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- 286. Par une communication conjointe du 29 octobre 1981, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et la Fédération internationale des travailleurs des transports (FITT) ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Chili. Les organisations plaignantes ont envoyé des informations complémentaires les 1er et 3 décembre 1981. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 10 février et 21 avril 1982.
- 287. Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 288. Dans leurs plaintes, la CISL et la FITT dénoncent l'adoption, par le gouvernement du Chili, de la loi no 18032 concernant les travailleurs portuaires.
- 289. Dans son télégramme du 1er décembre 1981, la CISL proteste contre les mesures de relégation imposées à l'encontre des dirigeants syndicaux des travailleurs maritimes de Talcahuano, Juliano Troncoso Rodriguez, Reginaldo Troncoso Rodríguez, Juan Cifuentes Gutierrez et Domingo Bravo, qui avaient protesté contre l'adoption de la nouvelle loi.
- 290. Les plaignants expliquent dans leur communication du 3 décembre 1981 que, le 25 septembre 1981, la loi n° 18032 concernant les travailleurs portuaires a été publiée au Journal officiel. Cette loi introduit des modifications au décret-loi n° 2200 du 1er mai 1978 sur les contrats de travail et la protection des travailleurs, ainsi qu'au décret-loi no 2756 du 29 juin 1979 sur l'organisation syndicale. En outre, la nouvelle loi ajoute un nouveau titre (titre VI) au livre I du code du travail.
- 291. Les plaignants rappellent que les modifications qui avaient été apportées antérieurement à la législation du travail n'étaient pas applicables aux travailleurs portuaires en raison des spécificités et de la longue tradition du secteur maritime. De l'avis des plaignants, la loi no 18032 entraîne une régression importante des conditions de travail des travailleurs portuaires (autrefois appelés travailleurs maritimes du cabotage). La loi en question supprime le "système des matricules" et établit un "permis de travailleur portuaire", ce qui signifie qu'à partir de la promulgation tout le personnel autrefois "immatriculé" s'est trouvé sans travail.
- 292. La loi établit également que la relation de travail employeur-travailleur est régie par des contrats individuels, ce qui suppose qu'il n'y a plus de négociation collective. Toutes les prestations financées directement par les travailleurs (aides scolaires, cliniques, etc.) sont, selon les plaignants, supprimées. Enfin, la loi ne retient plus le système de nomination par "tour de rôle" et l'obligation des employeurs de s'adresser aux organisations syndicales pour recruter du personnel.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 293. Au sujet des personnes reléguées, le gouvernement indique que les personnes citées dans les plaintes ont été arrêtées le 28 octobre 1981 pour s'être livrées à des activités contraires à l'ordre public. Le 29 octobre, les autorités gouvernementales les ont assignées à résidence dans diverses villes du pays. Ces mesures ont été levées le 24 novembre 1981, les intéressés jouissant, à partir de cette date, de la plus large liberté de déplacement sur tout le territoire.
- 294. Pour ce qui est des allégations relatives à la loi no 18032, le gouvernement déclare que le "système des matricules" n'a pas été supprimé. La loi établit seulement l'obligation de renouveler ce "matricule" par un "permis de travailleur portuaire" qui ne peut être accordé qu'à des personnes réunissant certaines conditions fixées dans la loi. Pour le gouvernement, ce qui a pris fin, ce sont uniquement les caractéristiques "monopolistes" du système des matricules qui introduisaient des discriminations. Il est faux, selon le gouvernement, d'affirmer que les travailleurs portuaires sont maintenant en chômage. Ce sont, au contraire, les travailleurs eux-mêmes, ajoute-t-il, qui ont refusé d'aller au travail quand on le leur a demandé. Il précise que les entreprises garderont lors des engagements de personnel une préférence pour les possesseurs d'anciens matricules en raison de leur plus grande expérience.
