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- 99. La plainte de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de l'agriculture, des forêts et des plantations figure dans une communication en date du 19 décembre 1973. Elle a été dûment transmise au gouvernement qui a présenté ses observations dans trois communications en date du 28 février, du 30 avril et du 14 mai 1974 respectivement.
- 100. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 101. Dans leur communication en date du 19 décembre 1973, les plaignants déclarent que, le 23 juillet 1973, un fort appareil policier a arrêté chez lui Ramón Danzós Palomino, Secrétaire général de la Centrale paysanne indépendante et vice-président de l'Union internationale des syndicats des travailleurs de l'agriculture, des forêts et des plantations (UISTAFP). Selon les plaignants, il aurait été transféré de Mexico City à la prison du village d'Atlixco, dans l'Etat de Puebla, où il aurait été accusé d"'occupation abusive de terres et d'incitation au crime". Les plaignants ajoutent que, bien que la caution de 50.000 pesos ait été versée, un autre procès, avec les mêmes chefs d'accusation, a été intenté contre Ramón Danzós Palomino à Tecamachalco, qui se trouve aussi dans l'Etat de Puebla.
- 102. Les plaignants déclarent que les juges ont refusé de joindre les deux procès en un seul, ce qui, affirment-ils, peut amener à l'emprisonnement prolongé de l'accusé. Cette crainte, poursuivent les plaignants, est encore renforcée par des nouvelles diffusées au Mexique, selon lesquelles des autorités judiciaires d'autres Etats l'accusent de crimes du même genre.
- 103. Les plaignants expliquent que les accusations contre Danzós Palomino sont fondées sur des déclarations que quelques paysans auraient faites - lors de leur arrestation par l'armée après leur expulsion de terres qu'ils avaient occupées - concernant leur appartenance à l'organisation dirigée par Palomino. Les plaignants ajoutent que certaines affirmations contenues dans des discours de Palomino auraient également motivé son arrestation. Selon les plaignants, Palomino a déjà été arrêté et mis en accusation plusieurs fois en sa qualité de dirigeant paysan. Ils allèguent que ces arrestations répétées constituent des violations flagrantes des libertés syndicales et des droits du citoyen. Les plaignants ont présenté plusieurs requêtes au Président des Etats-Unis du Mexique afin d'accélérer la mise en liberté de Palomino; ils indiquent toutefois qu'à la date de la soumission de la plainte, ils n'avaient reçu qu'un accusé de réception de leur dernière lettre datée du 5 septembre 1973.
- 104. Les plaignants ajoutent qu'un autre dirigeant de la Centrale paysanne indépendante, Samuel Sánchez Torres, se trouve également en prison, à Morelia, en raison de ses activités syndicales et que quinze autres paysans sont en prison à Atlixco et à Tecamachalco.
- 105. Dans la première communication qu'il a envoyée en réponse aux allégations, en date du 28 février 1974, le gouvernement confirme que Ramón Danzos Palomino est incarcéré à la prison municipale d'Atlixco (Etat de Puebla), sous l'inculpation d'occupation abusive de terres, d'incitation au crime et de résistance à l'exécution de la loi. Le gouvernement ajoute que l'instruction des faits avait fait ressortir une série d'actes présumés délictueux qui ne sont pas mentionnés par les plaignants. Selon le gouvernement, l'arrestation de Ramón Danzós Palomino avait été précédée d'une plainte déposée contre lui par Esteban Schiavan Braccinni le 24 juillet 1973. Celui-ci, citoyen mexicain par naissance, avait soumis au représentant du ministère de l'Intérieur du district d'Atlixco une plainte selon laquelle un groupe de paysans aurait pris possession illégalement, au lieu dit Xaxalpa, de terres qui lui appartenaient légitimement en vertu d'un contrat écrit d'achat-vente conclu avec Maria Ofelia Fernández Ruiz de Calles en date du 29 juin 1956. Braccinni avait affirmé que, depuis cette date, il exploitait cette terre de façon utile et pacifique et qu'il détenait le certificat d'insaisissabilité no 21.342 délivré par le Service de l'agriculture le 1er juillet 1948. Le gouvernement explique qu'au Mexique, coexistent les terres communales, connues sous le nom de ejido, et la petite propriété privée. Les petits propriétaires qui travaillent la terre conformément aux dispositions légales en vigueur peuvent obtenir des certificats d'insaisissabilité qui empêchent le partage éventuel de leurs terres. Un groupe de paysans, poursuit le gouvernement, ameutés par Ramón Danzós Palomino, a envahi les terres de Xaxalpa. Ils étaient armés de machettes, mais, selon les apparences, n'avaient pas l'intention d'attaquer le propriétaire de la terre. Ils cherchaient, semble-t-il, à créer une situation de fait qui aurait obligé le propriétaire à négocier avec eux. Devant cette situation et au vu de la plainte déjà déposée, les autorités compétentes ont décidé de faire respecter la loi et de veiller au maintien de la paix publique; elles ont en conséquence ordonné l'arrestation de Ramón Danzos Palomino.
