Visualizar en: Inglés - Español
- 30. La plainte du Syndicat des travailleurs du port de Calcutta (Calcutta Port Commissioners Workers Union) est contenue dans deux communications adressées directement à l'O.I.T respectivement les 17 juin et 12 août 1959. Le gouvernement a fait parvenir ses observations au sujet de cette plainte par une lettre en date du 30 octobre 1959.
- 31. La plainte contient des allégations qui portent sur plusieurs questions distinctes. Elles sont traitées séparément ci-dessous.
A. Allégations relatives au non-respect d'une convention collective
A. Allégations relatives au non-respect d'une convention collective
- 32. Les plaignants allèguent que le gouvernement, par l'intermédiaire du ministère des Transports et des Communications, aurait conclu un accord avec les travailleurs des ports et des docks de l'Inde concernant les salaires et les conditions d'emploi. Les plaignants joignent à leur plainte copie de ce document tel qu'il a été publié dans la Gazette of India. Aux dires des plaignants, le gouvernement s'est abstenu de donner effet à la plupart des clauses de l'accord en question.
- 33. A l'appui de ces allégations, l'organisation plaignante fournit copie d'un mémorandum qu'elle a adressé au gouvernement le 1er juin 1959. Il consiste essentiellement en l'énumération de cas particuliers où les directives des tribunaux du travail en ce qui concerne des questions de promotion, de recrutement, de transfert, etc., n'auraient pas été suivies. Il n'indique pas toutefois quelles sont les clauses de l'accord qui n'auraient pas été respectées. En outre, il n'est dit nulle part que ces questions seraient liées directement à l'appartenance à l'organisation plaignante, aux activités de cette dernière ou de tout autre syndicat.
- 34. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que le prétendu accord mentionné par les plaignants ne constitue en rien un véritable accord. Il s'agit en réalité d'une résolution contenant les décisions du gouvernement prises sur la base des constatations d'un fonctionnaire spécialement désigné pour étudier les demandes des dockers et des travailleurs portuaires. De plus, déclare le gouvernement, les termes de la résolution ont déjà presque tous été mis en application.
- 35. Les points suivants paraissent ressortir de l'étude des documents mentionnés dans les paragraphes précédents.
- 36. En ce qui concerne le prétendu accord, le document fourni par les plaignants s'intitule, comme le fait remarquer le gouvernement, «Résolution du 20 juillet 1958 du gouvernement de l'Inde», basée sur un « Rapport du fonctionnaire spécialement désigné pour enquêter sur les demandes des dockers et des travailleurs portuaires ». Selon les instructions qui figurent en tête du document, celui-ci devait être publié comme résolution du gouvernement dans la Gazette of India. La seule signature qui figure au bas du document est celle du Secrétaire au gouvernement de l'Inde (Secretary to the Government of India). Il comprend les constatations du fonctionnaire chargé de l'enquête, celle-ci l'ayant amené, entre autres, à vérifier les points de vue des deux parties directement intéressées. Les questions traitées concernent la nationalisation des échelles de salaires, des recommandations sur des sujets tels que les heures de travail, les heures supplémentaires, les congés, les retraites, les indemnités de déplacement et les moyens de parer à l'aléatoire du travail dans la profession. Il ne s'agit en aucun cas d'un accord ou d'une convention. Le mandat du fonctionnaire chargé de l'enquête établit clairement, d'ailleurs, que celui-ci n'était nullement habilité à passer un accord; sa tâche consistait uniquement à faire un rapport sur la situation aux autorités supérieures.
- 37. L'autre document fourni par les plaignants - le mémorandum envoyé au gouvernement le 1er juin 1959 - traite un certain nombre de questions se rapportant à des sentences de tribunaux du travail ainsi que des cas particuliers de plainte. Il ne montre pas toutefois que la résolution mentionnée plus haut a constitué un accord et n'indique pas celles des clauses qui n'auraient pas été respectées par le gouvernement. Enfin, nulle part, si ce n'est brièvement en ce qui concerne une question de reconnaissance syndicale examinée plus bas, il n'est établi de lien entre les questions soulevées et l'exercice des droits syndicaux.
