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- 70. Poursuivant l'examen des plaintes en violation de la liberté syndicale déposées contre l'Espagne par la Confédération internationale des syndicats libres, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil et la Fédération syndicale mondiale, le Comité de la liberté syndicale, à sa vingtième session (Genève, novembre 1958), a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui a été adopté par ce dernier et contenait certaines conclusions, recommandations et demandes d'informations complémentaires.
- 71. En l'absence des informations attendues du gouvernement, le Comité, à ses vingt et unième et vingt-deuxième sessions, tenues respectivement en février et en mai 1959, a décidé d'ajourner l'examen du cas. Par ailleurs, depuis la date du dernier rapport présenté par le Comité sur le cas en question, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, par trois communications datées respectivement des 31 décembre 1958, 17 mars 1959 et 21 juin 1959, a présenté de nouvelles informations complémentaires à l'appui des plaintes qu'elle avait déposées. Le texte de ces communications a été transmis au gouvernement pour observations.
- 72. Par deux communications en date des 22 mai et 28 juillet 1959, le gouvernement espagnol a fait parvenir au Bureau une nouvelle série d'observations.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- Question préalable relative à la recevabilité des plaintes de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil
- 73 Dans sa lettre en date du 28 juillet 1959, le gouvernement espagnol insiste de nouveau sur la partialité de l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, sur le fait que les allégations qu'elle présente ont plus trait à des questions politiques qu'à des questions syndicales, sur le fait, enfin, que le gouvernement espagnol conteste à l'organisation en question tout droit à présenter des allégations à l'O.I.T.
- 74 La question de la recevabilité des plaintes déposées dans le cas présent contre l'Espagne, notamment par l'organisation précitée, a déjà été examinée par le Comité et tranchée dans un sens affirmatif. Les conclusions qu'il avait présentées à ce sujet ayant été approuvées par le Conseil d'administration, le Comité estime qu'il n'y a pas lieu pour lui de revenir sur cette question.
- Législation sur les conventions collectives
- 75 Lors de sa vingtième session (Genève, novembre 1958), après avoir examiné les observations présentées par le gouvernement ainsi que les textes législatifs relatifs aux conventions collectives, le Comité avait noté qu'à la suite de la promulgation de la loi sur les conventions collectives, l'autorisation administrative préalable pour entreprendre des négociations collectives et pour conclure des conventions collectives n'était pas nécessaire. Il avait noté par contre, en ce qui concerne l'application même des conventions conclues, c'est-à-dire leur mise en vigueur, qu'en vertu des articles 13 et 14 de la loi sur les conventions collectives et des articles 18 à 20 de la réglementation relative à cette loi, il était nécessaire de soumettre les conventions, une fois conclues, à l'approbation des autorités compétentes, les conventions n'entrant pas en vigueur en cas de refus d'approbation.
- 76 Le Comité avait rappelé alors avoir déjà observé dans un cas antérieur que la nécessité d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective pourrait constituer, dans certaines circonstances, une mesure contraire au développement et à la promotion des procédures de négociations collectives entre employeurs et travailleurs pour le règlement des conditions d'emploi. Dans ces conditions, le Comité déclarait: «Bien que le refus de l'approbation administrative puisse faire l'objet d'un recours en justice, le système même d'une approbation administrative préalable est contraire à tout régime de négociations volontaires... Le Comité, dans le cas no 102 (Union sud-africaine), a souligné l'importance qu'il y a à reconnaître que les syndicats devraient avoir le droit, par voie de négociations collectives, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit. »
- 77 C'est pourquoi, après avoir recommandé au Conseil d'administration de noter qu'à la suite de la promulgation de la loi sur les conventions collectives, l'autorisation administrative préalable pour entreprendre des négociations collectives et pour conclure des conventions collectives n'était pas nécessaire, mais qu'il était nécessaire, par contre, de soumettre les conventions, une fois conclues, à l'approbation des autorités compétentes pour qu'elles puissent entrer en vigueur, le Comité lui avait recommandé également de demander au gouvernement espagnol de bien vouloir l'informer de la proportion des cas où les conventions collectives n'avaient pas été approuvées dans la forme où elles avaient été présentées, des circonstances dans lesquelles lesdites conventions n'avaient pas été approuvées et, d'une manière générale, des mesures prises dans ce domaine.
