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Informe provisional - Informe núm. 243, Marzo 1986

Caso núm. 1327 (Túnez) - Fecha de presentación de la queja:: 02-ABR-85 - Cerrado

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  1. 489. Par une communication conjointe datée du 2 avril 1985, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) ont présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Tunisie. Ces organisations plaignantes ont soumis conjointement des informations complémentaires à l'appui de leur plainte dans des lettres des 24 juin, 22 août et 4 septembre 1985. La CISL a également fourni des informations complémentaires les 30 octobre 1985 et 29 janvier 1986 et l'UGTT les 31 octobre et 19 novembre 1985 ainsi que le 2 janvier 1986. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a également déposé une plainte contre le gouvernement de la Tunisie le 5 novembre 1985, complétée par des communications des 25 novembre 1985 et 13 janvier 1986. La Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) a aussi présenté des allégations ayant trait à ce cas dans une communication du 20 décembre 1985. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date des 9 mai, 29 octobre, 18 novembre et 30 décembre 1985.
  2. 490. Le comité a en outre été informé du déroulement d'une mission du BIT, dirigée par M. Bertil Bolin, Directeur général adjoint, qui s'est rendue en Tunisie du 16 au 18 février 1986, en vue de contribuer à la recherche de solutions aux problèmes soulevés en relation avec les plaintes en instance contre la Tunisie.
  3. 491. La Tunisie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 492. Dans leur communication du 2 avril 1985, la CISL et l'UGTT déclarent porter plainte contre le gouvernement pour violation des conventions nos 87 et 98. Les plaignants expliquent que la dégradation de la situation sociale en Tunisie a été provoquée par le non-relèvement des salaires depuis 1983 malgré la hausse continue du coût de la vie intervenue depuis la dernière augmentation des salaires au début de 1983. Le gouvernement, dans une note adressée à l'UGTT, a mis en cause le mécanisme retenu depuis de nombreuses années et qui consiste à lier les salaires au coût de la vie; le gouvernement indique en effet dans sa note qu'il désire lier les salaires à la production et à la productivité sans mentionner le coût de la vie. La plainte se réfère également aux décisions prises par le gouvernement, notamment sur le blocage opéré par le gouvernement pour la non-application des accords signés entre les syndicats et les entreprises nationales ou départements ministériels, sur l'interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises malgré les dispositions des conventions collectives et l'usage, sur les réquisitions du personnel décidées avant même le déclenchement des grèves et quant au fait de ne pas intervenir pour empêcher des licenciements des travailleurs et des responsables syndicaux à la suite des grèves légales.
  2. 493. Selon les plaignants, la négociation collective en Tunisie se base sur la convention collective cadre conclue le 20 mars 1973 pour une durée indéterminée entre l'UGTT et l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et approuvée par le gouvernement le 29 mai 1973. Cette convention collective cadre prévoit, entre autres, que "les rémunérations doivent être fixées d'un commun accord compte tenu d'un salaire minimum interprofessionnel garanti établi sur la base du coût de la vie et en fonction de la spécialisation des travailleurs et des normes de production". Le décret no 73-247 du 26 mai 1973 relatif à la procédure de fixation des salaires prévoit également que "les salaires établis dans les conventions collectives seront déterminés sur la base d'un salaire minimum interprofessionnel garanti qui sera fixé par décret". La fixation du salaire minimum interprofessionnel garanti est régie dans le décret no 74-63 du 31 janvier 1974 qui prévoit à l'article 4 que "le salaire minimum interprofessionnel garanti ... est susceptible de variations en fonction du coût de la vie dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l'Economie nationale, pris après avis de la Commission nationale du SMIG. Les conventions collectives du travail pourront également prévoir des formules de variations du SMIG en fonction de la productivité de l'entreprise". Il est clair, pour les plaignants, que les variations qui pourront être prévues dans les conventions collectives en fonction de la productivité de l'entreprise ne peuvent être que des variations au-dessus du SMIG fixé par ce décret.
  3. 494. En outre, ajoutent les plaignants, le Pacte social, conclu le 19 janvier 1977 entre le gouvernement, le bureau politique et les bureaux exécutifs de l'UGTT, de l'UTICA et de l'UNA, prévoit à l'article 2 que, "dans le but de préserver le pouvoir d'achat des travailleurs salariés, une révision des salaires interviendra chaque fois que les prix auront augmenté de plus de 5 pour cent et se seront stabilisés à ce niveau pendant six mois consécutifs".
  4. 495. Les plaignants expliquent également que, jusqu'à la dernière augmentation des salaires intervenue en 1983, le SMIG et les salaires couverts par les conventions collectives furent augmentés essentiellement sur la base de l'indice des prix. Ce principe, qui se base sur les dispositions légales et conventionnelles susmentionnées, n'a jamais été contesté par aucun des partenaires sociaux. Par exemple, le rapport synthétique sur les conclusions de la Commission nationale du SMIG, publié par le ministère de l'Economie nationale en octobre 1973, dit que "l'indexation du SMIG devra porter essentiellement sur la hausse du coût de la vie, la partie portant sur le progrès de la productivité du travail ne semble pas avoir recueilli l'unanimité". Dans un rapport de synthèse de la Commission nationale des salaires minimums et des conventions collectives publié par le ministère des Affaires sociales en janvier 1977, l'UTICA a remarqué "que des problèmes techniques de mesure et l'insuffisance de renseignements précis sur l'évolution de la productivité rendent la référence à la productivité contestable; elle propose de lier l'ajustement des salaires à l'évolution du coût de la vie intervenue depuis 1973 tout en ajoutant à cet ajustement une marge tenant compte de l'augmentation prévisible des prix à la consommation". En outre, à la suite des deux rencontres entre une délégation gouvernementale et une délégation de l'UGTT, un accord a été conclu le 13 avril 1984 qui prévoit, entre autres, que, si possible avant décembre 1984, "le gouvernement et les organisations professionnelles définiront d'un commun accord un nouveau cadre pour une politique concertée des salaires qui concilierait le souci de préserver et, si possible, d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés et des économiquement faibles avec la nécessité d'accroître la production et la productivité".
  5. 496. Or, poursuivent les plaignants, malgré cet accord qui prévoit la préservation et, si possible, l'amélioration du pouvoir d'achat, le gouvernement a refusé en 1984 et 1985 d'appliquer les augmentations nécessaires du SMIG qui découlent de l'augmentation de l'indice des prix et qui forment la base des adaptations des salaires couverts par les conventions collectives. En outre, un bon nombre d'accords conclus en 1983 et 1984 entre les syndicats et les entreprises nationales ou départements ministériels n'ont pas été appliqués à cause d'un blocage opéré par le gouvernement.
  6. 497. Pour les plaignants, les raisons de ce refus d'appliquer les dispositions légales et conventionnelles en vigueur concernant les augmentations de salaires sont devenues évidentes quand le gouvernement, contre tous ses engagements pris antérieurement, a annoncé dans sa note adressée le 25 janvier 1985 à l'UGTT que, désormais, les augmentations des salaires doivent être liées à l'amélioration de la production et de la productivité et ne doivent plus prendre en considération l'évolution du coût de la vie. L'UGTT, dans une réponse détaillée et argumentée du 30 janvier 1985, a fermement rejeté les propositions contenues dans la note du gouvernement. Dans une récente correspondance entre le gouvernement et l'UGTT, celle-ci a confirmé sa position que les salaires doivent être augmentés en fonction de la hausse du coût de la vie, comme cela s'est pratiqué jusqu'à présent, et s'est dite prête à négocier des améliorations accessoires de salaires en relation avec l'amélioration de la production et de la productivité. En tout cas, les dispositions légales et conventionnelles en vigueur restent la seule base pour les augmentations des salaires et leur non-application en 1984 et 1985 constitue, selon l'UGTT, une grave violation du droit à la négociation collective.
