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- 331. Le comité a examiné ces cas lors de sa session de novembre 1969, à l'occasion de laquelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu dans les paragraphes 163 à 236 de son 114ème rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 177ème session (18-21 novembre 1969). '
- 332. Au paragraphe 236 de son 114ème rapport, le comité présente au Conseil d'administration des recommandations, dont certaines tendent à prier le gouvernement argentin d'envoyer des informations permettant de poursuivre l'examen des allégations considérées. Le gouvernement a envoyé des informations complémentaires par communication du 20 novembre 1969, et la Confédération mondiale du travail a présenté en date du 27 novembre 1969 de nouvelles allégations, relatives à l'un des aspects du cas, qui ont été communiquées au gouvernement. Le gouvernement ayant été saisi des recommandations formulées par le comité, il a répondu par deux communications en date du 3 décembre 1969.
- 333. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
Allégations relatives à la condamnation de M. Elpidio Torres et d'autres syndicalistes par des tribunaux militaires, et à la détention de M. Raimundo Ongaro et d'autres syndicalistes
Allégations relatives à la condamnation de M. Elpidio Torres et d'autres syndicalistes par des tribunaux militaires, et à la détention de M. Raimundo Ongaro et d'autres syndicalistes- 334. Par un télégramme du 5 juin 1969, la Fédération internationale des ouvriers sur métaux (FIOM) dénonçait l'arrestation et la condamnation immédiate par un tribunal militaire spécial de M. Elpidio Torres, secrétaire de la section locale de Córdoba du Syndicat des mécaniciens et travailleurs assimilés des transports automobiles. Dans cette même communication l'organisation plaignante se référait, sans donner plus de précisions, à la détention de MM. González, Méndez, Rosales et Juárez, dirigeants du même syndicat. D'après les plaignants, une manifestation de grévistes réclamant de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail aurait été dispersée, à la suite de quoi on aurait dénombré plusieurs blessés et deux morts parmi les manifestants; en conséquence, des incidents violents non dirigés par un des syndicalistes auraient éclaté. Selon une autre communication de la FIOM en date du 8 juillet 1969, ces faits se seraient produits les 29 et 30 mai 1969 dans la ville de Córdoba. Le 30 mai, la troupe aurait envahi le siège du syndicat et aurait procédé à l'arrestation de tous les membres du comité directeur qui étaient présents, sans être munie du mandat requis. M. Torres aurait été traduit devant un tribunal militaire et, après un jugement extrêmement sommaire, condamné pour délit de rébellion et d'instigation publique à la rébellion, en violation de toutes les garanties prévues par la loi.
- 335. De leur côté, la Confédération mondiale du travail et la Fédération syndicale mondiale, par des communications du 4 et du 18 août 1969, avaient annoncé que MM. Agustin Tosco, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l'électricité de Córdoba, Jorge Alberto Canelles, dirigeant syndical du bâtiment, et les dirigeants syndicaux Felipe Alberti et Mario Sorezi auraient également été condamnés par des conseils de guerre.
- 336. A ces allégations, le gouvernement a répondu par une communication en date du 29 septembre 1969, en signalant que M. Torres a été condamné à quatre ans et huit mois de prison, le 31 mai 1969, après avoir été jugé par le Conseil de guerre spécial no 4 constitué dans la ville de Córdoba conformément aux dispositions de la loi no 18232 et des décrets nos 2736/69 et 2851/69. La condamnation a été motivée par le fait que M. Torres a été reconnu coupable des délits prévus aux articles 209 et 226 du Code pénal, et conformément à l'article 54 dudit code. Selon l'article 209, celui qui publiquement incitera à commettre des délits ou incitera à la violence collective contre des groupes déterminés de personnes ou d'institutions sera puni, pour le seul fait de l'incitation, de six mois à quatre ans de prison. Selon l'article 226, seront punis de deux à dix ans de prison ceux qui auront pris les armes pour changer la Constitution, destituer l'un des organes du gouvernement national, obtenir de celui-ci une mesure ou une concession quelconque ou empêcher, même temporairement, soit le libre exercice des pouvoirs conférés audit gouvernement par la Constitution, soit la formation ou le renouvellement de celui-ci selon les modalités prévues par la loi. L'article 54 dispose que, lorsqu'un fait sera passible de plus d'une sanction pénale, seule la peine la plus grave sera appliquée.
