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A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 136. La plainte du Comité intersyndical des centrales syndicales malgaches est contenue dans un télégramme du 26 novembre 1957 complété par une communication du 22 décembre 1957.
- 137. Les plaignants allèguent que certaines des centrales syndicales décidèrent de déclencher une grève les 26 et 27 novembre 1957. Le but de la grève - dans les secteurs public, privé et agricole - était de protester contre la politique économique nationale et contre les dispositions de l'arrêté no 404-IGT du 7 novembre 1957 portant modification des taux des prestations familiales et de l'arrêté no 408-IGT du 7 novembre 1957 fixant les zones de salaires et les salaires minima interprofessionnels garantis à Madagascar, considérés par les plaignants comme étant insuffisants. En ce qui concerne le secteur privé, des revendications ont été faites concernant les allocations familiales, un salaire garanti minimum spécifique, les allocations de maternité, 5 zones de salaires, l'extension des conventions collectives dans les différentes branches professionnelles, la retraite des vieux travailleurs et la lutte contre le chômage. En ce qui a trait au secteur public, des revendications ont été faites concernant les indices de solde, l'uniformisation du taux et du mode d'attribution des prestations familiales, la titularisation des auxiliaires et l'uniformisation des modalités d'intégration de certains agents dans les futurs cadres territoriaux. En ce qui concerne le secteur agricole, on demandait la création de chambres de commerce distinctes des chambres du commerce et de l'industrie.
- 138. Les plaignants joignent à leur plainte le texte d'une notice émanant de l'Inspection générale du travail et déclarant que la grève serait illégale, ce qu'ils considèrent comme une atteinte au droit de grève. Cette notice relève que le droit de grève prévu par la Constitution est subordonné aux dispositions législatives selon lesquelles les grèves sont interdites avant que les procédures prévues par la loi pour le règlement des conflits collectifs du travail surgissant entre les employeurs et les travailleurs aient été épuisées. Le texte de cette notice dit ensuite qu'il ne s'agissait pas d'un conflit entre employeurs et travailleurs, car c'étaient les autorités et non pas les employeurs qui étaient compétentes pour la plupart des revendications et que par conséquent la grève était dirigée contre les autorités et leur politique économique. Les décisions des tribunaux judiciaires ont prouvé, déclare la notice, que ce type de grève est illégal, car il empêche les autorités d'exercer leurs pouvoirs. La notice avertit par conséquent les travailleurs qui pourraient participer à la grève qu'ils courraient le risque de perdre leur salaire ou d'être congédiés (sous réserve de l'approbation du tribunal du travail) sans pouvoir réclamer de réparation.
- 139. En terminant, les plaignants font valoir que plus de 500 grévistes ont été congédiés et que les plaignants ont introduit 300 instances.
- 140. Dans sa réponse, datée du 25 février 1958, le gouvernement déclare que l'Inspection du travail considérait la grève comme illégale du fait que les revendications tendaient à faire modifier des questions qui avaient fait l'objet de deux arrêtés, ce qui rendait impossible le recours aux procédures légales ordinaires de conciliation et d'arbitrage et que les syndicats avaient l'intention de s'immiscer dans un domaine réservé à l'autorité. Néanmoins, déclare le gouvernement, la grève s'est déroulée en toute liberté, bien qu'elle ait été appuyée par 2,2 pour cent seulement des salariés de Madagascar. Certains congédiements eurent lieu, mais la plupart d'entre eux furent rapportés sans tarder. Si certains congédiements donnent lieu à des poursuites judiciaires, il appartiendra aux tribunaux compétents de se prononcer sur le caractère légal ou illégal de la grève.
- 141. De l'avis du gouvernement, cette grève est d'inspiration essentiellement politique, et ce que les plaignants reprochent en réalité au gouvernement, c'est que la notice publiée (voir paragraphe 138 ci-dessus) et la législation sociale en vigueur aient, selon eux, exercé une pression morale à cause de laquelle la grève a eu peu d'écho. En fait, déclare le gouvernement, la grève était dirigée contre le gouvernement parce qu'aux termes de la loi, il appartenait à un organisme officiel de fixer le salaire minimum et les allocations.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 142. Il ressort des principaux points évoqués dans la plainte qu'une grève a été ordonnée pour protester contre la situation économique et, plus particulièrement, contre les taux minima de salaires et les allocations fixés par arrêté ainsi que pour appuyer des revendications adressées aux autorités (fixation d'allocations et de taux de salaires nouveaux, extension par voie législative du champ d'application des conventions collectives, mesures de lutte contre le chômage, etc.). Les plaignants affirment que les autorités ont entravé l'exercice du droit de grève en publiant une notice avertissant les travailleurs qu'aux termes de la loi, ils risquaient d'être congédiés s'ils prenaient part à une grève considérée par les autorités comme illégale parce que dirigée contre le gouvernement. Enfin, ils soutiennent que plus de 500 grévistes ont été congédiés et que les plaignants ont entamé 300 procédures devant les tribunaux du travail. Le gouvernement soutient que la notice n'a été publiée que pour avertir les personnes qui avaient l'intention de se mettre en grève des dangers qu'elles couraient selon la loi ; que, selon la jurisprudence, la grève était illégale parce que dirigée contre le gouvernement, seul compétent pour prendre les mesures légales contestées et pour connaître des revendications formulées. Toutefois, le gouvernement indique aussi que les procédures entamées devant les tribunaux du travail permettront d'établir le caractère légal ou illégal de la grève et les plaignants affirment que de telles procédures ont été instituées.
- 143. Dans des cas précédents, le Comité a estimé que le fait de traiter comme illégale une grève visant à faire pression sur le gouvernement pour un sujet politique ne constitue pas une violation de la liberté syndicale et que le gouvernement qui ferait savoir à une organisation que, selon les avis de droit reçus par lui, une grève projetée serait illégale parce qu'elle ne concernerait pas un conflit du travail, ne violerait pas non plus la liberté syndicale . Dans le présent cas, le gouvernement affirme que la grève était dirigée contre lui, bien que les points litigieux aient été de nature économique, et que son intervention avant la grève s'est bornée à la publication d'un avertissement sur les conséquences de la participation à une grève illégale ordonnée en l'absence d'un conflit du travail. Le gouvernement se déclare convaincu que la grève était illégale, mais il affirme clairement que cette question et celle de la licéité des congédiements motivés par la participation à la grève seront tranchées par toute action introduite auprès des tribunaux du travail, action que les plaignants affirment avoir intentée. Dans des cas antérieurs, le Comité a décidé de ne pas examiner de questions faisant l'objet de procédures judiciaires en cours, lorsque lesdites procédures étaient assorties de garanties de légalité suffisantes, car les débats judiciaires pouvaient fournir des éléments d'information utiles au Comité dans l'appréciation du bien-fondé des allégations. Dans ces conditions, le Comité - tout en prenant note de la déclaration des plaignants selon laquelle des procédures ont été introduites auprès du tribunal du travail et de la déclaration du gouvernement selon laquelle toute procédure de ce genre aboutira à une décision sur le caractère légal ou illégal de la grève et, par conséquent, des congédiements motivés par cette dernière - a estimé devoir surseoir pour le moment à l'examen de ce cas et inviter le gouvernement à bien vouloir lui communiquer, dès qu'il sera connu, le jugement rendu par le tribunal du travail sur les points mentionnés ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 144. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations sollicitées du gouvernement.