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Informe definitivo - Informe núm. 194, Junio 1979

Caso núm. 887 (Etiopía) - Fecha de presentación de la queja:: 22-JUN-77 - Cerrado

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  1. 68. La plainte de la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) figure dans une communication en date du 22 juin 1977. La CMOPE a transmis des informations complémentaires dans une lettre en date du 22 août 1977. Le gouvernement a communiqué ses observations dans une lettre en date du 25 avril 1978. A la réunion qu'il a tenue en mai 1978, le comité a décidé de transmettre la substance des observations faites par le gouvernement à la CMOPE, pour tous commentaires que celle-ci souhaiterait formuler, étant entendu que le gouvernement aurait la possibilité de répondre à ces commentaires. Les commentaires de l'organisation plaignante, datés du 11 juillet 1978, ont été transmis au gouvernement pour qu'il puisse formuler ses observations.
  2. 69. L'Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 70. Dans sa lettre en date du 22 juin 1977, l'organisation plaignante a avancé que Kassahun Bisrat, secrétaire général de l'Association des enseignants d'Ethiopie (AEE), s'était récemment enfui au Soudan, car il avait été prévenu que sa vie, comme celle de plusieurs de ses collègues, était en danger imminent.
  2. 71. Dans sa lettre en date du 22 août 1977, la CMOPE, se référant à la plainte qu'elle avait déjà soumise au nom de l'Association des enseignants d'Ethiopie, a allégué qu'en septembre 1975, cette dernière avait tenu son assemblée générale annuelle à Jimma, capitale de la province de Keffa, et y avait adopté des résolutions concernant la participation des enseignants aux modifications de programmes scolaires, l'instauration de droits démocratiques dans le pays, ainsi que d'autres questions. Deux semaines plus tard, alors que le secrétariat reproduisait les résolutions à des fins de distribution, plus de 100 soldats armés accompagnés de cinq véhicules blindés ont fait une descente dans les locaux de l'AEE et ont arrêté tous les membres exécutifs de l'organisation, qui furent détenus pendant six mois. Ils ont confisqué les machines de dactylographie et de reproduction ainsi que d'importants documents appartenant à l'organisation. En conséquence, celle-ci fut fermée pendant sept mois. Dans toutes les régions du pays, des dirigeants de section et des enseignants furent arrêtés pour avoir organisé et exercé des activités syndicales dans le cadre du mouvement syndical des enseignants.
  3. 72. La CMOPE a aussi affirmé que, depuis septembre 1975, l'AEE avait été privée du droit d'être représentée au sein des organismes chargés des questions d'éducation, aux travaux desquels elle participait précédemment, que les représentants élus des enseignants avaient été exclus de toute activité de cet ordre et qu'instruction avait été donnée aux enseignants de se conformer, dans leur enseignement, aux lignes directrices expresses établies par le ministère de l'Education qui suivait des directives politiques.
  4. 73. En outre, la confédération a allégué qu'après la mise en liberté, en mars 1976, des cinq membres exécutifs de l'AEE et jusqu'en mars 1977, l'association avait maintes fois demandé au gouvernement l'autorisation de convoquer une assemblée générale, mais qu'elle lui avait été refusée. Pendant cette période, selon les estimations des dirigeants de l'AEE, 500 enseignants auraient été mis en prison et 500 seraient morts ou auraient disparu. Ainsi, dit la confédération plaignante, à Assebe Tefferi, 42 enseignants ont été arrêtés en février 1977, emprisonnés pendant deux semaines, puis tués.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 74. Dans sa lettre du 25 avril 1978, qui est signée par le ministre du Travail et des Affaires sociales, le gouvernement regretta que la CMOPE et l'OIT tiennent compte d'allégations fausses faites par des individus contre-révolutionnaires comme Kassahun Bisrat qui ont fui le pays parce que le nouvel ordre ne leur convenait pas. Selon le gouvernement, l'indifférence de M. Bisrat à l'égard de l'AEE est prouvée par le fait qu'avant de quitter le pays il avait essayé de présenter sa démission au ministère de l'Education, qui lui fit savoir que c'était auprès de l'association elle-même qu'il devait faire cette démarche.
