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- 541. Le comité a déjà examiné ces cas à plusieurs reprises et, pour la dernière fois, à sa session de novembre 1981 au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
- 542. Depuis cet examen, les organisations plaignantes suivantes ont adressé au BIT des communications: la Confédération mondiale du travail (CMT) (27 novembre et 17 décembre 1981); la Fédération syndicale mondiale (FSM) (2 novembre et 22 décembre 1981 et 18 et 27 janvier 1982); la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (16 novembre 1981). Toutes ces communications ont immédiatement été transmises au gouvernement pour qu'il fournisse ses observations. En outre, le BIT a envoyé le 4 janvier 1982 un télégramme au gouvernement turc le priant de transmettre d'urgence ses observations. Le gouvernement a communiqué certaines observations dans une communication du 11 février 1982.
- 543. La Turquie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a en revanche ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur des cas
A. Examen antérieur des cas- 544. Les plaintes des trois grandes confédérations internationales de travailleurs, la CMT, la CISL et la FSM, et d'autres organisations syndicales faisaient état de la très grave préoccupation des dites organisations face à la répression qui a frappé avec une grande ampleur une partie importante du mouvement syndical en Turquie depuis la prise de pouvoir par les autorités militaires, le 12 septembre 1980.
- 545. Les organisations plaignantes avaient dénoncé en particulier la mort violente de syndicalistes, l'emprisonnement d'un nombre important de dirigeants et de militants syndicaux et les mauvais traitements qui leur seraient infligés au cours de la longue garde à vue (45 jours au moins) à laquelle ils sont soumis, la menace de peine capitale qui pèse sur 52 dirigeants syndicaux pour le fait d'avoir participé à des activités syndicales, notamment des grèves pour la défense des intérêts professionnels des travailleurs, la suspension de deux grandes confédérations syndicales turques, la DISK et la MISK, et des syndicats qui leur sont affiliés et le gel de leurs avoirs syndicaux, la suspension du droit de grève sur tout le territoire, les limitations strictes imposées au droit de négociation collective et la déchéance de la nationalité turque qui aurait frappé des syndicalistes.
- a) Demande de contacts directs
- 546. Devant la gravité des allégations portées à sa connaissance, le comité de la liberté syndicale avait souhaité en mai 1981 que les autorités turques, au cours de la Conférence internationale du Travail, fassent connaître à son Président les intentions du gouvernement sur la possibilité d'une mission de contacts directs sur place d'un représentant du Directeur général pour discuter de certaines questions en instance.
- 547. A sa session de novembre 1981, devant, la réponse négative communiquée par le gouvernement le 30 septembre 1981, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du Comité de la liberté syndicale, rappelé que les visites sur place constituent une pratique à laquelle les gouvernements et le comité ont de plus en plus fréquemment recours pour contribuer à aboutir à la solution des problèmes en cause. Il avait donc exprimé l'espoir que le gouvernement réexaminerait sa décision à cet égard et accepterait le principe d'une visite sur place d'un représentant du Directeur général afin d'examiner en commun les questions en instance dans les présents cas.
- b) Conclusions antérieures du comité
- 548. Sur le fond des affaires en instance, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait, à sa session de novembre 1981:
- - déploré le climat d'insécurité et de violence qui frappe le mouvement syndical et qui a déjà abouti à la perte de deux vies humaines dans ce cas et exhorté le gouvernement à prendre les mesures les plus strictes pour que de tels faits ne se reproduisent plus;
- - constaté avec une vive préoccupation que la peine de mort était requise contre un nombre important de syndicalistes et que la plupart des autres syndicalistes soumis à procès étaient également passibles de la peine capitale;
- - voulant croire que les sentences de mort requises ne seraient pas prononcées, il avait rappelé que les syndicalistes ne doivent pas être condamnés pour des actes qui constituent normalement des activités syndicales; et
- - prié le gouvernement de le tenir informé de l'issue des actions judiciaires en cours, notamment à propos des 52 syndicalistes menacés de la peine capitale et des autres syndicalistes mentionnés par les plaignants dont la liste était communiquée, et l'avait prié également de fournir ses observations sur les allégations de mauvais traitements infligés aux syndicalistes emprisonnés.
