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- 292. La plainte du Syndicat national des travailleurs (NWU) figure dans des communications des 12 février et 3 juillet 1981. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des lettres datées du 15 avril et du 4 août 1981.
- 293. La Jamaïque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 294. Le plaignant allègue qu'après avoir pris le pouvoir le 30 octobre 1980, le gouvernement actuel a dissous le conseil d'administration de l'Office national de radiodiffusion et, lors de la constitution du conseil provisoire, a refusé de réintégrer dans leurs fonctions les deux représentants des travailleurs, MM. Brian Meeks et Pat Riley, alors que juridiquement rien ne s'opposait à ce que des travailleurs siègent dans le conseil, que le gouvernement avait proclamé son attachement à la participation des travailleurs et que, enfin, des travailleurs avaient été nommés au conseil d'autres organismes publics selon le plaignant, malgré de nombreuses démarches de la part de ce dernier, l'office a refusé de nommer les représentants des travailleurs, ou deux autres travailleurs, au conseil et la question a été renvoyée au ministère du Travail aux fins de conciliation. Après deux entretiens, le directeur des relations professionnelles a informé le NWU que, de l'avis du ministère, cette question ne constituait pas un différend du travail et que, par conséquent, le ministère ne lui donnerait pas d'autre suite.
- 295. Le plaignant déclare que l'office a dissous ensuite le Département chargé des affaires courantes de la station de radiodiffusion et que MM. Meeks et Bogues se sent retrouvés en surnombre. Après des pourparlers sans résultat avec l'office, la question a été renvoyée au ministère aux fins de conciliation, en vain également; le NWU a demandé que la question soit soumise au Tribunal des différends du travail, conformément à l'article 6 de la loi de 1975 sur les relations professionnelles et les différends du travail et à la procédure de réclamation prévue dans la convention collective en vigueur entre le NWU et l'office, mais ce dernier a refusé. L'alinéa e) du paragraphe 37 concernant la procédure de réclamation dispose: "si la médiation n'aboutit pas, le différend sera soumis à l'arbitrage et la sentence arbitrale sera obligatoire à l'égard des deux parties". Le plaignant affirme en outre que le ministre a refusé d'intervenir, comme il est habilité à le faire en vertu de l'article 10 de la loi (faculté de renvoyer un différend du travail dans une entreprise autre qu'une entreprise qui fournit des services essentiels au tribunal aux fins de règlement), dans le but précis de violer les droits du syndicat. Le NWU soutient aussi que ce refus est contraire au paragraphe 21 de la partie VI du Code des relations professionnelles de 1976 qui énonce les dispositions que doit contenir une convention collective, dispositions qui figuraient dans la convention en vigueur entre le syndicat et l'office.
- 296. Enfin, le NWU allègue que 13 autres salariés syndiqués d'un autre département de l'office ont été licenciés au prétexte que leurs postes étaient supprimés alors que des postes identiques (comme le montrent les descriptions de poste) ont été offerts ensuite au public sous des noms différents. Parmi les personnes licenciées figure M. Carl Campbell, délégué principal du NWU, dont le licenciement, selon le plaignant, outre qu'il suscite la crainte d'autres travailleurs appelés à être délégués et des travailleurs en général, est en contradiction avec la procédure disciplinaire prévue à l'alinéa e) de la partie VI du Code des relations professionnelles ainsi libellé: "aucune mesure disciplinaire ne doit être prise en principe contre un délégué tant que les faits en cause n'ont pas été examinés avec un délégué officiel du syndicat intéressé". Selon le plaignant, l'entretien à ce sujet avec l'office n'a pas abouti; la question a été portée devant le ministère aux fins de conciliation, mais en vain, là encore, car l'office a refusé que le différend soit soumis à l'arbitrage. Le plaignant estime que ces représailles sont contraires à l'article 24, paragraphe 3, de la Constitution qui dispose que nul ne peut faire l'objet de discrimination en raison de sa race, de son lieu d'origine, de ses opinions politiques, de sa couleur ou de toute autre raison de ce genre. Le plaignant a obtenu une injonction de la Haute Cour ordonnant, à titre conservatoire, à l'office de ne pas pourvoir les 13 postes en question et il déclare qu'un arrêt définitif sur cette affaire devrait être rendu sous peu.
