Visualizar en: Inglés - Español
- 19. La plainte est contenue dans une communication en date du Il décembre 1969 adressée directement à l'OIT par l'Organisation centrale des travailleurs suédois (SAC). Le texte de la plainte a été porté à la connaissance du gouvernement le 3 février 1970 afin qu'il fasse parvenir ses observations, ce qu'il a fait par une communication datée du 29 avril 1970.
- 20. La Suède a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 21. Il est allégué que la loi suédoise sur les syndicats autorise l'insertion de clauses d'exclusivité syndicale dans les conventions collectives, ce qui a eu pour effet, dans un certain nombre de cas, d'empêcher les membres de l'organisation plaignante d'obtenir ou de conserver un emploi auprès d'un employeur qui avait conclu une telle convention avec un autre syndicat. Les clauses d'exclusivité syndicale ne permettent pas aux travailleurs d'appartenir au syndicat de leur choix. Les plaignants allèguent en outre qu'aux termes de la loi ce sont non seulement les travailleurs du secteur privé, mais aussi les fonctionnaires publics qui peuvent faire l'objet de cette discrimination en matière d'emploi et qu'il est même arrivé que, par suite d'une clause d'exclusivité syndicale, des emplois offerts par le Service de l'emploi aient été réservés exclusivement aux travailleurs affiliés à la Confédération suédoise des syndicats (LO).
- 22. A l'appui de leurs assertions, les plaignants font état de plusieurs cas de conventions collectives contenant une clause d'exclusivité syndicale où l'employeur est une commune, c'est-à-dire un organisme public. A titre d'exemple, ils citent des dispositions qui prévoient que la commune, lorsqu'elle engage de nouveaux travailleurs, doit donner la priorité aux membres du syndicat partie à la convention ou n'engager que des travailleurs affiliés audit syndicat. Les plaignants affirment que certains membres de la SAC habitant dans des communes où de telles conventions sont en vigueur se sont trouvés de ce fait dans l'impossibilité d'obtenir un emploi, et que d'autres ont même été congédiés. Ils déclarent également que lorsqu'elle a repris une société de construction privée qui employait un membre de la SAC l'entreprise de construction relevant de la LO a signifié au travailleur en question qu'il serait congédié s'il ne changeait pas de syndicat. Faute d'avoir obtempéré, l'intéressé a été licencié. Les plaignants soutiennent que le fait même que de tels cas puissent se produire prouve que la protection accordée aux travailleurs en vertu de la législation sur la liberté syndicale est tout à fait insuffisante et qu'il est nécessaire d'interdire absolument l'insertion de clauses d'exclusivité syndicale dans les conventions collectives.
- 23. Les plaignants allèguent en outre que, selon la législation et la pratique actuellement en vigueur dans le pays, un syndicat peut conclure avec un employeur une convention collective contenant une clause qui lui accorde le monopole de l'évaluation du travail aux pièces et l'autorise à imposer une taxe à tous les travailleurs intéressés, y compris ceux qui ne lui sont pas affiliés. De l'avis des plaignants, le fait que cette taxe non seulement couvre le coût réel de l'évaluation, mais fournit souvent aussi un excédent qui entre dans le budget ordinaire du syndicat partie à la convention, rend cette pratique tout à fait incompatible avec le droit d'association.
- 24. Les plaignants affirment, d'autre part, que la convention (no 111) concernant la discrimination, 1958, n'est pas appliquée. Selon l'article 1 de la convention, par discrimination il faut entendre notamment toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur l'opinion politique qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession. En raison de l'approbation par le Tribunal suédois du travail de clauses d'exclusivité syndicale dans les conventions collectives, « nos membres sont privés du droit qui leur permettrait d'obtenir ou, dans bien des cas, de conserver un emploi auprès d'un employeur lié par une de ces conventions. Cela signifie qu'un travailleur partageant nos opinions est empêché, contre sa volonté, de s'affilier à notre organisation. »
- 25. Dans ses observations, le gouvernement relève que les clauses d'exclusivité syndicale insérées dans les conventions collectives ne sont valables que dans la mesure où elles n'enfreignent pas les dispositions de la loi suédoise garantissant la liberté syndicale. Le contenu de ces clauses varie. Elles stipulent parfois que l'employeur donnera la priorité aux membres de l'organisation de salariés qui a conclu la convention ou qu'il n'emploiera que des membres de cette organisation. Dans d'autres cas, elles disposent que tout travailleur au service de l'employeur en question devra s'affilier à l'organisation qui est partie à la convention dans un laps de temps déterminé après son engagement. D'autre part, aux termes de la loi sur la liberté d'association, tout employeur qui congédie un travailleur parce qu'il appartient à une organisation syndicale déterminée enfreint le droit d'association, même si le congédiement en question découle de l'application par l'employeur d'une clause d'exclusivité syndicale figurant dans une convention collective à laquelle il est partie. Le gouvernement signale en outre que le Tribunal du travail, dont relèvent exclusivement les questions relatives à la liberté d'association, est habilité à ordonner la réintégration d'un travailleur congédié sans raison valable. De surcroît, le tribunal a posé le principe qu'un employeur qui menace de congédier un membre d'une organisation syndicale s'il n'adhère pas à une autre organisation avec laquelle il a conclu une convention collective contenant une clause d'exclusivité syndicale enfreint le droit d'association, et cela même s'il n'exige pas dudit travailleur qu'il quitte l'organisation à laquelle il est affilié.