- 549. Pour ce qui est de la suspension des activités syndicales en vigueur depuis plus d'une année, il avait déploré profondément qu'aucune amélioration n'apparaisse en ce domaine et il avait rappelé au gouvernement que les mesures qui portent atteinte au libre exercice de la liberté syndicale doivent être limitées dans leur durée et leur portée à la période de l'urgence immédiate. Il avait donc prié le gouvernement de le tenir informé de tout progrès intervenu vers le retour à une situation syndicale normale. Enfin, il avait demandé au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations relatives à l'usage des biens syndicaux de la DISK et à la déchéance de la nationalité turque qui aurait frappé des syndicalistes.
B. Nouvelles allégations
B. Nouvelles allégations- 550. Dans une communication du 16 novembre 1981, la CISL déclare que son comité exécutif réuni à Bruxelles les 5 et 6 novembre 1981 a exprimé dans une résolution la grave préoccupation du mouvement syndical international face à la suspension continue d'un certain nombre de syndicats librement constitués dans le cadre de la loi turque. La résolution note en particulier qu'au cours du processus visant à mettre un terme aux activités terroristes de graves souffrances ont été infligées à des personnes qui n'ont aucun lien avec le terrorisme. Elle condamne toutes les violations des droits de l'homme et des droits syndicaux, y compris la longueur de la garde à vue imposée à des dirigeants et à des militants syndicaux qui, clairement, n'ont pas participé à des actes de violences, et elle demande la libération des syndicalistes emprisonnés qui n'ont pas été jugés ainsi que la levée de la suspension de la négociation collective, du droit de grève et des autres activités syndicales. Elle se déclare également solidaire des syndicats suspendus, s'oppose à la confiscation de leurs biens et s'inquiète de ce que la législation du travail en préparation réduira les droits syndicaux.
- 551. La CMT pour sa part, dans sa communication du 27 novembre 1981, fait état du traitement infligé à Mme Yardimci, avocate des dirigeants de la DISK. Selon la CMT, en janvier 1981, cette personne a été arrêtée et torturée. Suite aux coups reçus, elle a eu les jambes cassées, et le 1er mars elle a été emmenée dans le coma à l'hôpital militaire de Haydarpasa à Istanbul. Ramenée à la prison le 20 avril 1981, elle a été à nouveau torturée pour lui faire avouer qu'elle était membre d'une organisation illégale, ce qu'elle n'était pas. Elle fut à nouveau hospitalisée puis reconduite en prison. Elle s'est alors engagée dans une grève de la faim pour que les autorités diminuent la pression exercée à son encontre, ce qu'elles ont fait. Selon la CMT, en novembre 1981, cette personne était en prison depuis dix mois sans que ses avocats aient reçu l'autorisation d'examiner son dossier. Elle serait accusée d'avoir procuré de faux papiers à des dirigeants de la DISK pour leur permettre de fuir la Turquie et serait passible, pour ce chef d'inculpation, d'une peine de deux à six mois de prison.
- 552. La CMT et la FSM, dans leurs communications, indiquent que le procès des 52 dirigeants de la DISK, qui encourent la peine capitale, s'est ouvert le 24 décembre 1981. Dès l'ouverture du procès, les droits de la défense ont été restreints par décision du tribunal militaire d'appliquer la législation de temps de guerre, explique la FSM.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 553. Dans une communication du 11 février 1982 reçue peu de temps avant l'ouverture de la session du comité, le gouvernement réplique d'une manière générale, à propos des conclusions antérieures du comité sur la violence et l'insécurité qui frappent le mouvement syndical, que cela n'est point du tout le cas. Pour le gouvernement, l'élimination complète du climat général d'insécurité et de la violence qui a régné dans le pays dans un passé récent est son objectif prioritaire, des progrès considérables viennent d'être enregistrés et la situation se trouve nettement améliorée par rapport au passé et les effets positifs de l'amélioration s'étendent aussi au mouvement syndical.
