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- 225. Le Comité a déjà examiné ce cas à sa session de juin 1964, présentant un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 368 à 380 de son soixante-seizième rapport. Ce rapport a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 159ème session (juin juillet 1964).
226. Etaient restées en suspens dans ce cas les allégations relatives à l'intervention des autorités dans des réunions syndicales. Dans sa communication du 27 février 1964, l'Union des travailleurs de Golfito avait déclaré qu'à Valle de Coto, dans la zone bananière du Pacifique, les autorités administratives avaient cherché à s'immiscer dans les réunions de travailleurs où sont discutées et signées les listes de revendications. Ces faits se sont produits exactement aux exploitations 62 et 63 de la Compagnie bananière.
226. Etaient restées en suspens dans ce cas les allégations relatives à l'intervention des autorités dans des réunions syndicales. Dans sa communication du 27 février 1964, l'Union des travailleurs de Golfito avait déclaré qu'à Valle de Coto, dans la zone bananière du Pacifique, les autorités administratives avaient cherché à s'immiscer dans les réunions de travailleurs où sont discutées et signées les listes de revendications. Ces faits se sont produits exactement aux exploitations 62 et 63 de la Compagnie bananière.- 227. Le gouvernement n'ayant pas présenté ses observations sur ces allégations, le Comité a recommandé au Conseil d'administration au paragraphe 380 de ce rapport:
- ......................................................................................................................................................
- b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'intervention, dans les réunions syndicales, d'inviter le gouvernement à envoyer ses observations et de décider entre-temps de surseoir à l'examen de cet aspect du cas.
- ......................................................................................................................................................
- Ces conclusions ont été communiquées au gouvernement par lettre du 25 juin 1964.
- 228. En date du 16 juin 1964, la Confédération générale des travailleurs costariciens a envoyé une communication dans laquelle elle transcrit un télégramme adressé par l'inspecteur des finances au sous-inspecteur de Palmar Sud dans la zone bananière du Pacifique, disant:
- Conformément aux instructions données par Monsieur le Président de la République, fondées sur la loi, syndicats travailleurs ne pourront tenir réunions sur propriétés compagnies bananières sans autorisation préalable desdites entreprises.
- Les plaignants déclarent que, dans un cas concret, l'autorité judiciaire avait nettement affirmé que le fait qu'un dirigeant syndical réunit un groupe de travailleurs, dans une maison habitée par eux, ne constitue pas une violation de la propriété privée (dans le cas présent, celle de la Compagnie bananière). Vu cette décision, la Compagnie n'a pu interdire de telles réunions, mais, en représailles, elle congédiait les travailleurs qui toléraient une réunion dans leur maison. D'après les nouvelles instructions, la Compagnie bananière a obtenu l'appui des autorités pour empêcher que des réunions syndicales se tiennent sur la propriété de l'entreprise, ce qui équivaut à supprimer le droit d'association dans les zones bananières.
- 229. En date du 19 juin 1964, la Confédération costaricienne des travailleurs « Rerum novarum » a envoyé une communication où elle indique que le Syndicat des travailleurs de la Compagnie bananière du Costa Rica (SITRACOBA), affiliée à la Confédération, est l'objet de vexations de la part de la Compagnie, aidée par les autorités administratives de la République. Se référant aux instructions mentionnées au paragraphe précédent, les plaignants affirment que les réunions ont été interdites dans les propriétés de la Compagnie bananière.