- 78 Dans sa réponse en date du 22 mai 1959, le gouvernement indique tout d'abord qu'étant donné la date relativement récente de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les conventions collectives, le nombre de ces conventions est encore assez restreint. Il signale cependant que, dès à présent, ont déjà été conclues: deux conventions nationales intéressant 72.621 travailleurs, deux conventions provinciales intéressant 41.054 travailleurs, trois conventions locales intéressant 7.100 travailleurs et deux conventions d'entreprise intéressant 320 travailleurs, soit un total de 121.095 travailleurs déjà couverts par des conventions collectives. D'après le gouvernement, sont en outre en cours de négociation: deux conventions nationales intéressant 140.000 travailleurs, une convention interprovinciale intéressant 200.000 travailleurs, dix conventions provinciales intéressant 49.908 travailleurs, trois conventions locales intéressant 2.690 travailleurs et vingt-deux conventions d'entreprise intéressant 29.800 travailleurs.
- 79 Répondant plus précisément à la demande d'information formulée par le Conseil d'administration, le gouvernement déclare que, jusqu'ici, les autorités n'ont jamais refusé d'approuver un projet de convention collective et qu'elles n'ont jamais apporté une modification quelconque au texte original des conventions présentées.
- 80 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note de la tendance qui paraît se faire jour en Espagne vers une plus large utilisation des négociations et des conventions collectives en vue de fixer par ce moyen les conditions de travail;
- b) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, jusqu'ici, les autorités n'ont jamais refusé d'approuver le texte des conventions collectives qui leur était soumis;
- c) d'attirer néanmoins l'attention du gouvernement sur la conclusion à laquelle le Conseil d'administration avait abouti à sa 140ème session, selon laquelle la nécessité, prévue par la loi, d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir: que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociations collectives, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit;
- d) de suggérer au gouvernement espagnol que, dans ces conditions, il pourrait vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation, en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés plus haut.
- Allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève
- 81 Lors de son examen de cet aspect du cas, à sa session de novembre 1958, le Comité avait noté la déclaration du gouvernement selon laquelle, en vertu de la législation en vigueur, les dispositions pénales ne sauraient être appliquées qu'en cas de sédition et non en cas d'arrêt du travail. A la suite d'une étude de la législation pertinente - Charte du travail, Code pénal, loi sur la sécurité de l'Etat -, le Comité avait cependant constaté que les conséquences de ces textes ne paraissaient pas être compatibles avec la déclaration gouvernementale. En effet, relevait le Comité, l'article XI (2) de la Charte du travail déclare que « toute action collective ou individuelle qui nuit au rythme normal de la production ou qui risque de lui nuire sera considérée comme un crime contre l'Etat. De son côte, la loi du 29 mars 1941 sur la sécurité de l'Etat stipule dans son article 44 que « les lock-outs et les grèves seront punissables d'une peine d'emprisonnement de trois à cinq ans » et, dans son article 46, que « toute personne qui cause, de quelque manière que ce soit, la suspension totale ou partielle du fonctionnement des services publics, ou la grève et le lock-out mentionnés à l'article 44 sera passible d'une peine de un à trois ans de prison». Enfin, l'article 222 du Code pénal qualifie « les grèves de travailleurs » d'actes de sédition punissables d'une peine de prison. Le Comité avait donc estimé que les dispositions législatives relatives aux grèves et, singulièrement, les dispositions pénales, étaient rédigées en des termes si larges qu'elles étaient susceptibles d'une application incompatible avec les principes de la liberté syndicale, et il avait rappelé à cet égard que l'on reconnaît généralement aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels dans la mesure où il s'exerce pacifiquement et sous réserve des restrictions temporaires qui pourraient lui être apportées.
- 82 C'est pourquoi, sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration avait demandé au gouvernement espagnol de lui indiquer si les mesures nécessaires avaient été prises pour que les autorités chargées d'engager des procédures légales apprécient pleinement la portée de la loi qui, selon la déclaration gouvernementale, viserait seulement les actes séditieux et non la seule cessation du travail.
- 83 Répondant à cette demande d'information, le gouvernement, dans sa communication du 22 mai 1959, s'exprime en ces termes:
- Le gouvernement espagnol tient à déclarer que les suggestions relatives à des mesures à prendre en vue d'imposer une interprétation donnée des textes législatifs aux autorités chargées d'engager des procédures sont contraires aux principes de l'indépendance du pouvoir judiciaire reconnus et consacrés par les lois fondamentales de l'Etat espagnol. Cette indépendance du pouvoir judiciaire est une exigence inéluctable et une condition sine que non du fonctionnement d'une justice équitable et impartiale, et elle exclut, en toute hypothèse, la possibilité d'une intervention quelconque du pouvoir exécutif auprès des juges et des tribunaux qui, non seulement sont libres dans l'exercice de leur charge, mais sont de plus tenus d'interpréter et d'appliquer les normes juridiques en toute loyauté sur la base de leurs connaissances techniques et de faire exécuter les jugements.