- 554. Le gouvernement poursuit en indiquant qu'il n'existe en Turquie aucun syndicaliste qui fasse l'objet de poursuites ou de condamnations pour des actes qui constituent normalement des activités syndicales. Il faut entendre par des activités syndicales normales des actes qui ne contreviennent pas à la législation en, vigueur. Un acte qui enfreint les lois ne peut pas être une activité, syndicale normale. Dans ce contexte, les 52 syndicalistes qui sont soumis actuellement à un procès ne sont pas inculpés, comme il est dit au paragraphe 485 du 211e rapport, pour des actes de type syndical. Mais ils sont jugés sur la base des preuves mettant à l'évidence qu'ils ont participé à, encouragé et soutenu des activités terroristes et illégales dans le but de renverser le régime et de le remplacer par un autre basé sur une doctrine politique qui n'a pas de place dans le système constitutionnel turc. Entreprendre et poursuivre ce genre d'activités est contraire à la Constitution et punissable par le Code pénal. Le gouvernement confirme que le procès des 52 syndicalistes en question a commencé vers la fin de l'année dernière à Istanbul. Il se trouve actuellement au stade de la lecture de l'acte d'accusation. Conformément à la procédure pénale, cette lecture sera suivie de l'interrogatoire des accusés et de leur défense. Après quoi les juges décideront librement du bien-fondé des accusations et se prononceront en conséquence. Le gouvernement réitère que l'acte d'accusation demande l'application de l'article 146 du Code pénal à l'encontre des accusés et énumère les motifs et les preuves qui sont à la base de cette demande.
- 555. Le gouvernement précise en outre que, selon la procédure pénale, chaque procès est intenté à la demande du procureur adressée au tribunal compétent et s'ouvre par la lecture de l'acte d'accusation. L'acte d'accusation contient la description des actes qui constituent le délit et l'énumération des preuves indiquant que le délit en question a été commis par les accusés. Le procureur se contente d'exprimer son opinion sur l'article du Code pénal applicable en la matière (ce qui est le cas au sujet des syndicalistes en question). Cette opinion ne lie pas les juges qui peuvent condamner l'accusé en vertu d'autres dispositions légales. Au dernier stade du procès, le procureur, après avoir entendu l'interrogatoire des accusés par le tribunal et leur défense, peut changer son opinion et demander l'application d'un autre article de loi. Dans tous les cas, les juges décident à l'abri de toute intervention extérieure, y compris celle du procureur, de condamner ou d'acquitter les accusés et en cas de condamnation, de la nature de la peine. Au dire du gouvernement, il n'existe aucun tribunal d'exception ou aucune juridiction spéciale. Aucun changement n'a eu lieu dans les structures et les fonctions des tribunaux de cassation, civils ou militaires. Ceux qui sont traduits devant les tribunaux sont inculpés et jugés en vertu des lois déjà en vigueur depuis longtemps. Les procès se déroulent en public, les voies et les moyens de recours sont toujours ouverts.
- 556. En ce qui concerne la communication de la FSM datée du 18 janvier 1982, où elle affirme que les droits de la défense des syndicalistes jugés ont été restreints dès l'ouverture du procès, le gouverneur réplique qu'il s'agit là d'une allégation erronée. Selon l'article 18 de la loi no 140,2 sur l'état de siège adoptée en 1971, les tribunaux de l'état de siège appliquent les dispositions de l'état de guerre contenues dans la loi no 353 sur la constitution des tribunaux militaires. L'article 85/3 de la loi en question autorise le tribunal à limiter le nombre des avocats présents dans une séance du procès par le nombre des accusés, ce qui n'empêche pas du tout les autres avocats, s'il y en a, de participer à la défense. D'autre part, depuis le 10 décembre 1981, les syndicalistes en état d'arrestation ont la possibilité de contacter et de communiquer avec leurs avocats sans aucune restriction.
- 557. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les syndicalistes ou autres personnes détenus seraient mal traités, le gouvernement déclare qu'elles font l'objet d'une enquête minutieuse. Dans ce contexte, le cas de certains syndicalistes a aussi été examiné. Jusqu'à présent, aucune allégation de mauvais traitements concernant les syndicalistes ne s'est avérée justifiée.
- 558. Pour ce qui est de Mme Oksan Yardimci, dont le nom est mentionné au paragraphe 469 du 211e rapport du comité, le gouvernement indique qu'elle est inculpée d'appartenance à des organisations clandestines illégales. Elle a été arrêtée par décision du tribunal compétent. Actuellement, son cas fait l'objet de l'instruction préparatoire. Les recours qu'elle a formulés auprès des différents tribunaux pour que son état d'arrestation soit levé n'ont pas été trouvés justifiés par ceux-ci.