  7. 498. Le refus du gouvernement d'appliquer l'augmentation des salaires due en 1984 a conduit à une détérioration sensible du climat social et a provoqué plusieurs grèves en 1984 et 1985. Dans plusieurs secteurs, par exemple dans l'agriculture, les chemins de fer et les transports routiers, le gouvernement a pris des mesures de réquisition avant même que les grèves n'aient commencé (en Tunisie, un préavis de dix jours doit être observé) et sans aucune consultation avec l'UGTT ou les syndicats concernés. De plus, le gouvernement ne s'est pas contenté de réquisitionner le personnel indispensable à la sécurité mais a simplement réquisitionné tout le personnel dans plusieurs cas, notamment à l'occasion des grèves dans les chemins de fer et les transports routiers. Par conséquent, il s'agit ici d'une grave violation du droit de grève.
  8. 499. En outre, à la suite des grèves légales déclenchées en 1984 et 1985, des licenciements d'un grand nombre de travailleurs et de responsables syndicaux ont eu lieu dans plusieurs entreprises. Les plaignants mentionnent ainsi en annexe 249 travailleurs licenciés, dont 28 sont nommément désignés.
  9. 500. Enfin, les plaignants ajoutent que, depuis août-septembre 1984, toutes les assemblées générales syndicales dans les entreprises sont interdites, malgré les dispositions des conventions collectives et l'usage. Cette interdiction est, selon les plaignants, un autre exemple de la politique du gouvernement de restreindre les activités syndicales.
  10. 501. En conclusion, les plaignants déclarent que la non-application des dispositions légales et conventionnelles concernant les augmentations des salaires depuis 1983, les réquisitions presque systématiques et les nombreux licenciements en cas de grèves, de même que l'interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises, constituent des violations graves des principes de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective reconnus dans les conventions nos 87 et 98.
  11. 502. Dans leur communication du 24 juin 1985, la CISL et l'UGTT réaffirment que l'UGTT n'a jamais ménagé aucun effort pour parvenir à des accords par la voie de la négociation. A la fin avril, alors que les négociations étaient rompues, lorsqu'elle a eu connaissance que le gouvernement acceptait de reprendre les négociations et qu'il se proposait de revenir sur certaines mesures antisyndicales et contraires aux dispositions des conventions collectives, comme l'interdiction des assemblées générales dans les locaux de l'entreprise, l'UGTT, témoignant de sa volonté de rechercher à résoudre les problèmes qui se posent par le dialogue, a repris les négociations et a fait reporter toutes les grèves prévues pour le début du mois de mai. Les négociations qui sont intervenues par la suite durant le mois de mai avec le gouvernement ont été très longues et des plus difficiles. Elles n'ont pas en fin de compte abouti à un accord en raison des divergences des points de vue. A la demande de l'UGTT pour l'application des textes en vigueur en matière d'ajustement de salaires, le gouvernement a annoncé en dernier lieu que ces ajustements ne devraient intervenir qu'en fonction de l'amélioration de la productivité et de l'augmentation de la production exclusivement. Cette position a été maintes fois confirmée depuis cette date par des discours officiels en Tunisie ainsi qu'à la Conférence internationale du Travail.
  12. 503. Par contre, ajoutent les plaignants, la législation en vigueur de même que les pratiques utilisées jusqu'à janvier 1983, date de la dernière augmentation de salaires, consistaient à prendre en considération la hausse du coût de la vie et la détérioration survenue dans le pouvoir d'achat pour ajuster les salaires. Des primes spécifiques sont par ailleurs prévues dans les conventions collectives et les statuts des entreprises publiques pour récompenser les travailleurs par référence à l'amélioration de la productivité ou à l'augmentation de la production. Les plaignants déclarent souhaiter très sincèrement que le gouvernement puisse réviser son attitude et répondre favorablement aux revendications légitimes des travailleurs afin d'assurer un climat social serein, nécessaire à un développement rapide et harmonieux du pays qui a été libéré du colonialisme grâce aux larges sacrifices consentis par les travailleurs qui demeurent animés du même esprit pour la protection des libertés et de la dignité. Par ailleurs, les plaignants regrettent de constater que, dans certaines déclarations officielles, le gouvernement ait proféré des menaces contre les travailleurs et syndicalistes en ce qui concerne le recours à la grève.
  13. 504. Les plaignants déclarent, dans leur communication du 22 août 1985, que la situation sociale en Tunisie s'est dégradée davantage suite au refus du gouvernement d'appliquer les dispositions légales et conventionnelles en vigueur qui prévoient l'ajustement des salaires à l'évolution du coût de la vie. Les autorités ont en effet, selon les plaignants, pris d'autres mesures qui sont en violation flagrante des principes de la liberté syndicale et du droit à la négociation collective énoncés dans les conventions nos 87 et 98. Ces mesures antisyndicales concernent essentiellement de nouvelles arrestations de syndicalistes, l'utilisation des réquisitions contre le personnel en grève, les arrestations de membres des piquets de grève, le recours à l'utilisation de personnes étrangères aux entreprises dont le personnel est en grève, notamment des policiers, les interventions des forces de police devant les locaux de l'UGTT et matraquages de syndicalistes et la suspension de l'organe de l'UGTT pour une période de six mois.
  14. 505. L'UGTT et la CISL expliquent notamment qu'une grève de 24 heures des conducteurs des chemins de fer a eu lieu le 31 juillet 1985 pour appuyer leurs revendications salariales après que les négociations avec la direction n'eurent pas abouti à un accord acceptable. Un préavis de dix jours a été observé conformément à la législation concernée. A la veille de la grève, les autorités ont réquisitionné les conducteurs sans aucune consultation avec l'UGTT ou le syndicat concerné. Le 1er août, les autorités ont arrêté 14 conducteurs dont la plupart ont été condamnés à de lourdes peines de prison allant de deux à six mois (voir liste en annexe). En plus, des réquisitions ont eu lieu d'une manière abusive et anarchique. Dans plusieurs cas, des réquisitions liées à la grève du 31 juillet ont eu lieu pendant des périodes ultérieures. Des mutations ont été décidées également à l'encontre de plusieurs conducteurs. L'attitude intransigeante de l'administration est, pour les plaignants, des plus surprenantes car, dans une note diffusée au personnel le 3 avril 1985, le président directeur général de la Société nationale des chemins de fer tunisiens a fait état d'une nette amélioration de la qualité des prestations sur les trains, due au dévouement et au zèle du personnel des chemins de fer. Il a également exprimé son estime et sa profonde reconnaissance à tout le personnel ayant contribué à cet effort.
  15. 506. Une autre grève de 24 heures décrétée par le syndicat concerné en conformité avec la procédure légale a eu lieu le 5 août 1985 dans les sociétés nationales de transport. Cette grève avait également comme objectif d'appuyer des revendications salariales. Des mesures ont été prises par les autorités pour briser et réprimer cette grève, notamment par des arrestations des membres des piquets de grève, des menaces et intimidations, la confiscation des pièces d'identité, des représailles, en particulier sous forme de licenciements, et par le recours à l'utilisation de personnes étrangères au personnel des entreprises de transport concernées pour conduire les véhicules.