  2. 75. Selon le gouvernement, l'assemblée générale annuelle tenue à Jimma en septembre 1975 avait été convoquée sans obtenir l'autorisation préalable; quelques membres de l'association ont posté leurs propres hommes autour du siège de l'assemblée, provoquant ainsi l'intervention de la police; sept membres de l'association qui avaient imposé leurs propres désirs à la majorité ont été détenus mais remis en liberté six mois plus tard. La soi-disant résolution adoptée par la réunion ne portait pas sur la participation des enseignants aux modifications des programmes scolaires, mais se bornait à reprendre des slogans et des revendications antirévolutionnaires qui ne reflétaient pas les voeux de la majorité des membres.
  3. 76. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'AEE aurait été fermée pendant sept mois, le gouvernement déclare que cette association n'a jamais été officiellement fermée et que l'on ne saurait trouver dans des coupures de presse ou des rapports officiels aucun élément appuyant une telle allégation. Néanmoins, du fait de la disparition des dirigeants élus (à l'exception du trésorier), il était difficile de faire fonctionner l'association, puisque le compte bancaire était entre leurs mains.
  4. 77. Le gouvernement déclare en outre que les enseignants n'ont en aucun cas été privés de leur droit d'être représentés ou de la possibilité de participer aux travaux des conseils chargés des questions d'éducation (modifications des programmes, etc.). Le ministère de l'Education n'a émis aucune directive rigoureuse concernant les programmes scolaires.
  5. 78. Selon le gouvernement, les enseignants d'Addis-Abéba et environs se sont réorganisés conformément aux voeux des membres et le rétablissement de l'association sur une base nationale ne saurait tarder. Le gouvernement déclare qu'aujourd'hui plus que jamais auparavant le droit de s'organiser et de se constituer en association est garanti dans le pays. En outre, il fait observer que le ministère du Travail et des Affaires sociales est chargé d'enregistrer les organisations de travailleurs exclusivement et non les associations professionnelles et que, de ce fait, il n'a pas à fournir d'explications concernant des questions débordant le cadre de ses compétences.
  6. 79. Enfin, le gouvernement exprime son grand étonnement de voir la CMOPE et l'OIT prendre en considération les allégations d'un individu contre-révolutionnaire et demande une explication de ce fait. Il estime qu'un Etat Membre ne devrait pas être prié de fournir des informations relatives à des allégations formulées par un individu qui ne représente plus aucune association et qui, par ses agissements, s'est opposé à la résolution et à la détermination du peuple éthiopien d'instaurer la paix, la liberté, la démocratie et le socialisme.

C. Commentaires de l'organisation plaignante

C. Commentaires de l'organisation plaignante
  1. 80. Dans sa lettre en date du 11 juillet 1978, la CMOPE a noté que le gouvernement avait donné aux faits une interprétation qui diffère de celle des représentants des enseignants qui ont été détenus et qui ont en dernier recours fui le pays. L'organisation plaignante a indiqué que le gouvernement était en train de reconstituer l'Association des enseignants. Elle a ajouté que, sans nul doute, la nouvelle situation de facto devrait être respectée à mesure qu'elle s'instaurerait. Elle estimait toutefois qu'il avait été tragique pour les dirigeants d'être contraints de quitter leur pays et qu'ils pouvaient légitimement se plaindre des traitements dont ils avaient ou auraient fait l'objet. Le texte de cette communication a été transmis au gouvernement afin qu'il puisse faire parvenir les commentaires qu'il voudrait faire. Aux réunions qu'il a tenues en novembre 1978 et en février 1979, le comité a ajourné l'examen du cas. Aucune autre communication n'a été reçue de la part du gouvernement à ce sujet.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 81. Le comité note que la plainte a été présentée par la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) au nom de l'Association des enseignants d'Ethiopie qui, selon les informations que possède le Bureau international du Travail, était affiliée à la confédération plaignante. Les allégations soumises ont été transmises au gouvernement afin qu'il puisse faire part de ses observations dans la mesure où elles soulevaient des questions relatives à l'exercice des droits syndicaux et où elles avaient été présentées par une organisation internationale de travailleurs habilitée à soumettre des plaintes conformément à la procédure régissant le fonctionnement du comité. Comme le comité l'a indiqué à une autre occasion, un plainte transmise de cette façon n'est pas une communication directement adressée par l'organisation plaignante au gouvernement en cause, mais une communication reçue par l'Organisation internationale du Travail en conformité avec la procédure établie par le Conseil d'administration du BIT pour l'examen des allégations sur des violations de droits syndicaux, et qui a été communiquée par le Directeur général du BIT, comme il était tenu de le faire selon cette procédure, au gouvernement pour lui demander ses observations. Comme le comité l'a également indiqué à cette occasion, un gouvernement, en répondant à une demande d'observations sur une plainte, ne reconnaît pas l'opportunité et encore moins le bien-fondé de la plainte mais, tout simplement, coopère avec le comité et avec le Conseil d'administration en permettant un examen impartial de la question.
