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Informe provisional - Informe núm. 131, 1972

Caso núm. 683 (Ecuador) - Fecha de presentación de la queja:: 28-SEP-71 - Cerrado

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  1. 176. La plainte de la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne figure dans une communication datée du 28 septembre 1971 adressée directement à l'OIT. La Confédération mondiale du travail s'est associée à cette plainte par une communication en date du 8 octobre 1971. La CMT a adressé aux Nations Unies, le 8 octobre 1971 également, une plainte qui a été communiquée à l'OIT conformément aux procédures établies. Ces plaintes ont été transmises au gouvernement qui a fait connaître ses observations par trois communications respectivement datées des 9 novembre 1971, 28 décembre 1971 et 7 février 1972.
  2. 177. L'Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 178. Dans sa communication du 28 septembre 1971, la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC) déclare que le 23 juillet 1971 a été formé le Front unitaire des travailleurs (FUT), composé des deux principales confédérations nationales de travailleurs: la Confédération équatorienne d'organisations syndicales chrétiennes (CEDOC) et la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE), et des autres organisations syndicales nationales suivantes: Confédération équatorienne des employés d'organismes d'économie mixte et d'établissements bancaires (CESBANDOR), Association des retraités de la force publique et Fédération des travailleurs de l'industrie électrique de l'Equateur (FEDELEC).
  2. 179. Ce fait, déclarent les plaignants, était la conséquence logique de la maturité du mouvement syndical qui comprenait que sa force résidait dans l'unité inébranlable des travailleurs placés dans une situation critique par le manque de planification du développement national, le renchérissement de la vie (plus de 50 pour cent), la dévaluation de la monnaie et l'absence des droits syndicaux les plus élémentaires.
  3. 180. Les plaignants ajoutent que le FUT a adopté un programme d'action en dix-sept points qui résumait les aspirations des travailleurs équatoriens et que ces aspirations, contrairement à ce que le gouvernement alléguait, n'étaient pas de nature politique (une photocopie de ce programme était jointe à la plainte).
  4. 181. Le gouvernement n'ayant pas donné suite aux revendications des travailleurs, le FUT a déclaré une grève nationale de quarante-huit heures pour les 28 et 29 juillet 1971. Les plaignants allèguent qu'en réponse à cette grève nationale le gouvernement se serait livré à une persécution organisée et acharnée contre les dirigeants syndicaux dont il aurait arrêté plus de trois cents le soir du 27 juillet 1971 et qu'il aurait en outre fait fouiller les domiciles des dirigeants et les locaux des organisations syndicales.
  5. 182. Le 28 juillet, poursuivent les plaignants, le Président de l'Equateur a convoqué une conférence de presse dans laquelle il a déclaré notamment: « Ces individus (les dirigeants syndicaux) qui dirigent la rébellion qui agite le pays tous les jours, qu'ils sachent que, si la grève s'accentue, je leur en ferai supporter les conséquences d'une manière qui les fera pleurer toute leur vie... qu'ils ne viennent pas ensuite me demander miséricorde... » Auparavant, le 27 juillet, le Président avait pris le décret exécutif no 1079-A donnant aux employeurs la possibilité de congédier tous les travailleurs qui observeraient la grève nationale. D'après les plaignants, rien qu'à Quito, la capitale, le nombre de licenciements aurait été de deux cent onze, le 28 juillet, et on calculait que le nombre total des travailleurs ainsi congédiés dépassait dix mille pour l'ensemble du pays.
  6. 183. Les plaignants ajoutent que le 29 juillet le Président a promulgué le décret exécutif no 1106 portant dissolution du Syndicat national des travailleurs de la sécurité sociale équatorienne, auquel la décision ministérielle no 11541 avait reconnu la personnalité juridique depuis le 10 juillet 1968 et qu'il a ordonné le licenciement de quarante-deux travailleurs de cette institution dont la seule faute avait été d'exécuter l'ordre de grève donné par le FUT.
  7. 184. Il est en outre allégué que le 30 juillet le gouvernement aurait créé, au niveau de la présidence de la République, et par décret exécutif, un département de contrôle de toutes les stations de radio et de télévision, ordonnant à ces institutions de s'abstenir de transmettre quelque information que ce soit au sujet de la grève nationale et des activités du FUT, et qu'il aurait fermé plusieurs émetteurs, notamment celui de Radio Quito, l'un des plus écoutés dans le pays.
