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- 141. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de novembre 1984 et 1985 où il a présenté des rapports intérimaires au Conseil d'administration. (Voir 236e rapport du comité, paragr. 553 à 579, et 241e rapport, paragr. 649 à 687.)
- 142. Postérieurement au dernier examen du cas, par une communication du 14 avril 1986, le gouvernement du Burkina Faso a invité le BIT à venir constater sur place la situation des relations professionnelles dans le pays. A sa réunion de juin 1986, le comité s'est réjoui de ce que le gouvernement soit disposé à accepter une mission sur place et à décider d'ajourner l'examen de ce cas en attendant les résultats de cette mission. (Voir 244e rapport, paragr. 11.)
- 143. Des dispositions ont donc été prises pour qu'une mission de contacts directs se rende au Burkina Faso à la fin du mois de septembre 1986. Le Directeur général a nommé M. B. Gernigon, chef adjoint du Service de la liberté syndicale comme son représentant pour effectuer cette mission. Cette dernière a séjourné à Ouagadougou du 22 au 30 septembre 1986. Au cours de la mission de contacts directs, le représentant du Directeur général était accompagné de Mme A.J. Pouyat, membre du Service de la liberté syndicale. M. A. Malu, conseiller régional pour les normes internationales du travail, avait pris préalablement les contacts nécessaires pour préparer la mission. Le rapport de la mission figure à l'annexe I à la fin du présent rapport.
- 144. Depuis le retour de la mission, le gouvernement a envoyé un câble en date du 1er octobre 1986.
- 145. Le Burkina Faso a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 146. Les allégations se référaient, d'une part, à l'internement administratif de quatre dirigeants syndicaux du Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV) et, d'autre part, au licenciement d'environ 2.600 enseignants pour avoir participé, en mars 1984, à une grève de solidarité de 48 heures avec leurs dirigeants emprisonnés. Par ailleurs, le gouvernement avait procédé au recrutement de travailleurs pour remplacer les enseignants grévistes et avait publié une circulaire interdisant l'embauche de ces derniers par les établissements privés. En outre, selon les allégations, le gouvernement aurait suscité la réunion d'un Congrès extraordinaire du SNEAHV du 28 au 30 août 1984 et, au cours de ce congrès, une direction syndicale illégale aurait été élue.
- 147. Le gouvernement, dans ses réponses écrites, n'avait pas nié avoir procédé aux internements administratifs de dirigeants syndicaux et aux licenciements d'enseignants grévistes, mais il avait expliqué que les mesures prises avaient été motivées par les activités politiques et non syndicales des intéressés et par le caractère putschiste et réactionnaire de la grève. Pour preuve, il avait envoyé une copie de la motion du Congrès du SNEAHV du 7 août 1983, dans laquelle ce syndicat critiquait sur un ton dur l'action du gouvernement.
- 148. Les plaignants, dans une communication du 28 mars 1985, avaient indiqué que, bien que le gouvernement ait commencé à procéder à la réintégration d'une centaine de grévistes sur les 2.600 personnes licenciées, les enseignants admis à reprendre leur travail avaient été soumis à un contrôle politique comme condition de leur réintégration, ainsi qu'en témoignait la photocopie d'un formulaire de demande de reprise dans la fonction publique burkinabé jointe à la documentation. Cette documentation faisait également état de l'interdiction faite aux enseignants licenciés d'exercer toute activité syndicale dès lors qu'ils avaient perdu la qualité d'instituteur et donc de membre du Syndicat des enseignants.
- 149. Le gouvernement, dans une communication du 29 mai 1985, avait rétorqué que 500 enseignants avaient reconnu, dans des autocritiques, avoir été manipulés par une direction syndicale qui les avait engagés à leur insu ou en faisant pression sur eux dans un combat politique contre la révolution démocratique et que le SNEAHV, réuni en congrès au mois d'août 1984, avait changé de nom et de direction pour s'appeler désormais Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB), ses militants ayant condamné les actes de l'ancienne direction.
- 150. Dans une communication ultérieure du 18 juillet 1985, les plaignants avaient annoncé que deux des quatre syndicalistes arrêtés avaient été libérés sans avoir été jugés le 17 juin 1985 après 16 mois de détention. A l'époque, les deux autres syndicalistes, à savoir Jean Pagnimda Bila, secrétaire général du syndicat plaignant, et Batiémoko Kome, secrétaire chargé des problèmes pédagogiques, étaient toujours en détention.
- 151. Lors de son dernier examen du cas, le comité avait noté que deux des dirigeants internés avaient recouvré la liberté et il avait lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il libère les deux autres dirigeants syndicaux encore internés administrativement et qu'il réintègre la totalité des enseignants licenciés. En outre, il avait demandé au gouvernement de restituer et de garantir, tant aux enseignants grévistes qui avaient été licenciés et n'avaient pas encore été réintégrés qu'aux enseignants qui avaient été contraints de signer des déclarations de loyauté, le droit de participer pleinement aux activités syndicales pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Enfin, il avait demandé au gouvernement de fournir le compte rendu du Congrès extraordinaire d'août 1984.
B. Informations écrites communiquées par le gouvernement
B. Informations écrites communiquées par le gouvernement
- 152. Par un câble du 1er octobre 1986, le gouvernement indique qu'à la suite de la venue de la mission du BIT le Conseil des ministres du 1er octobre a levé l'interdiction d'embaucher les enseignants grévistes licenciés dans les établissements d'enseignement privé et autres.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 153. Compte tenu de ce que les informations recueillies par le représentant du Directeur général au cours de la mission figurent dans le rapport de mission annexé au présent rapport, le comité se propose de formuler directement ses conclusions sur les divers aspects du cas.
- 154. Le comité estime, tout d'abord, que le rapport détaillé du représentant du Directeur général prouve l'utilité de telles missions pour un examen approfondi et objectif des plaintes.
- 155. Le comité se félicite en particulier de l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et des facilités qui ont été accordées sans réserve à la mission. Le comité relève notamment avec satisfaction que la mission a pu obtenir toutes les informations désirées et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir pour le bon accomplissement de sa tâche.