- 84 Le Comité estime que les termes de la réponse du gouvernement espagnol sont le résultat d'un malentendu. Il est certain, en effet, qu'en formulant sa demande, le Conseil d'administration n'a en aucune façon entendu suggérer au gouvernement que celui-ci devrait tenter d'influencer les tribunaux pour que ces derniers interprètent les textes législatifs dans un sens donné, quel qu'il soit. Il n'en reste pas moins qu'en élaborant ces textes, le législateur a voulu leur donner une portée et une signification déterminées. Ce dont le Conseil d'administration a voulu s'assurer en formulant la demande qui est rappelée au paragraphe 82 ci-dessus, c'est que le gouvernement avait bien fait en sorte que les tribunaux, pour pouvoir interpréter la loi conformément à son esprit, soient conscients de la portée exacte que le législateur a voulu lui attacher, portée que le gouvernement lui-même avait entendu préciser en déclarant, dans sa communication du 30 mai 1958, que (4 c'est seulement lorsque les travailleurs se livrent à des actes séditieux et non pas en raison d'une cessation du travail que les travailleurs peuvent être punis en application de l'article 222 du Code pénal ». Et la raison pour laquelle le Conseil d'administration a cru devoir demander cette assurance, c'est qu'ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, les termes particulièrement larges des dispositions précitées de la législation paraissaient permettre des interprétations qui auraient été incompatibles avec les principes de la liberté syndicale.
- 85 Par ailleurs, sur la recommandation du Comité, le Conseil d'administration avait demandé au gouvernement de lui indiquer s'il étudiait la possibilité d'amender les dispositions du Code pénal, de la Charte du travail et de la loi sur la sécurité de l'Etat relatives à l'interdiction de la grève.
- 86 Dans sa réponse, le gouvernement s'exprime sur ce point en ces termes: « Le gouvernement espagnol ne peut admettre la tentative d'ingérence que constitue la demande tendant à ce que soient modifiées les dispositions du Code du travail - loi fondamentale de l'Etat - et du Code pénal. Toute modification des lois en vigueur en Espagne doit se faire selon la procédure prévue à cet effet, et le peuple espagnol ne renoncera jamais à sa souveraineté dans ce domaine. »
- 87 Lorsque le Comité et le Conseil d'administration estiment qu'une législation nationale est incompatible avec les principes de la liberté syndicale ou risque, dans son application, de porter atteinte à ces principes, il leur appartient de constater le fait et d'attirer sur lui l'attention du gouvernement intéressé. Ce faisant, explicitement ou implicitement, ils expriment le voeu que le gouvernement, dans le cadre - bien entendu - de la constitution nationale et conformément aux règles établies par cette dernière, saisira les autorités compétentes en vue d'apporter à la législation existante les réformes souhaitables. C'est ce que le Comité et le Conseil ont fait dans le cas d'espèce et le Comité estime que, tant que les amendements nécessaires n'auront pas été apportés aux textes en vigueur, ceux-ci ne pourront pas être considérés par lui comme étant compatibles avec les principes généralement reconnus en matière de liberté syndicale.
- 88 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter à nouveau la déclaration du gouvernement selon laquelle les travailleurs ne sauraient être punis en vertu des dispositions du Code pénal pour le simple fait d'avoir cessé leur travail;
- b) de noter que, dans leur application, et en raison de leur rédaction, les textes législatifs actuels risquent de ne pas être interprétés conformément à ce principe;
- c) de demander pour cette raison au gouvernement, en admettant que tel est bien l'esprit de la loi, s'il a pris les mesures nécessaires pour que les autorités chargées d'engager des procédures légales soient pleinement conscientes de cet esprit et de la portée exacte des textes qu'elles ont la tâche d'appliquer;
- d) de constater que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève, mentionnée ci-dessus au paragraphe 81, risque d'être interprétée comme interdisant les grèves de manière absolue, ce qui n'est pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- e) de suggérer au gouvernement que, dans ces conditions, il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à cette législation.
- Allégations relatives aux grèves de mars 1958
- 89 A sa vingtième session, le Comité, ayant constaté les divergences existant entre les informations très complètes fournies par les plaignants tendant à prouver que les grèves dont il est question avaient leur origine dans des revendications d'ordre économique et la déclaration du gouvernement selon laquelle les grèves auraient constitué un complot subversif, avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de lui fournir des informations plus détaillées sur cet aspect du cas.
