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- 204. Les plaintes sont contenues dans des communications de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC), de la Confédération mondiale du travail (CMT) (ex-Confédération internationale des syndicats chrétiens), de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la fonction publique et assimilés et de la Fédération syndicale mondiale (FSM) en date respectivement des 19 juillet, 31 juillet, 12 août et 16 octobre 1968. Ces textes ont été transmis au gouvernement uruguayen, qui a fait parvenir ses observations en date du 26 novembre 1968.
- 205. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
206. Dans sa communication du 19 juillet 1968, dont la teneur a été confirmée ultérieurement dans la communication de la CISC du 31 juillet 1968, la CLASC a fourni des informations sur la situation syndicale en Uruguay due à l'augmentation considérable du coût de la vie qui a eu pour conséquence la réduction des revenus réels des travailleurs, notamment dans les services publics. En mai 1968, le gouvernement a fait savoir aux syndicats qu'il n'avait pas l'intention de bloquer les salaires et a suggéré la création d'un groupe tripartite chargé d'examiner les mesures à adopter en matière de salaires et de nature à éviter l'inflation. Les organisations syndicales ont pris part aux réunions de ce groupe qui, toutefois, a suspendu ses activités étant donné que, le 13 juin de la même année, le gouvernement a supprimé les conditions nécessaires au dialogue en décrétant dans le pays des « mesures urgentes de sécurité », moyen prévu par la Constitution dans les cas graves et imprévus d'attaque extérieure ou de soulèvement interne. C'est dire, allèguent les plaignants, que le gouvernement a répondu au dialogue par des mesures équivalant à un état de siège bien qu'il n'existât aucune situation pouvant justifier de telles mesures. En fait, il ne s'agissait pas de réprimer une subversion inexistante, mais bien d'instaurer un régime de force permettant de bloquer les salaires et de réglementer la vie syndicale.
206. Dans sa communication du 19 juillet 1968, dont la teneur a été confirmée ultérieurement dans la communication de la CISC du 31 juillet 1968, la CLASC a fourni des informations sur la situation syndicale en Uruguay due à l'augmentation considérable du coût de la vie qui a eu pour conséquence la réduction des revenus réels des travailleurs, notamment dans les services publics. En mai 1968, le gouvernement a fait savoir aux syndicats qu'il n'avait pas l'intention de bloquer les salaires et a suggéré la création d'un groupe tripartite chargé d'examiner les mesures à adopter en matière de salaires et de nature à éviter l'inflation. Les organisations syndicales ont pris part aux réunions de ce groupe qui, toutefois, a suspendu ses activités étant donné que, le 13 juin de la même année, le gouvernement a supprimé les conditions nécessaires au dialogue en décrétant dans le pays des « mesures urgentes de sécurité », moyen prévu par la Constitution dans les cas graves et imprévus d'attaque extérieure ou de soulèvement interne. C'est dire, allèguent les plaignants, que le gouvernement a répondu au dialogue par des mesures équivalant à un état de siège bien qu'il n'existât aucune situation pouvant justifier de telles mesures. En fait, il ne s'agissait pas de réprimer une subversion inexistante, mais bien d'instaurer un régime de force permettant de bloquer les salaires et de réglementer la vie syndicale.- 207. Les plaignants déclarent ensuite qu'en protestation contre ces mesures, le mouvement syndical a déclenché une série de grèves en vue de la suppression des mesures de sécurité et du rejet du décret de blocage des salaires. Le gouvernement a répliqué par la mobilisation militaire de tous les employés des banques et d'autres services et entreprises industrielles de l'Etat. Ces mesures ont été suivies d'autres formes de répression telles que la perquisition de locaux syndicaux, l'arrestation de nombreux dirigeants syndicaux parmi lesquels des membres de la Convention nationale des travailleurs (CNT). Plusieurs centaines de personnes ont été détenues dans des garnisons militaires. Les travailleurs ayant participé aux grèves ont vu leur salaire réduit de deux à trois jours et l'on a procédé à la destitution d'un grand nombre de délégués.