- 295. Au sujet des allégations concernant la fin de l'obligation des employeurs de s'adresser aux syndicats pour recruter du personnel, le gouvernement observe qu'aux termes de la constitution nationale nul ne peut conditionner un travail ou un emploi à l'affiliation à une organisation ou au retrait d'une organisation. En ce sens, la loi no 18032 met un terme au monopole et à l'accès préférentiel et discriminatoire au travail que possédaient 3.500 travailleurs dans le pays et qui portaient grandement préjudice aux 20.000 travailleurs qui oeuvraient clandestinement dans les ports.
- 296. Pour ce qui est de la négociation collective, le gouvernement déclare que les travailleurs pourront négocier de trois manières avec leurs employeurs: négociation individuelle, accords par négociation entre le syndicat de travailleurs occasionnels et les employeurs, et négociation collective à l'intérieur d'une entreprise de chargement et déchargement. Pour le gouvernement, la négociation collective est une procédure destinée à fixer la forme de rémunération des services prêtés par les travailleurs. En conséquence, ajoute-t-il, cette négociation doit nécessairement s'effectuer entre les travailleurs et ceux qui demandent leurs services, sous forme bilatérale. Le travailleur a le droit d'exiger une rémunération conforme au service qu'il rend, mais cette exigence ne peut être excessive pour l'employeur et faire porter le coût à des tiers, comme le ferait une négociation par branche d'activité. Cette dernière, en effet, constitue un coût pour les consommateurs, les chômeurs et l'Etat, et entraîne une situation de monopole appelée communément "cartel".
- 297. Pour ce qui est de la suppression des prestations contenues dans les conventions conclues entre les organisations syndicales et la Chambre maritime du Chili, le gouvernement observe que, pour qu'il y ait maintenant liberté du travail et liberté d'affiliation aux organisations syndicales, les contrats collectifs, sous leur forme ancienne, doivent être remplacés par des contrats individuels ou collectifs conclus conformément à la législation en vigueur. Ces contrats seront signés à l'avenir directement avec les employeurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 298. Le comité note tout d'abord que les dirigeants syndicaux qui avaient protesté contre l'adoption de la loi no 18032 Pt qui avaient été relégués ont recouvré leur liberté de déplacement. A cet égard, le comité tient à souligner que l'assignation à résidence, qui prive les syndicalistes de la possibilité de se livrer à des activités syndicales, constitue une mesure incompatible avec la jouissance normale du droit d'association.
- 299. Pour ce qui est de la loi proprement dite, le comité observe que certaines des allégations formulées par les plaignants ne concernent pas directement les droits syndicaux mais ont rait plus généralement aux conditions de travail des travailleurs portuaires. Ces allégations n'entrent donc pas dans la compétence du comité.
- 300. Le comité doit d'ailleurs observer que la nouvelle loi concernant les travailleurs portuaires établit de sérieuses limitations à la négociation collective à l'instar de la législation générale en la matière, que le comité avait examinée lors de sa promulgation. Le comité doit notamment rappeler que la législation ne devrait pas faire obstacle à une négociation collective au niveau d'une industrie. Il estime en effet que, pour sauvegarder l'indépendance des parties, le mieux serait de leur permettre de décider d'un commun accord du niveau auquel la négociation devrait s'effectuera.
- 301. Pour ce qui est de la suppression de l'obligation des employeurs de s'adresser aux syndicats peur recruter du personnel, le comité doit rappeler qu'il a toujours estimé que les question relatives à l'existence ou non de systèmes de sécurité syndicale dans un pays donné doivent être réglées sur le plan national. Se fondant sur cette déclaration, le comité estime que ces allégations n'appellent pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 302. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et notamment les conclusions suivantes:
- a) Le comité considère que la nouvelle loi concernant les travailleurs portuaires établit de sérieuses limitations à la négociation collective et que la législation ne devrait pas faire obstacle à une négociation collective au niveau d'une industrie.
- b) Le comité, estimant que l'existence ou non de systèmes de sécurité syndicale devant être réglée sur le plan national, estime que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.