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Informe provisional - Informe núm. 30, 1960

Caso núm. 174 (Grecia) - Fecha de presentación de la queja:: 18-FEB-58 - Cerrado

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  1. 209. Une plainte, en date du 18 février 1958, a été déposée directement devant l'O.I.T par la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique. Par une lettre en date du 21 février 1958, l'organisation plaignante a été informée de son droit de présenter, dans le délai d'un mois, des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. La plainte a été communiquée au gouvernement grec, pour observations, par une lettre en date du 21 février 1958.
  2. 210. A sa dix-neuvième session (Genève, février 1958), le Comité a décidé de suspendre l'examen du cas en attendant de recevoir les observations du gouvernement grec sur les questions soulevées dans la plainte de la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique.
  3. 211. Par une communication en date du 16 mars 1958, l'organisation plaignante a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. Ces informations ont été transmises au gouvernement grec, pour observations, par une lettre en date du 21 mars 1958.
  4. 212. Le gouvernement grec a fait parvenir sa réponse par une communication en date du 12 mai 1958.
  5. 213. Une plainte, en date du 13 juin 1958, a été déposée directement devant l'O.I.T par la Fédération syndicale mondiale. Le plaignant a été informé le 25 juin 1958 de son droit de présenter des informations complémentaires à l'appui de sa plainte. La plainte a été communiquée au gouvernement grec, pour observations, par une lettre en date du 26 juin 1958. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse par une lettre en date du 21 juillet 1958.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 214. Les plaignants allèguent que M. Dimitrios Yachnis, employé de la compagnie des chemins de fer électriques, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de cette compagnie et membre du Comité exécutif de la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique, aurait été licencié par ses employeurs, le 8 février 1958, à la suite d'instructions données à ces derniers par la Sûreté générale.
  2. 215. Cette mesure aurait été prise en vertu d'une loi no 1985, de février 1952, qui fait une obligation aux dirigeants des entreprises d'utilité publique de se conformer aux instructions qui leur sont données par les services compétents de la police et visant à protéger les installations de telles entreprises contre les actes de sabotage.
  3. 216. Dans le cas d'espèce, en application de cette loi, les services de la police, jugeant que l'activité communiste de l'intéressé faisait de lui un individu dangereux, auraient donné l'ordre à ses employeurs de s'en débarrasser. Obéissant à cet ordre, la Direction des chemins de fer électriques aurait résilié le contrat de travail de M. Yachnis; cette résiliation aurait pris effet immédiatement.
  4. 217. Après avoir signalé qu'il s'agissait ici d'une intervention directe et ouverte de la police dans le licenciement d'un travailleur se trouvant être par surcroît dirigeant syndical, les plaignants allèguent que les motifs politiques invoqués ne constituent qu'un prétexte pour écarter un chef syndical jugé trop actif. Les plaignants refusent de croire qu'après dix-sept ans de services dans les chemins de fer électriques, le fait que M. Yachnis ait été licencié précisément après une grève et à la veille même d'élections syndicales où l'on avait tout lieu de penser que l'intéressé jouirait à nouveau de la confiance des travailleurs, soit fortuit.
  5. 218. Aux yeux des plaignants, de tels procédés méconnaissent totalement les droits syndicaux des travailleurs et sont notamment en contradiction flagrante avec les principes de la liberté syndicale, plus précisément le principe selon lequel les militants syndicaux ne doivent pas être inquiétés en raison de leurs activités syndicales et le principe qui veut que les travailleurs puissent élire librement leurs représentants, le licenciement de M. Yachnis à la veille d'élections constituant, de l'avis des plaignants, une atteinte à ce dernier droit.
  6. 219. A titre d'informations complémentaires, la Fédération panhellénique de l'électricité et entreprises d'utilité publique joint à l'une de ses communications copie d'une protestation adressée par le Syndicat des chemins de fer électriques à la Chambre des députés et au gouvernement, copie de la dénonciation du contrat de travail de M. Yachnis par ses employeurs, le texte de la loi no 1985 de 1952 en application de laquelle le licenciement a pu être effectué, le texte d'une interpellation de vingt-six députés protestant contre la mesure qui a frappé l'intéressé, enfin trois extraits des ordres du jour des unités militaires dans lesquelles M. Yachnis avait servi, tendant à prouver l'attitude irréprochable de celui-ci alors qu'il se trouvait sous les drapeaux.
  7. 220. Dans sa réponse, le gouvernement ne conteste pas le licenciement de M. Yachnis et précise que celui-ci a, en effet, été effectué en application de la loi no 1985 de 1952, dont il donne la même interprétation que les plaignants.