- 208. Les plaignants estiment que le blocage des salaires et la nouvelle réglementation syndicale proposée sont des mesures anticonstitutionnelles et contraires aux conventions de l'OIT sur la liberté syndicale. Etant donné la gravité des faits signalés ils réclament la création d'une commission d'enquête de l'OIT afin qu'elle constate sur place les violations alléguées.
- 209. Dans sa communication du 12 août 1968, l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la fonction publique et assimilés se fonde sur les mêmes faits en précisant que, parmi les dirigeants syndicaux emprisonnés, se trouvent le président de la Confédération des organisations de fonctionnaires de l'Etat, M. Miguel Angel Olascoaga, et le secrétaire général de ladite organisation, M. Luis Alberto Iguini. Les plaignants signalent également que le gouvernement recourt à des mesures de représailles afin de briser la résistance des travailleurs qui, dans le cadre d'une action démocratique syndicale, s'opposent à l'augmentation croissante du coût de la vie et au blocage des salaires imposé par le gouvernement. Ces faits constituent une violation flagrante des conventions de l'OIT sur la liberté syndicale.
- 210. Dans sa communication du 16 octobre 1968, la FSM se réfère également aux mêmes faits. Elle signale que, pour faire face aux conséquences néfastes de la politique économique et sociale du gouvernement, les travailleurs mènent une lutte revendicative afin de contrecarrer la pression que les employeurs et le gouvernement exercent sur leurs conditions de vie et de travail. Pour combattre cette action, le gouvernement a adopté des mesures répressives de sécurité et a bloqué les salaires, mettant fin ainsi aux libertés syndicales en Uruguay. En effet, le gouvernement a mobilisé près de 60 000 travailleurs des entreprises et organismes ci-après de l'Etat: Administration nationale des combustibles, des alcools et du ciment Portland (ANCAP), Usines et téléphones de l'Etat (UTE), Banque de la République et banque centrale, services sanitaires de l'Etat (OSE) et télécommunications. Les plaignants poursuivent leurs allégations en se référant à l'emprisonnement et au licenciement de nombreux travailleurs appartenant aux divers organismes et entreprises susmentionnés. Parmi les personnes incarcérées figureraient les deux personnes mentionnées dans la communication précitée du 12 août 1968 ainsi que M. Ramón Freire Pizzano, secrétaire de la Fédération des ouvriers de l'industrie lainière et dirigeant de la CNT, et M. Otilio Barrágan, dirigeant du syndicat des UTE et membre de la direction de la CNT. Parmi les mesures les plus graves prises par le gouvernement figure l'occupation par la police du local de la Fédération uruguayenne des employés du commerce et de l'industrie, de la Convention nationale des travailleurs et de l'Association des employés de banque. La FSM soutient que les diverses mesures dénoncées constituent une violation par le gouvernement de l'Uruguay des principes universellement reconnus en matière de liberté syndicale et sont de nature à mettre en danger l'existence du mouvement syndical dans ce pays. Elle attire de même l'attention sur un projet de loi qui constituerait une violation du droit de négociation collective.
- 211. Le gouvernement a répondu à ces allégations dans sa communication du 26 novembre 1968, accompagnée d'une documentation abondante, qui contient les textes des diverses dispositions législatives applicables en la matière. Dans son exposé des faits, le gouvernement soutient qu'il a agi dans le cadre de l'ordre constitutionnel et rejette les allégations des plaignants. Il déclare qu'en juin 1968, devant une situation grave et imprévue de soulèvement interne, qui mettait en danger la paix et l'ordre public, il a été nécessaire d'adopter un décret prévoyant des mesures urgentes de sécurité, conformément à l'article 168, no 17, de la Constitution. Ces mesures ont été dûment communiquées au Parlement qui les a ratifiées. Toutes les décisions gouvernementales attaquées par les plaignants ont été prises alors que ce régime d'exception était en vigueur.