- 38. En ce qui concerne donc ces allégations, le Comité estime que les seuls éléments dont il dispose ont trait à la question de savoir si le gouvernement a ou n'a pas agi conformément aux constatations d'un fonctionnaire chargé d'enquêter sur la situation prévalant dans une industrie déterminée. La mesure dans laquelle un gouvernement tient compte des constatations d'un fonctionnaire chargé par lui d'une enquête est à son entière discrétion. De telles constatations peuvent être pertinentes et importantes si une allégation déterminée de violation d'un droit syndical se trouve à l'examen, mais, en l'absence d'une allégation directe et précise d'atteinte à la liberté syndicale, une allégation selon laquelle un gouvernement n'a pas tenu compte de telles constatations ne soulève en elle-même aucune question de liberté syndicale. Le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la non-constitution d'un comité d'entreprise dans le port de Calcutta
- 39. Il est allégué que le gouvernement s'est abstenu de constituer des comités d'entreprise ainsi que l'exigerait pourtant la loi sur les conflits du travail (Indian Industrial Disputes Act). Les plaignants citent les dispositions pertinentes de la loi.
- 40. Le gouvernement déclare que les syndicats les plus représentatifs sont opposés à l'établissement de comités d'entreprise et que, par déférence pour les voeux des représentants de la majorité des travailleurs, de tels comités n'ont pas été mis sur pied dans les ports de Calcutta et de Bombay.
- 41. Aux termes du chapitre II, article 3 (1) de la loi de 1947 sur les conflits du travail, telle qu'elle est citée par les plaignants, le gouvernement peut exiger de l'employeur l'institution d'un comité d'entreprise. Le rôle d'un tel comité est de «promouvoir des mesures propres à amener et à maintenir de bonnes relations entre l'employeur et les travailleurs », «de discuter des questions d'intérêt commun et de s'efforcer d'aplanir les différences d'opinion.»
- 42. Cet article donne une latitude au gouvernement et ne lui fait aucune obligation. Il semblerait également ressortir de la réponse du gouvernement que, seule parmi les organisations syndicales intéressées, l'organisation plaignante désire que le gouvernement oblige les autorités portuaires à prendre des mesures visant à l'établissement de comités d'entreprise. L'organisation plaignante elle-même ne prétend pas que la non-création de comités d'entreprise, demandée par un seul des syndicats intéressés, implique la violation d'un droit syndical, mais elle prétend que le gouvernement s'est abstenu de faire ce qu'il lui incombait statutairement de faire. Il ressort des citations des plaignants qu'il n'existe aucune obligation statutaire; le gouvernement a simplement une possibilité qu'il n'a pas exercée, parce que - dit le gouvernement - la majorité des syndicats intéressés ne souhaitait pas la lui voir exercer.
- 43. Il appartient au Comité d'examiner les violations des droits syndicaux; lorsqu'il n'existe aucune allégation spécifique d'atteinte de ce genre, il n'est pas de la compétence du Comité d'examiner des allégations de caractère général selon lesquelles un gouvernement se serait abstenu de respecter ses obligations statutaires ou d'exercer un pouvoir statutaire en matière de relations professionnelles lorsque les problèmes en cause ne soulèvent pas de question d'atteinte à la liberté syndicale. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la non-application des sentences
- 44. Il est allégué que le gouvernement ne se conforme pas aux sentences du tribunal du travail. Par exemple, les maçons du port de Calcutta n'auraient pas reçu le salaire qui leur avait été accordé par sentence du tribunal; de même, les sentences du tribunal n'auraient pas été respectées en matière de promotion et de recrutement. Les plaignants mentionnent également les délais provoqués dans la mise en application des sentences par la succession d'appels que peuvent faire les parties. Les plaignants citent un certain nombre de cas individuels où des travailleurs, pour une raison ou pour une autre (p ex.: pour ne pas avoir offert de «pot de vin » ou à la suite d'injustices de la part de leurs supérieurs), se seraient vu refuser des promotions auxquelles ils auraient eu droit. Il n'est nulle part allégué cependant que les faits rapportés plus haut aient un lien quelconque avec l'exercice des droits syndicaux des personnes intéressées.
- 45. Dans sa réponse, le gouvernement déclare n'avoir reçu aucune plainte de maçons qui auraient été payés moins que ne le stipulait une sentence; certaines plaintes relatives à des paiements effectués à des riveteurs ont fait l'objet d'une enquête. Il résulte également d'enquêtes effectuées que les stipulations du tribunal du travail en matière de promotions ont été respectées, les out-siders se voyant offrir une promotion uniquement en cas de postes vacants ne pouvant être remplis par des candidats normaux, ceux-ci ne possédant pas les qualifications minima requises.