  8. 221. Le gouvernement laisse entendre que le cas se ramène à une simple interprétation juridique qu'il appartient aux tribunaux de donner. En effet, précise-t-il, M. Yachnis prétend, en sa qualité de dirigeant syndical, être protégé par les articles 1, 2 et 3 de la loi no 1803 de 1951, qui stipule que les personnes travaillant en vertu d'un contrat de travail et ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'une organisation professionnelle quelconque ne peuvent être congédiées par résiliation de leur contrat de travail durant leur mandat syndical, ainsi que pendant une année après qu'ont cessé leurs fonctions syndicales. La question qui se pose est donc, d'après le gouvernement, celle de savoir si M. Yachnis est protégé par les dispositions qui viennent d'être citées ou si son cas est régi par la loi ultérieure de 1952, sur laquelle a été fondé son congédiement.
  9. 222. Le gouvernement déclare qu'il appartiendrait aux tribunaux de trancher cette question si, comme il en a le droit, M. Yachnis s'était pourvu devant eux; il précise toutefois ignorer si l'intéressé a fait usage de cette latitude.
  10. 223. Le gouvernement signale en terminant que M. Yachnis était candidat aux élections et figurait sur la liste du parti de l'Union démocratique de gauche et déclare que ce parti correspondrait à l'ancien parti communiste aujourd'hui mis hors la loi. Il y a lieu de noter à cet égard que le parti de l'Union démocratique de gauche est légalement reconnu et fonctionne normalement.
  11. 224. L'analyse des plaintes déposées et des observations du gouvernement laisse apparaître trois séries de questions que le Comité a jugé utile d'examiner successivement.
    • Question de l'exercice des voies de recours
  12. 225. Il ressort tout d'abord de la réponse du gouvernement que M. Yachnis bénéficiait d'un droit de recours contre la décision qui l'a frappé. Du moins aurait-il pu se pourvoir devant les tribunaux afin que ceux-ci déterminent s'il aurait dû jouir de la protection consentie aux dirigeants syndicaux par la loi no 1803 de 1951 ou si son cas relève de la loi no 1985 de 1952. Le gouvernement déclare ignorer si l'intéressé a fait usage de ce droit de recours.
  13. 226. Dans un certain nombre de cas, le Comité a déjà eu l'occasion d'attirer l'attention sur le fait que, lorsqu'il est possible sur le plan national de porter l'affaire devant un tribunal ou un autre organe judiciaire indépendant et lorsqu'en ce qui concerne la matière faisant l'objet de la plainte, on n'a pas eu recours à ce moyen, le Comité doit tenir compte de ce fait lors de l'examen de la plainte.
  14. 227. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de lui indiquer, d'une part, si, depuis sa réponse, il a eu connaissance que M. Yachnis ait fait usage du droit de recours dont il disposait et, dans l'affirmative, de bien vouloir lui fournir le texte du jugement rendu et de ses attendus, et d'autre part, au cas où il n'aurait pas encore été fait appel, si les délais impartis pour cet appel sont ou non écoulés et, le cas échéant, jusqu'à quand ils courent.
    • Question du champ d'application des lois no 1803 de 1951 et 1985 de 1952
  15. 228. Il ressort ensuite des données dont dispose le Comité que, dans le cas du personnel des entreprises d'utilité publique, il semble exister une contradiction entre les deux textes de lois mentionnés plus haut. En effet, les articles 1, 2 et 3 de la loi no 1803 de 1951, qui paraît être d'application générale, stipulent que les personnes travaillant en vertu d'un contrat de travail et ayant la qualité de président ou de secrétaire général d'une organisation professionnelle quelconque ne sauraient être congédiés par résiliation de leur contrat de travail durant leur mandat syndical ainsi que pendant une année après l'expiration dudit mandat, si ce n'est pour un motif grave sur lequel il appartient à une commission tripartite présidée par un magistrat, de se prononcer. De son côté, la loi no 1985 de 1952, qui vise à protéger les installations des entreprises d'utilité publique contre le danger de sabotage, fait, en vertu de son article premier, une obligation aux directeurs des entreprises d'utilité publique de se conformer aux instructions des services compétents de la police, lesquels peuvent exiger le congédiement de l'un quelconque des employés de ces entreprises s'ils jugent cette mesure opportune pour des raisons de sécurité.
  16. 229. Le Comité a estimé, dans le passé, que l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le Comité avait estimé, en outre, que la garantie d'une semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est également nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants.
  17. 230. Si cette protection paraît être assurée, en Grèce, par la loi no 1803 de 1951, son efficacité semble être, dans le cas des dirigeants syndicaux des entreprises d'utilité publique tout au moins, considérablement amoindrie sinon annulée par l'application de la loi no 1985 de 1952, qui peut être assimilée à une loi sur la sécurité de l'Etat.