- 212. Le gouvernement signale ensuite qu'avant et après l'adoption des mesures extraordinaires, des grèves ayant un but politique se sont produites dans des services essentiels dans lesquels l'interruption du travail mettait en danger la santé, la subsistance et même l'existence de la population. La Constitution uruguayenne reconnaît le droit de grève, mais, ce droit ayant été réglementé, le Statut du fonctionnaire déclare illicite l'abandon collectif de leur service par les fonctionnaires publics. Les statuts des autorités publiques et des services autonomes ont repris le même critère. Dans le cas présent, à la suite d'une grave situation subversive, et en exécution des dispositions légales et administratives, le gouvernement n'a pu tolérer l'interruption des services publics essentiels et a adopté les mesures nécessaires pour assurer leur continuité, notamment la mobilisation des fonctionnaires des services essentiels tels que: électricité, téléphone, télégraphe et combustibles. Cette mesure a fait l'objet, devant le pouvoir exécutif, d'une demande d'abrogation, qui a été rejetée après un examen approfondi de la légalité de la décision. La loi elle-même sur laquelle se fonde la mobilisation des fonctionnaires publics (loi no 9943 de 1940) n'a jamais été attaquée devant la Cour suprême de justice.
- 213. En se référant à d'autres allégations, le gouvernement signale qu'il n'a été procédé à aucun emprisonnement pour des motifs politiques ou syndicaux. Aucun dirigeant syndical n'a été détenu en raison de ses fonctions, et toutes les arrestations ont eu pour cause la violation de dispositions légales préexistantes ou ont été décidées conformément au décret du 13 juin 1968, qui a imposé des mesures urgentes de sécurité. D'autre part, toutes les personnes arrêtées à la suite de ces mesures ont été immédiatement remises en liberté. Quant aux deux personnes auxquelles se réfère la communication du 12 août 1968, elles ont été libérées le 21 juillet de la même année. Le gouvernement poursuit en affirmant qu'il n'y a eu ni occupation permanente ni aucune mesure susceptible d'entraver le libre fonctionnement des organisations syndicales dont la liberté est reconnue et garantie. Seul a été appliqué, et sans aucun caractère permanent, le décret du 13 juin 1968, étant donné la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvait le pays.
- 214. En se référant à la situation devant laquelle le pays se trouvait, le gouvernement préconise que l'économie était gravement compromise par l'action subversive menée au cours des mois antérieurs. Du fait de l'inflation croissante, le gouvernement a décrété le blocage général des salaires et des prix, mesure qui a été appuyée par la population. Cette mesure a eu pour effet de freiner la hausse du coût de la vie à partir du mois d'août et de stabiliser la situation économique. A partir de juillet 1968, deux augmentations de salaire pratiquement générales ont été décidées dans l'ensemble du secteur privé. Le gouvernement ajoute qu'une nouvelle loi entrera prochainement en vigueur; elle porte sur la réorganisation du régime de fixation des salaires dans le secteur privé. Cette réorganisation tient compte de l'expérience nationale et de celle d'autres pays, ainsi que des principes et des normes de l'OIT. Quant aux fonctionnaires publics, ils ont bénéficié, en vertu d'une loi récente et d'autres dispositions, d'augmentations de traitement substantielles. Le gouvernement repousse les allégations selon lesquelles il aurait violé les conventions sur la liberté syndicale de l'OIT et déclare qu'il a dû faire front à une des crises les plus graves de l'histoire du pays en se fondant sur le respect absolu de la Constitution et de la législation en vigueur. Le gouvernement signale qu'à la fin du mois d'août 1968 il a été renoncé à la mobilisation des fonctionnaires de l'Administration nationale des combustibles, des alcools et du ciment Portland, des services sanitaires de l'Etat et de la Direction des télécommunications.
- 215. Dans la documentation envoyée par le gouvernement figure notamment le texte de l'article 168, paragraphe 17, de la Constitution, ainsi libellé:
- Il appartient au Président de la République, assisté du ou des ministres compétents ou du Conseil des ministres:
- ......................................................................................................................................................