- 46. Le Comité estime que les seuls éléments de preuve présentés par les plaignants à l'appui des allégations selon lesquelles des sentences du tribunal du travail n'auraient pas été respectées résident en des plaintes émanant d'un certain nombre de personnes données et présentées parce que lesdites personnes n'auraient pas obtenu les promotions auxquelles elles auraient eu droit. Bien que certains de ces cas puissent avoir ou n'avoir pas impliqué un traitement injuste ou illégal, et sur ce point, il serait inopportun d'émettre une opinion sans un examen approfondi quant au fond de chacun de ces cas particuliers, le Comité considère, en l'absence de toute preuve tendant à démontrer qu'il y a un lien entre ces cas particuliers et l'exercice des droits syndicaux des personnes intéressées, que lesdites affaires sortent du champ de la compétence du Comité et relèvent de la juridiction des tribunaux nationaux compétents. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la non-application de la législation
- 47. Les plaignants allèguent que le gouvernement ne respecte pas les lois du travail. En particulier, les dispositions de la loi sur les fabriques (Factories Act) et d'une autre loi sur l'emploi de travailleurs au cours d'heures supplémentaires avant la journée normale seraient ignorées ou violées.
- 48. Le gouvernement ne fait pas allusion aux textes législatifs mentionnés par les plaignants; mais ici encore, les plaignants ne donnent aucune preuve tendant à montrer que les faits incriminés ont un lien quelconque avec l'exercice des droits syndicaux de ceux qui auraient fait l'objet d'actes de discrimination ou qu'il y a eu par ailleurs violation des droits syndicaux. Dans ces conditions, le Comité estime que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y a eu en l'occurrence atteinte à la liberté syndicale et recommande au Conseil d'administration de décider que les allégations dont il est question n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à des pratiques de travail déloyales
- 49. Un nombre considérable et une grande variété de questions sont soulevées dans cette catégorie d'allégations. Il est allégué par exemple que certains travailleurs sont autorisés à faire des heures supplémentaires de préférence à d'autres travailleurs, ce qui engendre des irrégularités notoires; que les indemnités de logement, les loyers et l'évacuation des locaux sont administrés de façon injuste; que des lettres recommandées n'ont pas été distribuées à leurs destinataires et que des employés des postes se sont rendus coupables de pratiques illégales, etc. Un certain nombre de cas individuels sont mentionnés. Ainsi, il est allégué qu'il ne fut pas payé à Shri Ramdes Mistry les arriérés de salaire qui lui étaient dus; que Shri Setaloo Jeswara n'ayant pas pu prouver son âge au moyen de documents, celui-ci, selon les règles en vigueur, aurait dû être déterminé par les autorités médicales, méthode que les plaignants considèrent comme étant illégale bien qu'elle ait été stipulée par une sentence du tribunal du travail; que Shri Asrafali, tombé malade à la suite de surmenage, se serait vu recommander un congé par le médecin du port et aurait ensuite été licencié pour s'être absenté sans congé; que trois électriciens auraient été transférés à la suite des manoeuvres d'un contremaître connu pour être corrompu, etc.
- 50. Le gouvernement fait observer qu'aucun des faits rapportés plus haut n'est lié en quoi que ce soit à l'exercice des droits syndicaux. Il déclare que les allégations relatives à des injustices dont des travailleurs auraient été victimes en matière de durée du travail, de promotion, d'heures supplémentaires, de taux de salaire, de loyers, etc., sont de la compétence administrative des autorités portuaires mais que des plaintes peuvent être déposées à leur sujet auprès du gouvernement. Certaines de ces allégations ont fait l'objet d'une enquête et elles se sont révélées sans fondement.
- 51. Sans vouloir se prononcer sur les mérites des divers points soulevés parles plaignants, le Comité constate qu'aucune preuve n'a été fournie tendant à montrer qu'il y a un lien entre les faits allégués et l'exercice des droits syndicaux. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations formulées en termes généraux et relatives au respect de l'exercice des droits syndicaux
- 52. Il est allégué que les normes minima en matière de travail ne sont pas appliquées dans les petites industries privées et que toute tentative des travailleurs intéressés pour constituer des syndicats entraîne pour eux le renvoi ou d'autres formes de pénalisation de la part des employeurs. Il est allégué que l'enregistrement des syndicats est parfois intentionnellement retardé pendant six ou sept mois sur la demande des employeurs afin de saper la solidarité des travailleurs.