  18. 231. Dans les nombreux cas où il avait été saisi de plaintes concernant de prétendues atteintes à la liberté syndicale sous le régime de l'état de siège ou d'exception, ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, le Comité, tout en indiquant qu'il n'était pas appelé à se prononcer sur la nécessité ou sur l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique, a toujours estimé qu'il devait examiner les répercussions que cette législation pourrait avoir sur les droits syndicaux.
  19. 232. Dans ces conditions - ayant pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'interprétation des champs d'application respectifs des deux textes législatifs en question relève des tribunaux -, le Comité recommande au Conseil d'administration de demander au gouvernement de bien vouloir lui indiquer s'il existe, indépendamment du cas particulier de M. Yachnis, une jurisprudence en la matière et, dans l'affirmative, quelle est cette jurisprudence.
    • Question des motifs du licenciement de M. Yachnis
  20. 233. Au sujet des motifs qui sont à l'origine de la mesure dont M. Yachnis a été l'objet, les déclarations des plaignants et du gouvernement sont divergentes. Alors que les premiers allèguent que cette mesure aurait son origine dans les activités syndicales de l'intéressé, le second laisse entendre, puisqu'elle a été prise en application de la loi no 1985 de 1952, qu'elle résulte d'activités d'ordre politique de la personne en question.
  21. 234. Dans plusieurs cas antérieurs, le Comité avait été appelé à se prononcer sur l'application de mesures qui, bien qu'étant de nature politique et n'ayant pas pour but de restreindre les droits syndicaux comme tels, pouvaient néanmoins affecter l'exercice de ces droits Le Comité a estimé que, puisque, dans le cas d'espèce, la personne intéressée assumait des responsabilités d'ordre syndical, la mesure qui l'a frappée était susceptible, même si tel n'était pas son but, d'affecter l'exercice des droits syndicaux.
  22. 235. Si, dans certains cas, le Comité avait conclu que des allégations relatives à des mesures prises à l'encontre de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces mesures n'étaient nullement motivées par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient, soit préjudiciables à l'ordre public ou dangereux pour la sécurité de l'Etat, soit de nature politique.
  23. 236. Dans le cas d'espèce, le gouvernement ne fournit pas de précisions sur les raisons pour lesquelles la police a exigé la mesure qui a frappé l'intéressé. Dans ces conditions, et compte tenu, en particulier, du fait que le congédiement incriminé, qui a frappé un dirigeant syndical, serait intervenu à la suite d'une grève, d'une part, et à la veille d'élections syndicales, d'autre part, le Comité a estimé qu'il lui était nécessaire d'obtenir, pour pouvoir se former une opinion en connaissance de cause, des informations plus détaillées quant aux données précises qui ont motivé la décision dont M. Yachnis a été l'objet et, en particulier, s'il en est, aux activités spécifiques qui sont reprochées à l'intéressé, et recommande au Conseil d'administration de solliciter ces informations du gouvernement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 237. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de demander au gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 225 et 226 ci-dessus, de lui indiquer, d'une part si, depuis sa réponse, il a eu connaissance que M. Yachnis ait fait usage du droit de recours dont il disposait et, dans l'affirmative, de bien vouloir lui fournir le texte du jugement rendu et de ses attendus, et, d'autre part, au cas où il n'aurait pas encore été fait appel, si les délais impartis pour cet appel sont ou non écoulés et, le cas échéant, jusqu'à quand ils courent;
    • b) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle l'interprétation des champs d'application respectifs des lois nos 1803 de 1951 et 1985 de 1952 relève des tribunaux, et de demander au gouvernement, pour les raisons indiquées aux paragraphes 228 à 231 ci-dessus, de bien vouloir lui indiquer s'il existe, indépendamment du cas particulier de M. Yachnis, une jurisprudence en la matière et, dans l'affirmative, quelle est cette jurisprudence;
    • c) de noter que le gouvernement s'abstient de fournir des précisions quant aux raisons pour lesquelles la police a exigé la mesure qui a frappé M. Yachnis et de décider, en conséquence, pour les raisons indiquées aux paragraphes 233 à 236 ci-dessus et, en particulier, compte tenu du fait que le congédiement incriminé qui a frappé un dirigeant syndical serait intervenu à la suite d'une grève, d'une part, et à la veille d'élections syndicales, d'autre part, de demander au gouvernement de bien vouloir lui fournir des informations plus détaillées sur les données précises qui ont motivé la décision dont M. Yachnis a été l'objet et, en particulier, s'il en est, sur les activités spécifiques qui sont reprochées à l'intéressé;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement aux alinéas a), b) et c) ci-dessus.
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