  8. 185. De plus, d'après les plaignants, le 27 juillet, le gouvernement, avec le concours de l'armée, aurait brutalement mis fin au septième Congrès latino-américain de sécurité sociale, auquel assistaient plus de neuf cents délégués étrangers appartenant à vingt-quatre pays. La seule raison donnée de ce geste aurait été que l'on avait proposé dans ce congrès une motion de solidarité et d'appui à la grève.
  9. 186. Pour conclure, les plaignants déclarent que, depuis le 27 juillet 1971, le gouvernement a lancé des mandats d'arrêt contre tous les dirigeants du Front unitaire des travailleurs qui agissent dans la clandestinité. Le décret no 1079-A n'aurait pas encore été abrogé et les employeurs en profiteraient pour congédier les travailleurs sous le simple prétexte que ceux-ci « préparaient une grève subversive ». D'après les plaignants, le gouvernement aurait de plus ordonné aux services du ministère du Travail de ne pas donner suite à la moindre demande d'une organisation syndicale quelconque si elle était affiliée au FUT.
  10. 187. Par une communication datée du 8 octobre 1971, la Confédération mondiale du travail déclare s'associer pleinement à la plainte présentée par la CLASC et prie l'OIT d'enquêter sur la situation existant en Equateur quant au respect de la liberté syndicale et des droits syndicaux d'une manière générale. Dans son autre communication, adressée aux Nations Unies, la CMT reprend les allégations énoncées dans les paragraphes qui précèdent.
  11. 188. Le gouvernement équatorien, dans ses communications datées des 9 novembre 1971, 28 décembre 1971 et 28 janvier 1972, rejette les allégations dans lesquelles il voit des attaques de nature politique sans rapport aucun avec les questions de liberté syndicale. Ces attaques, déclare le gouvernement, constituent une « immixtion inadmissible dans la politique intérieure du pays » et prouvent clairement l'intention qui animait les plaignants lorsqu'ils ont formulé leurs allégations.
  12. 189. D'après le gouvernement, sur les dix-sept points du « programme d'action » deux seulement concernent des questions de travail, les quinze autres ayant trait à l'autonomie de l'université et à d'autres questions. Le gouvernement ne se sentait pas tenu de déférer à ces recommandations et ne l'a donc pas fait. Il était donc faux d'avancer, comme le font les plaignants, que le gouvernement, en refusant de donner suite à ces revendications, se dérobait à des obligations auxquelles il aurait souscrit. En outre, aucun gouvernement n'aurait été en mesure de donner satisfaction immédiate à des revendications de travailleurs telles que relèvement des traitements et salaires, application d'une réforme agraire intégrale, etc., sans en étudier attentivement les conséquences éventuelles.
  13. 190. Le seul but de la grève nationale déclarée les 28 et 29 juillet était, d'après le gouvernement, de le renverser; en fait, l'immense majorité des travailleurs aurait refusé de participer à cette grève illégale. De plus, poursuit le gouvernement, la grève était illégale puisqu'elle n'avait pas été organisée conformément aux procédures prévues aux articles 436 et suivants du Code du travail. Contrairement à la loi, les revendications des travailleurs n'avaient pas été présentées à un inspecteur du travail, mais directement au Président de la République. Le gouvernement s'était donc trouvé dans l'obligation de prendre des mesures pour mettre un terme à cette action illégale.
  14. 191. Pour faire face à la situation d'urgence ainsi créée, le gouvernement a promulgué le décret no 1079-A, du 27 juillet 1971, qui autorise les employeurs à solliciter des autorités du travail la permission de mettre fin au contrat de travail de tout travailleur ayant participé à la grève illégale. Toutefois, une fois la période critique passée, le décret no 1323 a été promulgué le 31 août 1971; ce décret donne pouvoir aux autorités du travail de vérifier et de corriger les mesures prises par les employeurs en vertu du décret no 1079-A. Il n'était pas nécessaire, déclare le gouvernement, d'abroger formellement le décret no 1079-A puisqu'il n'était applicable que pendant la durée de la grève. Du fait de son caractère d'exception, le décret n'a entraîné aucune modification au Code du travail et n'a aucunement porté atteinte aux principes de la liberté syndicale et du droit de grève dont l'application est reconnue pour autant qu'elle se fasse dans le cadre de la légalité. Le nombre total des travailleurs licenciés, pour l'ensemble du pays, se serait élevé à deux cent cinquante-quatre, dont environ 60 pour cent auraient retrouvé leur travail, quelques-uns des autres ayant été indemnisés pour congédiement injustifié.
