres personnes d'exercer les droits qu'elles détiennent en vertu de la Constitution des Etats-Unis ; iii) qui s'efforce, ou dont le Procureur général a dit qu'elle s'efforçait, de changer la forme du gouvernement des Etats-Unis par des moyens contraires à la Constitution.
    1. 94 Toutefois, cette dernière catégorie de motifs ne constitue pas un empêchement dirimant à la délivrance du certificat et la personne intéressée peut l'obtenir s'il est prouvé, plus que par un simple démenti, que les intérêts des Etats-Unis du point de vue de la sécurité ne seront pas compromis de ce fait.
    2. 95 Lorsqu'une personne désire avoir accès aux installations riveraines, ce certificat peut également lui être refusé si elle ne présente pas des garanties normales de sécurité du fait d'autres motifs (aliénation mentale sans preuve de guérison ; condamnation du fait d'incendie volontaire, de trafic illégal de stupéfiants, d'espionnage, de sabotage ou de trahison ; ivresse pendant le travail ou fait de s'adonner à l'absorption de narcotiques sans preuve de guérison).
    3. 96 Le refus du commandant n'intervient que " si, d'après les preuves et renseignements recueillis, il existe des motifs raisonnables ". Il n'y a pas présomption de culpabilité.
    4. 97 En cas de rejet de sa demande, la personne intéressée possède un droit de recours auprès du " Local Appeal Board ", qui fait des recommandations au commandant, et si la décision du commandant lui est toujours contraire, auprès du " National Board ".
    5. 98 Ces deux conseils ont une composition tripartite (un représentant de la " Coast Guard " dans l'intérêt public, un représentant des employeurs et un représentant des travailleurs). La procédure fixée prévoit, d'autre part, que la personne qui a fait appel et dont la demande a été rejetée - et ce refus doit être écrit et motivé - a droit à être entendue et peut comparaître personnellement ou être représentée par un avocat ou par toute personne de son choix. Elle possède, dans certaines limites, un droit de récusation à l'égard des membres du conseil devant examiner son cas. L'audience est de caractère soit public, soit privé, et un compte rendu sténographique en est établi. La recommandation du conseil, prise à la majorité des voix, est transmise, ainsi que tous documents à l'appui, au commandant, qui peut, soit l'approuver, soit la rejeter, soit renvoyer le cas au conseil pour nouvel examen.
    6. 99 La personne qui a fait appel est informée par écrit de la décision du commandant, et si cette décision lui est contraire, est informée de son droit de recours devant une instance supérieure.
    7. 100 Les Etats-Unis estiment que cette réglementation ne justifie pas l'accusation présentée par la F.S.M. La crainte manifestée par le West Coast Sailor n'a pas été confirmée par les faits et la F.S.M ne cite aucun cas pour étayer l'allégation selon laquelle cette réglementation aurait servi à l'établissement de listes noires. Quant à l'espoir soi-disant manifesté par les armateurs dans le Shipping Register, suivant lequel, du fait de cette réglementation, " on dirait que les grèves vont enfin s'arrêter " - citation dont il a été impossible de contrôler l'exactitude et qui a bien pu être tronquée comme celle de M. Wilson - il ne s'est pas réalisé. La réglementation n'a pas empêché qu'une grève se produise dans l'industrie maritime en juin 1951, de même qu'elle n'a pas empêché les syndicats d'exercer leur pression pour le règlement des réclamations d'ordre local.
  • III. Allégation relative à la loi Taft-Hartley
    1. 101 La loi de 1947 sur les rapports entre les employeurs et les travailleurs (loi Taft-Hartley) est effectivement toujours en vigueur, mais étant donné qu'aucun grief précis n'est formulé, l'allégation est trop générale pour permettre une réponse spécifique. Aucune disposition de cette loi - dont le gouvernement a joint un exemplaire - n'est contraire aux conventions no 87 ou 98 ni aux recommandations sur les conventions collectives et sur la conciliation et l'arbitrage volontaire. En outre, le simple fait que les syndicalistes américains critiquent librement cette loi souligne le manque de fondement de la propagande de la F.S.M.
  • IV. Allégation relative à des interventions politiques dans les affaires syndicales
    1. 102 Bien que cette allégation indique que " des porte-parole " du gouvernement seraient intervenus dans l'élection de représentants syndicaux, les faits cités ont trait à une intervention " d'un porte-parole " du gouvernement et les observations du gouvernement se réfèrent donc à ce seul fait.
    2. 103 Il est exact que le Secrétaire du Travail a prononcé un discours lors d'une réunion de l'" International Union of Electrical Radio and Machine Workers ", C.I.O, à Lynn, Massachusetts, et qu'il a demandé aux travailleurs de soutenir ce syndicat lors des élections qui devaient avoir lieu.