- 90 Pour toute réponse - outre certaines considérations sur le fait que la qualité de syndicaliste attachée à un citoyen ne saurait faire échapper ce dernier à sa responsabilité pénale en cas de délit de sa part -, le gouvernement renvoie aux observations qu'il avait présentées par sa communication du 17 octobre 1958 et au vu de laquelle, précisément, le Comité et le Conseil avaient estimé qu'il leur serait nécessaire, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause, d'obtenir des informations plus détaillées.
- 91 Dans ces conditions, considérant, comme il l'a toujours fait, que les allégations concernant le droit de grève n'échappent pas à sa compétence quand elles mettent en cause la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration d'affirmer, comme il l'a fait à maintes reprises, que la grève constitue pour les travailleurs un des moyens essentiels dont ils disposent pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels.
- 92 En ce qui concerne les allégations relatives aux mauvais traitements et autres mesures punitives qui auraient été infligés aux travailleurs ayant participé aux grèves de mars 1958, et en ce qui concerne également les procédures légales auxquelles se référait le gouvernement dans ses observations, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration d'attirer de nouveau l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes, bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière conformément au principe contenu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus détaillées sur ces aspects du cas.
- 93 Etant donné que, dans sa dernière communication, le gouvernement s'abstient de répondre au sujet des points soulevés plus haut, le Comité estime opportun de faire au Conseil d'administration la même recommandation que celle qui est rappelée au paragraphe précédent.
- Allégations relatives aux «détenus sociaux » (cas de M. Félix Carrasquer)
- 94 Selon des allégations présentées le 6 mai 1958 par l'Union générale des travailleurs espagnols en exil, M. Félix Carrasquer, dirigeant syndical, aurait été arrêté en 1946 sous prétexte qu'il était secrétaire régional pour la Catalogne de la Fédération nationale du travail; il aurait été libéré sur parole en 1947. Au cours de la même année, il aurait été arrêté à nouveau, accusé cette fois d'être membre du Comité de la Fédération nationale du travail à Madrid. Il aurait été condamné à trente ans de prison, peine qui aurait été ultérieurement ramenée à vingt ans.
- 95 Le gouvernement n'ayant pas encore présenté d'observations sur cet aspect du cas, le Comité a chargé le Directeur général de lui en demander les informations nécessaires avant de formuler à son sujet ses recommandations au Conseil d'administration. Ces allégations entrant en outre dans la définition des allégations à être traitées d'urgence en ce qu'elles mettent en cause «la vie ou la liberté d'individus », le Comité a chargé le Directeur général d'attirer sur ce fait l'attention du gouvernement et de demander à ce dernier de fournir les informations attendues de lui dans les plus brefs délais possible.
- Allégations relatives aux mesures prises à l'encontre de grévistes et à l'arrestation de syndicalistes et de travailleurs
- 96 Dans une communication en date du 12 décembre 1957, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil se réfère aux mesures qui auraient été prises à l'encontre de travailleurs des chantiers de construction navale de Sestao et des mineurs du puits Maria Luisa à la suite de grèves.
- 97 Dans une lettre en date du 15 mai 1958, la Fédération syndicale mondiale allègue que quarante-quatre citoyens espagnols auraient été arrêtés le 28 janvier 1958 sous prétexte qu'ils auraient assisté au Festival mondial de la jeunesse. Parmi les personnes arrêtées se trouveraient plusieurs dirigeants syndicaux n'ayant en rien pris part audit festival.
- 98 Dans une communication en date du 31 décembre 1958, adressée au Secrétaire général des Nations Unies et transmise par ce dernier à l'O.I.T, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil donne le nom de trente-quatre travailleurs qui auraient été arrêtés pour fait de grève.
- 99 Enfin, dans une lettre en date du 17 mars 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil allègue que trente-deux travailleurs ont été poursuivis et condamnés pour avoir été reconnus coupables d'avoir tenté de réorganiser l'Union générale des travailleurs. Les plaignants donnent le nom des personnes intéressées.
- 100 Toutes ces allégations ont été dûment transmises au gouvernement; celui-ci n'a toutefois pas encore fait parvenir ses observations à leur sujet. Dans ces conditions, le Comité a chargé le Directeur général de demander au gouvernement de bien vouloir présenter ses observations sur ces allégations avant de formuler à leur sujet ses recommandations au Conseil d'administration. Ici, encore, les allégations en question rentrant dans la catégorie de celles qui doivent être traitées d'urgence, le Comité a chargé en outre le Directeur général d'attirer sur ce fait l'attention du gouvernement et de prier ce dernier de bien vouloir fournir les informations attendues de lui dans les plus brefs délais possible.