  15. 192. En ce qui concerne le Syndicat national des travailleurs de la sécurité sociale équatorienne, qui - selon le gouvernement - était une des organisations les plus activement engagées dans la grève, le gouvernement explique que ce syndicat a perdu la personnalité juridique pour n'avoir pas conformé son activité à ses buts déclarés et n'avoir pas respecté l'ordre légal. C'est pourquoi le gouvernement s'était vu obligé de le dissoudre. Le gouvernement ajoute que, dans un geste de compréhension, il avait ordonné la réintégration de tous les travailleurs de l'Institut équatorien de sécurité sociale (IESS) qui avaient été congédiés. A ce sujet, le gouvernement envoie une coupure de presse faisant état de la reconnaissance manifestée par ces travailleurs au Président de la République et au ministre de la Prévoyance sociale et du Travail à l'occasion de ce geste. Le gouvernement déclare que l'Association des employés de l'IESS qui, elle, se consacre à sa tâche spécifique, n'a nullement été inquiétée et a continué à s'acquitter normalement de ses fonctions.
  16. 193. Le contrôle exercé sur les postes émetteurs de radio et de télévision, déclare le gouvernement, était indispensable en raison de la situation d'urgence politique et n'avait rien à voir avec la liberté syndicale.
  17. 194. En ce qui concerne la clôture du septième Congrès latino-américain de sécurité sociale, le gouvernement indique que cette mesure a été motivée par le fait que ce congrès s'était ingéré dans des questions relevant de la politique interne du pays, ce que la Constitution et les lois de la République interdisent à des étrangers qui bénéficient de son hospitalité.
  18. 195. Le gouvernement indique en outre que les dirigeants du FUT ont accès aux ministères du Travail et de la Prévoyance sociale en vue du règlement des conflits du travail et d'autres problèmes touchant les travailleurs et, qu'en fait, ils jouissent d'un traitement privilégié dans l'examen quotidien des fréquents problèmes que posent les conflits collectifs du travail. Qui plus est, poursuit le gouvernement, les dirigeants de la Confédération des travailleurs de l'Equateur (CTE) et de la Confédération équatorienne d'organisations syndicales chrétiennes (CEDCO) ont récemment exprimé en public leur soutien au ministre du Travail qui avait été attaqué par certains employeurs. Les dirigeants de ces organisations, ainsi que ceux de la Confédération équatorienne des organisations syndicales libres (CEOSL), se sont réunis au bureau du ministre du Travail et ont été consultés sur la forme que doit revêtir le Code de procédure du travail et sur la manière dont les organisations de travailleurs participeront à la direction du Service équatorien de formation professionnelle (SECAP). Ces consultations se sont déroulées dans la plus grande cordialité. Par conséquent, précise le gouvernement, les dirigeants syndicaux, quels qu'ils soient, loin de devoir exercer leur activité dans la clandestinité, jouissent de l'appui des autorités. Il est donc inconcevable que des mandats d'arrêt aient été lancés contre ces dirigeants syndicaux. Les mandats qui auraient pu être lancés n'étaient valides que tant que durait la situation d'urgence.
  19. 196. A l'heure actuelle, conclut le gouvernement, les relations entre le gouvernement et les organisations de travailleurs sont harmonieuses et les principes de la liberté d'association continuent d'être respectés comme ils l'ont été dans le passé.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 197. Le comité a toujours considéré que les questions politiques ne mettant pas en cause l'exercice des droits syndicaux échappent à sa compétence. A cet égard, le comité se réfère notamment au programme d'action adopté par le Front unitaire des travailleurs, dont l'essentiel lui paraît soit de nature politique, soit sans rapport avec les questions de travail. Le comité constate que le programme d'action prévoit, entre autres, la mise en place d'un gouvernement populaire et démocratique et envisage des réformes en matière de défense nationale, d'économie, de questions sociales et d'éducation ainsi que dans l'administration et la fonction publique. Par suite du refus du gouvernement de donner satisfaction aux revendications énoncées dans ledit programme, le Front unitaire des travailleurs a déclenché une grève nationale de quarante-huit heures.