- de prendre d'urgence des mesures de sécurité dans les cas graves et imprévus d'attaque extérieure ou de troubles intérieurs, en rendant compte, dans les vingt-quatre heures, à l'Assemblée générale des deux Chambres ou, le cas échéant, à la Commission permanente, des mesures prises et des raisons qui les ont déterminées, et en se conformant à leur décision.
- En ce qui concerne les personnes, les mesures urgentes de sécurité autorisent seulement leur arrestation ou leur transfert d'un point à un autre du pays, à moins qu'elles ne choisissent d'en sortir. Cette mesure également doit être soumise, dans les vingt-quatre heures, à l'Assemblée générale des deux Chambres ou, le cas échéant, à la Commission permanente, et leurs décisions seront souveraines.
- La détention ne peut avoir lieu dans des locaux destinés à la garde de délinquants.
- 216. Le décret du 13 juin 1968 sur les mesures urgentes de sécurité figure également dans la documentation. Pour justifier ces mesures, on se réfère, dans le texte du décret, à la grève des employés de banque de l'Etat, qui a entravé l'activité des principales banques officielles, ainsi qu'à la déclaration d'une grève de temps indéterminé de la part des fonctionnaires de l'Administration centrale, et à l'annonce d'arrêts de travail dans d'autres organismes de l'Etat. Selon les considérants du décret, la paralysie des activités vitales de l'Administration centrale provoque, à elle seule, les troubles intérieurs auxquels se réfère l'article 168 de la Constitution. A ces actes, et à d'autres encore, s'ajoute un climat anormal de violence sur la voie publique et de perturbation de l'ordre public. Sont interdites, en conséquence, toutes les mesures et activités susceptibles de prolonger cette situation, en particulier les réunions qui relèvent d'une telle interdiction, et il est procédé à la fermeture des locaux où elles doivent avoir lieu. Le décret prévoit l'application de mesures de détention et autres mesures de sécurité jugées nécessaires et l'adoption des moyens propres à maintenir le fonctionnement des services publics essentiels.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 217. Le comité observe que, dans le cas présent, il s'agit essentiellement d'une série de dispositions adoptées par le gouvernement uruguayen - mesures urgentes de sécurité similaires à un état de siège, blocage des salaires et des prix, mobilisation de travailleurs - qui ont affecté spécialement le secteur public de l'économie, étant donné que les travailleurs mobilisés font partie du personnel de différents organismes de l'Etat. De telles mesures de sécurité, au dire des plaignants, ne sont pas justifiées et ont uniquement pour objet de faciliter l'imposition d'un blocage des salaires. Dans le cadre de ces mesures, le gouvernement a réprimé l'action revendicatrice des travailleurs qui luttent pour la défense de leurs salaires, dans une situation d'inflation aiguë. La répression se serait manifestée par de graves violations de la liberté syndicale: entrave à l'exercice du droit de grève au moyen de la mobilisation des travailleurs, interdiction des réunions, destitution et emprisonnement de dirigeants et de travailleurs, etc.
- 218. Dans d'autres cas examinés par le comité concernant des plaintes relatives à de prétendues violations de la liberté syndicale perpétrées sous un régime d'état de siège ou d'exception, ou encore en vertu d'une loi sur la sécurité de l'Etat, le comité a déclaré qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur la nécessité ou l'opportunité d'une telle législation, question d'ordre purement politique, mais qu'il était tenu d'examiner les répercussions de cette législation sur les droits syndicaux.