- 337. Par une communication du 14 septembre 1969, le gouvernement faisait savoir que M. Jorge A. Canelles avait été condamné à dix ans de prison par le Conseil de guerre, ayant été reconnu coupable des délits d'instigation à la rébellion, d'intimidation publique et d'apologie du délit. Au cours du procès qui a eu lieu à Córdoba les 29 et 30 mai 1969, M. Agustin Tosco a été condamné à huit ans et trois mois de prison par le Conseil de guerre spécial, pour les mêmes délits.
- 338. Ayant examiné cet aspect du cas lors de sa session de novembre 1969, le comité a observé que les condamnations ont été prononcées par les tribunaux militaires au cours de procès sommaires et dans des circonstances exceptionnelles. A cet égard, le comité a tenu à rappeler que, dans tous les cas où il a été allégué que des syndicalistes avaient fait l'objet de mesures ou de décisions de la part d'organismes de caractère spécial, il a toujours réaffirmé l'importance qu'il attachait au principe selon lequel les syndicalistes, tout comme les autres personnes, devraient bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière. Afin que ces garanties soient respectées, le comité a spécialement fait allusion, à plusieurs reprises, à l'intervention nécessaire d'une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 339. Dans ces conditions, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- ....................................................................................................................................................
- En ce qui concerne la condamnation de M. Elpidio Torres et d'autres syndicalistes par les tribunaux militaires, étant donné que cette condamnation est intervenue à la suite d'une procédure sommaire et que, par conséquent, les intéressés n'ont pas pu bénéficier de toutes les garanties d'une procédure ordinaire, de suggérer au gouvernement argentin la possibilité d'examiner de nouveau les cas en question, de façon à s'assurer qu'aucun des intéressés n'a été privé de liberté sans bénéficier de toutes les garanties légales d'une procédure engagée devant une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- ......................................................................................................................................................
- 340. Par un télégramme du 5 mai 1969, la CMT avait informé le Bureau de la détention de M. Raimundo Ongaro. Le 7 juillet 1969, la CMT avait envoyé des informations complémentaires dans lesquelles elle évoquait la détention d'un grand nombre de syndicalistes et dirigeants syndicaux, dont M. Ongaro, qui avait été une fois de plus incarcéré. L'Action syndicale argentine (ASA), de son côté, avait déclaré dans une communication du 10 juillet 1969 que l'arrestation de M. Ongaro s'était produite le 30 juin 1969, dans une localité de la province de Córdoba, et avait été effectuée par des agents de la police fédérale. Par la suite, M. Ongaro fut transféré à Buenos Aires et mis au secret, à la disposition du Pouvoir exécutif. Par deux communications postérieures, en date des 15 juin et 14 août 1969, la CMT avait évoqué une fois de plus la détention de M. Ongaro, précisant qu'il n'existait à l'égard de celui-ci aucune accusation concrète et que sa détention était due à un acte arbitraire du Pouvoir exécutif pendant l'état de siège.
- 341. Le gouvernement avait répondu à ces allégations par une communication en date du 16 septembre 1969, dans laquelle il indiquait que M. Ongaro n'avait pas été arrêté en tant que syndicaliste, mais en tant que citoyen, et se trouvait traduit en justice pour avoir troublé l'ordre et la sécurité publics.
- 342. Examinant ces allégations lors de sa session de novembre 1969, le comité avait fait remarquer qu'il s'était toujours abstenu de se prononcer sur l'aspect politique d'un régime d'exception, mais qu'il avait déjà soutenu, dès les premiers cas qui lui ont été soumis, que, dans de telles circonstances, les mesures de détention qui peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales doivent être justifiées par l'existence d'une crise sérieuse, et qu'elles peuvent donner lieu à des critiques, à moins qu'elles ne soient accompagnées de garanties juridiques appropriées, dans des délais raisonnables. Le comité a toujours souligné l'importance du respect des garanties légales dans les cas où des syndicalistes sont inculpés de délits de caractère politique ou de délits visés par la législation ordinaire. A ce propos, il a déclaré par exemple que le respect des garanties légales ne semble pas assuré si l'état de siège a pour conséquence qu'un tribunal auquel il est demandé d'appliquer l'habeas corpus ne peut procéder à un examen de l'affaire quant au fond. Le comité a considéré que cette garantie serait assurée si la personne détenue était jugée par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 343. Dans ces conditions, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- ....................................................................................................................................................