    3. 104 Mais les conclusions que tire la F.S.M de ce discours sont fausses. Il n'y a eu aucune menace implicite. Le Secrétaire du Travail, qui n'a à cet égard que des fonctions d'ordre administratif concernant l'enregistrement des comptes des syndicats et des affidavits non communistes, ainsi que la tenue d'un fichier des conventions collectives, n'intervient pas dans l'application de la loi sur les rapports entre les employeurs et les travailleurs en vertu de laquelle ces élections ont lieu. C'est là une responsabilité qui appartient au Conseil national des rapports de travail, organisme indépendant.
    4. 105 Les salariés de l'usine en question ont eu une complète liberté de vote et votèrent au scrutin secret pour le syndicat de leur choix.
    5. 106 La meilleure réponse à cette question est que les " United Electrical Workers ", qui s'étaient adressés au Conseil national des rapports de travail pour faire annuler les élections, du fait du discours prononcé par le secrétaire au Travail, ont ultérieurement retiré leur demande.
  • V. Autres allégations
    1. 107 Aucun exemple n'étant donné pour étayer ces diverses allégations, le gouvernement des Etats-Unis estime que celles-ci sont d'un caractère trop vague et trop général pour qu'il soit nécessaire d'y répondre et il ne présente donc aucune observation à leur sujet.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • I. Allégation relative aux atteintes portées à l'exercice du droit de grève
    1. 108 Le plaignant allègue que d'importantes restrictions ont été apportées à l'exercice du droit de grève, notamment dans les chemins de fer. A l'appui de son allégation, il cite le cas de la réquisition par le gouvernement des Etats-Unis de cette dernière industrie, qui a été placée sous la gestion de l'armée en 1950-51, gestion à son avis purement nominale, puisque la direction privée en aurait conservé le contrôle absolu. Les cheminots grévistes auraient été menacés de licenciement avec perte de tous droits d'ancienneté en cas de non reprise du travail, et le directeur de la Mobilisation pour la défense nationale aurait déclaré à la radio que la grève n'était pas pour les cheminots un moyen légitime.
    2. 109 Il est clair que les faits allégués par le plaignant - et notamment le licenciement, avec perte de leurs droits d'ancienneté, des grévistes refusant de reprendre le travail - ne peuvent pas de prime abord être écartés sous prétexte que " même s'ils étaient prouvés, ils ne constitueraient pas une atteinte à l'exercice des droits syndicaux ".
    3. 110 Il convient donc d'examiner maintenant si, compte tenu de la réponse du gouvernement, ces faits apparaissent constituer des preuves suffisantes d'une atteinte aux droits syndicaux pour que le Conseil d'administration estime qu'il y a lieu de donner suite à l'allégation présentée.
    4. 111 En alléguant qu'il y aurait eu atteintes au droit de grève, notamment dans les chemins de fer, le plaignant laisse entendre que ces atteintes se seraient également produites dans d'autres industries. Cependant, comme le souligne le gouvernement, les faits allégués se réfèrent uniquement à l'industrie des chemins de fer. Le caractère général que le plaignant a conféré à son allégation ne semble donc pas devoir être retenu par le Conseil d'administration du fait d'un manifeste défaut de preuve en ce qui concerne les industries autres que les chemins de fer, et l'allégation doit, par conséquent, être examinée en tant seulement qu'elle a trait au conflit du travail survenu dans l'industrie des chemins de fer en 1950-51.
    5. 112 A ce sujet, le gouvernement reconnaît que le Président des Etats-Unis a réquisitionné les chemins de fer et les a placés sous le contrôle de l'armée, et il ne conteste pas l'allégation selon laquelle il aurait été ordonné aux cheminots grévistes de reprendre le travail sous peine de licenciement. Mais il indique qu'en procédant à la réquisition des chemins de fer, le Président a agi conformément à une loi du Congrès datant de 1916, l'autorisant à assurer le fonctionnement continu des chemins de fer en cas de guerre, de menace de guerre ou de crise nationale. Une telle situation de crise s'est, dit-il, produite aux Etats-Unis du fait des événements de Corée. La sécurité des forces des Nations Unies dans ce pays dépendait d'un envoi régulier et adéquat de fournitures et de munitions, et les chemins de fer américains jouaient un rôle primordial à cet égard. Le Président, est-il précisé, n'a agi qu'une fois épuisés tous les autres moyens de règlement du conflit prévus par la loi. En des périodes moins critiques, des conflits du travail dans les chemins de fer n'ont pas provoqué de mesures de contrôle de la part du gouvernement (par exemple la grève de la ligne du Missouri-Pacifique en septembre et octobre 1949).