- 156. Sur le fond de l'affaire, s'agissant de l'internement administratif des quatre dirigeants du SNEAHV , le comité note avec intérêt que tous les intéressés ont recouvré la liberté depuis plus d'un an. Il n'en demeure pas moins que ces dirigeants sont restés en détention dans un camp militaire à Koudougou ou au siège de la gendarmerie de Ouagadougou, que leurs conditions de détention se sont détériorées pendant les sept mois qui ont suivi le déclenchement de la grève des enseignants et qu'il n'ont recouvré la liberté qu'après 16 ou 18 mois de détention en juin ou en août 1985 selon les cas.
- 157. Le comité note également que le gouvernement a déclaré à la mission que l'arrestation de ces dirigeants syndicaux était motivée par la politisation du mouvement syndical et, en particulier, du mouvement syndical enseignant. En effet, selon le gouvernement, lorsque le Conseil national de la révolution a pris le pouvoir le 4 août 1983, le SNEAHV réuni en congrès à Bobo Dioulasso a adopté une motion condamnant le nouveau gouvernement du capitaine Sankara, l'accusant de pratiques fascistes et en appelant au peuple voltaïque pour qu'il se démarque du Conseil national de la révolution. En revanche, les dirigeants arrêtés et maintenant libérés prétendent qu'ils ont été détenus parce qu'ils avaient gardé la majorité au congrès de Bobo Dioulasso contre un courant minoritaire favorable au nouveau gouvernement et qu'ils ont dû se défendre publiquement contre les attaques de ce courant minoritaire par des tracts signés. Le comité observe donc que les versions du gouvernement et des plaignants sont contradictoires mais il relève que le gouvernement n'a pas fait état d'actes subversifs concrets commis par les intéressés avant leur détention, même s'il considère que la grève des 20 et 21 mars 1984 intervenue postérieurement à leur arrestation avait un caractère d'hostilité au régime du Conseil national de la révolution.
- 158. Dans ces conditions, le comité rappelle que tout prévenu doit jouir d'une présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'est pas prouvée et il déplore la détention pendant de longs mois de dirigeants syndicaux contre lesquels aucun chef d'inculpation n'a été retenu.
- 159. Au sujet des mesures de licenciement qui ont frappé les enseignants grévistes, le comité note que le gouvernement a reconnu que 1.380 enseignants, dont les noms ont été publiés au journal officiel, ont été licenciés à la suite de la grève de deux jours des 20 et 21 mars 1984. Il a expliqué à la mission que, dès le 13 février 1985, 100 enseignants ont été repris et que, le 20 octobre 1985, le Conseil national de la révolution a annoncé de nouvelles réintégrations en application d'une procédure de demande de reprise important une fiche d'information sur le comportement social de l'intéressé. A la suite de l'instauration de cette procédure, 800 demandes ont été déposées par les enseignants et 250 ont été acceptées le 15 janvier 1986. Les enseignants ainsi réintégrés ont été repris à leur ancien grade mais leurs salaires ont été alignés sur la grille des enseignants temporaires, dont les salaires sont sensiblement inférieurs, pendant une période probatoire de trois mois. Enfin, une vingtaine d'enseignants ont été embauchés comme correcteurs dans le secteur de l'information. Le gouvernement a en outre indiqué que certains enseignants ont trouvé un emploi et qu'ils ne souhaitent pas être repris dans l'enseignement.
- 160. Le gouvernement a manifesté son intention de continuer à réintégrer les enseignants qui en font la demande mais il a souligné que ceux-ci devraient également faire des efforts pour s'amender et s'insérer. En outre, les autorités se heurtent à deux problèmes majeurs: des difficultés d'ordre budgétaire et l'impossibilité de licencier des enseignants recrutés pour remplacer les grévistes licenciés.
- 161. Enfin, le comité note avec intérêt qu'à la suite de la mission le Conseil des ministres a levé l'interdiction d'embaucher les enseignants licenciés dans les établissements privés d'enseignement et autres.
- 162. Le comité observe néanmoins qu'il ressort des informations recueillies par la mission qu'un grand nombre d'enseignants n'ont pas encore été réintégrés, et que les reprises sont effectuées sous réserve du dépôt de déclaration de loyauté, de l'assentiment des comités de défense de la révolution et à des conditions salariales inférieures pendant une période probatoire. Il relève également que les enseignants licenciés et leurs ayants droit ont perdu leur droit à pension. Le comité, tout en prenant note des assurances données par le gouvernement concernant ses intentions en matière de réintégration, veut croire que le gouvernement poursuivra son effort en vue de la réintégration pleine et entière de tous les enseignants qui souhaitent retrouver leur poste, et il insiste sur l'importance qu'il attache à l'abrogation des déclarations de loyauté pour obtenir la réintégration. Il exprime également le ferme espoir que, comme le gouvernement l'a déclaré, la situation des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière de droit à pension sera examinée favorablement. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tous développements qui interviendront dans ces domaines.
- 163. S'agissant du Congrès extraordinaire du SNEAHV, qui s'est tenu à Ouagadougou du 28 août au 1er septembre 1984, le comité observe que la mission s'est fait remettre sur place le compte rendu de ce congrès au cours duquel l'ancienne direction du SNEAHV a été critiquée. Une nouvelle direction a été élue comprenant deux dirigeants du Bureau national du SNEAHV qui s'étaient désolidarisés du mouvement de grève et le nom du syndicat a été changé pour devenir le Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB). Les dirigeants du SNEB ont, lors du congrès, manifesté leur intention de négocier avec le gouvernement en faveur de la reprise des enseignants licenciés. Par la suite, le 21 novembre 1984, la passation de service entre la nouvelle direction du SNEB et la direction sortante du SNEAHV a eu lieu en présence d'un représentant de l'Inspection du travail et de la sécurité sociale.