- 26. Le gouvernement conclut ses observations sur ce point en attirant l'attention sur le fait que les clauses d'exclusivité syndicale s'appliquent uniquement: a) aux salariés qui n'appartiennent à aucun syndicat; b) aux demandeurs d'emploi non syndiqués ou aux demandeurs d'emploi qui sont affiliés à une autre organisation que celle avec laquelle l'employeur a conclu une convention collective, et que l'existence de telles clauses ne peut être invoquée pour justifier le licenciement d'un travailleur appartenant à un syndicat qui n'est pas le syndicat partie à la convention.
- 27. En ce qui concerne les allégations relatives au monopole de l'évaluation du travail aux pièces, le gouvernement déclare que le Tribunal du travail a estimé que l'octroi d'un tel monopole ne constituait pas en soi une infraction à la loi sur les syndicats, mais qu'il y aurait violation du droit des travailleurs qui ne sont pas affiliés au syndicat partie à la convention si la clause relative à la retenue d'une taxe d'évaluation sur le salaire permettait audit syndicat de percevoir une somme qui non seulement couvre le coût réel de l'évaluation, mais encore fournit un excédent utilisé pour promouvoir les activités régulières de ce même syndicat.
- 28. Pour ce qui est des allégations selon lesquelles la législation et la pratique suédoises concernant les clauses d'exclusivité syndicale sont incompatibles avec la convention no 111, le gouvernement déclare que la priorité en matière d'embauchage résultant des clauses en question est fondée sur l'inféodation du demandeur d'emploi à un syndicat. Conformément à l'article 3 de la convention no 87, les syndicats suédois sont libres de déterminer la teneur de leurs statuts, et cette liberté implique le droit d'appartenir à l'organisation. Pour cette seule raison, il semble impossible de soutenir que le fait d'autoriser l'insertion d'une clause d'exclusivité syndicale au profit d'une organisation syndicale est en contradiction avec les obligations qui incombent à un Etat Membre ayant ratifié la convention no 111. Le gouvernement signale en outre qu'en Suède l'appartenance à un syndicat ou à une organisation professionnelle n'a habituellement rien à voir avec l'opinion politique.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 29. Le comité rappelle que l'article 1 de la convention no 98 dispose que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et qu'une telle protection doit notamment s'appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de subordonner l'emploi d'un travailleur à la condition qu'il ne s'affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d'un syndicat, ou encore de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens en raison de son affiliation syndicale. Il s'ensuit que, si la convention protège le droit positif des travailleurs d'appartenir à un syndicat, elle ne protège pas le droit syndical négatif, c'est-à-dire le droit de ne pas adhérer à un syndicat.
- 30. En ce qui concerne les clauses d'exclusivité syndicale figurant dans les conventions collectives, le comité a toujours été d'avis, conformément à l'opinion exprimée par la Conférence internationale du Travail, que la question des clauses de sécurité syndicale devait être réglementée selon la pratique nationale. Lorsqu'il a été appelé à s'occuper de cette question dans des cas antérieurs, le comité s'est référé à la déclaration de la Commission des relations professionnelles instituée par la Conférence, qui a examiné cette même question notamment lors de la discussion du texte de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, déclaration dont la teneur est la suivante: « La commission s'est finalement mise d'accord pour exprimer dans son rapport l'opinion que la convention ne devrait d'aucune façon être interprétée comme autorisant ou interdisant les clauses de sécurité syndicale et que de telles questions relèvent de la réglementation et de la pratique nationales 2. » Ce point de vue a été approuvé par la Conférence lorsqu'elle a adopté le rapport.
- 31. Pour ce qui est des taxes d'évaluation du travail aux pièces, le comité estime que c'est à l'autorité judiciaire compétente qu'il appartient de remédier aux abus - consistant par exemple à fixer un montant supérieur au coût réel de l'évaluation - qui auraient pu être commis dans l'établissement de ces taxes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 32. Dans ces conditions, et compte tenu des garanties législatives et judiciaires offertes par le système juridique suédois, mentionnées au paragraphe 25 ci-dessus, garanties qui sont conformes à l'article 1 de la convention no 98, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que le présent cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.