  16. 507. En outre, l'UGTT ayant décidé de tenir une réunion d'information le 1er août à 17 heures au local de l'UGTT, place Mohamed Ali à Tunis, pour mettre ses adhérents au courant des derniers développements de la situation sociale, le jour de la réunion les événements suivants se sont produits. Aux premières heures de la journée, des fourgons bondés de policiers ont stationné sur la place Mohamed Ali en face de la maison de l'UGTT et les forces de l'ordre ont occupé cette place. A partir de 17 heures, au commencement de la réunion, les forces de l'ordre ont barricadé les voies conduisant au siège de l'UGTT. L'affluence étant importante, de nombreux travailleurs ont été contraints de rester en dehors du local de l'UGTT en raison de son exiguóté. C'est alors que les forces de l'ordre les ont attaqués en utilisant des matraques afin de les contraindre à s'entasser dans le bâtiment. Cette attaque violente a causé des blessures à deux personnes (Habib Chaïeb et Ali Tarhouni). Les agents de police ont pourchassé d'autres travailleurs à l'intérieur même du local de l'UGTT. Peu après, d'autres forces de police sont venues en renfort; elles comprenaient, entre autres, des éléments de la brigade antigang. Elles étaient armées de matraques, de bombes lacrymogènes et de différentes armes automatiques. Elles ont interdit la circulation aux piétons et aux syndicalistes qui se rendaient à la réunion. A la fin de la réunion, ces mêmes forces ont ordonné aux travailleurs de quitter les lieux par petits groupes et les ont acheminés, à la sortie, sur différentes voies. Selon les plaignants, les responsables de l'UGTT, sous la direction des membres de l'exécutif, ont fait preuve de beaucoup de sang-froid et ont fait de grands efforts pour maîtriser la situation. Il s'est avéré par la suite que la police a procédé à l'arrestation d'un certain nombre de travailleurs dont certains ont été relâchés alors que d'autres sont encore emprisonnés (Rafik Dallali et Néjib Rouissi).
  17. 508. Plusieurs autres cas d'intimidation et de harcèlement des forces de police contre des syndicalistes et des réunions syndicales se sont produits dans différentes parties du pays. Ainsi, à Ksar-Hellal, un congrès ordinaire du syndicat de base de la société "SITEX", faisant partie de la Fédération générale du textile, de l'habillement et chaussures, prévu pour le 20 juillet 1985, a été saboté par des personnes étrangères à l'entreprise alors que les forces de l'ordre n'ont rien fait pour les en empêcher. La direction du syndicat s'est vue obligée de reporter le congrès à une date ultérieure. Par ailleurs, le 27 juillet 1985, le secrétaire général de l'Union régionale de travail de Monastir, Youssef Said, à sa sortie du siège de l'UGTT à Tunis, a été interpellé, insulté et conduit au poste de police. La police a photocopié le dossier concernant l'URT de Monastir qui se trouvait en sa possession. Un cas semblable s'est produit le 4 août devant le siège de l'UGTT à Tunis. Les dirigeants syndicaux Noureddine Bahri, Thabet Yacoubi et Michael Ben Azouz attendaient, à 3 heures du matin, l'arrivée du syndicaliste Younes Chehidi pour partir ensemble à Sfax présider une réunion syndicale. Des agents de police en civil les ont interpellés, leur demandant le motif de leur présence, et ont confisqué leurs pièces d'identité qui ne leur ont été rendues qu'après contact avec la direction de la sûreté nationale. En juillet 1985, à Sousse, une banderole placée contre le mur de la maison de l'UGTT de Sousse portant une inscription en matière de revendication salariale a été arrachée et détruite par des policiers, en présence de nombreux témoins syndicalistes qui se trouvaient en ce lieu au même moment. Le secrétaire général de l'UGTT n'a pas réussi à présider des réunions syndicales à El Borma (sud tunisien), endroit où sont employés de nombreux travailleurs dans l'extraction de pétrole, faute de recevoir l'accord des autorités administratives pour se rendre à cet endroit. Il est à noter que l'accès à ce territoire est soumis à un laissez-passer des autorités.
  18. 509. Les plaignants ajoutent que l'hebdomadaire de l'UGTT est devenu quotidien à partir du 12 juillet 1985, après autorisation obtenue des autorités compétentes quelques mois auparavant. Le 17 juillet 1985, les forces de l'ordre ont confisqué le journal après le commencement de sa diffusion et ont notifié une décision du Procureur de la République auprès du Tribunal de première instance de Tunis selon laquelle le journal était suspendu pour une durée de six mois. Les dirigeants du journal, dont le secrétaire général de l'UGTT, étaient inculpés de diffusion de fausses nouvelles et de diffamation. La décision du procureur fait référence au journal du 12 juillet qui a donné une information de remaniement dans le corps des gouverneurs où il était dit que "certaines têtes allaient tomber". Dans le jargon utilisé, cela voulait naturellement dire que quelques gouverneurs allaient être remplacés. Le plus curieux dans cette affaire est que, avant toute diffusion du journal, un dépôt légal de 20 exemplaires avait été effectué auprès des autorités compétentes, et ce n'est que cinq jours après la parution de cet article que le journal a été suspendu. Il faut noter, précisent les plaignants, que le journal du 17 juillet annonçait en première page l'augmentation du prix du pain dans une année où la Tunisie connaît une abondance dans les récoltes de céréales. Les plaignants estiment que la suspension de l'unique organe de l'UGTT prive les travailleurs adhérents à l'UGTT de suivre l'activité syndicale et de toute information concernant le développement de l'action de leur organisation syndicale.
  19. 510. Dans leur communication du 4 septembre 1985, les plaignants expliquent que, depuis 1957, l'UGTT a obtenu un système de retenue à la source des cotisations syndicales et de détachements de fonctionnaires avec salaires dans les services permanents de l'UGTT. Or ce système, confirmé dans plusieurs conventions collectives, a été annulé d'un coup par la circulaire no 39 du Premier ministre datée du 30 août 1985. Cette suppression pure et simple des deux acquis syndicaux a été "justifiée" par le gouvernement comme une sorte de sanction à l'encontre de l'UGTT à cause du fait qu'elle ne se serait pas jointe à l'entente nationale face aux expulsions des travailleurs tunisiens par les autorités libyennes. Dans une déclaration concernant la circulaire du Premier ministre, l'UGTT a fermement rejeté ces mesures antisyndicales et a demandé avec insistance au gouvernement tunisien de revenir sur sa décision. A la même occasion, l'UGTT a rappelé dans une autre déclaration sa condamnation immédiate et nette des expulsions des travailleurs tunisiens par les autorités libyennes et les initiatives qu'elle a prises pour faire face à cette situation grave, notamment: une protestation directe auprès des autorités libyennes, des demandes de soutien aux organisations syndicales internationales, régionales et nationales et au BIT, l'arrêt d'une grève prévue dans le secteur du tourisme et des propositions de céder un pourcentage des augmentations salariales pour renforcer l'effort national au profit des chômeurs et des travailleurs expulsés et de créer un fonds de solidarité pour le chômage, au financement et à la gestion duquel l'UGTT est prête à participer. De cette déclaration, il apparaît clairement que l'UGTT n'a rien à apprendre quand il s'agit d'adopter une position responsable et nationale et de se montrer solidaire avec les travailleurs expulsés. Toutefois, l'UGTT n'est pas prête à abandonner sa revendication fondamentale qui ne vise qu'à obliger le gouvernement à respecter les dispositions de ses propres lois, des accords sociaux et des conventions collectives en vigueur prévoyant l'ajustement des salaires à l'évolution du coût de la vie. L'argument selon lequel l'économie tunisienne ne supporterait pas un tel ajustement est dénué de tout fondement, ce qui est bien démontré dans le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie. Dans ce contexte, les plaignants considèrent que la suppression de la retenue à la source des cotisations syndicales et des détachements de fonctionnaires ne saurait être interprétée que par la volonté du gouvernement de museler l'UGTT et de l'assujettir aux commandes des autorités.