- 164. Le comité observe cependant avec regret que, d'après les informations recueillies pendant la mission, un petit nombre seulement d'anciens adhérents du SNEAHV ont participé aux travaux de ce congrès, étant donné que les enseignants licenciés avaient été privés par leur licenciement du droit d'y participer. En effet, aux termes des statuts du SNEAHV, seuls les enseignants actifs sont membres du syndicat. En outre, le gouvernement avait informé, le jour même de l'ouverture du congrès, les enseignants licenciés qu'ils ne pourraient mener d'activités syndicales. Force est donc de constater que les enseignants licenciés ne pouvaient plus s'affilier à une organisation syndicale susceptible de défendre et de promouvoir leurs intérêts. A ce sujet, le comité rappelle que la perte de qualité de syndicaliste résultant d'un licenciement pour faits de grève n'est pas conforme aux principes de la liberté syndicale. Le comité estime donc que tous les adhérents et les dirigeants du SNEAHV qui ont perdu leur qualité de syndicaliste du fait de leur licenciement devraient avoir le droit de militer dans le syndicat de leur choix pour la défense de leurs intérêts.
- 165. A cet égard, le comité a d'ailleurs noté que certains dirigeants du SNEAHV qui ont été détenus ont été reçus par le ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique et que le ministre faisant suite à une suggestion de la mission avait même accepté le principe d'une réunion avec eux pour discuter des mesures concrètes à prendre en faveur des enseignants licenciés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 166. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité se félicite de l'esprit de coopération dont a fait preuve le gouvernement dans cette affaire et des facilités qui ont été accordées à la mission qui a pu obtenir toutes les informations qu'elle désirait et rencontrer toutes les personnes avec lesquelles elle souhaitait s'entretenir.
- b) Le comité note avec intérêt que les dirigeants syndicaux qui ont été internés administratifs ont recouvré la liberté depuis plus d'un an. Observant cependant qu'aucun acte subversif concret n'a été retenu contre eux, il ne peut que déplorer que les intéressés soient restés en détention pendant de longs mois. Le comité attire donc l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel tout prévenu doit jouir d'une présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée.
- c) Le comité note également avec intérêt que les autorités ont déclaré publiquement à plusieurs reprises qu'il était dans leur intention de favoriser la réintégration des enseignants licenciés. Il note, en particulier, que 350 enseignants ont été repris et que 20 autres ont été embauchés dans le secteur de l'information en 1985 et en 1986. Il note également avec intérêt que le Conseil des ministres vient de lever l'interdiction d'embaucher les enseignants licenciés dans les établissements privés d'enseignement et autres.
- d) Le comité relève cependant qu'un grand nombre d'enseignants n'ont toujours pas été réintégrés, que les reprises sont effectuées sous réserve de déclaration de loyauté et à des conditions salariales inférieures pendant une période probatoire et que les droits à pension des intéressés leur sont déniés. Il veut croire que le gouvernement poursuivra son effort en vue de la réintégration pleine et entière de tous les enseignants licenciés qui souhaitent retrouver leur poste, et il attire l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache à la suppression des déclarations de loyauté comme condition préalable à la réintégration et à la nécessité de réexaminer favorablement la situation des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière de droits à pension. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tous développements intervenus dans ces domaines.
- e) Le comité regrette que le congrès d'août 1984, qui a changé le nom du SNEAHV en SNEB, ne regroupait qu'un petit nombre d'anciens adhérents du SNEAHV étant donné que les syndicalistes licenciés pour faits de grève n'ont pas pu participer à ce congrès. Relevant que, dès l'ouverture de ce congrès, le gouvernement avait informé les enseignants licenciés qu'ils ne pouvaient plus exercer d'activités syndicales, le comité rappelle que tous les adhérents et les dirigeants du SNEAHV , qui ont perdu leur qualité de syndicaliste du fait de leur licenciement, devraient avoir le droit de militer dans le syndicat de leur choix pour la défense de leurs intérêts.
ANNEXE I
ANNEXE I- RAPPORT SUR UNE MISSION DE CONTACTS DIRECTS EFFECTUEE AU BURKINA FASO
- (23-30 septembre 1986)
- (Cas no 1266)
- Introduction
- Par des communications datées de mars 1984, le Syndicat
- national des
- enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV) et la
- Confédération mondiale des
- organisations de la profession enseignante (CMOPE) ont
- présenté des plaintes
- en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de
- la Haute-Volta,
- devenu depuis lors gouvernement du Burkina Faso.
- Sur la base de ces plaintes, des informations complémentaires
- envoyées par les
- organisations plaignantes et des réponses écrites fournies par
- le
- gouvernement, en mars et juin 1984 ainsi qu'en mai 1985, le
- Comité de la
- liberté syndicale a examiné à deux reprises le cas en question
- (en novembre
- 1984 et novembre 1985) et a abouti à chacune de ces
- réunions à des conclusions
- intérimaires (voir 236e rapport, paragr. 553 à 578, et 241e
- rapport, paragr.
- 649 à 687, approuvés par le Conseil d'administration à ses
- 228e et 231e
- sessions, respectivement).
- Le 14 avril 1986, le ministre du Travail, de la Sécurité sociale
- et de la
- Fonction publique a adressé une lettre au Directeur général,
- l'invitant à
- envoyer une mission au Burkina Faso en vue de constater
- "sur place la
- situation des relations professionnelles".
- A sa réunion de mai 1986, le Comité de la liberté syndicale
- s'est réjoui de ce
- que le gouvernement soit disposé à accepter une mission sur
- place et a décidé
- d'ajourner l'examen du cas no 1266 en attendant les résultats
- de cette mission
- dont il espérait qu'elle pourrait avoir lieu à une date prochaine.
- Le Directeur général a désigné M. Bernard Gernigon, chef
- adjoint du Service de
- la liberté syndicale, et Mme Anna Juliette Pouyat, fonctionnaire
- de ce même
- service, pour effectuer cette mission qui a eu lieu du 23 au 30
- septembre
- 1986. Juste avant le début de la mission, M. Anatole Malu,
- conseiller régional
- pour les normes internationales du travail, qui se trouvait à
- Ouagadougou,
- avait pris les contacts nécessaires pour préparer la mission et
- en assurer le
- bon déroulement.