- 559. En ce qui concerne la situation syndicale générale, pour le gouvernement sa normalisation se trouve étroitement liée à la normalisation de la situation générale du pays. Depuis la dernière session du comité, un calendrier de retour au régime démocratique a été officiellement annoncé par le chef de l'état qui prévoit la soumission au vote populaire, en automne 1982, de la Constitution en cours d'élaboration par l'Assemblée constituante et l'organisation d'élections générales en automne 1983 ou, au plus tard, au printemps 1984. Par conséquent, un processus de normalisation est en cours. Entre-temps, toutes les mesures nécessaires à la protection des droits des travailleurs ainsi que de leur niveau de vie sont prises. L'interdiction de licenciement continue, les contrats collectifs qui viennent à terme sont renouvelés par la Haute Commission d'arbitrage, en tenant compte des droits économiques et sociaux acquis par les travailleurs et des augmentations de salaire au-dessus du niveau de l'augmentation des prix.
- 560. En ce qui concerne la DISK et la MISK, dont les activités sont suspendues, en attendant la décision des tribunaux, le retour au système de négociation collective risquerait de défavoriser les membres de ces confédérations, qui pourraient être amenés à démissionner, précise le gouvernement. Les autres syndicats sont actuellement libres d'organiser leurs activités, la fondation de nouveaux syndicats est complètement libre et, depuis le 12 septembre 1980, trois nouveaux syndicats ont été fondés à Ankara.
- 561. Quant aux biens syndicaux de la DISK, poursuit le gouvernement, ils sont gérés, conformément aux dispositions de la loi no 2316, par des curateurs nommés par le tribunal local du travail. Ces biens ne sont cédés à personnes; ils sont exploités au nom du syndicat auquel ils appartiennent. Dans ce contexte, une imprimerie appartenant à Genel-Is, et qui avait enregistré un déficit de 15 millions de livres turques pendant trois années où elle a été gérée par le syndicat, apporte maintenant un bénéfice annuel de 60 millions de livres turques au syndicat. Le centre de vacances Artemis appartenant à ce même syndicat, tout en restant ouvert à ses membres, a clos son bilan l'année dernière avec un bénéfice de 8,5 millions de livres turques. Les fonds du Genel-Is déposés dans des banques, qui étaient de l'ordre de 11.532.194 livres turques au 30 septembre 1980, s'élevaient à 339.198.316,20 livres turques au 31 décembre 1981. L'immeuble en construction du Genel-is a été exproprié à la demande de l'Organisation de planification de l'état en conformité avec les dispositions de la législation applicable en la matière. Le gouvernement précise que les curateurs du syndicat, jugeant que la valeur désignée pour l'expropriation était insuffisante, ont intenté un procès contre l'état et demandé que la valeur désignée initialement soit augmentée de 197.354.958 livres turques. Ce procès n'est pas encore terminé.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 562. Le comité, tout en prenant note des observations du gouvernement, exprime sa profonde préoccupation face à la gravité des allégations qui continuent d'être portées à sa connaissance. Aussi, il regrette vivement la réponse tardive du gouvernement qui ne permet pas de constater une amélioration sensible de la situation syndicale en général.
- 563. En premier lieu, le comité doit déplorer que le gouvernement n'ait pas répondu favorablement aux propositions de contacts directs formulées à plusieurs reprises malgré le temps écoulé depuis la première proposition et plusieurs rappels adressés par le BIT. Le comité prie instamment le gouvernement de donner sans tarder son consentement à ce qu'un représentant du Directeur général procède en Turquie à des contacts directs.
- b) Emprisonnement de syndicalistes
- 564. Sur le fond, pour ce qui concerne le sort des 52 syndicalistes menacés de la peine capitale et des autres syndicalistes emprisonnés mentionnés par les plaignants, le comité note que le procès a débuté le 24 décembre 1981 et que, selon les organisations plaignantes, il ne se déroule pas selon une procédure régulière. Le gouvernement, quant à lui, explique qu'aux termes de la loi no 1402 sur l'état de siège adoptée en 1971 les tribunaux de l'état de siège appliquent les dispositions de l'état de guerre contenues dans la loi no 353 sur la constitution des tribunaux militaires autorisant le tribunal à limiter le nombre des avocats présents au procès.