- 230. Les plaignants citent une série de faits concrets à l'appui de leurs plaintes. M. Frank Lyons, représentant pour l'Amérique latine de la Fédération internationale des travailleurs des plantations, et les militants Héctor Solans Vallecillo, Virgilio Ramirez Enriquez, Climaco Sandi et Salustiano Méndez Picado tenaient, le 18 février 1963, une réunion familière avec des travailleurs bananiers, pour les assister dans la formation d'un syndicat dans l'exploitation no 7 du district de Palmar Sud, quand ils furent sommés par les autorités de disperser cette réunion par ordre de la Compagnie bananière. Le même fait se produisit le 20 septembre 1963 dans les exploitations nos 3 et 4 de ce district. Le 9 mai 1964, à l'occasion d'une réunion syndicale dans une maison d'habitation de la zone civile du port de Golfito, les autorités placèrent cette maison sous surveillance, sur instructions de la Compagnie. Dans la maison s'étaient introduits deux fonctionnaires de la Compagnie, ayant pour mission de dresser une liste des assistants. Le 13 juin 1964, un groupe de travailleurs et de dirigeants de la SITRACOBA, réunis dans l'exploitation no 8 du district de Palmar Sud furent contraints par les autorités de disperser la réunion. Ces autorités se déplacent dans des voitures appartenant à la Compagnie bananière et sont accompagnées d'employés supérieurs de cette compagnie.
- 231. Dans la même communication, la Confédération générale costaricienne des travailleurs « Rerum novarum » annonce le congédiement, en raison de leur activité syndicale, des travailleurs suivants: Adriano Barquero Camacho, Gustavo Arias Calvo, Rafael Arretes Chávez, Octavio Delgado, Victor Araya Araya, German Jiménez, Jesús Muñoz Arce, José Guttiérrez Sequeira, Antonio Méndez Barrantes, Anselmo Núñez Escalante, Salustiano Méndez Picado, Climaco Sandi Solano et Gregorio González Valdés. Les plaignants signalent aussi que, le 13 avril 1964, à Puerto González Viquez, les autorités de la police militaire ont braqué des mitrailleuses sur les dirigeants Climaco Sandi et Salustiano Méndez Picado du SITRACOBA.
- 232. La Confédération costaricienne des travailleurs « Rerum novarum » a joint à ses plaintes une série de coupures de journaux destinées à appuyer ses allégations et à décrire la situation régnant dans la zone bananière et a envoyé des informations complémentaires en date du 7 juillet 1964.
- 233. Le 29 juin 1964, l'Union des travailleurs de Golfito et l'Union des travailleurs de Puerto González Viquez ont envoyé une communication commune dans laquelle elles annonçaient que, le 24 juillet (sic), les autorités administratives de Puerto González Viquez avaient dissous une réunion de travailleurs tenue au rez-de-chaussée de la maison habitée par le travailleur Salomón Bustos Morales. Cette réunion avait pour objet d'étudier une liste de revendications et la signature de demandes. Les autorités emmenèrent les travailleurs Salomón Bustos Morales, Saturnino Alvarez Moreno, Efrain Quesada Chaverri et Estaban Fonseca Moraga, ainsi que les dirigeants Sabino Juárez, de l'Union des travailleurs de Golfito, et Guillermo Fuentes Ortega, de l'Union des travailleurs de Puerto González Viquez. D'autre part, les autorités confisquèrent une demande portant neuf signatures au dos de la liste de revendications, trois carnets à souche de reçus de cotisations syndicales et d'autres documents appartenant à l'organisation.
- 234. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications des 24 juillet et 17 septembre 1964. Il en résulte que M. Hatch, gérant de la Compagnie bananière, a adressé, le 16 mai 1964, au ministre du Travail une lettre où il déclarait qu'il avait constaté que des personnes d'idées extrémistes s'emploient depuis quelque temps à semer la haine, la confusion et le mécontentement entre les travailleurs et la Compagnie, usant de moyens déloyaux, dans l'intention de troubler la paix sociale qui régnait dans les plantations. On cherche ainsi à amener les travailleurs à une grève illégale. Vu la gravité de la situation créée par les dirigeants syndicaux, la Compagnie, usant de ses droits légitimes, a décidé d'interdire strictement l'organisation de réunions de travailleurs avec ces dirigeants dans ses propriétés. Il est demandé dans la lettre que le ministère prenne les mesures nécessaires pour que la décision prise par l'entreprise soit respectée.