    6. 113 Il paraît donc clairement ressortir des précisions fournies par le gouvernement que le fait pour le Président des Etats-Unis d'avoir réquisitionné les chemins de fer ait constitué non pas une mesure arbitraire destinée à porter atteinte au droit syndical des cheminots, mais une mesure de caractère essentiellement temporaire, dictée par des considérations d'intérêt général, prise conformément à la loi, en vue de faire face à une situation de crise nationale et une fois épuisés tous les moyens de solution du conflit prévus par la loi.
    7. 114 L'argument tiré du discours de M. Wilson ne semble pas convaincant puisque, la phrase citée de son discours une fois rétablie dans son contexte, il apparaît qu'il n'a nullement dénié aux cheminots le droit même de se mettre en grève, mais qu'il a seulement souligné qu'une grève dirigée contre l'ensemble de la nation, particulièrement en période de crise aiguë, n'était pas un moyen légitime de défense des intérêts professionnels. Au demeurant, comme le fait ressortir le gouvernement, la preuve que le droit de grève n'a pas été indûment restreint aux Etats-Unis est fournie par les rapports du Bureau des statistiques du travail qui indiquent notamment que, pendant les trois derniers mois de 1950 et les huit premiers mois de 1951, se sont respectivement produits 1.097 et 3.075 nouveaux arrêts du travail, ayant intéressé au total environ 1.900.000 travailleurs.
    8. 115 Quant à l'allégation selon laquelle la décision de confier à l'armée la gestion des chemins de fer aurait été une simple mesure de façade, la direction privée ayant en fait conservé le contrôle absolu de cette industrie, elle semble démentie par l'affirmation du gouvernement suivant laquelle l'armée a décrété d'autorité des augmentations de salaires lorsqu'il fut ordonné aux cheminots de reprendre le travail.
    9. 116 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le plaignant n'apporte pas la preuve que les mesures prises par le gouvernement américain ont été détournées de leur but de sécurité publique et ont été prises pour enlever aux ouvriers la garantie de leurs intérêts et que, par conséquent, cette allégation ne devrait pas être retenue.
  • II. Allégation relative à l'établissement de listes noires dans le cadre de la réglementation sur la sécurité nationale
    1. 117 Le plaignant allègue que, dans certaines industries, l'établissement de listes noires aurait été institué dans le cadre de la réglementation sur " la sécurité nationale ". Pour étayer son allégation, il cite le cas de l'industrie maritime, dans laquelle la " Coast Guard " aurait été autorisée à présumer coupables les travailleurs maritimes et à les licencier sans leur donner de préavis ni d'explication et sans leur permettre aucun recours. S'appuyant sur un extrait d'une publication syndicale, le plaignant prétend notamment que, par le moyen de cette réglementation sur la sécurité, un militant syndicaliste pourrait être licencié sous prétexte que, de par son " mode d'existence ", il apparaîtrait comme un " fauteur de troubles " aux yeux de la " Coast Guard ", et que le prétendu droit de recours qui lui serait offert serait illusoire.
    2. 118 Il est clair que l'allégation soumise par le plaignant ne peut pas, de prime abord, être écartée sous prétexte que, même si elle était prouvée, elle ne constituerait pas une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
    3. 119 Il convient donc d'examiner si, compte tenu des observations formulées par le gouvernement, cette allégation apparaît établir de manière suffisamment probante qu'il y ait eu atteinte aux droits syndicaux pour que le Comité estime devoir recommander qu'il y soit donné suite.
    4. 120 Bien que l'allégation se réfère à l'établissement de listes noires " dans certaines industries ", elle ne traite en fait que de l'industrie maritime. Le caractère général que le plaignant a conféré à son allégation ne semble donc pas devoir être retenu du fait d'un manifeste défaut de preuve en ce qui concerne les industries autres que l'industrie maritime, et l'allégation doit, par conséquent, être examinée en tant seulement qu'elle a trait à la réglementation sur la sécurité dans l'industrie maritime.
    5. 121 A ce sujet, le gouvernement indique que c'est conformément à une loi du Congrès de 1950 que le Président des Etats-Unis a établi, en octobre 1950, une réglementation destinée à assurer la sécurité de la marine marchande et des installations portuaires lorsque celles-ci seraient mises en danger pour des causes diverses, et notamment du fait d'activités subversives. Cette réglementation, qui venait compléter un plan de sécurité établi en juillet 1950 sur une base tripartite, prévoit notamment, comme condition préalable à l'emploi à bord de certains navires du type désigné par le commandant de la " Coast Guard ", l'obtention d'un " certificat de sécurité ", qui n'est délivré par le commandant que lorsque celui-ci s'est assuré que la conduite et le mode d'existence de la personne qui le demande sont tels que sa présence n'est pas préjudiciable à la sécurité des Etats-Unis.