  20. 511. Dans sa communication du 30 octobre 1985, la CISL allègue que les locaux régionaux de l'UGTT de Sousse, Kasserine, Monastir et Sfax ont été saccagés par des milices bénéficiant de la protection de la police. Les autorités auraient également empêché toute réunion des organes régionaux de l'UGTT. L'UGTT indique, dans sa communication du 31 octobre 1985, que ses locaux régionaux de Nabeul, Liliana et Sidi-Bouzid ont subi le même sort, que les responsables syndicaux de Sfax ont été arrêtés et que les autres unions régionales à travers le pays ont été encerclées. La FSM se réfère également, dans sa plainte du 5 novembre 1985, à l'occupation de plusieurs locaux de l'UGTT par la police.
  21. 512. Dans sa communication du 19 novembre 1985, l'UGTT explique que la situation sociale en Tunisie s'aggrave de plus en plus. Malgré une certaine accalmie, ajoute-t-elle, qui a suivi la rencontre du bureau exécutif de l'UGTT avec le ministre du Travail, le 9 novembre, et qui s'est traduite par la libération d'un certain nombre de syndicalistes, la situation a enregistré un regain de tension. En effet, selon l'UGTT, d'autres syndicalistes ont été arrêtés et des peines de prison de un à six mois ont été prononcées contre des militants syndicaux. Le secrétaire général de l'UGTT, Habib Achour, fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence à son domicile et la surveillance policière s'est renforcée autour de sa demeure. De leur côté, les membres de l'exécutif de l'UGTT seraient surveillés dans leurs déplacements. Toujours selon l'UGTT, ses locaux occupés par des comités installés par la force n'ont pas encore été restitués aux structures légitimes et ces comités auraient lancé un ultimatum au bureau exécutif de l'UGTT pour qu'il les reconnaisse et convoque un congrès extraordinaire.
  22. 513. Dans sa communication du 25 novembre 1985, la FSM se réfère à l'assignation à résidence de M. Habib Achour et dresse une liste de 53 dirigeants de l'UGTT qui auraient été arrêtés (voir annexe).
  23. 514. La FISE, dans sa plainte du 20 décembre 1985, signale que les locaux du Syndicat général de l'enseignement primaire sont occupés. En outre, le secrétaire général du Syndicat de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Moncef Ben Himane, ferait actuellement l'objet de mesures disciplinaires visant à son licenciement, non pour les accusations non prouvées retenues par le Conseil de discipline mais, en réalité, pour ses activités syndicales.
  24. 515. Dans sa communication du 2 janvier 1986, l'UGTT indique qu'un procès a été intenté contre Habib Achour et que l'audience s'est tenue dans des conditions anormales puisque les syndicalistes ont été empêchés d'y assister, d'autant que d'importantes forces de l'ordre avaient encerclé le siège du tribunal. L'UGTT explique que Habib Achour, jusque-là assigné à résidence par mesure administrative, a été transporté à Sfax et a passé la nuit du 30 au 31 décembre dans les locaux de la police. Le tribunal de Sfax l'a condamné à un an de prison ferme, avec exécution immédiate de la peine. La même peine a été infligée à Mohamed Chaabane, secrétaire général de l'Union régionale de Sfax, qui était emprisonné déjà depuis deux mois. Une peine de six mois de prison ferme a également été prononcée à l'encontre de six autres syndicalistes, dont deux (Youssef Aouadni et Ramadhan Tekeya) sont membres de l'Union régionale de Sfax. Pour l'UGTT, cette affaire confirme l'orientation des autorités qui visent à saper l'organisation et à liquider ses structures légitimes afin de violer l'accord qui était intervenu le 4 décembre avec le ministre du Travail. La FSM mentionne également, dans sa communication du 13 janvier 1986, la condamnation de Habib Achour.
  25. 516. Dans sa communication du 29 janvier 1986, la CISL estime que l'accord conclu le 4 décembre 1985 entre le ministre du Travail et le bureau exécutif de l'UGTT représentait une base sérieuse pour assurer une solution aux différents problèmes par un dialogue concret et responsable entre le gouvernement et l'UGTT. Malheureusement, selon la CISL, le gouvernement a laissé traîner la mise en application de cet accord. Par exemple, les locaux régionaux de l'UGTT restèrent occupés par des "comités provisoires" qui s'opposèrent à la direction légitime de l'UGTT, la réintégration des travailleurs licenciés pour des raisons syndicales n'a pas encore été effectuée et les négociations en vue de régler les problèmes en suspens n'ont même pas commencé. De plus, la CISL estime que les autorités tunisiennes ont bien montré leur attitude intransigeante à l'encontre de l'UGTT par la condamnation, par le Tribunal de première instance de Sfax, le 31 décembre dernier, de Habib Achour à une année de prison ferme suite à des accusations portées contre lui et d'autres dirigeants syndicaux, au sujet d'une affaire concernant une coopérative ouvrière appartenant à l'UGTT, qui remonte à 1982.
  26. 517. En outre, selon la CISL, le 21 janvier 1986, la police tunisienne a occupé puis remis aux "comités provisoires" qui s'opposent à la direction légitime de l'UGTT les trois derniers locaux de l'UGTT à Tunis, y compris le siège national de l'UGTT et les bureaux du quotidien de l'UGTT, "El Chaab". Le 27 janvier 1986, les autorités ont confisqué le passeport de Khelifa Abid, secrétaire général adjoint de l'UGTT, qui voulait se rendre à une réunion de l'Organisation régionale africaine de la CISL à Banjul, en Gambie. Les autorités tunisiennes ont refusé toute discussion avec la direction légitime de l'UGTT. Toutes ces mesures, donc, visent clairement, selon la CISL, à détruire l'autonomie et l'indépendance du mouvement syndical tunisien.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 518. Dans une réponse préliminaire du 9 mai 1985, le gouvernement déclare que les questions soulevées dans la plainte sont au centre de plusieurs réunions entre une délégation gouvernementale et le bureau exécutif de l'UGTT dont la dernière en date, tenue le 30 avril 1985, a confié à des commissions techniques tripartites le soin de faire des propositions avant le 20 mai 1985. Ces propositions devraient être, selon le gouvernement, examinées par la suite au cours d'une réunion technique tripartite regroupant les partenaires sociaux.
  2. 519. Dans sa communication du 29 octobre 1985, le gouvernement estime en premier lieu que l'allégation selon laquelle il aurait refusé d'augmenter le SMIG en fonction de l'augmentation de l'indice des prix ne présente aucune relation avec l'application de la convention no 98. Il estime en outre que l'argument invoqué par les plaignants résulte tantôt d'une interprétation erronée des textes en vigueur et tantôt d'une référence incomplète à ces mêmes textes. En effet, ni les dispositions légales et réglementaires en vigueur, ni les dispositions conventionnelles ne permettent de conclure que les augmentations du SMIG découlent automatiquement et exclusivement de l'accroissement de l'indice des prix. Il n'y a pas dans la législation tunisienne ni dans les conventions collectives d'indexation des salaires sur les prix.