- 235. Dans sa réponse au gérant, le ministre du Travail lui fit observer que cette dernière demande ne devrait pas être adressée au ministère du Travail, qui n'exerce pas de fonctions de police. Le ministre ajoutait qu'il était surpris de la mesure prise par l'entreprise et qu'il la jugeait inopportune, car, étant donné le caractère des grandes plantations, son application équivaudrait à rendre inopérante la liberté syndicale dans une vaste région du pays. Le ministre déclara que, si la Constitution protège la propriété privée, elle garantit aussi à tous les habitants le droit de libre circulation, le droit d'association, le droit de réunion, la liberté d'opinion et le droit de former des syndicats.
- 236. En vue de mieux fonder encore son attitude, le ministre du Travail rappelait les obligations internationales que Costa Rica avait assumées en ratifiant la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et transcrivait certains articles de la convention (no 98), ainsi que la résolution sur les relations de travail dans les plantations adoptée par la Commission du travail dans les plantations (Bandung, décembre 1950).
- 237. A la suite de l'attitude adoptée par le ministre du Travail, les représentants de la Compagnie bananière demandèrent l'intervention du Président de la République afin qu'il prit les mesures nécessaires pour interdire l'accès des dirigeants syndicalistes aux propriétés de la Compagnie et l'organisation de réunions syndicales dans ces propriétés. La Compagnie s'étant fondée, dans sa demande, sur le droit de propriété, le Président estima de son devoir de prêter le concours de la force publique dans ce cas. Cette décision, qui devait obligatoirement être prise devant une demande comme celle que formulait la Compagnie, n'implique pas, de la part du Président, un jugement favorable sur la politique antisyndicale de l'entreprise.
- 238. La communication du gouvernement indique que, s'il se produit un conflit entre les dispositions constitutionnelles déterminant les devoirs et attributions du Président et du ministre de l'Intérieur et celles qui concernent le droit de propriété, c'est en définitive au Pouvoir judiciaire qu'il appartient de statuer, et toute personne qui s'estime lésée peut former devant la justice un recours d'habeas corpus et un recours pour violation de droits. Le gouvernement ajoute qu'il a tenu à informer le B.I.T de la véritable situation existant dans la zone bananière du Pacifique et qu'il soumet la question à son jugement avec le désir que cet organisme décide ce qu'il estime le plus équitable et le plus conforme aux règles qui régissent ses relations avec les Etats Membres.
- 239. Finalement, vu les nombreuses dénonciations de violation de la liberté syndicale dans la zone bananière du Pacifique, le ministre du Travail a donné des instructions pour qu'il fût procédé à une enquête sur ces faits. La commission formée à cet effet a reçu des déclarations des dirigeants syndicaux, qui ont été transmises aux représentants des employeurs pour observations. Il a aussi été détaché des inspecteurs dans la zone pour constater les faits dénoncés et recueillir les preuves à charge et à décharge. Lorsque l'enquête sera terminée, ses résultats seront portés à la connaissance du B.I.T, en même temps qu'une réponse expresse sur les points de la plainte présentée par la Confédération des travailleurs « Rerum novarum ».
- 240. En des occasions antérieures, le Comité a déjà signalé à l'attention du gouvernement le principe établi dans la résolution adoptée par la Commission du travail dans les plantations (Bandung, 1950), selon lequel les employeurs des travailleurs des plantations « devront mettre à la disposition de ces syndicats des facilités pour exercer leurs activités normales, y compris des locaux gratuits pour leurs bureaux, la liberté de tenir des réunions et la liberté d'accès ». En examinant le cas no 239, relatif à Costa Rica, le Comité a aussi recommandé au Conseil d'administration de signaler au gouvernement l'importance qu'il attache au droit des travailleurs des plantations de tenir des réunions syndicales, suggérant l'opportunité d'adopter des règles précises sur ce qu'il faut entendre par réunion publique et réunion privée, et que le droit des syndicats de se réunir librement dans leur propres locaux sans nécessité d'autorisation préalable et sans contrôle des autorités publiques constitue un élément fondamental de la liberté syndicale.