- Le déroulement de la mission
- Au cours de son séjour au Burkina Faso, la mission a eu, à
- plusieurs reprises,
- des entretiens avec M. Fidèle Toé, ministre du Travail, de la
- Sécurité sociale
- et de la Fonction publique; M. Pierre Béléko Kaboré, directeur
- central du
- travail, de l'emploi et de la sécurité sociale, et M. Hama Diallo,
- directeur
- du travail.
- La mission a également rencontré des délégations des
- différentes
- confédérations syndicales de travailleurs existant dans le pays,
- à savoir la
- Confédération nationale des travailleurs burkinabé (CNTB),
- l'Organisation
- nationale des syndicats libres (ONSL), l'Union syndicale des
- travailleurs
- burkinabé (USTB), la Confédération syndicale burkinabé (CSB)
- et le Front
- syndical, regroupant diverses organisations autonomes.
- La mission s'est en outre entretenue plusieurs fois avec des
- dirigeants du
- Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta
- (SNEAHV),
- organisation nationale plaignante dans le présent cas. Enfin,
- elle a eu un
- entretien avec une délégation conjointe du Syndicat national
- des enseignants
- burkinabé (SNEB) et du Syndicat national de l'enseignement
- secondaire (SNES).
- On trouvera la liste des personnes rencontrées par la mission à
- la fin du
- présent rapport.
- La mission tient à souligner qu'elle a bénéficié de la plus
- grande coopération
- de toutes les personnes avec lesquelles elle s'est entretenue.
- Elle a pu
- accomplir sa tâche en toute liberté et en toute indépendance
- et a reçu du
- gouvernement du Burkina Faso toutes les facilités nécessaires
- à la meilleure
- réalisation de la visite sur place.
- Etat du cas en instance devant le comité avant la mission
- Les allégations présentées devant le Comité de la liberté
- syndicale faisaient
- état, tout d'abord, de l'arrestation, en mars 1984, et de
- l'internement
- administratif de quatre dirigeants du Syndicat national des
- enseignants
- africains de Haute-Volta (SNEAHV), à la suite d'une motion
- adoptée par le
- congrès de ce syndicat, le 7 août 1983, critiquant vivement la
- proclamation du
- Conseil national de la révolution qui avait pris le pouvoir trois
- jours
- auparavant. Pour obtenir la libération des dirigeants du
- SNEAHV, le syndicat
- avait organisé une grève de protestation et d'avertissement les
- 20 et 21 mars
- 1984. Le Conseil national de la révolution avait alors répliqué
- en licenciant,
- dès le 23 mars 1984, tous les enseignants qui avaient participé
- à la grève (au
- nombre de 2.600, selon les plaignants) et en publiant, le 24
- avril 1984, une
- circulaire du ministre de l'Education nationale, des Arts et de la
- Culture qui
- interdit l'embauche des enseignants licenciés par les
- établissements privés.
- Le gouvernement avait indiqué que les dirigeants arrêtés
- étaient coupables de
- manoeuvres politiques et putschistes. Par la suite, une
- centaine d'enseignants
- avaient été réintégrés après avoir signé des déclarations de
- loyauté et deux
- des dirigeants détenus avaient été libérés en juin 1985 après
- seize mois de
- détention. Enfin, les dernières allégations formulées se
- référaient à la tenue
- d'un congrès extraordinaire du SNEAHV, en août 1984, qui
- avait changé le nom
- de l'organisation en Syndicat national des enseignants
- burkinabé (SNEB) et
- procédé au renouvellement des organes directeurs sans que
- les enseignants
- licenciés puissent y participer. Le gouvernement avait fait
- observer à cet
- égard que le SNEAHV n'existait plus non pas parce que le
- gouvernement l'avait
- dissous administrativement mais parce que le congrès de
- l'organisation en
- avait décidé ainsi.
- Lors de son dernier examen du cas en novembre 1985, le
- Comité de la liberté
- syndicale avait lancé un appel pressant au gouvernement
- pour qu'il libère les
- deux autres dirigeants encore internés et qu'il réintègre la
- totalité des
- enseignants licenciés. Il avait, en outre, demandé instamment
- au gouvernement
- de restituer et de garantir le droit des enseignants, tant
- licenciés que
- réintégrés, de participer pleinement aux activités syndicales
- pour la défense
- de leurs intérêts économiques et sociaux. Il avait enfin
- demandé au
- gouvernement de fournir le compte rendu du congrès syndical
- extraordinaire
- d'août 1984.
- Informations recueillies au cours de la mission
- a) Arrestation et internement des quatre dirigeants du SNEAHV
- Il a été confirmé à la mission, tant par les autorités
- gouvernementales que
- par trois des dirigeants arrêtés (MM. Bila, Sib et Kindo; le
- quatrième M.
- Komé, résidant actuellement en Côte d'Ivoire), que MM. Jean
- Pagnindma Bila,
- secrétaire général du SNEAHV, Bahiéba Joachim Sib,
- secrétaire aux relations
- extérieures, et Batiémoko Komé, secrétaire chargé des
- relations pédagogiques,
- avaient été arrêtés le 9 mars 1984. L'autre dirigeant, Ismaël
- Ousmane Kindo,
- secrétaire général adjoint du SNEAHV, a été à son tour arrêté
- le 13 mars 1984
- après s'être rendu à la gendarmerie. Ils ont été ensuite
- emmenés au bataillon
- d'infanterie aéroporté de Koudougou, à 100 km de
- Ouagadougou. M. Batiémoko
- Komé a été libéré peu de temps après car, selon le ministre de
- la Défense, il
- ne se serait livré qu'à des activités purement syndicales, avant
- d'être à
- nouveau interné le 3 avril 1984 à la gendarmerie de
- Ouagadougou. Deux des
- dirigeants internés, Ismaël Ousmane Kindo et Bahiéba Joachim
- Sib, ont été
- libérés le 17 juin 1985 et les deux autres Jean Pagnindma Bila
- et Batiémoko
- Komé ont recouvré la liberté le 6 août 1985.