    6. 122 Une disposition de caractère aussi général pourrait évidemment donner lieu à une grande diversité d'interprétation, mais le gouvernement indique que le commandant de la " Coast Guard " a édicté une réglementation prévoyant de manière claire et précise les motifs pour lesquels il rejettera une demande de certificat. Le gouvernement indique quels sont ces motifs, au nombre desquels figure le fait d'être ou d'avoir été récemment affilié à, ou d'avoir eu des attaches ou d'avoir fraternisé avec, une association étrangère ou interne i) qui est, ou dont le Procureur général a dit, qu'elle était totalitaire, fasciste, communiste ou de nature subversive, ii) qui poursuit, ou dont le Procureur général a dit qu'elle poursuivait, une politique préconisant l'emploi de la violence en vue d'empêcher d'autres personnes d'exercer les droits qu'elles détiennent en vertu de la Constitution des Etats-Unis, iii) qui s'efforce, ou dont le Procureur général a dit qu'elle s'efforçait, de changer la forme du gouvernement des Etats-Unis par des moyens contraires à la Constitution. Toutefois, la réglementation précise que cette catégorie de motifs ne constitue pas un empêchement dirimant à la délivrance du certificat et la personne intéressée peut l'obtenir s'il est prouvé plus que par un simple démenti, que les intérêts des Etats-Unis au point de vue de la sécurité ne seront pas compromis de ce fait. D'autre part, il est également prévu que le refus du commandant n'intervient que " si, d'après les preuves et renseignements recueillis, il existe des motifs raisonnables ". Contrairement à l'allégation du plaignant, le gouvernement affirme donc qu'il n'y a pas présomption de culpabilité.
    7. 123 Le gouvernement cite également d'amples extraits de la réglementation établie par le Président en ce qui concerne le droit de recours offert à toute personne dont la demande de certificat a été rejetée par le commandant, d'abord auprès du " Local Appeal Board ", puis en appel auprès du " National Board ". Ces deux conseils ont une composition tripartite et la procédure prévue offre toute une série de garanties destinées à permettre, à la personne qui fait appel, de faire valoir son point de vue (par exemple, droit à être entendu et à être assisté d'un avocat, droit de récusation dans certaines limites des membres du conseil devant examiner son cas, disposition prévoyant que tout recours doit être examiné, etc.).
    8. 124 Etant donné que la réglementation en question complète un plan de sécurité volontaire établi sur une base tripartite et prévoit un droit d'appel devant des conseils tripartites et, d'autre part, que l'allégation formulée par le plaignant n'est étayée d'aucun exemple permettant de supposer que la réglementation sur la sécurité dans l'industrie maritime ait effectivement servi à l'établissement de listes noires à des fins de discrimination syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le plaignant n'a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier le renvoi de l'allégation et, en conséquence, que cette allégation ne doit pas être retenue.
  • III. Allégation relative à la loi Taft-Hartley
    1. 125 Le plaignant allègue que la loi Taft-Hartley continue de produire ses effets, qu'elle a été décrite par le Président du C.I.O. " comme une première étape vers le fascisme ", et en octobre 1950, lors du Congrès annuel de l'A.F.L, comme " une loi privant les travailleurs américains de leur droit fondamental de s'organiser".
    2. 126 Dans sa réponse, le gouvernement déclare que cette loi est, en effet, toujours en application, mais que l'allégation est trop générale et ne contient pas de griefs suffisamment précis pour qu'il soit possible d'y répondre. Il communique cependant le texte de la loi incriminée, dont il affirme qu'aucune disposition n'est contraire aux conventions et aux recommandations de l'O.I.T.
    3. 127 La loi Taft-Hartley porte sur toute une série de questions, dont plusieurs ont un lien plus ou moins direct avec l'exercice de la liberté syndicale, mais le plaignant n'a pas indiqué dans son allégation quelles étaient les dispositions de cette loi qui, à son avis, porteraient atteinte au libre exercice des droits syndicaux et il s'est seulement référé à la loi Taft-Hartley, considérée dans son ensemble.
    4. 128 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que l'allégation présentée n'offre pas un caractère suffisamment précis pour mériter un examen plus approfondi et, en conséquence, ne doit pas être retenue.