- 297. Selon le plaignant, cette action du gouvernement s'inscrit dans une offensive plus large contre les droits des syndicats, encourageant le patronat à faire fi des conventions collectives et à saper lentement les droits chèrement acquis par les travailleurs. Il soutient que si on laisse l'office bafouer ouvertement la convention collective en vigueur, cela encouragera d'autres employeurs à enfreindre unilatéralement et arbitrairement ces conventions.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 298. Le gouvernement déclare que le NWU a effectivement déposé des plaintes auprès du ministère du Travail concernant deux affaires distinctes, mais similaires. En ce qui concerne la première, le gouvernement explique que le ministre du Travail, agissant sur l'avis des conseillers juridiques de la couronne, a conclu qu'il n'existait pas de différend du travail pouvant être porté devant le Tribunal des différends du travail; la loi régissant les congédiements de travailleurs en surnombre décrit la procédure à suivre. Pour ce qui est de la deuxième affaire concernant le congédiement de quelques travailleurs de l'Office de radiodiffusion, il a été donné suite, selon le gouvernement, à la demande de réunion au ministère présentée par le syndicat, mais la réunion a abouti à un échec. Le gouvernement indique qu'il n'y a pas eu d'autres réunions de conciliation, mais que le NWU a porté l'affaire devant la Cour suprême, qui n'a pas encore statué.
- 299. Dans sa seconde communication, le gouvernement explique que, certes, le ministère du Travail n'arrête pas la politique des autres ministères, mais que l'un des principes fondamentaux de la politique de l'Etat est d'encourager la représentation des travailleurs aux conseils d'administration, principe dont l'application donne de très bons résultats.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 300. Ce cas met en jeu trois questions: le refus allégué de nommer deux représentants des travailleurs au conseil de l'Office national de radiodiffusion, le licenciement pour des motifs économiques de deux syndicalistes employés de la station et la suppression d'emplois de 13 salariés syndiqués de l'office, dont le délégué principal du NWU; les deux dernières questions, selon les allégations, n'ont pas pu être portées devant le Tribunal des différends du travail en raison de l'attitude du gouvernement.
- 301. Le comité note que le plaignant n'allègue pas que le refus de nommer des représentants des travailleurs au conseil provisoire a été motivé par une discrimination antisyndicale; il n'indique pas non plus quelles lois le gouvernement aurait enfreintes en ne nommant pas de travailleurs au conseil; le plaignant reconnaît en fait que des travailleurs ont été nommés aux conseils d'autres organismes d'Etat. Le comité, tout en rappelant d'une manière générale l'importance d'une consultation et d'une collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations d'employeurs et de travailleurs concernant les questions d'intérêt mutuel, ainsi que le souligne la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, estime qu'il n'existe pas de motif d'examiner la première question et décide que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 302. En ce qui concerne le licenciement pour des motifs économiques des deux syndicalistes employés par la station de radiodiffusion, le comité note que le plaignant n'allègue pas qu'il s'agisse d'une discrimination antisyndicale, et il n'indique pas non plus en quoi l'adoption de cette mesure serait violatrice de la procédure régissant une telle situation. Le Code des relations professionnelles dont le paragraphe 21 est cité par les plaignants se contente d'énoncer les directives utiles à la promotion de bonnes relations professionnelles, et la convention collective en vigueur dont le paragraphe 37 (c) est cité par le plaignant ne dispose pas que les deux parties au différend du travail doivent renvoyer le différend à l'arbitrage en cas d'échec de la médiation, mais prévoit que "le différend sera renvoyé à l'arbitrage...". L'article 10 de la loi de 1975 sur les relations professionnelles et les différends du travail, également cité par le plaignant, se contente de prévoir que le ministre peut y renvoyer l'affaire s'il l'estime opportun. En dernier lieu, probablement parce que la convention collective n'est pas explicite à cet égard, le plaignant cite l'article 6 de la loi qui prévoit:
- 6. Conventions collectives. (1) Toute convention collective, établie par écrit après l'entrée en vigueur de la présente loi, qui ne prévoira pas expressément de procédure de règlement des différends du travail surgissant entre les parties, sans arrêt du travail, sera réputée contenir la procédure prévue au paragraphe 2 (dénommée, dans le présent article, "procédure implicite").