  2. 82. En outre, dans un certain nombre de casa, le comité a rappelé qu'il avait formulé, dans son premier rapport, certains principes concernant l'examen de plaintes lorsque le gouvernement mis en cause considère que l'affaire est d'un caractère purement politique et avait, en particulier, décidé que, même si les allégations sont d'origine politique ou présentent certains aspects politiques, elles devraient être examinées de façon plus approfondie si elles soulèvent des questions intéressant directement l'exercice des droits syndicaux.
  3. 83. D'autre part, que l'AEE soit considérée comme étant un "syndicat" au sens de la réglementation nationale ou non, les garanties de la liberté syndicale et en particulier celles que prévoit la convention no 87, que l'Ethiopie a ratifiée, devraient être accordées à toute organisation de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, conformément à la définition figurant à l'article 10 de la convention.
  4. 84. Il semble ressortir clairement des informations que contiennent les communications de l'organisation plaignante et la réponse du gouvernement que les événements qui, en septembre 1975 et après cette date, ont touché l'Association des enseignants d'Ethiopie présentaient des aspects politiques. En particulier, la CMOPE, dans ses allégations, affirme que l'assemblée générale annuelle de l'AEE avait adopté des résolutions concernant la participation des enseignants aux modifications des programmes scolaires et l'instauration de droits démocratiques dans le pays, alors que le gouvernement a déclaré que la soi-disant résolution adoptée par la réunion ne portait en aucune façon sur la participation des enseignants aux modifications des programmes scolaires mais n'était que l'écho de slogans et de revendications anti-révolutionnaires qui ne reflétaient pas les voeux et les aspirations de la majorité des membres. Néanmoins, il semble que, comme cela est indiqué ci-après, même si aucune mesure officielle n'avait été prise pour dissoudre l'organisation et fermer son siège, celle-ci avait été dans l'incapacité, à partir de septembre 1975, d'exercer ses activités syndicales. A cet égard, la réponse du gouvernement indique qu'en 1978 l'organisation n'avait pas encore repris ses activités à l'échelle nationale.
  5. 85. Le comité désire souligner, comme il l'a déjà fait dans un cas précédent, qu'il importe de distinguer la reconnaissance de la liberté syndicale des questions concernant l'évolution politique d'un pays et qu'il convient également de ne pas confondre l'exercice par les syndicats de leurs activités spécifiques, c'est-à-dire la défense et la promotion des intérêts professionnels des travailleurs, avec l'éventuelle poursuite de la part de certains de leurs membres d'autres activités étrangères au domaine syndical. La responsabilité pénale que pourraient encourir ces personnes du fait de tels actes ne devrait en aucune façon entraîner des mesures équivalant à priver les syndicats eux-mêmes ou l'ensemble de leurs dirigeants de leurs possibilités d'action.
  6. 86. En ce qui concerne les questions spécifiques soulevées dans le présent cas, le comité note que la réponse du gouvernement ne se réfère pas à l'allégation selon laquelle 500 enseignants auraient été emprisonnés et 500 autres seraient morts ou disparus. Néanmoins, le comité note aussi que les informations fournies par l'organisation plaignante à ce sujet ne contiennent aucune preuve spécifique propre à établir des relations entre les détentions et mises à mort alléguées et les activités syndicales des enseignants considérés. Ainsi, le comité ne peut aboutir à des conclusions définitives sur les faits dont il est saisi au sujet de cette allégation.