- 241. Le Comité observe avec intérêt dans le présent cas que, dans la lettre adressée au gérant de la Compagnie bananière, le ministre du Travail mentionne expressément les obligations que le gouvernement de Costa Rica a contractées par la ratification des conventions nos 87 et 98, qu'il transcrit la résolution de Bandung mentionnée et qu'il fait observer que l'interdiction des réunions syndicales par la Compagnie équivaudrait à rendre inopérante la liberté syndicale dans une vaste région du pays.
- 242. Le Comité note que, selon les informations fournies par le gérant de la Compagnie bananière, le motif de l'interdiction des réunions syndicales dans les propriétés de cette compagnie est que « des personnes d'idées extrémistes » sèment la haine, la confusion et le mécontentement avec l'intention de troubler la paix sociale. Or le Comité observe que les plaintes sur l'interdiction du droit de réunion dans les domaines de la Compagnie émanent aussi bien de syndicats comme l'Union des travailleurs de Golfito, affiliée à la F.U.T.R.A. (organisation qui, d'après le gouvernement, s'est livrée à des activités politiques en faveur du système marxiste-léniniste institué à Cuba ) que de la Confédération costaricienne des travailleurs « Rerum novarum », affiliée à l'O.I.R.T. Les deux organisations soutiennent, de leur côté, que les réunions ont un caractère strictement syndical, ayant pour objet d'établir des revendications et d'obtenir des signatures d'adhésion de travailleurs pour la formation de syndicats.
- 243. Dans la communication de la Confédération générale des travailleurs costariciens en date du 16 juin 1964, il est fait mention d'une sentence judiciaire où il est déclaré que le fait qu'un dirigeant syndical réunit des travailleurs dans une maison servant d'habitation ne constitue pas une violation de la propriété privée. En examinant le cas no 239 déjà mentionné, le Comité avait devant lui le rapport du représentant du Directeur général du B.I.T, qui avait effectué une mission sur les lieux en relation avec les allégations présentées dans ce cas, dans lequel il était dit que les représentants de la Compagnie ne s'opposent pas aux réunions privées « et qu'ils ne peuvent s'y opposer. Mais selon eux, une réunion, pour être privée, doit avoir lieu dans un local fermé ». Le représentant du Directeur général rappelait à ce sujet que l'article 26 de la Constitution nationale dispose qu'« il n'est pas exigé d'autorisation préalable pour les réunions qui ont lieu dans des enceintes privées. Celles qui se tiennent dans des lieux publics sont réglementées par la loi ».
- 244. Dans le présent cas, les plaignants dénoncent l'interdiction de réunions syndicales, même tenues dans les maisons des travailleurs. De son côté, la lettre du gérant de la Compagnie paraît bien viser l'interdiction de toute réunion syndicale, sans distinction entre réunions publiques et réunions privées. Une interdiction absolue de réunions syndicales, sauf autorisation de la Compagnie, paraît résulter des instructions données par le Président de la République.
- 245. Il semblerait résulter de ce qui précède que la situation n'est pas claire quant à l'application des règles légales en matière de droit de réunion. D'autre part, le Comité observe que, selon le gouvernement, en cas de conflit au sujet de l'application de dispositions constitutionnelles ou autres sur le droit de propriété et les devoirs des autorités publiques, le seul moyen dont disposent les habitants lorsqu'ils s'estiment lésés est de recourir aux tribunaux. Il ne résulte pas des éléments dont dispose le Comité que les cas dénoncés aient fait l'objet de recours aux tribunaux.
- 246. D'autre part, le gouvernement fait savoir qu'il est procédé actuellement à une enquête sur les faits dénoncés, dont les résultats seront communiqués en temps utile au B.I.T, de même que les observations du gouvernement sur d'autres allégations figurant dans la communication de la Confédération costaricienne des travailleurs « Rerum novarum ». Le Comité estime que cette enquête et les observations du gouvernement pourront apporter de nouveaux éléments qui permettront de mieux juger tous les problèmes qui se posent.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 247. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que le gouvernement a promis de communiquer les résultats de l'enquête à laquelle il procède actuellement, ainsi que ses observations précises sur les points de la plainte présentée par la Confédération costaricienne des travailleurs « Rerum novarum », l'examen du cas étant renvoyé entre-temps.