  3. 520. En particulier, poursuit le gouvernement, le décret no 74-63 du 31 janvier 1974 instituant le SMIG, qui a d'ailleurs été abrogé par le décret no 75-357 du 3 juin 1975, n'institue pas une relation automatique du SMIG avec l'indice des prix. Le décret en question prévoit en effet que le SMIG "est susceptible de variation en fonction de l'indice des prix". Ce décret confère également aux partenaires sociaux la possibilité d'établir au niveau des conventions collectives des mécanismes de liaison du SMIG avec la productivité. L'usage du terme "susceptible" dans le texte exclut donc, selon le gouvernement, la relation systématique et exclusive de variation du SMIG avec l'indice des prix.
  4. 521. Le gouvernement ajoute que le décret no 74-493 du 20 avril 1974 qui a institué la Commission nationale du SMIG a bien confirmé l'intention du législateur de "lier l'évolution des salaires et du pouvoir d'achat des salariés" non pas exclusivement à l'indice des prix mais aux conditions économiques et sociales prévalant dans le pays. Selon le même texte, la politique des salaires est liée à la politique économique et sociale et doit être en harmonie avec les orientations du plan.
  5. 522. De même, la convention collective cadre, conclue entre l'UGTT et l'UTICA et agréée par arrêté du ministre des Affaires sociales du 29 mai 1973, dans son préambule, stipule non seulement que "les salaires doivent être liés à la spécialisation et aux normes de production", mais énonce également (ce que les plaignants ont omis de mentionner, remarque le gouvernement) l'engagement des parties signataires d'agir conjointement pour arriver à déterminer les rémunérations des travailleurs ... compte dûment tenu des données de l'économie nationale et en fonction des résultats des entreprises et de la conjoncture. La même convention précise dans son dispositif (art. 49) que "les travailleurs ainsi que les représentants des organisations syndicales sont tenus d'apporter leur concours à l'amélioration de la productivité" et prévoit, à cet égard (art. 9), l'institution pour chaque branche d'activité "d'une commission technique paritaire qui aura pour attribution de déterminer les normes de production minimale dans chaque spécialisation de la profession".
  6. 523. Le gouvernement ajoute que le Pacte social de 1977 auquel il est fait référence dans la plainte est plus un pacte d'honneur qu'un pacte conventionnel classique, en ce sens qu'il n'a pas été signé par les partenaires sociaux. Il était conçu pour la période du Ve Plan qui s'est terminée en 1981. Ce pacte a prévu effectivement une clause de sauvegarde du pouvoir d'achat du SMIG, mais il a ajouté, à l'article 12, "que la révision des salaires se fera à la lumière de l'évolution du coût de la vie et de l'amélioration de la production et de la productivité". En outre, la clause de sauvegarde du pouvoir d'achat du SMIG a été assortie d'une autre clause de sauvegarde de la paix sociale et de non-révision des conventions collectives durant la période du Ve Plan (paragr. 1 et 13), clauses qui ont été contestées et dénoncées, comme du reste l'ensemble du "Pacte social", par l'UGTT en 1977. Les événements qui ont suivi cette contestation et la tension sociale qui en a résulté ont abouti aux événements bien connus de janvier 1978.
  7. 524. Le gouvernement souligne aussi que les faits mentionnés dans la plainte sont inexacts. Le gouvernement n'a pas refusé l'augmentation du SMIG, mais il a d'abord contesté l'existence d'une relation automatique, systématique et exclusive du SMIG avec l'augmentation de l'indice des prix pour les raisons invoquées ci-dessus. Le gouvernement a aussi contesté la détérioration du pouvoir d'achat pour la période 1982-1984. A ce sujet, il y a lieu de rappeler qu'en avril 1985, le gouvernement a proposé la constitution d'une commission technique tripartite en vue de comparer les données statistiques disponibles en ce qui concerne l'évolution du pouvoir d'achat durant les trois premières années du VIe Plan. Cette commission s'est effectivement réunie à plusieurs reprises durant le mois de mai 1985 et son procès-verbal, à défaut d'accord, retrace les positions des différentes parties. Il s'agit donc là d'une divergence de points de vue et non d'un refus de négocier ou d'une position arbitraire du gouvernement, comme le prétendent les plaignants.
  8. 525. Le gouvernement estime que les allégations selon lesquelles il aurait annoncé que les augmentations de salaires devaient être désormais liées à l'amélioration de la production et de la productivité et ne plus prendre en considération le coût de la vie sont inexactes. Le gouvernement a attiré l'attention dans une note sur les dangers d'une liaison exclusive de l'augmentation des salaires à l'accroissement des prix, comme l'a demandé l'UGTT, et n'a nullement exclu l'évolution du coût de la vie comme un des éléments à considérer dans la politique des salaires. La note comporte d'ailleurs non pas des règles décidées unilatéralement, mais des propositions à discuter par les partenaires sociaux en vue de servir de cadre à une politique équilibrée et judicieuse des salaires. Il est bien précisé dans la note en question "que toute autre proposition pouvant contribuer à l'élaboration d'une politique salariale équitable et incitative peut être discutée". Il est par conséquent erroné, selon le gouvernement, de considérer des propositions qui appellent à la négociation et qui s'appuient sur le principe même de la concertation sociale comme étant des violations de la convention no 98.
  9. 526. De même, les allégations selon lesquelles bon nombre d'accords conclus en 1983 et 1984 entre les syndicats et les entreprises nationales ou départements ministériels n'ont pas été appliqués à cause d'un blocage opéré par le gouvernement sont fausses. L'année 1983 et une partie de l'année 1984 ont vu se dérouler des négociations collectives généralisées. Le gouvernement a non seulement encouragé ces négociations, mais a joué très souvent un rôle déterminant pour les faire aboutir. Le gouvernement rappelle que la négociation collective se fait de deux manières, selon qu'il s'agit du secteur public ou du secteur privé.
  10. 527. Dans le secteur privé, les négociations collectives en matière de salaires se font librement et aboutissent à des conventions collectives exécutoires à la suite d'un arrêté du ministre des Affaires sociales. A ce sujet, le rôle du gouvernement est de favoriser la négociation collective et d'intervenir par la conciliation et, le cas échéant, par l'arbitrage. Tous les secteurs sans exception on pu, souvent après l'intervention du gouvernement comme conciliateur ou comme arbitre, conclure des conventions collectives. Trente-neuf conventions collectives nationales sectorielles ont été révisées, promulguées et publiées en 1983 et 1984.
  11. 528. En ce qui concerne le secteur public, la fixation des salaires est du ressort du pouvoir réglementaire. Les statuts des entreprises publiques sont promulgués par décret. Cependant, avant leur promulgation, ces statuts font l'objet d'une large concertation entre la direction des entreprises nationales et leurs syndicats, le résultat de ces concertations étant soumis cependant à l'accord de l'autorité de tutelle. Au cours de l'année 1983, 130 entreprises nationales ont vu leurs accords portant révision de leurs statuts mis en oeuvre. Seuls les dossiers de 17 entreprises sont restés en instance au moment où la plainte a été déposée par l'UGTT, les entreprises concernées sont déficitaires et ont de la peine à maintenir leur rythme d'activité et l'emploi de leurs salariés permanents, d'une part, et, d'autre part, leurs procès-verbaux ne sont pas tous quantifiés et définitifs. Dans le but d'accélérer le processus d'agrément de ces procès-verbaux et suite aux réunions tenues les 28 mars et 1er avril entre le gouvernement et le bureau exécutif de l'UGTT, une commission mixte (administration/UGTT) s'est réunie tout au long du mois de mai 1985; cette commission a procédé à un examen minutieux de ces accords et a abouti au classement des procès-verbaux, selon qu'ils soient quantifiés ou incomplets. Concernant les procès-verbaux quantifiés (au nombre de neuf), il a été décidé d'arrêter les modalités de leur mise en oeuvre en tenant compte de la situation économique et financière de ces entreprises. Pour ce qui est des procès-verbaux incomplets, il a été décidé de reprendre les discussions en vue de les quantifier et de préciser les engagements réciproques en tenant compte de la situation financière des entreprises, de l'amélioration de la productivité et du climat social.