  7. 87. En ce qui concerne l'arrestation et la détention des dirigeants de l'AEE, le comité note la réponse du gouvernement dans laquelle celui-ci indique que ces personnes ont été détenues pendant six mois et sont maintenant en liberté. Le gouvernement, toutefois, n'indique pas si ces détenus avaient été inculpés d'un délit quelconque ou jugés. Dans ces circonstances, le comité voudrait faire observer, comme il l'a déjà fait précédemment, que des mesures de détention préventive peuvent comporter une grave ingérence dans les activités syndicales qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'une situation grave ou par un état d'urgence et pourraient donner lieu à des critiques, à moins qu'elles ne soient accompagnées de garanties judiciaires appropriées, accordées dans un délai raisonnable. En ce qui concerne Kassahun Bisrat, secrétaire général de l'AEE, le comité note la divergence existant entre la version de l'Organisation plaignante et celle du gouvernement quant à la raison de son départ du pays.
  8. 88. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle l'AEE a été fermée pendant sept mois, le comité note la réponse du gouvernement, d'après laquelle rien ne prouve qu'une telle mesure a été prise et que toute difficulté de fonctionnement de l'organisation pouvait résulter de la disparition de certains fonctionnaires qui géraient le compte bancaire. A cet égard, le comité est d'avis que l'arrestation pendant six mois des dirigeants de l'Association des enseignants, sans, semble-t-il, inculpation spécifique, a constitué un facteur important de nature à entraver le fonctionnement de l'organisation. Pour ce qui est de la situation actuelle, le comité note que, selon le gouvernement, les enseignants d'Addis-Abéba et des environs ont été réorganisés compte tenu de leurs voeux et que le rétablissement de l'association à l'échelle nationale ne saurait tarder. Dans ces circonstances, le comité souhaite souligner l'importance qu'il a toujours attachée aux principes figurant aux articles 2 et 3 de la convention no 87 que l'Ethiopie a ratifiée, et selon lesquels les travailleurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, et ces organisations ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Le comité espère que ces principes seront respectés lors de la remise sur pied de l'AEE et prie le gouvernement de le tenir au courant des faits nouveaux qui se produiront à cet égard.
  9. 89. Pour ce qui a trait à l'allégation concernant la confiscation des biens de l'Association des enseignants, à laquelle le gouvernement n'a pas répondu, le comité souhaite rappeler que, en conformité avec la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session (Genève, 1970), le droit à la protection des biens des syndicats est une des libertés civiles essentielles à l'exercice des droits syndicaux.
  10. 90. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle les enseignants n'ont pas été privés de leur droit d'être représentés dans les divers types d'organismes consultatifs mentionnés par l'organisation plaignante et qu'ils continuent de l'être au sein de beaucoup d'organismes de ce genre. Le comité voudrait à ce sujet faire une observation générale et relever que l'efficacité réelle d'organismes consultatifs de ce genre ne peut être assurée que si les principes du droit d'association sont respectés et, en particulier, si les travailleurs et leurs organisations peuvent élire librement leurs représentants.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 91. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter qu'après l'assemblée générale annuelle de 1975 de l'Association des enseignants d'Ethiopie, sept de ses dirigeants ont été détenus pendant six mois et que, bien qu'aucune mesure officielle de fermeture de l'association n'ait été prise par les autorités, celle-ci s'est, par la suite, trouvée dans l'incapacité de poursuivre ses activités;
    • b) d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes et les considérations mentionnés aux paragraphes 87 à 90 ci-dessus et, en particulier, sur les principes concernant la nécessité d'assurer des garanties judiciaires en cas de détention de syndicalistes, ainsi que le droit à la protection des biens des syndicats;
    • c) de noter la déclaration du gouvernement selon laquelle les enseignants d'Addis-Abéba et des environs se sont maintenant réorganisés et qu'une remise sur pied de l'Association des enseignants à l'échelle nationale ne saurait tarder;
    • d) au sujet de ce dernier point, de souligner l'importance des principes figurant aux articles 2 et 3, en particulier, de la convention no 87, ratifiée par l'Ethiopie, aux termes desquels les travailleurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et ces organisations ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action;
    • e) de prier le gouvernement de tenir le comité au courant des faits nouveaux qui se produiront concernant la remise sur pied de l'Association des enseignants;
    • f) de porter ces conclusions à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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