- En ce qui concerne l'allégation relative aux différentes arrestations de M. Raimundo Ongaro, de signaler à l'attention du gouvernement l'importance qu'il a toujours attachée au droit de toutes les personnes détenues à un procès rapide et équitable devant des autorités judiciaires impartiales et indépendantes, et d'inviter le gouvernement à bien vouloir fournir d'urgence des renseignements sur les procédures légales ou judiciaires entreprises, ou, si aucune procédure n'a été entreprise, des renseignements sur la situation actuelle de l'intéressé.
- 344. Dans sa communication du 15 juillet 1969, la CMT avait dénoncé spécialement la détention de vingt-deux dirigeants syndicaux. A cet égard, la CMT se référait à Alicia Fondecilla, José R. Villaflor, Francisco Calipo, Federico Correa et Hugo Russo, « qui sont tous des responsables de la Fédération des arts graphiques de Buenos Aires; ils sont détenus au secret dans les prisons de Córdoba et de Buenos Aires et ils attendent d'être jugés ». Par ailleurs, il était signalé dans la même communication que les dirigeants de la CGT dont les noms suivent étaient tenus à la disposition du Pouvoir exécutif: Hugo Ferraro, Enrique Coronel, Alfredo Forraresa, Jorge Di Pasquale, José Pedraza, José Curiel, Carlos Cabrera, Pablo Gutman, Luis Miletto, Boris Groman, Luis Trenti, Julián Montoya, Juan Carlos Lorenzo, Hugo Fornies, Francisco Gentile, Alfredo Carbolleda et Ricardo Cano.
- 345. A ces allégations, le gouvernement avait répondu dans sa communication du 16 septembre 1969 en indiquant que les événements survenus dans le pays, et auxquels ont participé directement et activement certains dirigeants syndicaux, relevaient du domaine des délits de droit commun. Par conséquent, il appartenait au gouvernement d'infliger aux responsables le traitement prévu par la loi, car les dirigeants syndicaux ne pourraient prétendre que leur qualité leur confère une immunité, ce qui équivaudrait à soutenir qu'il existe des privilèges de classe ou des immunités particulières reconnues par la Constitution nationale. On aurait alors affaire à une situation absurde dans laquelle on ne pourrait ni poursuivre ni condamner des personnes coupables d'avoir provoqué des pertes de vies humaines, comme celles qui sont mentionnées dans la plainte, sous prétexte que des intéressés appartiennent au mouvement syndical.
- 346. Examinant ce cas lors de sa session de novembre 1969, le comité avait observé que, en ce qui concerne l'incarcération de syndicalistes, dans de nombreux cas où les gouvernements avaient répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicalistes ou des travailleurs étaient emprisonnés pour activités syndicales, en affirmant que les personnes en question avaient été arrêtées pour activités subversives, pour des raisons de sécurité interne ou pour des crimes de droit commun, le comité avait toujours suivi la règle consistant à demander aux gouvernements intéressés de fournir les renseignements complémentaires les plus précis au sujet des arrestations en question et d'en indiquer les motifs exacts; le comité ajoutait que si, dans certains cas, il avait décidé que les allégations relatives à l'arrestation ou à l'incarcération de militants syndicalistes ne justifiaient pas un examen plus approfondi du cas, c'était après avoir reçu des gouvernements certains renseignements attestant de façon suffisamment probante que ces arrestations ou incarcérations n'avaient rien à voir avec les activités syndicales mais qu'elles avaient été justifiées par des activités extra-syndicales, nuisibles à l'ordre public ou de caractère politique.
- 347. Dans ces conditions, le comité avait recommandé au Conseil d'administration:
- ... d'inviter le gouvernement à bien vouloir fournir des renseignements précis sur les vingt-deux dirigeants syndicaux qui seraient détenus...
