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- 191. Dans une communication du 9 mai 1985, la Confédération mondiale du Travail et la Confédération des syndicats de Malte ont conjointement présenté une plaine contre le gouvernement de Malte, alléguant une violation de la liberté syndicale et des droits syndicaux. Le gouvernement a répondu le 24 mai 1985 et a fourni des informations complémentaires dans une communication du 8 juillet 1985.
- 192. A sa session de novembre 1985, le comité a décidé de demander des informations complémentaires au gouvernement et d'examiner ce cas à sa session de février 1986. Les informations ont été reçues dans une communication du 17 décembre 1985 et elles figurent ci-dessous.
- 193. Malte a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 194. La plainte concerne 31 travailleurs/étudiants qui, selon les allégations: 1) ont été suspendus de leurs fonctions au ministère des Travaux publics et du Logement; 2) ont vu leur salaire retenu pour avoir pris part à une grève de protestation d'un jour, le 10 octobre 1984; 3) la plainte fait en outre état de pratiques abusives, les travailleurs/étudiants ayant été contraints de signer une déclaration préparée unilatéralement par les autorités pour pouvoir être réintégrés dans leurs fonctions.
- 195. En exposant la situation, la Confédération des syndicats de Malte (CSM) se réfère au différend qui avait surgi entre une des organisations qui lui est affiliée, le Mouvement des enseignants unifiés (MEU), et le gouvernement à propos du réaménagement de la structure salariale qui avait fait l'objet de débats pendant trois ans: une action syndicale, en vertu de laquelle les membres du MEU se sont abstenus d'exécuter des tâches débordant le cadre de leurs fonctions, avait été suivie à 90 pour cent par les enseignants à l'appel du MEU et avait conduit à l'établissement d'un lock-out par le ministère de l'Education. Après avoir essayé, en vain, de convaincre le ministre de lever la mesure de lock-out, la CSM a lancé un appel aux membres des autres syndicats qui lui étaient affiliés pour qu'ils participent, le 10 octobre 1984, à une grève de protestation d'une journée contre ce recours au lock-out.
- 196. Parmi les 27.000 travailleurs qui, selon la CSM, auraient participé à la grève de protestation se trouvaient 31 travailleurs/étudiants employés par le ministère des Travaux publics et du Logement, qui ont été empêchés de se présenter au travail le lendemain de la grève et ont vu leur salaire retenu pendant la durée de leur absence, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils aient signé une déclaration (dont le texte, daté du 6 décembre 1984, est traduit du maltais et annexé à la plainte) par laquelle ils ont reconnu que leur participation à la grève du 10 octobre n'avait pas été motivée par un différend avec leur employeur et que leur employeur ne devait pas subir les conséquences d'une mesure dictée par des tiers pouvant avoir pour effet d'arrêter ou d'interrompre leur formation et qu'il ne saurait y avoir d'interruptions autres que celles qui sont motivées par des considérations médicales. Dans ce texte, ils ont exprimé leur regret d'avoir participé à la grève du 10 octobre et ont pris l'engagement de ne pas interrompre leur formation à nouveau au moyen d'une grève; en conséquence, ils ont demandé la levée de la décision du 11 octobre qui leur interdisait de se présenter au travail en attendant de nouvelles instructions. Ils ont en outre été tenus de déclarer qu'ils étaient disposés à retirer les plaintes judiciaires qu'ils avaient présentées et qu'ils ne demanderaient pas à être payés pour la période pendant laquelle ils ne s'étaient pas rendus à leur travail.
- 197. La CSM affirme que les questions qui se posent entre un employeur et des travailleurs/étudiants concernant leur emploi doivent, aux termes de la loi no XII portant modification de la loi de 1974 sur l'éducation, être réglées en application de la loi de 1976 sur les relations professionnelles, et que les mesures prises par le gouvernement, outre qu'elles sont en contradiction avec les dispositions des conventions nos 87 et 98, enfreignent l'article 18, paragraphe 4, de la loi de 1976 qui prévoit notamment qu'"un acte accompli par une personne en prévision ou à l'appui d'un différend du travail et conformément à une directive émise par un syndicat ... ne saurait en soi conférer à l'employeur le droit de mettre fin au contrat d'emploi de quiconque a accompli un tel acte, ni d'exercer une discrimination à son encontre, et ne peut pas être considéré comme une interruption du service de ladite personne".