  • IV. Allégation relative à des interventions politiques dans les affaires syndicales
    1. 129 Le plaignant allègue que l'ingérence politique dans les affaires syndicales serait notoire. Bien qu'il soit interdit aux employeurs d'intervenir dans l'élection des représentants syndicaux dans leurs usines, des porte-parole du gouvernement ne se seraient pas conformés à cette disposition. Il cite à l'appui de son allégation le cas du Secrétaire du Travail qui aurait invité les travailleurs d'une usine à voter pour l'un des deux syndicats rivaux de cette usine, et prétend que du fait de la menace implicite que faisait peser cette intervention gouvernementale, les membres du syndicat soutenu par le gouvernement auraient été élus.
    2. 130 Il est clair que l'allégation présentée par le plaignant ne peut pas de prime abord être écartée sous prétexte que, même si elle était prouvée, elle ne constituerait pas une atteinte à l'exercice des droits syndicaux.
    3. 131 Il est donc nécessaire d'examiner si, compte tenu de la réponse du gouvernement, elle apparaît établir de manière suffisamment probante qu'il y ait eu atteinte aux droits syndicaux pour que le Conseil d'administration estime devoir conclure qu'il y ait lieu d'y donner suite.
    4. 132 Bien que l'allégation se réfère à des interventions " de porte-parole " du gouvernement, le seul exemple cité pour l'étayer est un discours prononcé par le Secrétaire du Travail dans une usine déterminée. Dans ces conditions, il semble qu'il y ait lieu, comme pour les allégations relatives aux atteintes portées à l'exercice du droit de grève et à l'établissement de listes noires dans le cadre de la réglementation sur la sécurité nationale, de l'examiner en tant qu'elle se réfère à ce seul fait.
    5. 133 A ce sujet, le gouvernement reconnaît que le Secrétaire du Travail a prononcé un discours lors d'une réunion syndicale et qu'il a demandé aux travailleurs d'une usine déterminée de soutenir un syndicat de préférence à un autre lors des élections qui devaient avoir lieu. Mais il affirme qu'il n'y a eu aucune menace implicite et que les salariés ont pu en toute liberté voter au scrutin secret pour le syndicat de leur choix. La meilleure preuve en est, dit-il, que le syndicat rival, qui s'était adressé au Conseil national des rapports de travail (National Labor Relations Board) - organisme indépendant auquel incombe le soin d'empêcher les agissements déloyaux en matière de travail - pour faire annuler l'élection du fait de l'intervention du Secrétaire du Travail, a ultérieurement retiré sa demande.
    6. 134 Le fond du problème paraît être de savoir si la participation du Secrétaire du Travail a ou peut avoir été considérée par les travailleurs intéressés comme une menace limitant la complète liberté des salariés de voter au scrutin secret pour le syndicat de leur choix. Il semble que la réponse à cette question dépende des conditions prévalant dans le pays intéressé, des traditions qui y règnent, ainsi que de la manière dont y sont protégés les droits civiques et la liberté politique. Dans le cas présent, le Comité estime qu'aucune contrainte n'a en fait été exercée, étant donné, notamment, que le Secrétaire d'Etat n'avait aucun pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne cette élection, puisque l'organisation de celle-ci appartenait à un organisme indépendant et il recommande donc au Conseil d'administration de décider que cette allégation ne doit pas être retenue.
  • V. Autres allégations
    1. 135 Les autres allégations sont que les lois sur l'immigration et la loi McCarran seraient appliquées d'une manière discriminatoire contre les fonctionnaires syndicaux nés à l'étranger, que des entraves seraient apportées au droit qu'ont les membres des syndicats du Canada et des Etats-Unis qui appartiennent à une même fédération de traverser la frontière en vue de consultations sur des questions syndicales ou d'intérêt commun, que des poursuites seraient intentées contre les syndicats en application de la loi Sherman relative aux trusts qui visait initialement à dissoudre les monopoles et les trusts, et que des poursuites pour outrage au tribunal seraient intentées lors des grèves de façon à épuiser les ressources financières des syndicats.
    2. 136 En face de ces quatre allégations, le gouvernement adopte une position identique. Il estime qu'elles ne citent aucun fait concret et qu'elles sont, partant, d'un caractère trop vague et trop général pour qu'il soit nécessaire d'y répondre. Il ne présente donc aucune observation à leur sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 137. Le plaignant n'a, en effet, nullement cherché à étayer ces quatre allégations par des exemples concrets. Aucune preuve n'est apportée pour les justifier. Dans ces conditions, le Comité estime que ces quatre allégations sont trop vagues pour permettre d'examiner le problème quant au fond et recommande donc au Conseil d'administration de décider qu'elles ne doivent pas être retenues.
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