  12. 529. Sur ce point le gouvernement conclut que, contrairement aux allégations des plaignants, il n'y a pas eu blocage des négociations. Au contraire, l'intervention du gouvernement a été constamment en faveur de la négociation collective; tout au plus, les difficultés rencontrées dans un nombre extrêmement limité d'entreprises publiques sont dues à des données spécifiques à ces entreprises et ne peuvent en aucune manière préjuger d'une volonté de blocage du gouvernement. En conséquence, les allégations relatives à une violation de la convention no 98 par le gouvernement tunisien sont, selon lui, totalement infondées et irrecevables.
  13. 530. Au sujet des allégations concernant les réquisitions de personnel, le gouvernement observe que l'usage de la réquisition est prévu par la législation tunisienne et réglementé par l'article 389 du Code du travail. Le gouvernement déclare qu'il a effectivement recouru à la réquisition dans des cas très limités et pour assurer un service minimum afin d'éviter qu'une grève puisse porter atteinte à un intérêt essentiel de la population ou que les dommages qu'elle peut causer à la communauté soient irréparables. L'usage de la réquisition a été fait dans quatre entreprises différentes, les chemins de fer, les transports routiers, l'Office de l'élevage et l'Office des céréales, alors qu'il y a eu, en 1983, 576 grèves et, en 1984, 545 grèves. Comme on peut le constater, il s'agit bien d'un recours exceptionnel à la réquisition dans des circonstances exceptionnelles. En effet, pour ce qui est de la grève des chemins de fer, qui devait durer deux jours consécutifs, le gouvernement a réquisitionné 428 agents sur 9.000 en vue d'assurer un service minimum dans un secteur vital pour l'économie et pour les citoyens. Dans les transports routiers, une grève générale touchant ce secteur, vital pour l'économie et pour la majorité des citoyens, a donné lieu à des mesures de réquisition qui n'ont concerné que les transports urbains de la ville de Tunis, soit 712 agents sur un effectif total de 18.845 agents. Dans l'Office de l'élevage, 11 pour cent des effectifs ont été réquisitionnés pour permettre une alimentation minimum du bétail. Enfin, à l'Office des céréales où la grève devait durer six jours consécutifs, alors que la capacité de stockage du pays est de trois jours, la réquisition a concerné 40 agents sur 1.500.
  14. 531. Le gouvernement remarque que les grèves ayant donné lieu à des mesures de réquisition ont touché des secteurs au sein desquels un arrêt total et prolongé aurait engendré une situation telle que la vie, la sécurité et la santé de la population auraient été en danger. Aussi, et contrairement aux allégations des plaignants, il estime que les mesures de réquisition ont concerné les services essentiels; elles ont été prises conformément à la loi - article 389 nouveau du Code du travail (dès qu'a été décidée la grève) - et une fois épuisés tous les moyens de résoudre les conflits prévus par la loi, notamment les procédures de conciliation (art. 378 nouveau du Code du travail) . Enfin, ces mesures n'ont intéressé qu'une partie infime (7 pour cent en moyenne) du personnel nécessaire au maintien d'un service minimum.
  15. 532. A propos de la non-consultation des organisations syndicales, le gouvernement signale que cette consultation n'est pas prévue par l'article 389 nouveau du Code du travail, qui prévoit que "la mesure sera prise par décret" sans exiger la consultation préalable des organisations d'employeurs ou de travailleurs. Il ajoute que, s'agissant d'une mesure exceptionnelle dictée par une situation d'urgence, le temps imparti aux autorités publiques entre la fin de toutes les procédures de conciliation (se déroulant durant toute la période du préavis de grève) et le déclenchement effectif de la grève ne leur permet pas de procéder à une telle consultation. La mesure de réquisition est prise par décret et son opportunité est appréciée par la plus haute autorité (le Chef de l'Etat ou le Premier ministre par délégation sont seuls habilités à signer des décrets), ce qui constitue pour les travailleurs une garantie contre les risques d'abus.
  16. 533. Au sujet des licenciements intervenus à la suite de grèves, le gouvernement rappelle que le Code du travail réglemente les licenciements collectifs et individuels. D'une façon générale, le licenciement est régulier lorsque la grève est illégale. Le législateur considère que la participation à une grève illégale est une rupture par le travailleur du contrat de travail et ne donne lieu à aucune réparation de la part de l'employeur. Lorsque le licenciement intervient sans qu'il y ait faute de la part du travailleur, le licenciement est abusif et donne lieu à réparation de la part de l'employeur. Dans ce cas, ce sont les tribunaux du travail qui sont compétents. Selon le gouvernement, il est possible qu'il y ait eu des licenciements abusifs à la suite des grèves, comme l'indique la plainte. De tels licenciements sont justiciables des tribunaux du travail, seuls compétents pour décider du caractère abusif du licenciement et de la réparation, s'il y a lieu. Mais, pour le gouvernement, de tels faits, s'ils existent, constituent des actes individuels et sont imputables à des employeurs, à des chefs d'entreprises, lesquels, mêmes s'il s'agit d'entreprises publiques, sont passibles de sanctions et sont justiciables des tribunaux et ne sauraient, par conséquent, constituer une violation par le gouvernement de la convention no 87. De l'avis du gouvernement, il n'y a rien dans la législation tunisienne, ni dans la réglementation, ni dans la pratique administrative qui puisse justifier de telles allégations qui sont, par conséquent, sans fondement. Le gouvernement signale enfin que la législation protège le délégué du personnel et les membres du comité d'entreprise qui jouissent d'une certaine immunité et qui ne peuvent pas faire l'objet d'un licenciement sans l'avis de la Commission paritaire et sans l'accord de l'inspection du travail.
  17. 534. Le gouvernement estime enfin que les allégations selon lesquelles, depuis août-septembre 1984, toutes assemblées générales syndicales dans les entreprises sont interdites sont également infondées. Il signale à cet effet que l'avenant du 17 novembre 1984 à la convention collective cadre telle qu'agréée par l'arrêté du 7 février 1985 a prévu que les travailleurs de l'entreprise adhérents au syndicat peuvent tenir des réunions générales au sein de l'entreprise dans le cas où il existe un local approprié indépendant des locaux du travail, sous réserve de l'autorisation de l'employeur et pour autant que la tenue de ces réunions soit possible en dehors des heures de travail. Une circulaire du 25 mai 1985 est venue rappeler le principe de la liberté des réunions syndicales dans le respect des dispositions de la convention collective cadre. Il ne peut donc, selon le gouvernement, subsister aucun doute après la diffusion de cette circulaire (dont copie a été adressée à l'UGTT) sur une quelconque entrave à la liberté de réunion dans les entreprises, dès lors que ces réunions respectent les dispositions contractuelles et l'ordre public.
  18. 535. En conclusion, le gouvernement déclare que les arguments relatifs à une violation de la convention no 87 par le gouvernement tunisien sont totalement infondés. Pour ces raisons, le gouvernement considère que la plainte est infondée et, par conséquent, irrecevable.