- Sur les motifs de ces arrestations, le ministre du Travail a
- expliqué à la
- mission qu'il convenait de situer ces mesures dans le cadre de
- la politisation
- du mouvement syndical burkinabé et en particulier du
- mouvement syndical
- enseignant. Le SNEAHV a, par exemple, organisé une grève
- de cinquante-quatre
- jours en 1980 qui a abouti à la chute du régime alors au
- pouvoir. Lorsque le
- Conseil national de la révolution a pris le pouvoir le 4 août
- 1983, le SNEAHV
- était alors réuni en congrès à Bobo-Dioulasso. Selon le
- ministre, les
- dirigeants du SNEAHV auraient souhaité que le pouvoir soit
- pris par le parti
- politique dont ils étaient proches. Ils ont alors fait adopter au
- congrès une
- motion condamnant le nouveau gouvernement du capitaine
- Sankara et l'accusant
- même de pratiques "fascistes" et ont lancé un appel au
- peuple voltaïque pour
- qu'il se démarque du Conseil national de la révolution. Pour les
- dirigeants
- arrêtés, les mesures prises à leur encontre ont été prises car ils
- avaient
- gardé la majorité au Congrès de Bobo-Dioulasso d'août 1983
- contre un courant
- minoritaire favorable au nouveau gouvernement. Etant sans
- arrêt attaqués par
- ce groupe minoritaire, ils ont dû se défendre publiquement
- dans des tracts
- signés et ont finalement été arrêtés après qu'on les eut
- prévenus une semaine
- avant leur détention qu'ils seraient incarcérés s'ils
- poursuivaient leurs
- activités.
- Les trois dirigeants du SNEAHV ayant été détenus et
- rencontrés par la mission
- lui ont expliqué que les conditions de détention étaient
- correctes dans un
- premier temps jusqu'au mouvement de grève du 20 mars. Ils
- partageaient le
- régime alimentaire des soldats et pouvaient recevoir la visite
- de parents et
- d'amis. Après les deux jours de grève, les conditions ont
- changé et ils n'ont
- plus reçu de visites ni de lettres pendant sept mois. Ils ont été
- mis au
- régime alimentaire militaire sévère. Bien qu'ils n'aient subi
- aucune
- contrainte physique, leurs conditions de vie étaient misérables
- et ils ont dû
- être emmenés à l'hôpital pour consultations plusieurs fois.
- Leurs conditions
- de détention se sont améliorées après le premier remaniement
- ministériel et
- ils ont pu à nouveau recevoir à tour de rôle des visites de leurs
- familles et
- écouter la radio.
- Depuis qu'ils ont été libérés, ils bénéficient d'une liberté de
- mouvement dans
- le pays, bien que certains aient été convoqués à la sûreté à
- deux reprises
- pour être interrogés sur leurs activités et que leur domicile soit
- surveillé.
- En revanche, les déplacements à l'étranger sont plus difficiles.
- Ainsi, M. Sib
- s'est fait opposer une fin de non-recevoir à une demande de
- sortie de
- territoire et M. Bila n'a pu obtenir son passeport que quelques
- heures avant
- son départ, fin février 1986, pour Berlin où il se rendait pour
- assister au
- congrès de la Fédération internationale syndicale de
- l'enseignement.
- b) Licenciement des enseignants grévistes
- A la suite du mouvement de grève de quarante-huit heures
- organisé par le
- SNEAHV les 20 et 21 mars 1984, le Conseil national de la
- révolution a diffusé
- le 23 mars une déclaration à la radio télévision annonçant le
- licenciement de
- tous les enseignants qui avaient participé à la grève. En effet,
- selon les
- autorités, ce mouvement déclenché sans préavis répondait à
- des objectifs
- tendant à rééditer la grève de 1980 qui avait débouché sur un
- changement de
- régime. Pour le SNEAHV, il ne s'agissait, au contraire, que
- d'un acte
- d'avertissement et de protestation contre les mesures
- d'arrestations
- intervenues à l'encontre de ses dirigeants.
- L'estimation du nombre d'enseignants touchés par ces
- licenciements varie selon
- les interlocuteurs de la mission. Pour le ministre du Travail, ces
- mesures ont
- affecté 1.380 enseignants, dont les noms ont été publiés dans
- le Journal
- officiel du 3 mai 1984. A l'appui de sa déclaration, le ministre
- du Travail a
- remis à la mission un document du 1er avril 1984 émanant du
- SNEAHV lui-même et
- faisant le bilan de la participation à la grève. Selon ces
- statistiques -
- qualifiées toutefois de partielles puisque certaines sections
- n'avaient pas
- encore envoyé d'informations -, le nombre des grévistes était
- de 1.343. Le
- ministre du Travail réfute donc totalement le nombre de 2.600
- licenciés avancé
- par le SNEAHV. Le Syndicat national des enseignants
- burkinabé chiffre, quant à
- lui, les licenciés à 1.396.
- Pour les dirigeants du SNEAHV, la différence existant entre le
- nombre de 2.600
- licenciements qu'ils déclarent - soit environ la moitié des
- adhérents du
- syndicat - et la liste publiée au Journal officiel s'explique par le
- fait que
- des licenciements sont intervenus par notification individuelle
- avant la
- publication. Cet argument est rejeté par le ministre du Travail
- qui soutient
- que tous les licenciements liés au mouvement de grève ont
- été officiellement
- publiés. Quoi qu'il en soit, les dirigeants du SNEAHV ont
- indiqué à la mission
- qu'ils étaient prêts à discuter de la réintégration des licenciés
- sur la base
- du nombre officiel de congédiements.
- Comme suite à ces licenciements, le ministre de l'Education
- nationale, des
- Arts et de la Culture a adressé, le 24 avril 1984, une circulaire
- aux
- fondateurs d'établissements privés primaires et secondaires les
- invitant à
- n'utiliser les services d'aucun gréviste dans leurs
- établissements.
- Les enseignants licenciés ont été remplacés à partir du 16 avril
- 1984 par des
- "enseignants révolutionnaires" recrutés, selon les dirigeants du
- SNEAHV, sur
- la base de convictions idéologiques et politiques et n'ayant
- bénéficié
- d'aucune formation pédagogigue.