- 565. A cet égard, le comité rappelle que, par le passé, il a jugé indiqué de se référer aux principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et à l'article 14 du Pacte relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Tout gouvernement doit veiller à assurer le respect des droits de l'homme, et spécialement le droit qu'a toute personne détenue et inculpée de bénéficier des garanties d'une procédure judiciaire régulière devant les tribunaux ordinaires, et le comité croit opportun de rappeler que les syndicalistes détenus, à l'instar des autres personnes, doivent disposer des facilités nécessaires à la préparation de leur défense et pour communiquer avec le conseil de leur choix. Sur ce point, le comité constate que, selon le gouvernement, les syndicalistes peuvent effectivement communiquer avec leurs avocats depuis le 10 décembre 1981.
- 566. Le comité réitère l'espoir que les sentences de mort dont sont passibles des syndicalistes ne seront pas prononcées. Il rappelle à nouveau que les syndicalistes ne doivent pas être condamnés pour des actes qui constituent normalement des activités syndicales, et il prie le gouvernement de le tenir informé du sort de tous les syndicalistes emprisonnés mentionnés par les plaignants et dont les noms figurent à l'annexe au 211e rapport. Enfin, le comité prie également le gouvernement de libérer le plus rapidement possible tous les syndicalistes indûment emprisonnés.
- 567. Pour ce qui est des allégations de mauvais traitements infligés à des syndicalistes emprisonnés, le gouvernement déclare qu'elles font l'objet d'une enquête minutieuse. Cependant, la CMT a fait état du traitement inadmissible qui aurait été infligé à une avocate de la DISK, Mme Yardimci. Le gouvernement n'ayant fourni aucune information à propos des allégations très précises de l'organisation plaignante, ceci laisse à penser que de très graves atteintes à l'intégrité physique de cette personne auraient été perpétrées.
- 568. Devant la totale réprobation que lui inspirent les mauvais traitements qui seraient ainsi infligés à des personnes emprisonnées et, en tout état de cause, la longueur excessive de la garde à vue, qui serait encore au moins de 45 jours aux termes de la loi, le comité estime que des faits de cette nature constituent une violation manifeste des libertés publiques et syndicales. Le comité a noté les assurances données par le gouvernement selon lesquelles, en Turquie, les juges décident à l'abri de toute pression extérieure. Il invite donc le gouvernement à garantir à tous les syndicalistes le droit à un procès équitable devant un tribunal pleinement indépendant. Le gouvernement devrait aussi s'assurer que les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires respectent la dignité et l'intégrité physique de la personne humaine.
- 569. Le comité prie donc instamment le gouvernement de transmettre ses informations sur les allégations de torture dont aurait été l'objet Mme Yardimci, avocate de la DISK, ainsi que les résultats des enquêtes minutieuses entreprises dont il fait état dans sa communication, et d'indiquer les mesures qu'il prend pour assurer que les détenus ne subissent pas de mauvais traitements en prison.
- 570. Le comité prie également le gouvernement de réexaminer sa législation afin de réduire la longueur du délai de garde à vue, car la détention de syndicalistes sans qu'ils scient présentés à un juge comporte une sérieuse atteinte à la liberté syndicale.
- c) Suspension des activités syndicales
- 571. Sur ce point, le comité note que le gouvernement réitère ses déclarations selon lesquelles la normalisation de la situation syndicale se trouve liée à la normalisation de la situation du pays. Le comité note qu'un calendrier vers le retour au régime démocratique a été annoncé par le chef de l'état. Le comité rappelle cependant que la suspension de la grève et la limitation de la négociation collective sont en vigueur depuis le 12 septembre 1980. Il souligne à nouveau combien les mesures qui portent ainsi atteinte au libre exercice de la liberté syndicale doivent être limitées dans leur durée et leur portée à la période d'urgence immédiate. Le comité invite donc le gouvernement à lever à brève échéance les mesures en question qui constituent une grave atteinte au libre exercice des droits syndicaux. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout progrès vers le rétablissement des libertés syndicales.