- 198. La CSM prétend que les 31 travailleurs/étudiants ont fait l'objet d'une grave discrimination lorsqu'on leur a refusé la possibilité de se présenter au travail et qu'on a retenu leur salaire pendant toute la période de leur absence (qui, selon la confédération, n'a pas été qualifiée de suspension puisque cela aurait exigé l'engagement de procédures disciplinaires); que leur participation à la grève de protestation du 10 octobre, conformément aux directives de leur syndicat, était légitime et protégée par la loi; que des pressions psychologiques avaient été exercées sur eux pour les amener à signer la déclaration, puisque le ministre avait annoncé que ceux qui ne l'auraient pas signé ne seraient pas réintégrés dans leurs fonctions; que, du fait qu'ils avaient signé la déclaration, on ne pouvait plus considérer qu'ils seraient en mesure d'exercer librement leur droit de choisir de suivre ou non les futures directives syndicales et qu'il pourrait leur être difficile, voire dangereux, de s'y conformer dans la pratique. La CSM fait également observer qu'aucun travailleur/étudiant engagé dans une autre administration nationale ou dans le secteur privé n'a été tenu de signer un engagement ni empêché de reprendre son travail.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 199. Dans sa communication du 24 mai 1985, le gouvernement déclare ne pas admettre qu'il y ait eu une violation des droits syndicaux en liaison avec les travailleurs/étudiants. Il explique que le projet concernant les travailleurs/étudiants met sur pied un système facultatif de périodes de travail et d'études alternées, que l'employeur qui parraine de tels travailleurs a l'obligation de leur assurer à la fois du travail et une formation, alors que, parallèlement, l'étudiant qui ne tire pas parti de ces deux aspects du projet, en ne respectant pas intégralement les conditions qu'il fixe, diminue ses chances d'obtenir son diplôme à la fin du cours. Le gouvernement déclare en outre que les travailleurs/étudiants ont le droit d'adhérer au syndicat de leur choix et de participer à ses activités.
- 200. Selon le gouvernement, ce qui est en cause c'est de savoir si les travailleurs/étudiants ont le droit de prendre part à une grève concernant un différend auquel leur employeur n'est pas partie. Le gouvernement fait observer à cet égard que la modification apportée à la loi sur l'éducation, citée par les organisations plaignantes, se réfère expressément aux "questions surgies entre un employeur et un travailleur/étudiant au sujet de son emploi" (le soulignement a été ajouté), et que le différend à l'origine de la grève déclenchée par la CSM ne concernait pas l'emploi desdits travailleurs/étudiants qui, pour leur part, souhaitaient donner leur appui à un syndicat dans un conflit avec un autre employeur.
- 201. Le gouvernement poursuit en déclarant que la mesure de lock-out à l'encontre des travailleurs/étudiants avait été prise par le ministère qui les employait contre la grève des travailleurs/étudiants, et que cette mesure est admise par la loi de 1976 sur les relations professionnelles. Par la suite, dans sa communication du 8 juillet 1985, le gouvernement a transmis le texte d'un jugement confirmant le droit au lock-out que le tribunal civil de Malte avait rendu le 22 octobre 1984, dans un procès intenté contre le ministre de l'Education par la MEU, par son président et par son secrétaire général.
- 202. Enfin, le gouvernement fait observer que c'est pour essayer de mettre fin à l'impasse que le ministère avait offert de lever la mesure de lock-out prise à l'encontre des 31 travailleurs/étudiants et de les réintégrer dans leurs fonctions à condition toutefois qu'ils signent la déclaration mentionnée ci-dessus et qu'ils renoncent au procès qu'ils avaient engagé. Dans une communication antérieure, au sujet d'une question connexe, le gouvernement avait déjà indiqué que tous les travailleurs/étudiants avaient retrouvé leur place au ministère.
- 203. Dans sa communication du 17 décembre 1985, le gouvernement transmet la copie du contrat qui s'applique aux travailleurs/étudiants et le document contenant les conditions générales qui s'appliquent au programme en vertu duquel ils sont employés. Le gouvernement indique en outre que les étudiants ainsi employés ne sont pas des employés réguliers de l'établissement qui les parraine, comme le souligne le paragraphe 3 des conditions générales qui dispose:
- "Les travailleurs/étudiants seront appelés à suivre le programme de travail de leur département sur leur lieu de travail et le calendrier de travail des universités ou des établissements d'enseignement dans lesquels ils étudient, et ils se conformeront aux règlements de l'établissement dans lequel ils travaillent ou ils étudient, mais ils ne seront en aucun cas considérés comme des employés réguliers."