- 348. Après la session de novembre 1969 du comité, le gouvernement argentin a envoyé, en date du 20 novembre 1969, des informations sur vingt des personnes mentionnées au paragraphe 344, indiquant la cause de leur arrestation (agitation publique, perturbation de l'ordre, actes subversifs, etc.). Beaucoup d'entre elles avaient recouvré la liberté en juillet et août 1969, alors que d'autres se trouvaient encore à la disposition du Pouvoir exécutif. Le gouvernement se référait aussi à M. Ongaro, déclarant que celui-ci s'était rendu dans la province de Córdoba à la veille d'un arrêt général du travail, pour le 1er juillet 1969, y créant manifestement et de propos délibéré un climat d'agitation. Ces faits constitueraient, selon le gouvernement, les délits d'« agitation publique et rébellion, prévus par le Code pénal ».
- 349. La CMT a fait parvenir à son tour une nouvelle communication en date du 27 novembre 1969, dans laquelle elle dénonce en particulier l'incarcération des syndicalistes Miguel Angel Guzmán et Cucco, qui se trouvaient emprisonnés dans le sud du pays.
- 350. Le gouvernement argentin a depuis envoyé à l'égard des diverses allégations une série d'informations et de documents, par une communication en date du 23 décembre 1969. Le gouvernement déclare avoir décrété la mise en liberté de toutes les personnes tenues à 'a disposition du Pouvoir exécutif et avoir promulgué une loi d'amnistie pour les personnes purgeant les peines imposées par les tribunaux militaires. Le gouvernement a fait observer que les mesures adoptées « permettent d'assurer que dans tout le territoire argentin il ne se trouve aucun dirigeant syndical privé de liberté ». Le préambule de la loi no 18463, adoptée le 28 novembre 1969 et dont le gouvernement a fait parvenir un texte au Bureau, déclare que, conformément à la politique de pacification et de réconciliation entre tous les Argentins poursuivie par le gouvernement, il paraît opportun d'adopter les dispositions légales nécessaires à la remise en liberté des personnes détenues en vertu de pouvoirs exercés sous l'état de siège, et de celles qui ont été jugées par les tribunaux militaires ou déférées aux tribunaux ordinaires en raison des faits survenus en mai 1969.
- 351. Le comité observe que la loi no 18463 déclare textuellement:
- Article 1. L'amnistie est accordée pour tous les faits et les situations délictueux qui auront été l'objet d'un procès devant les tribunaux militaires conformément à la loi no 18232, ou dont les auteurs sont actuellement passibles de jugement devant les tribunaux ordinaires pour avoir été mis à la disposition desdits tribunaux par ordre des autorités militaires conformément aux décrets adoptés en exécution des dispositions de ladite loi.
- Article 2. La présente loi s'étendra également aux faits et situations délictueux motivant des poursuites en vertu des arrêtés pris à la suite de la déclaration de zones d'état de siège.
- 352. Parmi les documents envoyés par le gouvernement figurent une série de décrets qui prévoient la mise en liberté de nombreuses personnes, dont M. Raimundo Ongaro.
- 353. Bien que la communication du gouvernement ne mentionne pas expressément chacun des syndicalistes dont il est question dans les allégations et qui se trouvaient encore détenus, il ressort des éléments d'information et des déclarations du gouvernement que toutes ces personnes ont actuellement recouvré la liberté.
- 354. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note du fait que les intéressés ont été libérés en vertu de la loi d'amnistie et d'autres mesures, et d'exprimer sa satisfaction de ce que, selon la déclaration du gouvernement, ces dispositions permettent d'assurer qu'il ne se trouve dans tout le territoire argentin aucun dirigeant syndical privé de liberté.
- Allégations relatives à la désignation d'un délégué du gouvernement auprès de la CGT
- 355. Tant la CMT que la FSM avaient allégué que le gouvernement avait fait occuper le siège de la CGT; la FSM précisait en outre que le 15 juillet 1969 un représentant du gouvernement avait été désigné pour réorganiser la centrale ouvrière. Ainsi, le bâtiment de la CGT comme les autres biens de l'organisation seraient passés sous le contrôle du gouvernement. Pour sa part, le gouvernement niait que le siège de la CGT eût été occupé et expliquait que le délégué désigné par un texte législatif avait pour mission de régulariser le fonctionnement de la centrale ouvrière sur la base d'un dialogue direct avec les dirigeants.