  19. 536. Dans une communication envoyée au BIT le 18 novembre 1985, le Premier ministre affirme que les événements que connaît actuellement la vie syndicale en Tunisie relèvent d'une affaire purement interne aux syndicats. Le gouvernement, ajoute-t-il, fidèle à la tradition d'autonomie des organisations syndicales n'a nullement l'intention de s'immiscer dans cette affaire, ainsi qu'il l'a clairement affirmé devant la Chambre des députés, le 1er novembre 1985.
  20. 537. Le Premier ministre déclare que le gouvernement demeure déterminé à oeuvrer, comme il l'a toujours fait, pour une politique conventionnelle qui concilie la défense des intérêts professionnels des travailleurs et l'intérêt de la nation, dans le cadre d'une concertation constructive et dans le respect de l'autonomie des organisations syndicales. A cet effet, le ministre du Travail a tenu une réunion, le 9 novembre 1985, avec le bureau exécutif de l'UGTT. Dans le communiqué commun rendu public à la suite de cette réunion, il est dit que "les deux parties ont affirmé leur souci de faire en sorte que les rapports gouvernement/UGTT se caractérisent par un dialogue franc et responsable pour servir l'intérêt de la nation et préserver les droits des travailleurs". L'entrevue qui s'est déroulée, selon les termes mêmes du communiqué, dans une atmosphère fraternelle de nature à favoriser la continuité du dialogue, augure d'une volonté réelle de surmonter les difficultés et de prémunir le pays contre les périls tant intérieurs qu'extérieurs".
  21. 538. Dans sa communication du 30 décembre 1985, le gouvernement indique que le ministre du Travail a rencontré, le 4 décembre 1985, le bureau exécutif élargi de l'UGTT. Selon le communiqué publié par l'UGTT, une amnistie a été décidée à l'égard de tous les syndicalistes démis de leurs fonctions ou arrêtés à la suite de problèmes syndicaux. Il a été également décidé de renouveler les structures syndicales à partir de janvier 1986 et de pourvoir au remplacement de M. Habib Achour au secrétariat général de l'UGTT. En conclusion, le gouvernement réaffirme son attachement au dialogue franc et responsable et sa volonté de surmonter les difficultés, de concilier l'intérêt de la nation et les droits professionnels des travailleurs et de prémunir ainsi le pays contre les périls tant intérieurs qu'extérieurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 539. Le présent cas a eu pour origine le différend survenu entre l'UGTT et le gouvernement tunisien au sujet de la détermination des salaires. Par la suite, le conflit a largement débordé le cadre initial de ce problème de négociation collective et la situation s'est considérablement dégradée suite aux grèves organisées par l'UGTT et aux mesures répressives qui, selon les plaignants, auraient été prises par les autorités: réquisition du personnel en grève, utilisation de personnes étrangères au service pour remplacer les grévistes, licenciements de grévistes, arrestations et condamnations de travailleurs à des peines d'emprisonnement, interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises, entraves à des réunions syndicales, suspension du journal de l'UGTT, suppression de la retenue des cotisations syndicales à la source et des détachements de fonctionnaires dans les services permanents de l'UGTT, occupation des locaux de l'UGTT par des comités syndicaux provisoires avec l'appui des forces de l'ordre.
  2. 540. Devant la gravité du conflit, une rencontre entre le ministre du Travail et le bureau exécutif élargi de l'UGTT a abouti, le 4 décembre 1985, à un accord qui prévoyait: 1) la libération des syndicalistes arrêtés; 2) la réintégration des travailleurs licenciés; 3) le renouvellement des structures syndicales et 4) la reprise des négociations sur l'ensemble des points en litige. Toutefois, dans leurs communications les plus récentes, les plaignants ont estimé que le gouvernement n'avait pas commencé à mettre en oeuvre l'accord ainsi conclu.
  3. 541. Enfin, de nouvelles allégations ont fait état de l'arrestation puis de la condamnation à une peine d'emprisonnement de M. Habib Achour, secrétaire général de l'UGTT, ainsi que de six autres syndicalistes.
  4. 542. L'affaire dont est saisi le comité peut donc être examinée autour des trois questions essentielles qui font l'objet des allégations des plaignants: la négociation sur la détermination des salaires, l'application de l'accord du 4 décembre 1985 et la condamnation de responsables de l'UGTT, dont son secrétaire général, M. Habib Achour.
  5. 543. Avant d'aborder successivement ces différents points, le comité estime devoir, en premier lieu, exprimer sa préoccupation devant la gravité de la tension sociale que les mesures ayant fait l'objet des allégations ont provoquée en particulier l'occupation des locaux syndicaux. Il constate qu'actuellement les conditions d'une vie syndicale normale ne sont plus assurées dans le pays. De l'avis du comité, l'ensemble des problèmes actuels ne pourra être résolu durablement et efficacement que si les organisations participant au dialogue social sont fortes et réellement libres et indépendantes, ce qui suppose en particulier que l'UGTT puisse mener ses activités sans contrainte et dans le respect de ses statuts.
  6. 544. A propos de l'origine du conflit sur la question de la détermination des salaires, le comité doit souligner que le droit de négocier librement les conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale et que, d'une manière générale, les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Toutefois, le comité estime qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la nature des mécanismes à retenir pour fixer les salaires au cours de procédures de négociation collective. Il considère, en effet, que cette question relève de la négociation entre interlocuteurs sociaux et qu'elle doit être résolue de bonne foi, en fonction des circonstances économiques et sociales propres à chaque pays.
  7. 545. Concernant les développements ultérieurs de la situation syndicale, le comité observe que l'accord conclu entre le ministre du Travail et l'UGTT le 4 décembre 1985 semblait constituer une base solide pour la reprise d'un dialogue constructif et la recherche d'une solution aux difficultés auxquelles est confrontée actuellement l'UGTT. Le comité estime donc primordial que des négociations entre les parties à l'accord reprennent en vue d'examiner sa mise en oeuvre rapide et intégrale. Il considère également que le BIT pourrait utilement, si les parties en présence le souhaitent, continuer à contribuer à trouver une issue au conflit sur la base des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale.
  8. 546. A cet égard, le comité croit utile, d'ores et déjà, de formuler certaines conclusions et recommandations sur un certain nombre d'aspects des allégations en instance.
  9. 547. Au sujet des condamnations et des licenciements de travailleurs intervenus à l'occasion de grèves, que le gouvernement ne nie pas, le comité doit rappeler que, quand des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux sont licenciés pour avoir exercé leur droit de grève, il y a lieu de conclure qu'ils sont sanctionnés pour leur activité syndicale et qu'ils font l'objet d'une discrimination antisyndicale contraire à l'article 1 de la convention no 98. (Voir, par exemple, 217e rapport, cas no 823 (Chili), paragr. 510; 236e rapport, cas no 1066 (Roumanie), paragr. 122.) En outre, le comité estime que, d'une manière générale, les autorités ne devraient pas avoir recours aux mesures d'emprisonnement en cas de grève pacifique. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1213 (Grèce), paragr. 46.)