- 572. En ce qui concerne la gestion des biens syndicaux de la DISK, le comité, tout en notant les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles celle-ci est confiée à des curateurs nommés par les tribunaux du travail, rappelle en premier lieu que la DISK et la MISK ont été suspendues par décision administrative et non judiciaire, contrairement aux principes de la liberté syndicale. Le comité estime en outre que, même si les curateurs ont été désignés par les tribunaux du travail, l'intervention du gouvernement dans la gestion des fonds syndicaux n'est pas compatible avec le principe de la liberté syndicale selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter les droits des syndicats d'organiser leur gestion. En conséquence le comité, rappelant que la Conférence internationale du Travail, dans sa résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leur relation avec les libertés civiles, a réaffirmé que le droit à la protection des biens syndicaux est un droit essentiel à l'exercice normal des droits syndicaux, prie le gouvernement de lever le plus rapidement possible les mesures d'intervention en cause et de lui fournir des informations sur toute mesure prise en ce sens.
- 573. Le comité prie enfin à nouveau le gouvernement de fournir ses observations sur l'allégation à laquelle il n'a pas répondu relative à la déchéance de la nationalité turque qui aurait frappé des syndicalistes.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 574. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et notamment les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne la proposition de mission sur place, le comité déplore que le gouvernement n'ait pas répondu favorablement malgré le temps écoulé depuis la première proposition et plusieurs rappels adressés par le BIT. Le comité prie instamment le gouvernement de donner sans tarder son consentement à ce qu'un représentant du Directeur général procède en Turquie à des contacts directs.
- b) En ce qui concerne le procès des 52 dirigeants de la DISK qui encourent la peine capitale, qui s'est ouvert le 24 décembre 1981, le comité note avec préoccupation que, d'après les plaignants, il se déroule selon une procédure où les droits de la défense ont été restreints par décision du tribunal militaire d'appliquer la législation de temps de guerre. Il rappelle que les syndicalistes, à l'instar des autres personnes, doivent disposer des facilités nécessaires à leur défense et pouvoir communiquer avec les avocats de leur choix. Il exprime le ferme espoir que les sentences de mort ne seront pas prononcées. Il prie le gouvernement de le tenir informé du sort de tous les syndicalistes emprisonnés mentionnés par les plaignants et espère que le gouvernement libérera le plus rapidement possible tous les syndicalistes indûment détenus.
- c) En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements infligés à des personnes emprisonnées et, en particulier, à Mme Yardimci, le comité note avec regret que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations très précises relatives notamment au sort de cette personne. Il prie le gouvernement de fournir ses observations sur ce point. Néanmoins, le comité estime que des allégations de cette nature, si elles étaient prouvées, constitueraient une violation manifeste des libertés publiques et syndicales le comité prie le gouvernement de communiquer les résultats des enquêtes minutieuses entreprises dans les cas d'allégations de mauvais traitements dont fait état le gouvernement dans sa communication. Il l'invite à s'assurer que les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires respectent la dignité et l'intégrité physique de la personne humaine, et il le prie également de réexaminer sa législation afin de réduire la longueur de la garde à vue, si elle est encore de 45 jours.
- d) En ce qui concerne la suspension du droit de grève et la limitation de la négociation collective depuis le 12 septembre 1980, le comité prie le gouvernement de lever à brève échéance les mesures en question qui constituent une grave atteinte au libre exercice des droits syndicaux, et il souhaite que le gouvernement le tienne informé de tout progrès vers le rétablissement des libertés syndicales.
- e) En ce qui concerne la gestion des biens de la DISK confiée par les tribunaux du travail à des curateurs, le comité rappelle que le droit à la protection des biens syndicaux est un droit essentiel à l'exercice normal des droits syndicaux et que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention dans le droit des syndicats d'organiser leur gestion. Le comité prie donc le gouvernement de lever le plus rapidement possible les mesures d'intervention en cause et de fournir des informations sur toute mesure prise en ce sens.
- f) Enfin, le comité prie à nouveau le gouvernement de transmettre ses observations sur l'allégation à laquelle il n'a pas répondu relative à la déchéance de la nationalité turque qui aurait frappé des syndicalistes.