- 356. En examinant ces allégations lors de sa session de novembre 1969, le comité avait constaté que les renseignements fournis par les plaignants et par le gouvernement différaient tant en ce qui concerne l'occupation du siège de la CGT qu'en ce qui concerne le contrôle exercé par le gouvernement sur cette centrale syndicale et sur ses biens. Le comité avait estimé que les prérogatives octroyées à une personne pour promouvoir la régularisation du fonctionnement d'une organisation syndicale ne devaient pas pouvoir mener à une limitation des droits des associations professionnelles à établir leurs statuts, à élire leurs représentants, à organiser leur gestion et à formuler leur programme d'action. Par conséquent, afin de pouvoir juger la situation en pleine connaissance de cause, le comité recommandait au Conseil d'administration, lorsqu'il signalerait au gouvernement le point de vue exprimé dans le paragraphe précédent, de l'inviter à bien vouloir communiquer le texte de la loi portant désignation du délégué auprès de la CGT, ainsi que le maximum de renseignements sur l'exercice des pouvoirs conférés à cette personne.
- 357. Par une communication en date du 23 décembre 1969, le gouvernement adressait au Bureau divers documents relatifs à cet aspect du cas. Parmi ces documents figurait le texte de la loi no 18281, du 14 juillet 1969, relative à la désignation du délégué du Pouvoir législatif national pour la normalisation de la CGT. Le comité observe que, conformément à l'article 2 de ladite loi, le délégué est chargé d'assurer la régularisation institutionnelle de la CGT. En vertu de l'article 3, ce délégué a les attributions et les facultés que le statut de la CGT accorde aux organes de direction et d'administration de cette centrale.
- 358. Le gouvernement a également envoyé le texte de la loi no 18472, du 1er décembre 1969, par laquelle est reconnue une « Commission nationale de réorganisation et de normalisation de la Confédération générale du travail de la République fédérale argentine ». Le processus de constitution et de reconnaissance de ladite commission est décrit dans le préambule de cette loi. D'après ce préambule, le délégué du Pouvoir exécutif avait pour mission de régulariser les institutions de la CGT et de « prévoir les mesures qui permettraient, dans les plus brefs délais, de mettre ordre dans la structure syndicale sans autre ingérence officielle que celle qui est inévitable pour poser les bases indispensables permettant aux travailleurs, par l'action de leurs propres organismes, d'assurer la représentation légitime à laquelle ils ont droit dans les affaires nationales ». Le préambule ajoute que le délégué a mené sa tâche à bien, conformément à ces directives. Il a été constitué une commission nationale, composée de membres des associations professionnelles des travailleurs, qui ont assuré la représentation de vastes secteurs du mouvement syndical et qui, dans leur ensemble, expriment l'opinion de la totalité du secteur syndical.
- 359. Le préambule de la loi indique que cette commission nationale a fixé, par une déclaration publique établie par accord entre les associations professionnelles de travailleurs faisant partie de la commission, les buts de sa création et les normes de son action. Cette déclaration, dont le gouvernement a également communiqué le texte, indique entre autres que la commission réunira le congrès normalisateur de la CGT dans les cent vingt jours suivant sa date d'entrée en fonctions. Le texte de la loi par laquelle le gouvernement reconnaît ladite commission déclare que celle-ci est un organisme provisoire de direction de la CGT destiné à mener à bonne fin la régularisation des activités de cette centrale. La commission devra conformer ses activités aux normes de fonctionnement établies dans sa déclaration et représentera la CGT pendant la durée de son mandat. A ce titre, elle administrera les biens de cette centrale.
- 360. La même loi dispose que le délégué du Pouvoir exécutif désigné par la loi no 18281 remettra à la commission les biens et archives de la CGT.
- 361. Se fondant sur les éléments d'information communiqués par le gouvernement, le comité observe notamment que l'on a octroyé au délégué du Pouvoir exécutif les fonctions et les droits accordés aux organismes de direction et d'administration de la CGT. C'est à son instigation qu'a été constituée une commission de réorganisation composée exclusivement des représentants des organismes syndicaux, reconnue par le gouvernement comme organe provisoire de direction de la CGT; en même temps, le gouvernement mettait fin aux fonctions du délégué désigné par la loi no 18281. La commission a l'intention de réunir le congrès normalisateur de la CGT dans les cent vingt jours suivant son entrée en fonctions.