  10. 548. Les allégations formulées se réfèrent aussi à l'interdiction des assemblées générales syndicales dans les entreprises, à des entraves qui auraient été apportées à des réunions organisées par l'UGTT ou des organisations affiliées, ainsi qu'à la suspension du journal de l'UGTT. Sur le premier point, le gouvernement nie que de telles interdictions aient été prononcées. En revanche, il ne fournit pas d'informations sur les deux autres allégations. Sur ces points, le comité doit rappeler que la non-intervention des gouvernements dans la tenue et le déroulement des réunions syndicales constitue un élément essentiel des droits syndicaux et que les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal, à moins que cet exercice ne trouble l'ordre public ou ne le menace de manière grave et imminente. (Voir, par exemple, 218e rapport, cas no 1088 (Mauritanie), paragr. 143.) Le comité estime que, dans le cas d'espèce, la tenue de réunions syndicales dans les locaux syndicaux ne pourrait être considérée comme un danger grave et imminent pour l'ordre public. En outre, le comité tient à souligner que le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, si bien que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d'opinion et d'expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales. (Voir, par exemple, 217e rapport, cas no 963 (Grenade), paragr. 538.)
  11. 549. D'autres mesures prises par le gouvernement ont trait à la suppression des retenues à la source des cotisations syndicales et du détachement des fonctionnaires dans les services permanents de l'UGTT. Sur le premier point, le comité rappelle que, dans des cas antérieurs (voir, par exemple, 197e rapport, cas no 935 (Grèce), paragr. 287; 204e rapport, cas no 902 (Australie) , paragr. 146), il a estimé que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n'est pas propice à l'instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. Sur le second point, le comité considère que la suppression des détachements de fonctionnaires pourrait également entraîner des difficultés pour les organisations syndicales et que, si le gouvernement estimait qu'il n'est plus en mesure d'assurer la charge financière de tels détachements, de nouvelles modalités de mise à disposition des fonctionnaires auraient pu être étudiées.
  12. 550. Ayant ainsi examiné ces différentes allégations en instance dans le présent cas, le comité signale à l'attention du gouvernement l'importance des principes ainsi mentionnés, dont le respect permettrait de favoriser l'application de l'accord du 4 décembre 1985 et de déboucher ainsi sur une solution au conflit entre l'UGTT et le gouvernement.
  13. 551. Le comité prie donc le gouvernement d'étudier la possibilité d'une mise en pratique de ces recommandations et de lui fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en vue de favoriser la réintégration des grévistes licenciés, la libération des syndicalistes emprisonnés, l'amnistie des travailleurs condamnés, la levée des interdictions de réunions syndicales et de la suspension du journal de l'UGTT ainsi que le réexamen des questions concernant la retenue des cotisations syndicales à la source et le détachement des fonctionnaires dans les organisations syndicales.
  14. 552. Le comité doit constater que le gouvernement n'a pas fourni d'observations au sujet de la récente condamnation de syndicalistes de l'UGTT, dont Habib Achour. Le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations à cet égard ainsi que sur leurs conditions de détention.
  15. 553. Enfin, le comité a été saisi d'allégations concernant l'occupation de locaux de l'UGTT qui aurait été opérée avec l'appui des forces de l'ordre. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur ce point.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 554. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) D'une manière générale, le comité exprime sa préoccupation devant la gravité de la tension sociale que les mesures ayant fait l'objet des allégations ont provoquée, en particulier l'occupation des locaux syndicaux. Il estime que les problèmes actuels ne pourront être résolus durablement et efficacement que si les organisations participant au dialogue social sont fortes et réellement libres et indépendantes, ce qui suppose en particulier que l'UGTT puisse mener ses activités sans contrainte et dans le respect de ses statuts.
    • b) Le comité estime primordial que des négociations entre les parties à l'accord du 4 décembre 1985 reprennent en vue d'examiner sa mise en oeuvre rapide et intégrale. Il considère également que le BIT pourrait utilement, si les parties en présence le souhaitent, continuer à contribuer à trouver une issue au conflit sur la base des principes de l'OIT en matière de liberté syndicale rappelés par le comité dans ses conclusions.
    • c) Le comité prie donc le gouvernement d'étudier la possibilité d'une mise en pratique de ces recommandations et de lui fournir des informations sur toute mesure qui serait prise en vue de favoriser la réintégration des grévistes licenciés, la libération des syndicalistes emprisonnés, l'amnistie des travailleurs condamnés, la levée des interdictions de réunions syndicales et de la suspension du journal de l'UGTT ainsi que le réexamen des questions concernant la retenue des cotisations syndicales à la source et le détachement des fonctionnaires dans les organisations syndicales.
    • d) Le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations au sujet de la récente condamnation de syndicalistes de l'UGTT, dont M. Habib Achour, et sur leurs conditions de détention.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant l'occupation des locaux de l'UGTT.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • LISTE DES TRAVAILLEURS QUI, SELON LA CISL ET
  • L'UGTT, ONT ETE DETENUS ET
  • CONDAMNES LORS DE LA GREVE DES CHEMINS DE FER
    1. DU 31 JUILLET 1985
  • Pour six mois:
  • Farouk Ben Rehaiem
  • Hedi Mansouri
  • Mohamed Ouertani
  • Mouldi Arfaoui
  • Ali Dabboussi
  • Zouhir Boukhris
  • Béchir Marouani
  • Pour trois mois:
  • Hamida Jaouani
  • Pour deux mois + amende de 100 dinars:
  • Mouldi Bahria
  • LISTE DES DIRIGEANTS DE L'UGTT QUI, SELON LA FSM,
  • ONT ETE ARRETES
    1. 1 Noor Al Din Al Bahari
    2. 28 Al Habib Al Hanzooti
    3. 2 Saleh Baroon
    4. 29 Mansoor Al Ibrahim
    5. 3 Mohtar Al Hiali
    6. 30 Al Habib Sharaikiyah
    7. 4 Saleh Al Said
    8. 31 Mohamed Al Sagir Aulad Ahmed
    9. 5 Ibrahim Gobarah
    10. 32 Mohamed Al Hashini Al Kabi
    11. 6 Hamis Kasilah
    12. 33 Khaled Al Hamdi
    13. 7 Ali Al Nafti
    14. 34 Bogomah Ben Diab
    15. 8 Thabet Alyakoobi
    16. 35 Ali Al Shabi
    17. 9 Mohamed Aldwairi
    18. 36 Al Ahdar Imara
    19. 10 Abdul Hajid Balhaj Ali
    20. 37 Mohamed Alaid Al Hamami
    21. 11 Mohamed Alzagob
    22. 38 Gamal Aldin Ben Haibah
    23. 12 Mohamed Alkorkani
    24. 39 Hamis Sakar
    25. 13 Al Taher Al Obaidi
    26. 40 Rasid Sasi
    27. 14 Alalah Al Amiri
    28. 41 Farid Al Hani
    29. 15 Ahmed Al Kahlawi
    30. 42 Mohamed Najib Ben Yousuf
    31. 16 Imarah Almagiri
    32. 43 Abdul Razak Al Baji
    33. 17 Ali Al Dawi
    34. 44 Salim Sasi
    35. 18 Al Shadli Kari
    36. 45 Al Nunder Ben Gomai
    37. 19 Ali Al Fatati
    38. 46 Al Taher Alzohaidi
    39. 20 Mohamed Shandool
    40. 47 Mohamed Ali Al Askari
    41. 21 Hasood Naji
    42. 48 Mohamed Al Wahaishi
    43. 22 Almonseef Akeer
    44. 49 Al Fargani Saadali
    45. 23 Ali Rawadan
    46. 50 Kamal Al Hagag
    47. 24 Rasid Hamadi
    48. 51 Balkasi Al Namli
    49. 25 Abdul Satar Al Naser
    50. 52 Mohamed Al Lal
    51. 26 Al Asad Almadouni
    52. 53 Al Arabi Al Shabi
    53. 27 Ahmed Naji
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