- Le ministère de l'Intérieur ayant notifié aux enseignants
- licenciés que, du
- fait de leur congédiement, ils avaient perdu leur qualité de
- membre du
- syndicat et donc le droit de participer à des activités
- syndicales, ceux-ci
- ont créé un Comité de réflexion des enseignants licenciés de
- huit membres. Ce
- comité a adressé, le 23 janvier 1985, une lettre au chef de
- l'Etat lui
- rappelant qu'il avait décidé une mesure de clémence dès le 4
- août 1984, mais
- que cette déclaration n'avait été jusqu'alors suivie d'aucun
- effet.
- Le 13 février 1985, 100 des enseignants licenciés ont été
- repris en service.
- Parmi ces travailleurs réintégrés ne figurait aucun cadre de
- l'Education
- nationale (conseillers pédagogiques ou inspecteurs).
- Le 2 octobre 1985, le Conseil national de la révolution a
- annoncé, par la voix
- du ministre de la Défense populaire, qu'une nouvelle vague
- d'enseignants
- licenciés seraient réintégrés. Les candidats à la réintégration
- devaient
- présenter un dossier de demande de reprise comportant
- notamment une fiche où
- le Comité de défense de la révolution (CDR) du lieu de
- résidence devait
- fournir des informations sur le comportement social de
- l'intéressé
- (participation aux assemblées générales du CDR et aux
- travaux d'intérêt
- commun). Le CDR local devait, en outre, donner son avis sur
- la reprise, de
- même que le CDR départemental et le préfet, le CDR régional
- et le
- Haut-commissaire et, enfin, le Secrétariat général national des
- CDR. La
- décision finale de réintégration appartenait au Conseil des
- ministres. Outre
- cette fiche de renseignement, l'intéressé devait remplir un
- imprimé par lequel
- il reconnaissait avoir mérité la sanction infligée et s'engageait à
- faire du
- Discours d'orientation politique du 2 octobre son guide. Le
- ministre du
- Travail a indiqué à la mission que, suite à l'instauration de
- cette procédure,
- 800 demandes de réintégration ont été déposées par les
- enseignants et, sur ces
- 800 demandes, 250 environ ont été acceptées le 15 janvier
- 1986. La liste des
- enseignants réintégrés a été publiée dans le Kiti no 86-038
- CNR/PRES du 13
- février 1986. Les enseignants ainsi repris l'ont été à leur ancien
- grade, mais
- leurs salaires ont été alignés sur la grille des enseignants
- temporaires
- recrutés dans le cadre des programmes populaires de
- développement,
- sensiblement moins élevée que le salaire des enseignants. Le
- ministre du
- Travail a indiqué à cet égard que les enseignants étaient repris
- à l'essai
- dans l'enseignement trois mois et que ce n'était qu'après cette
- période, s'ils
- donnaient satisfaction, qu'au terme des programmes populaires
- de développement
- prévus pour cette année les enseignants retrouveraient leurs
- salaires normaux.
- Outre ces réintégrations dans le secteur de l'éducation, une
- vingtaine
- d'enseignants ont été embauchés comme correcteurs dans le
- secteur de
- l'information. Selon le ministre du Travail, le nombre des
- demandes de
- réintégration a été plus faible que le nombre des enseignants
- licenciés, car
- certains d'entre eux ont trouvé un emploi dans le secteur privé,
- dans des
- organisations non gouvernementales ou à l'étranger et ne
- souhaitent pas être
- repris dans l'enseignement. Pour les dirigeants du SNEAHV,
- en revanche, cette
- différence s'explique par le refus de nombre d'enseignants de
- signer les
- déclarations de loyauté et non par le fait qu'ils ne
- souhaiteraient pas être
- reintégrés.
- Les dirigeants du SNEAHV ont, en outre, indiqué à la mission
- que sur les
- enseignants déclarés comme repris une vingtaine ont
- finalement été refusés. Il
- s'agit de membres dirigeants du SNEAHV et de cadres de
- l'enseignement.
- Interrogé par la mission sur les intentions du gouvernement
- quant à la
- situation des enseignants non encore réintégrés, le ministre du
- Travail a
- souligné que les autorités avaient déclaré publiquement, à
- plusieurs reprises,
- qu'il était dans leur intention de favoriser leur réintégration.
- Toutefois,
- ces mesures se heurtent à deux problèmes majeurs: des
- difficultés d'ordre
- budgétaire, d'une part, et l'impossibilité de licencier les
- enseignants
- recrutés pour remplacer les grévistes licenciés, d'autre part.
- A propos des mesures qui seraient envisagées pour la rentrée
- scolaire de cette
- année, le ministre du Travail a signalé, ce qui a d'ailleurs été
- confirmé par
- les organisations syndicales, que 1.400 postes seront vacants
- dans le
- primaire, du fait que de nombreux établissements scolaires ont
- été construits
- et qu'il manque également 247 professeurs du second degré.
- Une partie de ces
- postes serait comblée par le recours au Service national
- populaire, sorte de
- service civique que doivent effectuer les jeunes gens et les
- jeunes filles. Le
- ministre n'a pu indiquer, toutefois, dans quelle proportion les
- vacances
- seraient ainsi pourvues. Il a estimé que des enseignants
- licenciés pourraient
- être repris au niveau des provinces, ce qui, selon les dirigeants
- du SNEAHV,
- ne constituerait pas une solution car les enseignants ainsi
- engagés ne sont
- généralement pas payés.
- L'ensemble des organisations syndicales que la mission a
- rencontrées se sont
- déclarées en faveur de la réintégration, d'une part, pour une
- raison de
- principe parce qu'elles estiment que ces sanctions ont été
- injustement
- prononcées pour faits de grève et, d'autre part, pour des
- raisons liées à la
- qualité de l'enseignement, celle-ci ayant, selon elles, régressé
- depuis les
- mesures de licenciement. La délégation du Syndicat national
- des enseignants
- burkinabé (SNEB) s'est également prononcée en faveur de la
- réintégration et a
- indiqué que le congrès extraordinaire d'août 1984 avait adopté
- une motion en
- ce sens et que le SNEB s'est adressé à ce sujet, en octobre
- 1984, au chef de
- l'Etat.
