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- 235. Le Congrès du travail du Canada (CTC) a formulé sa plainte dans une communication en date du 6 juillet 1981. Le gouvernement a répondu par communication du 25 janvier 1982.
- 236. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 237. Dans sa communication du 6 juillet 1981, le CTC allègue que la loi de 1972 de l'Ontario sur la négociation collective dans la fonction publique viole la convention no 87 dans la mesure où elle proscrit les grèves et interdit la négociation de certaines modalités et conditions d'emploi des fonctionnaires. Cette loi s'applique aux fonctionnaires et agents de l'administration de l'Ontario, qui sont exclus du champ d'application de la loi sur les relations professionnelles, laquelle n'interdit pas les grèves, sauf si elles se produisent avant l'épuisement des procédures de conciliation. Ainsi, outre les fonctionnaires des différents ministères, la loi en question s'applique aux agents de l'Office des patentes (spiritueux), de l'Office de contrôle des spiritueux, de la Commission des parcs du Niagara, de l'Office du logement et de l'Office de réparation des lésions professionnelles. Selon les plaignants, les membres du personnel hospitalier n'ayant pas le statut de fonctionnaire sont soumis à la loi sur les relations professionnelles et à la loi d'arbitrage des différends hospitaliers qui interdit les grèves. Les agents des conseils scolaires sont régis par la loi sur les conseils scolaires, le personnel enseignant est régi par la loi sur les négociations collectives, qui autorise les grèves dans certains cas.
- 238. Le CTC indique que les articles 25 et 27 de la loi sur la négociation collective dans la fonction publique contiennent une interdiction absolue des grèves des travailleurs et de leurs syndicats. Le CTC signale aussi que l'article 1(1)(o) inclut dans la définition de la grève tout ralentissement du travail ou toute autre activité concertée du personnel visant à limiter ou à gêner les travaux ou services.
- 239. Les plaignants indiquent que, si la loi prévoit tien une procédure de médiation (article 9) et d'arbitrage, en cas de différends (articles 10 et 11), devant le Tribunal des relations professionnelles dans la fonction publique, un conseil d'arbitrage spécial et un conseil permanent de règlement des différends, et bien que les lock-out soient également interdits par la loi (article 27), ils sont préoccupés par le fait que la législation interdit la grève d'agents qui ne sauraient en aucun cas être considérés comme assurant des services essentiels. Ils soulignent que le droit de grève est reconnu aux agents de la fonction publique dans la plupart des autres territoires juridictionnels du Canada; par exemple, les fonctionnaires fédéraux peuvent légalement faire grève, et les fonctionnaires du Manitoba et du Saskatchewan ne sont soumis à aucune restriction en matière de grève.
- 240. Enfin, les plaignants se réfèrent à l'article 18(l) de la loi en question, qui dispose que toute convention collective doit prévoir que la gestion de l'entreprise est de la responsabilité exclusive de l'employeur. Cette gestion est définie comme s'appliquant à deux ensembles de questions: celles se rapportant à la discipline et à la classification des emplois et celles ayant trait à l'appréciation des mérites professionnels, à la formation, à la notation et aux pensions de retraite; cette distinction s'appuie sur le fait que les deux groupes de questions ne peuvent faire l'objet de négociation collective ou d'un arbitrage, tandis que les directives régissant la seconde catégorie peuvent être révisées par l'employeur et l'agent de négociation. Le CTC admet que certains points mentionnés à l'article 18 se rapportent essentiellement à la gestion des affaires publiques, mais il estime que d'autres points concernent uniquement les conditions d'emploi. Il n'accepte pas que des modalités et conditions d'emploi aussi capitales que la discipline, le licenciement, la suspension, le classement et les pensions de retraite soient exclues du domaine de la négociation collective.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 241. La réponse du gouvernement provincial, jointe à la communication du gouvernement en date du 25 janvier 1982, signale que la loi sur la négociation collective dans la fonction publique reprenait, lorsqu'elle fut adoptée, les recommandations d'une commission sur la négociation collective dans la fonction publique, qui avait siégé en 1969 sous la présidence d'un magistrat. Le gouvernement indique que la loi reconnaît l'intégrité et l'indépendance des agents de négociation des fonctionnaires. Elle permet à tout syndicat de pourvoir à l'organisation syndicale des fonctionnaires provinciaux. Elle confère des droits de négociation à des fonctionnaires et agents qui en étaient jusque-là privés. Elle prévoit des droits d'homologation et des procédures de révocation, ainsi que des garanties en ce qui concerne la participation des employeurs à la création ou au fonctionnement des syndicats.
- 242. Selon le gouvernement, le Tribunal indépendant des relations professionnelles dans la fonction publique, créé en vertu de la loi, est investi du pouvoir exclusif de statuer en dernier recours pour tout ce qui a trait à l'application normale de la loi, de façon que la protection permanente des intérêts des fonctionnaires soit garantie. Le tribunal a le pouvoir - le cas échéant après auditions et enquêtes - de rendre une décision concernant le droit de négociation des syndicats, de désigner des médiateurs et des conseils d'arbitrage, et d'enquêter sur toutes pratiques déloyales en matière de travail et d'émettre des directives à ce sujet. En cas de différend sur le point de savoir quelles questions peuvent faire l'objet de négociation et d'arbitrage, le tribunal statue en dernier ressort. Le gouvernement indique que les dispositions de la loi reflètent la conviction du Parlement provincial de l'Ontario que les procédures de règlement des différends normalement acceptables dans le secteur privé ne conviennent pas au secteur public tel qu'il se présente dans l'Ontario. Lorsque les parties sont dans l'impossibilité de régler leurs différends par la voie de la négociation directe, il existe des mécanismes de médiation et d'arbitrage qui peuvent être mis en oeuvre sous l'autorité du tribunal. L'arbitrage est une procédure de dernier recours en cas de différend, sauf en ce qui concerne un petit nombre de questions se rapportant aux fonctions et responsabilités des employeurs et qui ne sauraient être réglées par un tiers. Le gouvernement estime qu'il doit continuer à assumer convenablement ses responsabilités envers le public. Aussi dispose-t-il du pouvoir de décision en ce qui concerne les effectifs, l'organisation, le déploiement et la répartition de la main-d'oeuvre.
- 243. Le gouvernement admet que la loi en question comporte l'interdiction générale des grèves et des lock-out pour les fonctionnaires, et que la législation en vigueur dans d'autres ressorts juridictionnels varie, allant de l'absence de toute interdiction spécifique à un droit de grève soumis à conditions, ou encore à une interdiction formelle. Il souligne toutefois que la loi en question institue des mécanismes permettant le règlement opportun des différends et il estime que de tels mécanismes ont bien mérité des fonctionnaires et des citoyens de l'Ontario. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la loi constitue une violation de la convention no 87, le gouvernement se déclare convaincu qu'il n'existe pas de droit coutumier international conférant aux fonctionnaires le droit de grève, et qu'en outre l'interdiction de la grève, telle qu'elle est formulée par la loi, ne constitue aucunement une violation des obligations juridiques du canada sur le plan international.
- 244. En ce qui concerne la portée des négociations collectives, le gouvernement explique que, selon la loi, certaines fonctions exclusives de gestion ne sauraient faire l'objet d'une négociation collective, ni être placées sous la juridiction d'un organe collectif emploi, nomination, effectifs, organisation, affectation, méthodes et procédés de travail, types de matériel et leur emplacement, classement des postes (le système de classement et d'évaluation des tâches est un point qui peut être négocié, et des négociations sont effectivement en cours à ce sujet). D'autres questions telles que le système d'avancement, la formation et le perfectionnement, la notation et les pensions de retraite sent examinées en commun par l'employeur et les agents de négociation. D'après le gouvernement, la loi dispose en outre que les fonctionnaires peuvent recourir, s'il y a contestation touchant une mesure disciplinaire, la notation ou la classification des postes, ou encore l'ensemble des modalités et conditions d'emploi, telles qu'elles sont prévues dans les conventions collectives. Le pouvoir de décision définitive en cas de différends de cet ordre est conféré au Conseil de règlement des différends dans la fonction publique, dont les décisions sont sans appel et ont force obligatoire peur l'employeur, le syndicat et les fonctionnaires. Le gouvernement affirme que ces droits normaux de gestion sont essentiels à la conduite des affaires publiques et au bien-être de la collectivité et qu'ils ressortissent aux responsabilités du gouvernement en tant qu'employeur.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 245. Le comité note que ce cas se réfère à des allégations relatives à la violation de la convention no 87 par le gouvernement provincial et par le biais de la législation applicable à la fonction publique, laquelle interdit les grèves dans ce secteur et la négociation de certaines modalités et conditions d'emploi des fonctionnaires.
- 246. Tout d'abord, le comité souhaite souligner que ce cas est semblable à un autre cas concernant le Canada, le cas no 893, examiné en novembre 1978, et se rapportant à la législation antigrève dans la fonction publique d'une autre province. En conséquence, le comité souhaite rappeler les considérations qu'il a exprimées dans le cas antérieur, à savoir que tout en reconnaissant que la liberté d'association n'implique pas nécessairement le droit de grève pour tous les fonctionnaires, toutes les fois que ce droit est interdit, des garanties appropriées permettant de protéger pleinement les intérêts des travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défendre leurs intérêts professionnels doivent être accordées. Ces garanties comprennent des procédures rapides et impartiales de conciliation et d'arbitrage, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, les décisions étant dans tous les cas obligatoires pour les deux parties. De telles décisions, une fois rendues, devraient être exécutées rapidement et de façon complète.
- 247. Dans le cas présent, le comité note que, selon le gouvernement, il n'existe pas de droit coutumier international accordant le droit de grève aux fonctionnaires et qu'il existe des procédures appropriées de règlement des différends qui compensent l'absence de ce droit. A cet égard, le comité doit rappeler que le droit de grève - généralement reconnu comme découlant de l'article 3 de la convention no 87, ratifiée par le Canada - peut être limité dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption risque de mettre en danger la vie ou les conditions d'existence de tout ou partie de la population. L'interdiction du droit de grève imposée au personnel de l'Office des patentes (spiritueux) de l'Ontario, de l'Office de contrôle des spiritueux, de la commission des parcs du Niagara, de l'Office du logement et de l'office de réparation des lésions professionnelles apparaît au comité comme allant bien au-delà de ce critère. Le comité voudrait en conséquence suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'adopter un amendement à la législation en question, de sorte que les grèves ne soient interdites que dans les entreprises qui assurent des services essentiels au sens strict du terme. S'agissant des agents auxquels le droit de grève est légitimement inapplicable, le comité note que la loi en question prévoit une procédure de médiation et d'arbitrage devant un Tribunal indépendant des relations professionnelles dans la fonction publique et devant un Conseil permanent de règlement des différends. Le comité croit comprendre que la loi contient des procédures protégeant adéquatement les intérêts des travailleurs en question.
- 248. En ce qui concerne la seconde allégation des plaignants, selon laquelle la loi limite les questions pouvant faire l'objet de négociations collectives, le comité note que l'article 18 de cette loi exclut effectivement de la négociation certaines questions importantes concernant directement les conditions d'emploi des fonctionnaires. Il l'interprète comme signifiant que le gouvernement peut prendre des décisions unilatérales sur ces questions, de telle sorte que les agents visés par la loi, qui sont également privés du droit de grève, sont dans l'impossibilité de demander que de telles questions soient réglées par la voie de la négociation. A cet égard, le comité souhaite faire observer que, de toute évidence, certaines questions relèvent au premier chef ou essentiellement de la gestion et de la conduite des affaires du gouvernement; de telles questions peuvent être raisonnablement considérées comme se situant hors du cadre des négociations. Il est également évident que certaines autres questions concernent au premier chef ou essentiellement les conditions d'emploi et qu'elles ne sauraient donc être considérées comme sortant du cadre de la négociation collective conduite dans une atmosphère de bonne foi et de confiance mutuelle. Le comité souhaite en conséquence inviter le gouvernement, compte tenu des principes et considérations susmentionnés, à envisager la possibilité d'accroître le nombre de questions pouvant être soumises à l'arbitrage ou à la négociation, de façon à y inclure les questions qui se rapportent directement aux conditions d'emploi des agents de la fonction publique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 249. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) S'agissant de l'interdiction des grèves qui figure dans la loi sur la négociation collective dans la fonction publique, le comité, tout en reconnaissant que la liberté d'association n'implique pas nécessairement le droit de grève pour tous les agents de la fonction publique, désirerait souligner que l'interdiction de ce droit ne devrait être étendu qu'aux services essentiels au sens strict du terme. Il souhaiterait en conséquence suggérer au gouvernement d'envisager la possibilité d'adopter un amendement à ladite loi, de sorte que les grèves ne soient interdites qu'aux agents assurant des services essentiels au sens strict.
- b) En ce qui concerne l'interdiction contenue dans la loi, de négocier certaines modalités et conditions d'emploi, le comité, tout en reconnaissant que certaines questions relèvent essentiellement de la conduite des affaires du gouvernement, souhaiterait faire observer que certaines autres questions ont trait aux conditions d'emploi et ne devraient pas être considérées comme se situant hors du cadre de la négociation collective. Il souhaite inviter le gouvernement à envisager la possibilité de modifier les dispositions dont il s'agit de façon à augmenter le nombre de questions pouvant être négociées et à y inclure celles qui concernent directement les conditions d'emploi des agents de la fonction publique.