  2. 198. Dans ces conditions, le comité tient à rappeler qu'il a jusqu'à présent toujours considéré que l'interdiction d'une grève dépourvue de caractère professionnel ou visant à exercer une contrainte sur le gouvernement dans un but politique, ou dirigée contre la politique d'un gouvernement sans viser à la solution d'un différend du travail, ne constitue pas une atteinte à la liberté syndicale.
  3. 199. En ce qui concerne l'allégation relative à l'arrestation et à l'emprisonnement de plus de trois cents dirigeants syndicaux, le soir du 27 juillet 1971, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention sur le principe selon lequel les syndicalistes accusés de délits politiques ou d'actes criminels doivent être jugés sans tarder par une autorité judiciaire impartiale et indépendante et de prier le gouvernement de fournir des informations aussi complètes et précises que possible sur les mesures qui ont été prises à l'égard des dirigeants syndicaux qui auraient été emprisonnés.
  4. 200. Pour ce qui est de la dissolution du Syndicat national des travailleurs de la sécurité sociale équatorienne, le comité, tout en prenant note des circonstances dans lesquelles cette organisation a été dissoute, souhaite insister sur l'importance qu'il accorde au principe selon lequel les organisations d'employeurs et de travailleurs ne doivent pas faire l'objet de mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative et que toute mesure de ce genre, qui aurait été prise dans une situation d'urgence, doit être assortie de garanties judiciaires normales, y compris le droit de recourir par-devant les tribunaux contre la décision de dissolution ou de suspension. En conséquence, le comité recommande au Conseil d'administration d'appeler l'attention du gouvernement sur ce principe et de le prier d'indiquer si la dissolution du syndicat considéré a été assortie de garanties judiciaires et, étant donné que la situation exceptionnelle qui s'était présentée semble avoir pris fin, si le syndicat a été reconstitué ou, dans la négative, sous quelles conditions il pourrait l'être.
  5. 201. Le comité a également pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les mesures de restriction prises à l'égard des stations de radio et de télévision ainsi que des autres moyens de grande information n'ont aucun rapport avec les questions du travail. A cet égard, le comité a estimé, dans des cas précédents, que la publication et la diffusion de nouvelles ou d'informations présentant un intérêt général ou un intérêt particulier pour les syndicats et leurs membres constituent des activités syndicales légitimes et que l'application de mesures tendant à contrôler la publication et la diffusion d'informations peut constituer une ingérence grave de la part des autorités administratives dans l'exercice de ces activités. Dans de tels cas, les mesures prises par l'autorité administrative devraient pouvoir faire l'objet d'un examen judiciaire dans les plus brefs délais. Néanmoins, puisque les restrictions imposées par le gouvernement semblent avoir revêtu un caractère temporaire et avoir visé exclusivement la diffusion d'informations relatives à la grève illégale, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 202. Dans ces conditions et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'appeler l'attention sur le principe selon lequel l'interdiction d'une grève dépourvue de caractère professionnel, ou visant à exercer une contrainte sur le gouvernement dans un but politique, ou dirigée contre la politique du gouvernement sans viser à la solution d'un différend du travail ne constitue pas une atteinte à la liberté syndicale;
    • b) en ce qui concerne les restrictions imposées par le gouvernement sur la diffusion d'informations par les stations émettrices de radio et de télévision et par les autres moyens de grande information, d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe exposé au paragraphe 201 ci-dessus et de décider, pour les raisons données dans ledit paragraphe, que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi;
    • c) d'appeler l'attention sur le principe exposé au paragraphe 199 ci-dessus et de prier le gouvernement de fournir des informations aussi complètes et précises que possible concernant les mesures qui ont été prises à l'égard des dirigeants syndicaux qui, selon les allégations, auraient été emprisonnés;
    • d) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe exprimé au paragraphe 200 ci-dessus et de le prier d'indiquer si la dissolution du Syndicat national des travailleurs de la sécurité sociale équatorienne a été assortie de garanties judiciaires et si le syndicat a été reconstitué ou, dans la négative, sous quelles conditions il pourrait l'être;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport au Conseil d'administration lorsqu'il aura reçu les informations demandées au gouvernement aux alinéas c) et d) ci-dessus.
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