- Face aux arguments de contraintes budgétaires qui pourraient
- freiner le
- processus de réintégration, les confédérations syndicales
- interprofessionnelles ont estimé que l'important était que le
- gouvernement ait
- la volonté politique de reprendre les intéressés. Selon elles, en
- effet, des
- solutions peuvent être trouvées pour remédier aux difficultés
- financières:
- arrêt de la formation de nouveaux maîtres pendant un certain
- temps,
- utilisation des enseignants révolutionnaires dans d'autres
- secteurs d'activité
- tels que l'agriculture ou la gendarmerie, mise à la retraite des
- enseignants
- âgés, etc. Toutes ces questions ont été évoquées notamment
- lors de quatre
- rencontres entre la Confédération nationale des travailleurs
- burkinabé et un
- groupe créé par le Conseil national de la révolution, dans
- lequel siège le
- ministre du Travail, pour maintenir des contacts avec les
- organisations
- syndicales.
- A propos de ces déclarations des organisations syndicales, le
- ministre du
- Travail a réaffirmé la volonté du gouvernement de trouver une
- solution au
- problème des enseignants licenciés, mais il a souligné que
- ceux-ci devraient
- également faire un effort pour s'amender et s'insérer dans un
- processus
- généreux au profit des masses. Les solutions proposées pour
- surmonter les
- obstacles budgétaires présentent certaines difficultés: la
- formation des
- nouveaux maîtres est prise en charge par un programme de la
- Banque mondiale et
- il n'est pas certain que les enseignants révolutionnaires soient
- mieux
- utilisés dans d'autres secteurs que celui de l'éducation.
- Les dirigeants du SNEAHV ont enfin souligné auprès de la
- mission que les
- enseignants licenciés ayant atteint l'âge de la retraite et les
- veuves
- d'enseignants licenciés ne pouvaient toucher les pensions
- auxquelles ils
- avaient droit. Ils ont communiqué à l'appui de leur dire une
- lettre du
- Coordonnateur général de la présidence du Faso d'août 1986
- indiquant que tous
- les enseignants licenciés pour faits de grève n'ont aucun droit
- à pension ni à
- remboursement des retenues pour pension.
- c) Congrès extraordinaire d'août 1984
- La mission a reçu le compte rendu des travaux du Congrès
- extraordinaire du
- SNEAHV qui s'est tenu à Ouagadougou du 28 août au 1er
- septembre 1984. Au cours
- du congrès, l'ancienne direction du SNEAHV a été vivement
- critiquée pour ses
- agissements politiques. Une nouvelle direction a été élue
- comprenant deux
- anciens membres de l'ancienne direction du SNEAHV qui
- s'étaient désolidarisés
- du mouvement de protestation des 20 et 21 mars 1984, MM.
- Flatré Victor Sanfo
- et Augustin Gampene. L'appellation du syndicat a été
- changée pour devenir le
- Syndicat national des enseignants burkinabé (SNEB),
- conformément à
- l'ordonnance portant changement d'appellation des noms et
- symboles de la
- nation. Le SNEB a, en outre, manifesté son intention de
- négocier avec le
- Conseil national de la révolution afin que le maximum
- d'enseignants soit
- repris pour résoudre les conséquences sociales de ces
- licenciements et pour
- permettre un encadrement pédagogique plus efficace.
- A la suite du congrès, le 21 novembre 1984, a eu lieu la
- passation de service
- entre la nouvelle direction (SNEB) et la direction sortante
- (SNEAHV) en
- présence d'un représentant de l'inspection du travail et de la
- sécurité
- sociale.
- Les dirigeants du SNEAHV ont contesté devant la mission la
- validité de ce
- congrès auquel n'ont pas pu participer les enseignants
- licenciés. En revanche,
- parmi les délégués figuraient des enseignants révolutionnaires
- remplaçant les
- grévistes et qui n'étaient même pas encore intégrés dans la
- fonction publique.
- Selon eux, il y avait 227 délégués présents au congrès, dont
- seulement 30
- anciens enseignants, et 197 enseignants révolutionnaires.
- Pour les enseignants
- du SNEAHV, le SNEB n'existe donc pas et ils demandent que
- le bureau national
- du SNEAHV puisse reprendre ses activités et qu'il récupère les
- archives du
- SNEAHV que détient actuellement le bureau du SNEB. lls
- mettent en doute la
- sincérité des revendications du SNEB tendant à la
- réintégration des licenciés
- puisque le secrétaire général a déclaré, au cours du congrès,
- qu'il ne "se
- ferait l'avocat d'aucun diable". Pour les dirigeants du
- SNEAHV, le SNEB a été
- obligé de se prononcer pour la réintégration afin de donner
- une apparence de
- crédibilité à l'organisation auprès de l'opinion publique
- burkinabé. Ils ont
- remarqué, à cet égard, que le SNEB avait attendu la venue au
- Burkina Faso de
- la mission du BIT pour manifester son existence par la
- publication des travaux
- de son congrès tenu il y a plus de deux ans.
- Le nombre de délégués avancé par les dirigeants du SNEAHV
- est contesté par le
- secrétaire général du SNEB qui a déclaré à la mission que le
- congrès avait
- réuni près de 500 participants regroupant des enseignants non
- licenciés et des
- enseignants nouvellement recrutés.
- Les autres organisations syndicales ont déclaré qu'elles ne
- contestaient pas
- l'existence du SNEB bien qu'elles ne maintiennent aucune
- relation avec ce
- syndicat. Il s'agit pour elles d'une organisation minoritaire et
- elles
- estiment qu'il n'est pas normal que le SNEAHV soit interdit
- d'action et de
- réunion.