- 106. Le gouvernement déclare qu'étant donné que la constitution garantit la liberté d'association et la liberté d'opinion, la Centrale paysanne indépendante et d'autres groupes extrémistes ne sont pas interdits et ne font pas, non plus, l'objet de poursuites ou de persécution. C'est ainsi que la Centrale paysanne indépendante possède, sur tout le territoire du Mexique, de nombreux bureaux dans lesquels elle organise des réunions qui prennent parfois un caractère de violence, car il s'y profère des accusations outrancières contre les institutions mexicaines, le gouvernement et des particuliers. Cependant, les organisateurs de ces réunions ont toujours été laissés en paix par les autorités, sauf lorsque leurs actes enfreignaient les dispositions de la législation pénale mexicaine.
- 107. Le gouvernement explique qu'étant donné la séparation des pouvoirs au Mexique, l'exécutif (c'est-à-dire le gouvernement) n'est pas en mesure de prendre position quant à la responsabilité pénale de Danzos Palomino et de ses coaccusés puisque l'affaire est en instance.et qu'il incombe aux tribunaux de statuer sur le bien-fondé des accusations. Le gouvernement déclare toutefois qu'il est en mesure de donner toute assurance que les inculpés ont bénéficié et bénéficient de toutes les garanties juridiques prévues par l'article 20 de la constitution fédérale.
- 108. Le gouvernement estime que la plainte formulée par l'Union internationale des syndicats des travailleurs de l'agriculture, des forêts et des plantations est sans objet du fait que Ramón Danzos Palomino et ses coaccusés sont jugés selon la même procédure que n'importe quelle autre personne ayant fait l'objet d'accusations analogues et qu'il appartient aux tribunaux mexicains de décider si les faits qui leur sont imputés ont ou non un caractère délictueux.
- 109. Dans sa communication suivante, en date du 30 avril 1974, le gouvernement transmet des copies de documents relatifs au procès no 81-973 en instance auprès du tribunal des affaires civiles et de défense sociale d'Atlixco contre Ramón Danzos Palomino et ses coaccusés.
- 110. En ce qui concerne M. Samuel Sánchez Torres, dirigeant de la Centrale paysanne indépendante, le gouvernement déclare qu'il est effectivement gardé à la disposition du juge de première instance du district de Morelia, Michoacán, pour avoir contrevenu à l'article 181 de la loi fédérale sur les eaux, car il avait déplacé, dans une intention dolosive, une prise d'eau, propriété de la nation. Il avait également gravement endommagé ladite prise d'eau et causé un préjudice considérable aux cultures de la localité. Le gouvernement précise que l'article 181 de la loi susmentionnée est ainsi conçu: "Quiconque endommage ou détruit une installation hydraulique appartenant à la nation sera passible d'une peine de prison de un à dix ans et d'une amende d'un montant équivalant au préjudice causé." M. Sánchez Torres se trouve également à la disposition du juge pour vol de cadenas et d'autres parties amovibles de la prise d'eau mentionnée ci-dessus, qui appartenaient au Secrétariat des ressources hydrauliques. Au moment de la réponse du gouvernement, le procès en était au stade où des preuves sont administrées par un défenseur choisi par M. Sánchez Torres. C'est à l'issue de cette phase de la procédure que la sentence doit être rendue. Le gouvernement explique que tous les documents relatifs au cas, ainsi que le mandat d'arrêt qui avait été délivré le 23 juin 1973, constituent un dossier très volumineux dont le greffe de première instance de Morelia enverra des copies conformes le plus rapidement possible au Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT.