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 204. Le comité note que la plainte se rapporte à une mesure prise par le ministère des Travaux publics et du Logement concernant 31 "travailleurs/étudiants" dont le statut est régi par un contrat d'emploi de nature particulière. Ils avaient donné suite à une directive émanant de la Confédération des syndicats de Malte (CSM) leur enjoignant de participer à une grève de protestation le 10 octobre 1984. Le comité observe qu'une certaine confusion peut avoir résulté de leur double statut de travailleurs et d'étudiants.
- 205. Le comité note également que la mesure en question a consisté, en premier lieu, en un lock-out décrété par le ministère intéressé à l'encontre des "travailleurs/étudiants"; que le pouvoir des autorités de prendre une telle mesure avait été confirmé par les tribunaux civils de Malte au cours d'un procès intenté par un syndicat et que la décision judiciaire en cause peut faire l'objet d'une nouvelle sentence en appel. Dans ces conditions, le comité n'estime pas que cet aspect du cas appelle un examen plus approfondi.
- 206. Le comité doit, toutefois, exprimer la préoccupation que lui cause l'autre mesure prise, à savoir l'obligation faite aux "travailleurs/étudiants" de signer la déclaration décrite au paragraphe 5 ci-dessus pour pouvoir être réintégrés dans leurs fonctions. A cet égard, le comité note qu'une période d'environ deux mois s'est écoulée entre la date de la grève de protestation à laquelle les "travailleurs/étudiants" avaient participé et la date de la déclaration, période pendant laquelle les personnes en question n'ont pas été rémunérées. Il note en outre que, dans cette déclaration, les signataires étaient tenus de renoncer à être payés pour la période pendant laquelle ils n'avaient pas travaillé et de renoncer à intenter toute action judiciaire. Le comité appelle l'attention du gouvernement sur les dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 1 de la convention no 98, qui recommandent une protection contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale et qui se référent expressément à la protection contre les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Il veut croire que des mesures appropriées seront prises pour dédommager les "travailleurs/étudiants" des pertes qu'ils ont subies.
- 207. En ce qui concerne les engagements que les signataires de la déclaration ont été tenus de prendre et qui restreignent les circonstances dans lesquelles des arrêts de travail seraient considérés comme admissibles, le comité estime que ces engagements enfreignent le principe de la liberté syndicale qu'il a maintes fois réaffirmé, à savoir que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux. (Voir 236e rapport, cas no 1066, paragr. 122 (Roumanie); cas no 1253, paragr. 215 (Maroc); cas no 1266, paragr. 574 (Haute-Volta); cas nos 1277 et 1288, paragr. 682 (République dominicaine).) Le comité voudrait aussi, à cet égard, appeler l'attention du gouvernement sur les dispositions de l'article 3 de la convention no 87, en vertu desquelles "les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit ... d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action" et "les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal", il exprime l'espoir que le gouvernement donnera pleinement effet à ces dispositions en liaison avec les droits syndicaux des "travailleurs/étudiants".
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 208. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité constate que les "travailleurs/étudiants" ont été placés dans une relation de travail avec leur employeur.
- b) Le comité regrette que les "travailleurs/étudiants" aient perdu deux mois de salaire et qu'ils aient été contraints de signer une déclaration avant d'être réintégrés dans leurs fonctions. Le comité veut croire que des mesures appropriées seront prises pour dédommager les "travailleurs/étudiants" des pertes qu'ils ont subies.
- c) Le comité estime que les engagements que les signataires de la déclaration ont été obligés de prendre et qui restreignent les circonstances dans lesquelles des arrêts de travail seraient possibles enfreignent le principe de la liberté syndicale qu'il a maintes fois réaffirmé, à savoir que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux.
- d) A cet égard, le comité appelle également l'attention du gouvernement sur les dispositions de l'article 3 de la convention no 87, en vertu desquelles "les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit ... d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action" et "les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal". Il exprime l'espoir que le gouvernement donnera pleinement effet à ces dispositions en liaison avec les droits syndicaux des "travailleurs/étudiants".