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- 131. La plainte figure dans une communication de la Confédération générale des travailleurs (CGT) en date du 1er juillet 1980. Le gouvernement a répondu dans une communication du 7 octobre 1980.
- 132. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 133. Dans sa communication du 1er juillet 1980, la CGT allègue que les travailleurs de l'entreprise Zublin Carrez, qui construisent un quai à Puerto Limón, devant le non-respect par leur employeur des engagements contractés pour mettre fin à une précédente grève, ont dû de nouveau se mettre en grève le 23 juin 1980. Une fois de plus, poursuit le plaignant, l'entreprise, au lieu de négocier sérieusement avec le syndicat, s'emploie à manoeuvrer pour saper la lutte des travailleurs, allant même jusqu'à obliger le gouvernement à recourir à la force publique pour "protéger les intérêts des travailleurs".
- 134. Selon la CGT, le 1er juillet 1980, un agent de la force publique a fait feu de sang-froid sur Alvaro Picado - un travailleur qui se trouvait sur une chargeuse - alors qu'un groupe de travailleurs désarmés tentait de persuader les travailleurs qui s'opposaient au mouvement de grève de ne pas pénétrer dans le centre de travail, sans heurts d'aucune sorte ni avec la force publique, ni, avec ceux qui s'opposaient à la grève.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 135. Dans sa communication du 7 octobre 1980, le gouvernement déclare que la grève qui a débuté le 23 juin 1980 a été déclarée illégale par les tribunaux. De ce fait, l'employeur est en droit de mettre fin au contrat de travail des grévistes (article 370 du Code du travail) et les tribunaux peuvent ordonner aux autorités de police de garantir la poursuite du travail (article 381 du Code du travail). Eu égard aux conséquences découlant de l'illégalité de la grève, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, au nom de la paix du travail, a décidé de servir de médiateur, et un accord a été conclu entre les parties sur les bases proposées par le gouvernement et acceptées par les intéressés le 25 juillet 1980. Cet accord portait sur la réintégration des travailleurs, la fin des contrats individuels et des prestations légales, l'activité syndicale et la création d'un comité des relations professionnelles.
- 136. Le gouvernement signale que l'intervention de la police dans le centre de travail n'était pas due à des pressions de la part de l'employeur, mais à l'application, par les tribunaux, vu le caractère illégal de la grève, des dispositions de l'article 381 du Code du travail, afin de permettre aux travailleurs désireux de poursuivre leur tâche d'avoir accès à leur lieu de travail.
- 137. Pour ce qui est de la mort d'Alvaro Picado, le gouvernement indique qu'un petit groupe de policiers se trouvait posté à l'entrée de l'installation portuaire en construction afin de permettre aux travailleurs disposés à poursuivre leur tâche d'avoir accès à leur lieu de travail et d'assurer la protection des installations destinées au service public, comme le prévoit l'article 369 du Code du travail. Un groupe de travailleurs a attaqué les forces de l'ordre à coups de pierre et autres objets contondants. A un moment donné, Alvaro Picado, qui conduisait un véhicule doté d'une pelle mécanique, réussit avec celle-ci à pousser une chargeuse contre une baraque qui abritait plusieurs policiers. A ce moment-là, ajoute le gouvernement, les policiers avaient déjà tiré des coups de feu en l'air et enjoint aux intéressés de faire cesser la violence. A un moment donné, on s'aperçut qu'Alvaro Picado, qui devait succomber par la suite, gisait au sol blessé par balle. C'est alors que la majorité des agresseurs prirent la fuite.
- 138. Le gouvernement déclare qu'il n'endosse pas la responsabilité des faits tels que les présente le plaignant puisque le rôle que la Garde civile a pu jouer dans cette affaire revêt de toute façon un caractère nettement défensif. De plus, poursuit le gouvernement, on a trouvé sur les lieux des douilles d'armes qui ne sont pas utilisées par les forces de police et plusieurs témoins ont entendu des échanges de coups de feu tirés à l'aide d'armes de différents calibres.
- 139. Le gouvernement signale en outre qu'au cours de l'instruction judiciaire pour délit d'homicide, un non-lieu a été prononcé en faveur d'un garde civil que l'on avait tout d'abord tenu pour responsable de la mort d'Alvaro Picado, et ce vu l'absence de témoins pour attester que le policier avait bien fait feu sur la victime et du fait qu'on n'avait même pas pu déterminer si c'était les coups de feu tirés par les forces de l'ordre qui avaient occasionné la mort de l'intéressé.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 140. Bien que le gouvernement n'ait pas fourni d'explications précises au sujet des raisons qui ont motivé sa décision, le comité note que la grève qui a débuté le 23 juin 1980 dans l'entreprise Zublin-Carrez avait été déclarée illégale et que l'ordre de grève a été levé à la suite de l'acceptation par les parties de l'accord proposé par le gouvernement. Le comité tient à signaler, comme il l'a déjà fait pour d'autres cas, que les conditions requises par le législateur pour que la grève soit considérée comme illicite doivent être raisonnables et que, de toute façon, elles ne doivent pas avoir pour effet de limiter gravement les possibilités d'action des organisations syndicales, comme ce pourrait être le cas si l'on exigeait l'accord d'un pourcentage élevé de travailleurs pour que la grève soit licite.
- 141. Pour ce qui est de la présence de la police dans le centre de travail en raison du conflit collectif, le comité prend acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle pareille présence avait pour objet, comme le prévoit le Code du travail en cas de grève illégale, de permettre aux travailleurs qui le désiraient de pouvoir continuer leur tâche et d'assurer la protection d'installations fournissant un service public. Au sujet de la mort du travailleur Alvaro Picado, le comité observe que les allégations du plaignant et la déclaration du gouvernement sont contradictoires. C'est ainsi que le plaignant prétend qu'un agent de la force publique a tiré alors que les travailleurs étaient désarmés et sans qu'il y ait eu heurt quelconque avec les policiers ou les briseurs de grève, tandis que le gouvernement soutient que les travailleurs étaient passés à l'attaque et que l'on n'a pu prouver que le coup de feu mortel avait été tiré par un policier. Le comité voudrait rappeler, comme il l'a fait en pareil cas, qu'il a toujours attaché une grande importance à la réalisation d'une enquête impartiale et au recours à des procédures légales régulières afin d'établir les responsabilités et d'appliquer les sanctions correspondantes quand il y a eu perte de vies humaines à l'occasion de troubles. A cet égard, le comité note qu'une enquête judiciaire, a eu lieu pour instruire l'affaire et qu'une décision de non-lieu a été prise en faveur de l'un des gardes civils.
- 142. Enfin, eu égard aux violents incidents qui se sont déroulés à l'occasion de la grève et qui ont entraîné la mort du travailleur Alvaro Picado, le comité, tout en déplorant les faits en question, tient à signaler la nécessité qu'il y a, chaque fois que la police doit intervenir dans des conflits collectifs du travail, de donner les instructions voulues pour qu'il n'en résulte pas de conséquences aussi graves.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 143. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de déplorer la mort du travailleur Alvaro Picado et la violence des incidents qui se sont déroulés à l'occasion de la grève, et d'appeler l'attention du gouvernement sur le fait que les conditions requises pour que la grève soit licite ne doivent pas constituer une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales.