Visualizar en: Inglés - Español
- 435. Les plaintes figurent dans des communications du Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL), de la Fédération syndicale mondiale (FSM) et de la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC) en date des 20 et 26 octobre et du 3 novembre 1981, respectivement. La Fédération syndicale mondiale a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 2 décembre 1981. Le gouvernement a répondu par des communications des 16 décembre 1981, 15 et 25 janvier et 10 février 1982.
- 436. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 437. Les organisations plaignantes allèguent qu'à la suite d'une grève générale de protestation contre la cherté de la vie, les bas salaires, le taux élevé de chômage et l'absence totale de libertés civiles et syndicales, décidée à l'unanimité par une assemblée nationale syndicale convoquée par le mouvement syndical national, une vague de répression d'une ampleur considérable a été déclenchée, qui s'est traduite par l'emprisonnement et la torture de dirigeants syndicaux, la violation de sièges syndicaux, l'attaque de la Fédération des travailleurs de Cundinamarca par les troupes gouvernementales et l'assassinat de plusieurs participants à la grève.
- 438. La FSM ajoute que la grève générale a été déclarée illégale par le gouvernement et elle a joint une listel où figure le nom de 30 dirigeants syndicaux, d'un ancien dirigeant syndical et de sept syndicalistes actuellement détenus.
- 439. Les plaignants allèguent également qu'en décrétant l'état de siège (décret no 2932 du 19 octobre 1981), le gouvernement s'est arrogé de façon arbitraire et illégale la faculté de suspendre par la voie administrative la personnalité juridique des organisations syndicales pour une période pouvant aller jusqu'à un an, ce qui a entraîné la suspension des organisations syndicales ayant pris part à la grève, à savoir: la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (suspendue pour six mois), la Fédération colombienne des enseignants (suspendue pour six mois), la Fédération nationale des travailleurs au service de l'Etat (FENALTRASE), la Fédération des travailleurs de l'industrie du ciment et des matériaux de construction (FETRACONCEM) et la Fédération des travailleurs de Cundinamarca.
- 440. Enfin, les plaignants allèguent le licenciement de dirigeants syndicaux parmi lesquels figurent les dirigeants du Syndicat national du département administratif national de statistique (SINDANE).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 441. Dans sa communication du 16 décembre 1981, le gouvernement nie catégoriquement qu'il existe une répression contre le mouvement syndical et il déclare que l'allégation des plaignants à ce sujet est subjective, vague, partiale et de caractère politique, et que les plaintes ne font pas état de charges contre quiconque et n'apportent pas de preuves à l'appui des affirmations inexactes des plaignants. Selon le gouvernement, la réalité est qu'il y a eu des actions illégales contre l'ordre juridique établi, lequel n'est pas un régime policier totalitaire, mais un état de droit avec séparation des pouvoirs et des syndicats libres et autonomes vis-à-vis du gouvernement et qui exercent les libertés démocratiques; le gouvernement ajoute que personne ne peut prétendre autoriser des actes relevant de la subversion et qui, d'autre part, ont été condamnés par les centrales ouvrières démocratiques du pays elles-mêmes.
- 442. S'agissant de la suspension de la personnalité juridique de la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie, de la Fédération nationale des travailleurs au service de l'état et de la Fédération colombienne des enseignants, le gouvernement déclare que ces suspensions on été prononcées par le ministre du Travail et de la sécurité sociale dans le cadre des pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 121 de la Constitution et le décret no 2932 du 19 octobre 1981 (dont l'objectif était d'éviter que les organisations syndicales ne se transforment en outils des groupes de subversion) et ont été motivées par un arrêt de travail de caractère subversif réalisé le 21 octobre 1981, dans lequel étaient impliqués des groupes séditieux qui mettaient en danger la sécurité de l'état, la paix civile et la garantie du libre exercice des droits fondamentaux des habitants du pays, comme le prouve l'attitude des confédérations, fédérations et syndicats qui ont condamné expressément le comportement attentatoire d'un groupe infime dont le but était de provoquer le chaos, de porter atteinte à l'ordre public et de saper non seulement les institutions démocratiques du pays mais aussi la paix nationale. Le gouvernement signale que la personnalité juridique de la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie du ciment et des matériaux de construction n'a pas été suspendue et que les organisations en cause ont déjà introduit un recours auprès de l'organe compétent contre les décisions administratives en question.
- 443. Pour ce qui est de la détention de 38 dirigeants et militants syndicaux, le gouvernement, dans sa communication du 25 janvier 1982, indique qu'il a demandé des informations au procureur délégué auprès des forces armées et il déclare que les circonstances qui ont entouré la grève du 21 octobre constituaient une grave perturbation de l'ordre public et de la sécurité de l'état étant donné qu'il s'agissait d'une situation d'ordre à la fois public et politique devant laquelle le gouvernement avait l'obligation d'agir afin d'éviter que des groupes subversifs sans scrupules, se retranchant derrière un soi-disant arrêt de travail qui n'en était pas, cachent leurs activités subversives ou préjudiciables à la paix nationale. Le gouvernement indique, enfin, qu'en vertu de l'article 28 de la Constitution, il est autorisé, par décision du Conseil des ministres, après avis du Conseil d'Etat, à ordonner la détention temporaire de personnes quand il existe de sérieux indices du fait qu'elles ont commis des actes attentatoires à la paix publique et qu'à l'issue du délai de détention ces personnes sont soit mises en liberté, soit remises aux autorités compétentes avec les preuves alléguées pour qu'il soit décidé de leur sort conformément à la loi; de cette manière, parmi les personnes retenues en raison de la grève du 21 octobre 1981, certaines sont déjà libérées, d'autres ne le sont pas, non pour des activités syndicales, mais pour s'être comportées en violation de la loi.
- 444. Finalement, au sujet des allégations de licenciements de dirigeants syndicaux de la SINDANE, le gouvernement annexe un document émis par le chef du Département national des statistiques, d'où il ressort qu'une seule personne a été licenciée après qu'a été suivie la procédure disciplinaire prévue par la loi.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 445. Avant d'aborder le fond des différentes questions soulevées par les plaignants à propos de la grève générale à laquelle ils se sont référés, le comité tient à exprimer sa préoccupation devant la gravité des allégations: assassinat de plusieurs participants à la grève générale; torture, détention ou licenciement de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; attaque eu violation de sièges syndicaux; et suspension par voie administrative de diverses fédérations et d'une confédération.
- 446. Le comité prend note de ce que le gouvernement nie catégoriquement l'existence d'une répression contre le mouvement syndical et déclare que la réalité est qu'il y a eu des actions illégales contre l'ordre public établi et des actes relevant de la subversion.
- 447. Quant à la suspension de la personnalité juridique de certaines organisations syndicales, le comité note que le gouvernement a déclaré qu'il n'avait pas suspendu la personnalité juridique de la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie du ciment et des matériaux de construction (FETRACONCEM) et que la suspension de la personnalité juridique de la Confédération syndicale des travailleurs de Colombie (CSTC), de la Fédération nationale des travailleurs au service de l'état (FENALTRASE) et de la Fédération colombienne des enseignants (FECODE) avait été prononcée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en application de l'article 121 de la Constitution (déclaration d'état de siège) et du décret no 2932 du 19 octobre 1981, et motivée par un arrêt de travail de caractère subversif, ayant eu lieu le 21 octobre 1981, et dans lequel étaient impliqués des groupes séditieux qui mettaient en danger la sécurité de l'état, la paix civile et la garantie du libre exercice des droits fondamentaux des habitants du pays. Le comité note également que les organisations dont la personnalité juridique a été suspendue ont introduit un recours auprès de l'organe judiciaire compétent contre les décisions administratives en question.
- 448. A cet égard, indépendamment du point de savoir si les motifs avancés par le gouvernement ont justifié ou non la décision de l'autorité administrative de suspendre la personnalité juridique des organisations susmentionnées, le comité doit signaler qu'il ressort clairement du principe établi à l'article 4 de la convention no 87, selon lequel "les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie, administrative", qu'il ne suffit pas que la législation accorde le droit de recours contre les décisions administratives comportant la suspension d'organisations syndicales, mais que ces décisions ne doivent prendre effet que lorsque le délai légal d'appel sera écoulé sans qu'un appel contre ces décisions ait été interjeté ou lorsque les décisions considérées auront été confirmées par l'autorité judiciaire, cette dernière ayant pu connaître le fonde de la question à la lumière des dispositions de la convention no 87.
- 449. Par conséquent, eu égard aux graves restrictions aux droits syndicaux qu'impliquent les mesures de suspension en question et étant donné que pour les questions de ce genre les droits de la défense ne peuvent être pleinement garantis que par une procédure judiciaire ordinaire, le comité, tout en notant que les décisions administratives de suspension de la personnalité juridique de la CSTC, de la FENALTRASE et de la FECODE ont eu lieu dans le cadre de l'état de siège, ne peut que déplorer ces mesures manifestement contraires aux dispositions de l'article 4 de la convention no 87 et prier le gouvernement de modifier, à la lumière des principes susmentionnés, le texte de loi sur lequel elles se fondent (décret no 2932 du 19 octobre 1981), et, en attendant les décisions judiciaires qui seront prises au sujet de ces mesures, de suspendre les effets de ces dernières dans les plus brefs délais. Le comité prie instamment le gouvernement de l'informer de l'évolution de la situation.
- 450. En ce qui concerne la détention des 38 dirigeants et militants syndicaux mentionnés dans la liste de la FSM qui figure en annexe à ce rapport, le comité, tout en notant les déclarations du gouvernement, et en particulier que certains d'entre eux sont déjà libérés, observe que celui-ci n'a pas indiqué quels étaient les faits qui étaient imputés aux intéressés, ni ceux qui se trouvaient encore détenus. Le comité prie, en conséquence, le gouvernement de répondre avec précision à ces allégations.
- 451. Pour ce qui est de l'allégation relative au licenciement de dirigeants de la SINDANE, le comité note que, selon le gouvernement, une seule personne a été destituée après qu'a été suivie la procédure disciplinaire prévue par la loi. En conséquence, compte tenu de la contradiction qui existe entre les allégations et la réponse du gouvernement et du fait que les plaignants n'ont apporté aucune précision ni sur les motifs des licenciements ni sur l'identité des intéressés, le comité estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 452. Enfin, le comité ne peut qu'affirmer son insatisfaction quant au fait que le gouvernement n'a pas répondu de manière précise aux autres allégations: assassinat de plusieurs participants à la grève générale; torture de dirigeants syndicaux; attaque contre des locaux syndicaux et suspension par voie administrative de la Fédération des travailleurs de Cundinamarca. Par conséquent, le comité prie le gouvernement de lui envoyer ses observations à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 453. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et en particulier les conclusions suivantes:
- a) D'une manière générale, le comité exprime sa préoccupation devant la gravité des allégations présentées.
- b) En ce qui concerne les allégations relatives à l'assassinat de plusieurs participants à la grève générale; à la torture de dirigeants syndicaux, détention de dirigeants et de militants syndicaux, attaque ou violation de domicile de sièges syndicaux; et à la suspension par voie administrative de la Fédération des travailleurs de Cundinamarca, le comité ne peut qu'affirmer son insatisfaction devant les réponses peu précises du gouvernement à ces allégations et le prie donc d'envoyer ses observations à ce sujet.
- c) En ce qui concerne les dirigeants et militants syndicaux mentionnés dans la liste annexée et qui auraient été emprisonnés en raison de l'arrêt de travail du 21 octobre 1981, le comité note que certains d'entre eux sont en liberté. Il prie cependant le gouvernement d'indiquer ceux qui sont encore emprisonnés et les faits qui leur sont imputables.
- d) En ce qui concerne la suspension de la personnalité juridique de la FETRACONCEM, le comité prend note de ce que cette suspension n'a pas eu lieu.
- e) Quant aux décisions administratives de suspension de la personnalité juridique de la CSTC, de la FENALTRASE et de la FECODE, le comité ne peut que déplorer ces mesures qui sont manifestement contraires aux dispositions de l'article 4 de la convention no 87 selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de modifier, à la lumière des principes susmentionnés, le décret no 2932 du 19 octobre 1981 -texte légal sur lequel se fondent les décisions administratives susmentionnées. Le comité prie également le gouvernement de suspendre dans les plus brefs délais les effets de ces mesures administratives, en attendant les décisions judiciaires qui seront prises au sujet de la suspension de la personnalité juridique des organisations en question, et de l'informer de l'évolution de la situation.
- f) Peur ce qui est du licenciement de dirigeants de la SINDANE, le comité, compte tenu de l'absence de précision de la part des plaignants et de la contradiction qui existe entre les allégations et la réponse du gouvernement, estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Z. ANNEXE
Z. ANNEXE- LISTE DE DIRIGEANTS SYNDICAUX ET DE SYNDICALISTES DETENUS, ENVOYEE PAR LA FSM
- Abel Rodríguez, président de la FECODE
- Edgar Dussan, dirigeant de la FECODE
- Faustino Galindo, président de la FESTRAC
- Hernán Sierra, secrétaire général de la FESTRAC
- Héctor Molina, membre du comité exécutif de la CTC et président de la FETRACUN
- Victor Manuel Quinque, vice-président de la FENALTRASE
- Manuel Rengifo, membre du CONGRA
- Javier A. Sarmiento, dirigeant du SINTRACROYDON (Bogotá)
- Hugo Velez Roger, membre de l'UTPAN - UTC (Medellín)
- Israel Ortigoza, ex-président de la FESUTPAL
- Victor Franco, membre de MAPYSOL (Barranguilla)
- Agustín Figueroa, dirigeant de la CSTC et de la FEDEPETROL (Bucaramanga)
- Luis Eduardo Yaya, président de la FESTRAM et dirigeant de la CSTC
- José Esguerra, dirigeant de la FESTRAM (Villavicencio)
- Ruben Dario Castaño, président de la FEDECALDAS (CSTC) et membre de la direction de cette centrale
- Alcides Otàlora, président régional de la CSTC
- Jaime Dussan, président d'ADIH (FECODE)
- Luis Ernesto Lasso, membre de l'ASPU (FECODE)
- Luis Eduardo Pérez, dirigeant de la section du SINTRAIDEMA (CSTC)
- Armado Cuéllar, dirigeant de l'UNEC
- Tito Salazar, dirigeant du Comité des travailleurs de l'Etat (Neiva)
- Oscar Aldana, président de l'APROMEQUIN (FECODE)
- Antonio Toro, président de la section de l'ACPES (FECODE) (Armenia)
- Juan Mendoza, président du Syndicat de l'enseignement
- Ricardo Paz, trésorier du syndicat de l'enseignement
- Manuel Rivero, membre du Syndicat de l'enseignement (Monteira)
- Joaquín Sinisterra, membre du Syndicat des travailleurs de l'industrie sucrière (CSTC)
- Abraham Mojica, membre du Syndicat des travailleurs de l'industrie sucrière (CSTC)
- Jairo Quintero, membre du Syndicat des travailleurs de l'industrie sucrière (Palmira)
- Pedro Ramírez, président de la FESTRALSA (CSTC)
- Victor Mieles, président de la section du Syndicat Cicolac (Valledupar)
- Argemiro Pérez, président de la CSTC (Sogamoso)
- Rafael Cely, député de l'Assemblée de Tolima, président de la FEDETOL - CSTC et membre de la direction de cette centrale
- Jorge Noel Robayo, conseiller de l'ONU à Ibagué et dirigeant du SUTIMAL - CSTC
- Jairo Espinosa, conseiller de l'ONU (région d'Ibagué)
- Luis Pomares, dirigeant du SINTRABOCOL (Cartagène)
- Miguel Zabala, dirigeant de la FETRASUCRE (CSTC) (Sincelejo)
- Alirio Romero, coordonnateur des syndicats du sud de Tolima (Chaparral).