- 219. Dans le cas présent, une telle législation a eu pour conséquence, en premier lieu, la mobilisation des employés de banque et autres organismes de l'Etat, tels que télécommunications, services sanitaires et combustibles. Dans d'autres case, où le comité a été appelé à examiner des plaintes relatives à la mobilisation de travailleurs, il a estimé que celles-ci revêtaient un caractère exceptionnel en raison de la gravité de leurs conséquences sur la liberté personnelle et les droits syndicaux, et que les mesures prises ne pouvaient être justifiées que par la nécessité d'assurer le fonctionnement de services et industries essentiels, dont l'arrêt serait propre à créer un état de crise aiguë. C'est ce qui paraît ressortir du texte du décret sur les mesures urgentes de sécurité, d'après lequel non seulement toute activité dans les banques officielles et dans l'administration publique en général aurait été paralysée, en entravant ainsi le fonctionnement normal de divers services essentiels pour l'administration du pays et la communauté, mais que, en outre, la situation avait atteint un climat de violence et de perturbation de l'ordre public.
- 220. Quant aux autres mesures du gouvernement auxquelles se réfèrent les plaignants - détention et destitution de syndicalistes et de travailleurs, occupation des locaux syndicaux -, elles semblent avoir été la conséquence directe des arrêts du travail qui ont eu lieu à la suite des mesures urgentes de sécurité et de la mobilisation des travailleurs de l'Etat qui ont été décrétées. En ce qui concerne plus spécialement la détention de syndicalistes, le comité prend note de la déclaration générale du gouvernement, aux termes de laquelle toutes les personnes arrêtées sous le régime des mesures urgentes de sécurité ont été immédiatement remises en liberté. Le gouvernement se réfère notamment à MM. Miguel Angel Olascoaga et Luis Alberto Iguini, dirigeants de la Confédération des organisations de fonctionnaires de l'Etat, libérés le 21 juillet 1968. Le gouvernement ne fait aucune allusion à MM. Ramón Freire Pizzano et Otilio Barragán, tous deux dirigeants de la CNT qui, selon la communication du 16 octobre 1968 de la FSM, ont été également emprisonnés.
- 221. En ce qui concerne l'occupation de locaux syndicaux par la police et l'armée - il s'agit, selon les plaignants, de la Fédération uruguayenne des employés de commerce et de l'industrie, de la CNT et de l'Association des employés de banque -, le comité prend note des déclarations du gouvernement aux termes desquelles cette occupation n'a été que temporaire, étant donné qu'elle a été décidée conformément au décret sur les mesures urgentes de sécurité. Le comité présume, par conséquent, que les locaux en question ont été restitués en temps opportun aux organisations syndicales respectives.
- 222. Le comité prend note également qu'à la fin août 1968 la mobilisation des fonctionnaires de la ANCAP, de la OSE et de la Direction des télécommunications a été rapportée. Cette mesure, par conséquent, serait encore en vigueur en ce qui concerne les UTE et les institutions bancaires officielles.
- 223. Quant à la suspension des activités du groupe tripartite chargé d'examiner la question des salaires et les mesures anti-inflationnistes qu'il convenait d'adopter - mesure antérieure aux dispositions de sécurité interne, à la mobilisation des travailleurs et au blocage des salaires -, le comité observe que le gouvernement ne fait, dans sa réponse, aucune allusion spéciale à celui-ci. En effet, le gouvernement se borne à signaler que l'inflation croissante annulait les avantages apparents des augmentations de salaire; c'est pourquoi il a décidé de procéder au blocage des salaires et des prix. Toutefois, le gouvernement précise qu'il s'agissait d'une mesure transitoire et que, depuis son adoption, des augmentations ont été octroyées tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
- 224. Le comité estime que l'institution du groupe tripartite est en harmonie avec la teneur de la recommandation no 113 sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, visant à promouvoir la consultation et la collaboration entre les autorités publiques et les organisations d'employeurs et de travailleurs afin de promouvoir une mutuelle compréhension et de bonnes relations entre celles-ci, en vue de développer l'économie en général ou dans certaines de ses branches, d'améliorer les conditions de travail et d'élever les niveaux de vie et, notamment, afin que les autorités sollicitent de façon appropriée les vues, les conseils et le concours desdites organisations dans des domaines tels que la préparation et la mise en oeuvre de la législation touchant à leurs intérêts. D'autre part, étant donné la déclaration du gouvernement sur le caractère illicite de la grève dans la fonction publique, le comité, tout en considérant que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence dans la mesure où les droits syndicaux sont mis en cause, estime nécessaire de se référer également à d'autres conclusions. Le comité soutient que si l'on peut admettre que, dans la fonction publique et les services essentiels, le droit de grève souffre de restrictions, il doit, dans ce cas, exister des garanties adéquates destinées à sauvegarder les intérêts des travailleurs, privés de cette façon d'un moyen essentiel de promouvoir leurs intérêts professionnels. De telles restrictions devraient donc s'accompagner de procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives aux diverses étapes desquelles les intéressés devront pouvoir participer.