- 111. Dans sa dernière communication en date du 14 mai 1974, le gouvernement déclare que le juge de première instance d'Atlixco (Etat de Puebla) a confirmé que M. Danzos Palomino est incarcéré dans cette ville sous les inculpations suivantes: occupation abusive de terres, association illicite, port d'arme illégal, incitation au crime et résistance à l'exécution de la loi, ces actes ayant été commis dans la juridiction de Tecamachalco. Le gouvernement ajoute que M. Palomino s'est rendu coupable des mêmes délits à Atlixco, Puebla, et que, bien qu'il ait été libéré sous caution, il demeure inculpé. Etant donné qu'il n'existe pas de prison à Tecamachalco, le juge a demandé au juge d'Atlixco de maintenir l'inculpé Palomino en détention dans la prison d'Atlixco. Le gouvernement poursuit en expliquant qu'en vertu de l'article 18 de la constitution du Mexique, les inculpés en détention préventive doivent être complètement séparés de ceux qui purgent une condamnation; l'inculpé ne doit pas nécessairement être incarcéré dans une prison correspondant au lieu où a été commis le délit, mais simplement dans le lieu déterminé par l'autorité compétente.
- 112. Selon le gouvernement, les délits commis à Atlixco et à Tecamachalco sont de nature différente. Dans le premier cas, Palomino a incité un groupe de personnes à prendre possession, par la violence, de terres ayant des propriétaires légitimes. Dans l'autre, il a prononcé des discours incitant ses auditeurs à commettre des délits ayant un caractère nettement subversif - en se faisant eux-mêmes justice. C'est là, précise le gouvernement, des délits sanctionnés par la Constitution et par le Code pénal. Le gouvernement ajoute que l'accusé n'a été inculpé que pour des délits de droit commun et qu'il appartient uniquement aux tribunaux de décider s'il est coupable ou non. Quand bien même il pourrait y avoir des doutes sur la responsabilité pénale de M. Palomino quant aux charges qui lui sont imputées, il n'en peut pas moins être incarcéré, en application de l'article 19 de la constitution aux termes duquel il suffit qu'une responsabilité soit probable pour mettre quelqu'un en prison.
- 113. Le gouvernement déclare que, si ces personnes étaient convaincues de délits de droit commun, la peine correspondante leur serait imposée. Il existerait toutefois un droit d'appel contre la sentence.
- 114. En ce qui concerne le procès de Samuel Sanchez Torres devant le juge de première instance du district (Etat de Michoacán-Morelia), le gouvernement transmet des documents judiciaires certifiés conformes pour examen par le comité. Le comité relève dans ces documents que l'intéressé a été emprisonné sous l'inculpation de résistance à l'exécution de la loi, violation de l'article 181 de la loi fédérale sur l'eau, dommage à une propriété et vol.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 115. Le comité a fait observer, à plusieurs occasions, qu'en cas d'allégations relatives à la poursuite et à la condamnation de dirigeants syndicaux, la seule question qui se pose est de savoir quelle était la véritable raison des mesures incriminées, et c'est seulement si ces mesures étaient motivées par des activités proprement syndicales qu'il y aurait atteinte à la liberté syndicale. En outre, dans tous les cas où des dirigeants syndicaux sont détenus de manière préventive, ces mesures peuvent entraîner un sérieux obstacle à l'exercice des droits syndicaux et le comité a toujours mis en relief le droit pour toutes les personnes détenues d'être jugées équitablement dans les délais les plus prompts.
- 116. Le comité a pris note des explications détaillées fournies par le gouvernement au sujet de l'arrestation, de la détention et du jugement des deux dirigeants syndicaux mentionnés dans la plainte, comme des chefs d'accusation précis qui ont motivé leur inculpation de la part des autorités. Dans le cas de M. Ramón Danzós Palomino, il s'agit de l'occupation de terres appartenant à autrui, association illicite, port illégal d'armes, résistance à l'exécution de la loi et incitation au crime; dans celui de M. Samuel Sánchez Torres, l'inculpation est motivée par une violation de la loi fédérale sur les eaux, la résistance à l'exécution de la loi, le dommage à des propriétés et vol. Les informations fournies par le gouvernement en rapport avec les délits dont sont accusées les personnes susmentionnées sont étayées par les documents judiciaires que le gouvernement a transmis. En outre, les personnes intéressées ont été jugées dans un délai raisonnable et le comité est convaincu qu'elles semblent, à tout moment, avoir bénéficié de tous les droits inhérents à une procédure judiciaire normale. Le comité estime aussi que les accusations contre les dirigeants syndicaux intéressés, qui ont motivé leur arrestation et leur incarcération, n'ont pas de rapport avec des actes qui pourraient être considérés comme rentrant dans les activités syndicales normales. En conséquence, l'intervention des autorités, qui ont arrêté, incarcéré et, par la suite, fait passer en jugement ces personnes, ne constitue pas, de l'avis du comité, une violation des droits syndicaux.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 117. Dans toutes ces circonstances, et pour ce qui est du cas pris dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration de décider, pour les raisons exposées au paragraphe 116 ci-dessus, que le cas n'appelle pas un examen plus approfondi.