- Allégations relatives à un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public
- 101 Par une communication en date du 21 juin 1959, l'Union générale des travailleurs espagnols en exil déclare que le Bulletin officiel des Cortes du 12 juin 1959 contient le texte d'un projet de loi définissant les nouveaux pouvoirs du ministre de l'Intérieur en ce qui concerne le maintien de l'ordre public. D'après ce projet, les actes suivants seraient punissables comme étant contraires à l'ordre public: actes susceptibles de nuire à la sécurité publique, actes susceptibles de nuire à la circulation et à la distribution des marchandises et denrées, actes susceptibles de nuire au fonctionnement normal des services publics, arrêts du travail, grèves et fermetures d'établissements. Le projet de loi ajoute que si les actes préjudiciables à l'ordre public sont considérés comme sérieux, le ministre proclamera l'état d'urgence dans tout le pays. Dans ce cas, il aura le pouvoir d'arrêter toute personne qui, à son avis, constitue une menace pour l'ordre public, de perquisitionner les domiciles privés de jour ou de nuit, d'établir une censure de toutes publications, émissions radiophoniques et spectacles publics, d'instituer enfin des tribunaux d'exception.
- 102 Les plaignants déclarent qu'une telle loi, si elle devait être appliquée, priverait les travailleurs de moyens essentiels de défendre et de promouvoir leurs intérêts ou de protester contre des injustices éventuelles, tout arrêt du travail devenant en effet un délit qui serait jugé par des tribunaux d'exception.
- 103 Ces allégations ont été transmises au gouvernement, qui n'a pas encore présenté ses observations à leur sujet. Dans ces conditions, le Comité a chargé le Directeur général d'obtenir du gouvernement lesdites observations avant de présenter sur cet aspect du cas ses recommandations au Conseil d'administration.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 104. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de décider, en ce qui concerne la législation relative aux conventions collectives:
- i) de rappeler au gouvernement la conclusion à laquelle le Conseil avait abouti à sa 140ème session (novembre 1958), selon laquelle la nécessité prévue par la loi d'une approbation préalable de la part du gouvernement pour la mise en vigueur d'une convention collective est contraire au principe même du régime des négociations volontaires, à savoir que les syndicats doivent se voir reconnaître le droit, par voie de négociations collectives, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit;
- ii) de prendre note de la tendance qui paraît se faire jour en Espagne vers une plus large utilisation des négociations et des conventions collectives en vue de fixer par ce moyen les conditions de travail, de la déclaration du gouvernement selon laquelle, jusqu'ici, les autorités n'ont jamais refusé d'approuver le texte des conventions collectives qui leur était soumis, et de suggérer au gouvernement espagnol que, dans ces conditions, il pourrait vouloir envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à sa législation en vue de mettre cette dernière en harmonie avec les principes rappelés ci-dessus;
- b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux conséquences pour la liberté syndicale de l'interdiction de la grève:
- i) de noter à nouveau la déclaration du gouvernement selon laquelle les travailleurs ne sauraient être punis en vertu des dispositions du Code pénal pour le simple fait d'avoir cessé leur travail;
- ii) de noter que, dans leur application et en raison de leur rédaction, les textes législatifs actuels risquent de ne pas être interprétés conformément à ce principe;
- iii) de demander, pour cette raison, au gouvernement espagnol, en admettant que tel est bien l'esprit de la loi, s'il a pris les mesures nécessaires pour que les autorités chargées d'engager des procédures légales soient pleinement conscientes de cet esprit et de la portée exacte des textes qu'elles ont la tâche d'appliquer;
- iv) de constater que, dans sa forme actuelle, la législation espagnole en matière de grève risque d'être interprétée comme interdisant les grèves d'une manière absolue, ce qui ne serait pas en harmonie avec les principes généralement admis en matière de liberté syndicale;
- v) de suggérer au gouvernement que dans ces conditions il voudra peut-être envisager l'opportunité de soumettre aux autorités nationales compétentes des propositions tendant à ce que soient apportés les amendements appropriés à cette législation;
- c) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux grèves de mars 1958:
- i) d'affirmer que la grève constitue pour les travailleurs un des moyens essentiels dont ils disposent pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts professionnels;
- ii) en ce qui concerne les allégations relatives aux mauvais traitements et autres mesures punitives qui auraient été infligés aux travailleurs ayant participé aux grèves de mars 1958, et en ce qui concerne également les procédures légales auxquelles se réfère le gouvernement dans ses observations, d'attirer à nouveau l'attention sur l'importance qu'il a toujours attachée à ce que les syndicalistes, comme toutes les autres personnes, bénéficient des garanties d'une procédure judiciaire régulière conformément au principe contenu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus détaillées sur ces aspects du cas;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les aspects du cas restés en suspens, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des observations et informations complémentaires sollicitées du gouvernement.