- 225. Le comité observe que le blocage des salaires décrété par le gouvernement a non seulement affecté le secteur public, mais qu'il a eu également pour effet de limiter la négociation collective dans le secteur privé de l'économie. A cet égard, le comité a déjà signalé à l'occasion de l'un des premiers cas qu'il a examinés a que le développement des procédures de négociation volontaire représente un aspect important de la liberté syndicale, mais qu'il serait difficile d'établir une règle absolue en la matière, étant donné que, dans certaines conditions, les gouvernements pourraient estimer que la situation d'un pays exige, à un moment déterminé, des mesures de stabilisation, en raison desquelles il ne serait pas possible de fixer librement, par négociation collective, les taux de salaire.
- 226. Dans leurs allégations, les plaignants se réfèrent également à un projet de loi qui supprimerait certains droits syndicaux et, en particulier, le droit de négociation collective. Le gouvernement signale dans sa réponse l'entrée en vigueur d'une loi portant réorganisation du régime de fixation des salaires dans le secteur privé et qui introduit, en remplacement du système exceptionnel en vigueur, un autre système de caractère permanent tenant compte de l'expérience nationale et de celle d'autres pays, ainsi que des principes et des normes de l'OIT.
- 227. Enfin, le comité prend note de la requête présentée par la CLASC et la CMT dans leurs communications des 19 et 31 juillet 1968, à savoir que soit constituée une commission d'enquête de l'OIT chargée de vérifier sur place les faits exposés dans leurs plaintes. A la lumière de l'analyse antérieure des allégations et de la réponse du gouvernement, ainsi que des principes exposés, et compte tenu du fait que les mesures adoptées par les autorités paraissent avoir un caractère provisoire et avoir été rapportées en ce qui concerne certaines des allégations présentées, le comité ne juge pas opportun, pour le moment, d'examiner cette demande de façon plus approfondie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 228. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note que la mobilisation des travailleurs de l'Administration nationale des combustibles, des alcools et du ciment Portland, des services sanitaires de l'Etat et de la Direction générale des télécommunications a été rapportée;
- b) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les personnes arrêtées sous le régime des mesures urgentes de sécurité ont été immédiatement remises en liberté et que l'occupation de locaux syndicaux a été seulement temporaire, le libre fonctionnement des organisations syndicales ayant été reconnu;
- c) de demander au gouvernement de bien vouloir l'informer de façon détaillée de la situation des dirigeants syndicaux Ramón Freire Pizzano et Otilio Barragán;
- d) de rappeler à l'attention du gouvernement les vues énoncées plus haut dans le paragraphe 219 relatif à la mobilisation des travailleurs et de prier celui-ci de bien vouloir le tenir au courant de la situation dans laquelle se trouvent à cet égard les travailleurs des Usines et téléphones de l'Etat et des banques officielles;
- e) de signaler également à l'attention du gouvernement les garanties à accorder aux fonctionnaires publics et à ceux des services essentiels privés du droit de grève, ainsi que le développement des procédures de négociation volontaire, et de prier ce dernier de bien vouloir l'informer de tout fait nouveau survenu en la matière;
- f) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité fera de nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement aux alinéas c), d) et e) ci-dessus.
- Genève, 28 février 1969. Roberto AGO, président.