- Pour le ministre du Travail, les changements intervenus au
- sein du syndicat
- des enseignants l'ont été conformément à la volonté des
- adhérents de base qui
- souhaitaient d'énoncer les agissements de l'ancienne
- direction. Le
- gouvernement ne s'est pas ingéré dans cette affaire interne du
- syndicat et n'a
- accordé aucun traitement de faveur au SNEB. pour preuve de
- cette affirmation,
- le ministre a indiqué à la mission qu'il n'avait reçu qu'une seule
- fois la
- direction du SNEB.
- Perspectives d'avenir
- Après avoir recueilli les opinions des différentes parties
- concernées, la
- mission a suggéré au ministre du Travail que des mesures
- concrètes soient
- prises rapidement pour résoudre les problèmes posés par la
- situation des
- enseignants licenciés. Ainsi, sur la base des recommandations
- formulées par le
- Comité de la liberté syndicale dans ses rapports intérimaires sur
- la présente
- affaire, la mission a proposé qu'une ordonnance d'amnistie
- posant le principe
- général de la réintégration soit adoptée; que les modalités
- pratiques de
- réintégration (calendrier et conditions de reprise) soient
- négociées avec les
- intéressés; que la circulaire interdisant l'embauche des
- licenciés dans le
- secteur de l'enseignement privé soit abrogée; que la pratique
- des déclarations
- de loyauté pour obtenir la réintégration soit abandonnée et que
- la situation
- des enseignants licenciés et de leurs ayants droit en matière
- de pension soit
- réexaminée.
- Le ministre du Travail a estimé, à cet égard, que le discours
- prononcé le 3
- octobre 1985 par le ministre de la Défense populaire au nom
- du chef de l'Etat,
- qui tendait la main aux enseignants licenciés et prévoyait la
- mise en marche
- d'un processus de réintégration, constitue déjà une déclaration
- d'amnistie. Il
- a, en outre, indiqué que des mesures seront prises au niveau
- du Conseil des
- ministres pour que l'interdiction de l'embauche dans le secteur
- privé soit
- levée et que les questions liées aux retraites et aux pensions
- soient
- examinées dans un souci humanitaire et de justice sociale.
- La mission a, en outre, proposé qu'avant son départ de
- Ouagadougou une réunion
- puisse se tenir en sa présence entre le ministre et les dirigeants
- du SNEAHV
- pour discuter des mesures concrètes qui pourraient être prises
- en faveur des
- enseignants licenciés. Une telle réunion s'était déjà tenue le
- 17 septembre
- 1986 sur l'initiative de M. Georget, membre du Conseil
- d'administration, et de
- M. Malu, conseiller régional pour les normes internationales,
- alors présents à
- Ouagadougou. Le ministre a accepté de participer à une telle
- réunion pour
- autant que le Syndicat national des enseignants burkinabé
- (SNEB) y soit
- également représenté en tant qu'organisation syndicale
- concernée par les
- questions à discuter. Les dirigeants du SNEAHV, consultés à
- ce sujet, ont
- réaffirmé qu'ils se tenaient à la disposition de toutes les
- autorités du
- Burkina Faso pour rechercher une solution juste et durable aux
- problèmes posés
- par les licenciements, mais ont estimé qu'ils ne pouvaient
- négocier en
- présence du SNEB. Ils ont souligné qu'ils ne mettaient pas en
- cause le fait
- que les autorités reçoivent cette organisation, mais qu'ils se
- refusaient à la
- reconnaître par un acte de quelque nature que ce soit.
- Le ministre du Travail a déclaré à la mission qu'il regrettait
- cette attitude
- des dirigeants du SNEAHV, d'autant que le SNEB s'est
- clairement prononcé en
- faveur de la réintégration des enseignants licenciés.
- Néanmoins, le ministre a
- assuré à la mission que le gouvernement allait continuer
- d'examiner le
- problème des enseignants licenciés et que le Comité de la
- liberté syndicale
- serait tenu informé des développements de la situation dès sa
- prochaine
- réunion de novembre 1986.
- Genève, 9 octobre 1986.
- B. Gernigon,
- A.J. Pouyat.
- Liste des personnes rencontrées
- Ministère du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique.
- - M. Fidèle Toé, ministre du Travail, de la Sécurité sociale et
- de la Fonction
- publique.
- - M. Pierre Béléko Kaboré, directeur central du travail, de
- l'emploi et de la
- sécurité sociale.
- - M. Hama Diallo, directeur du travail.
- Confédération nationale des travailleurs burkinabé
- - M. Emmanuel Ouedraogo, secrétaire général.
- - M. Gabriel Sebgo.
- Organisation nationale des syndicats libres
- - M. Boniface D. Kaboré, secrétaire général.
- - M. Paul N. Kaboré.
- - M. Abdou Ouedraogo.
- - M. Justin Zongo.
- Union syndicale des travailleurs burkinabé
- - M. Albert Ouedraogo.
- Confédération syndicale burkinabé
- - M. Salifou Caboré, secrétaire à l'organisation.
- - M. Arba Ousmane Diallo, secrétaire administratif.
- - M. Idrissa Koné, secrétaire chargé du secteur privé.
- - M. Sami Ouattara, secrétaire général du Syndicat national de
- l'agriculture.
- Front syndical (regroupant dix organisations autonomes)
- - M. Tolè Sagnon, Syndicat des travailleurs de la géologie, des
- mines et
- hydrocarbures.
- - M. Djiguimbé Tiga, Fédération syndicale des boulangers.
- - M. Hubert Yaméogo, Syndicat des travailleurs de la santé
- humaine et animale.
- - M. Ignace Yerbanga, Syndicat autonome des magistrats
- burkinabé.
- Syndicat national des enseig-nants africains de Haute-Volta
- - M. Jean F. Bila, secrétaire général.
- - M. Ismaël Ousmane Kindo, secrétaire général adjoint.
- - M. Joachim S. Sib, secrétaire aux relations extérieures.
- - M. Jean Pascal Sougue, membre du Bureau national.
- - M. Aimé Da Méliman, membre du Comité de réflexion des
- enseignants licenciés.
- Syndicat national des enseignants burkinabé
- - M. Flatré Victor Sanfo, secrétaire général.
- Syndicat national de l'enseignement secondaire
- - M. Etienne Traoré, secrétaire général.