- 362. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de la constitution de la Commission nationale de réorganisation et de normalisation de la CGT, composée exclusivement de dirigeants syndicaux, et du fait qu'il a été mis fin aux fonctions du délégué du gouvernement, et d'exprimer l'espoir que des élections syndicales auront lieu le plus tôt possible, conformément au principe contenu dans l'article 3 de la convention no 87, qui reconnaît le droit des associations professionnelles d'élire librement leurs représentants sans intervention des autorités.
- Allégations en instance
- 363. Le comité avait examiné certaines allégations selon lesquelles M. Ongaro, alors qu'il se disposait à assister à une manifestation populaire dans la province de Tucumán en janvier 1969, aurait été séquestré par des agents de la marine de guerre et de la police, emmené à quelque 1 500 kilomètres de son lieu d'arrestation et libéré. Le gouvernement avait répondu à ces allégations en niant cette séquestration et en précisant que M. Ongaro, invité par les autorités de la police à ne pas poursuivre son voyage à Tucumán parce qu'elles craignaient que des éléments extrémistes n'utilisent sa présence pour créer des troubles, avait demandé qu'on assurât son retour.
- 364. Compte tenu des divergences existant entre les deux versions, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement qu'il envoie des informations complémentaires pour permettre de se prononcer sur le fond de la question (paragr. 236 d) du 114ème rapport). Le comité observe que le gouvernement n'a pas encore fait parvenir ces informations.
- 365. Le comité a également eu à connaître d'une allégation selon laquelle le syndicaliste Emilio Jáuregui aurait été assassiné le 26 juin 1969, en pleine rue, par la police. Le gouvernement n'ayant pas présenté d'observations sur cette allégation, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement des renseignements sur les mesures prises pour établir les faits et, le cas échéant, le résultat de ces mesures (paragr. 236 f) ii) du 114ème rapport). Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas non plus communiqué ces renseignements.
- 366. Dans une communication du 27 novembre 1969, la CMT allègue que M. Carlos Bongiovani, délégué syndical de la section « Rutas de Consumidores », aurait été suspendu de son travail en raison de ses activités syndicales. Le gouvernement n'a pas envoyé d'observations à cet égard.
- 367. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de demander de nouveau au gouvernement d'envoyer le plus tôt possible les informations qui lui ont déjà été demandées à l'égard des deux allégations concernant la séquestration de M. Ongaro et la mort de M. Emilio Jáuregui, et de bien vouloir formuler ses observations en ce qui concerne l'allégation relative aux mesures de discrimination antisyndicale prises contre M. Carlos Bongiovani.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 368. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) en ce qui concerne les allégations relatives à la condamnation de M. Elpidio Torres et d'autres syndicalistes par des tribunaux militaires, et à la détention de M. Raimundo Ongaro et de divers syndicalistes, de prendre note du fait que les intéressés ont été libérés en vertu de la loi d'amnistie et d'autres mesures, et d'exprimer sa satisfaction pour le fait que, selon les déclarations du gouvernement, ces dispositions permettent d'assurer qu'il ne se trouve dans tout le territoire argentin aucun dirigeant syndical privé de liberté;
- b) en ce qui concerne les allégations relatives à la désignation d'un délégué du gouvernement auprès de la CGT, de prendre note de la constitution de la Commission nationale de réorganisation et de normalisation de la CGT, composée exclusivement de dirigeants syndicaux, et du fait qu'il a été mis fin aux fonctions du délégué du gouvernement, et d'exprimer l'espoir que des élections syndicales auront lieu le plus tôt possible conformément au principe énoncé dans l'article 3 de la convention no 87, ratifiée par l'Argentine, qui reconnaît le droit des associations professionnelles d'élire librement leurs représentants sans l'intervention des autorités;
- c) en ce qui concerne les autres allégations en instance, de demander de nouveau au gouvernement d'envoyer le plus tôt possible les informations qui lui ont été déjà demandées à l'égard des allégations relatives à la séquestration de M. Ongaro et à la mort de M. Emilio Jáuregui, et de bien vouloir formuler ses observations en ce qui concerne l'allégation relative aux mesures de discrimination antisyndicale prises contre M. Carlos Bongiovani, restant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport une fois reçues ces informations.