- (2) Dans la procédure implicite:
- a) les parties s'efforceront en premier lieu de régler tout différend ou toute divergence entre elles par la négociation; et
- b) lorsque les parties se seront efforcées, sans y parvenir, de régler un différend ou une divergence de la manière visée à l'alinéa a), elles pourront, isolément ou ensemble, demander par écrit au ministre de les aider à parvenir à un règlement par la conciliation; et
- c) toutes les parties pourront demander par écrit au ministre de soumettre tout différend ou toute divergence au tribunal pour règlement dans les cas où elles se seront efforcées, sans y parvenir, d'aboutir à un règlement en appliquant la procédure prévue aux alinéas a) et b).
- Cet article semble ne pas traiter de la question de savoir ce qu'il advient lorsque le ministre se refuse à renvoyer l'affaire à l'arbitrage du tribunal en application de l'alinéa c), mais le comité note la déclaration du gouvernement d'où il ressort qu'il a agi sur l'avis des conseillers juridiques de la couronne en refusant de le faire dans le cadre de ce conflit. Le comité note également qu'aucune des deux personnes en question, pas plus d'ailleurs que l'organisation syndicale du plaignant, n'a contesté l'omission du ministre devant d'autres forums. A cet égard, le comité voudrait souligner, comme il l'a fait dans le passé, que lorsqu'un travailleur s'estime lésé par des mesures de discrimination antisyndicale, il faudrait qu'il puisse introduire un recours auprès d'un tribunal ou d'une autre autorité indépendante des parties en cause. Néanmoins, compte tenu du manque d'informations détaillées disponibles, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 303. En ce qui concerne les suppressions des postes de 13 travailleurs syndiqués de l'office, dont le délégué principal du NWU, le comité note que, aux yeux du plaignant, cette décision du gouvernement s'inscrit dans le cadre d'une offensive plus large contre les syndicats et que le gouvernement répond à cette allégation en signalant que la question est en instance devant la Cour suprême. Bien que le comité ait reconnu qu'il est extrêmement difficile pour un travailleur licencié par un employeur invoquant par exemple la "négligence dans l'accomplissement de sa tâche" de prouver que le motif réel de ce licenciement tient à ses activités syndicales, il estime que le fait d'avoir offert à nouveau au public les 13 postes prétendument en surnombre semble être difficilement la marque de la bonne foi de l'employeur. En conséquence, le comité signale au gouvernement que l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale consiste en ce que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi - licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables - et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les responsables syndicaux étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection, dans le cas de dirigeants syndicaux, est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d'élire librement leurs représentants. Il souhaite être tenu informé de la décision de la Cour suprême dans l'espoir que les treize travailleurs syndiqués seront réintégrés dans leur poste ou, si cela s'avérait impossible, indemnisés pour la discrimination dont ils ont fait l'objet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 304. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'adopter les conclusions suivantes:
- Le comité décide que l'allégation relative au refus de nommer des représentants des travailleurs au conseil de l'Office national de radiodiffusion et le licenciement de deux syndicalistes de la station au motif qu'ils étaient en surnombre n'appellent pas un examen plus approfondi.
- Le comité souhaite attirer l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les travailleurs, en particulier les responsables syndicaux, doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi et lui demande de l'informer de la décision de la Cour suprême concernant l'action engagée par les travailleurs licenciés par l'Office de radiodiffusion.