- 53. Ces allégations, auxquelles le gouvernement ne se réfère pas dans sa réponse, sont conçues en termes très généraux et ne sont appuyées par aucun exemple concret. Dans ces conditions, le Comité estime qu'elles sont trop vagues pour pouvoir être examinées quant au fond et, en conséquence, recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
- Allégations relatives à la non-reconnaissance de l'organisation plaignante
- 54. Il est allégué que le Syndicat des travailleurs du port de Calcutta a été créé le 27 décembre 1952 avec plus de 10.000 affiliés mais que les autorités ont refusé de le reconnaître. Les plaignants allèguent que le « National Union of Port Trust Employees » a été reconnu, bien qu'il comptât un nombre de membres moins important, parce qu'il faisait partie du Congrès national des syndicats indiens, qui jouit de l'appui du gouvernement. Lorsque le Bureau du Commissaire régional au travail de Calcutta enquêta sur le nombre des membres de l'organisation plaignante, il est allégué que l'enquête «n'a pas été concluante et que le Bureau régional en a donné un rapport tendancieux».
- 55. Le plaignant déclare que, conformément à une circulaire ministérielle, tout syndicat qui compte plus de 15 pour cent du total des travailleurs régulièrement employés (c'est-à-dire quelque 3.900 sur un total de 26.000) doit être reconnu. L'organisation plaignante déclare compter 3.600 membres parmi les seuls mécaniciens.
- 56. Dans le cas no 149 relatif à l'Inde le Comité a eu à connaître d'allégations identiques à celles qui sont formulées dans le cas d'espèce, à cette exception près que, dans le premier cas, le même plaignant faisait état d'un nombre de membres se montant à 5.887 alors qu'il mentionne maintenant, pour les premiers jours de son existence, un nombre de membres supérieur à 10.000.
- 57. Dans le cas no 149, également, il était allégué que le Syndicat des travailleurs du port de Calcutta était le plus important en effectifs et qu'il devait donc être reconnu aux fins de négociations collectives conformément à la circulaire mentionnée plus haut, mais que cette reconnaissance lui avait été refusée alors que des syndicats moins importants numériquement avaient été reconnus. Le Comité était alors saisi de renseignements du gouvernement d'où il ressortait que les deux syndicats reconnus comptaient respectivement 17.634 et 4.404 membres alors que l'organisation plaignante, d'après son propre rapport annuel, ne comptait que 2.229 membres et non pas plus de 5.000 comme il était allégué dans la plainte. Etant donné le caractère précis des renseignements dont il disposait, le Comité a estimé que l'organisation plaignante n'avait pas apporté la preuve qu'elle était l'organisation la plus importante. Le Comité a rappelé en outre que, dans le cas no 57 relatif à la Guyane britannique, où les employeurs avaient reconnu cinq syndicats dans une industrie et refusaient d'en reconnaître un sixième, estimant qu'aux fins de négociations collectives, il existait déjà une représentation adéquate, le Comité, notant que le sixième syndicat avait été enregistré conformément à la législation et qu'il se trouvait par suite habilité à conclure librement des conventions collectives, mais qu'aucune disposition législative n'obligeait le gouvernement à donner effet au principe des négociations collectives en ayant recours à des mesures de contrainte, avait estimé que le plaignant n'avait pas apporté les preuves nécessaires pour lui permettre de conclure qu'une atteinte aurait été portée au libre exercice des droits syndicaux. Dans le cas no 149, ayant noté que l'organisation plaignante n'alléguait pas que le droit d'exister lui aurait été refusé et ne montrait pas que le gouvernement aurait été tenu par la législation de contraindre les employeurs à reconnaître les syndicats aux fins de négociations collectives, le Comité avait estimé que les plaignants n'avaient pas apporté les preuves nécessaires pour lui permettre de conclure qu'une atteinte aurait été portée à l'exercice des droits syndicaux. Dans le cas d'espèce, à part les chiffres nouveaux donnés quant au nombre des adhérents et qui contredisent ceux qui avaient été fournis précédemment par les mêmes plaignants, ceux-ci n'ont apporté aucun élément nouveau par rapport à ceux dont le Comité disposait dans le cadre du cas no 149. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 58. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.