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- 157. La Fédération australienne des employés et travailleurs de la construction (BLF) a porté plainte en violation des droits syndicaux par une communication datée du 14 août 1985. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications des 18 février, 22 et 28 avril, 2 et 20 mai 1986.
- 158. L'Australie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 159. La BLF, qui prétend regrouper 41.000 membres dans ses sections de l'ensemble de l'Australie et 14.000 membres dans l'Etat de Victoria, est enregistrée conformément à la loi fédérale de 1904 sur la conciliation et l'arbitrage, et reconnue au titre de la loi du Victoria de 1979 sur les relations professionnelles; elle allègue que, le 19 juillet 1985, le Parlement du Victoria a été saisi d'un projet de loi tendant à la radiation de la BLF; le 30 juillet 1985, la loi a été votée et a reçu le consentement royal, bien que l'ajournement des débats, pour permettre un plus ample examen du projet, ait été demandé. Le plaignant communique une copie du procès-verbal des débats où il est dit que le projet ne viserait pas seulement la BLF elle-même, mais tendrait à punir tous les syndicats qui lui sont affiliés ainsi que les travailleurs à titre individuel; il évoque aussi l'opposition de principe du Conseil australien des syndicats à la radiation, tenue pour instrument de répression du syndicalisme.
- 160. Le plaignant critique les dispositions suivantes de la loi: 1) l'exclusion des membres de la BLF des contrats publics; 2) les procédures de mise en oeuvre de cette exclusion; 3) le retrait de la BLF et de ses membres de la protection et de la participation au régime officiel de relations professionnelles institué par la loi du Victoria sur les relations professionnelles; 4) les restrictions mises par décret administratif à l'utilisation des fonds et des biens de la BLF.
- 161. En ce qui concerne le premier point (exclusion des contrats de travaux publics), la BLF fait valoir que, en rapprochant l'article 4 de la loi de radiation de son article 3 (définition des "contrats visés par la présente loi"), on peut faire entrer dans tout contrat de travaux publics une clause tacite selon laquelle aucun membre de la BLF ne pourrait être engagé ou maintenu par contrat d'emploi aux fins de tels travaux. La BLF estime que les contrats auxquels s'applique la loi constituent 30 pour cent de tous les contrats de construction auxquels sont employés des membres de la BLF dans l'Etat de Victoria. Le plaignant craint que le gouvernement ne cherche à étendre l'effet de la loi au-delà des travaux publics, en contravention directe à l'article 1 de la convention no 98, car ce serait un acte flagrant de discrimination portant atteinte à la liberté syndicale des travailleurs en matière d'emploi; il y voit aussi une contravention à l'article 2 de la convention no 87 du fait que le droit de créer des organisations de leur choix, de s'y affilier - et par extension d'en rester membres - sera gravement limité si les travailleurs se trouvent, en raison de leur affiliation syndicale, exclus d'emplois qui autrement leurs seraient ouverts. La BLF invoque aussi l'article 8 2) de la convention no 87, car elle considère l'article 4 de la loi comme un élément de législation nationale qui porte atteinte aux garanties prévues par la convention. Elle fait valoir à ce propos qu'en étendant l'application de l'article 4 de la loi (définition des contrats visés par la loi) aux contrats entrés en vigueur avant ledit article, le gouvernement du Victoria a donné à la loi un caractère rétroactif; or l'effet rétroactif des lois est un principe depuis longtemps réputé contraire à l'administration du droit australien, et donc attaquable, soutient le plaignant, en vertu de l'article 3 de la convention no 87, car l'effet rétroactif d'une telle disposition entraînerait nécessairement une ingérence limitant le droit des organisations de travailleurs à organiser leur gestion et leur activité et à formuler leurs programmes d'action.
- 162. En ce qui concerne le deuxième point (procédure de mise en oeuvre de l'exclusion), le plaignant déclare que le gouvernement du Victoria, en renfort de sa tentative d'exclure les membres de la BLF des chantiers de travaux publics, a prévu diverses procédures d'exécution visant à la fois les travailleurs et les employeurs. L'article 8 de la loi prévoit le recours à des déclarations sur l'honneur pour déterminer l'appartenance à la BLF ou, plus pertinemment, pour faciliter la défection de ses membres. Cela signifie en pratique que toute personne voulant travailler dans la construction doit déclarer sous serment qu'elle n'est pas membre de ce syndicat; la BLF craint que le gouvernement ne veuille étendre cette pratique aux chantiers de tout l'Etat, et se dit certaine qu'en ce cas il voudra faire surveiller les formalités par des agents de la police. La BLF interprète aussi l'article 5 de la loi comme donnant à l'Etat faculté de résilier le contrat de tout entrepreneur principal qui continuerait à employer des membres du syndicat; elle déclare que, probablement, le droit de résiliation jouerait même si l'entrepreneur ignorait l'appartenance syndicale de son personnel, ou croyait à tort ne pas avoir de membres de la BLF sur ses chantiers; en pareil cas, estime le plaignant, l'entrepreneur n'aurait pas de recours légal, puisque le seul moyen sûr qu'il aurait eu de passer un contrat non résiliable aurait été de faire prêter aux travailleurs le serment prévu à l'article 8 de la loi. Qui plus est, l'article 5 2) de la loi dispose que si l'entrepreneur principal acquiert le droit de résilier son contrat avec un sous-traitant parce que celui-ci garderait à son service des membres de la BLF, mais qu'il décide de n'en pas faire usage, l'Etat pourra alors résilier son propre contrat avec l'entrepreneur principal. Le plaignant fait observer que l'article 9 de la loi, qui soustrait aux poursuites judiciaires l'Etat ou toute personne physique ou morale susceptible de prendre des mesures contre un membre de la BLF, renforce encore le dispositif exécutoire; il estime que le déni du droit d'intenter une action ou de porter plainte est peut-être la mesure la plus grave que puisse prendre un gouvernement pour s'assurer que la législation nationale vienne porter atteinte aux garanties de liberté syndicale, et qu'il s'agit donc là d'une contravention manifeste à l'article 8 2) de la convention no 87.
- 163. En ce qui concerne le troisième point (retrait à la BLF et à ses membres de la protection et de la participation au régime des relations professionnelles du Victoria, par l'effet de l'article 6 de la loi), la BLF allègue qu'il n'est donné dans la loi portant radiation aucune raison explicite pour le retrait de cette protection, et qu'elle-même n'a pas eu le droit de se faire entendre sur sa radiation, ni de contester cette décision; elle relève que l'article 56 2) de la loi de 1979 sur les relations professionnelles (Victoria) prévoit dans les termes suivants le retrait de reconnaissance des associations: Article 56 2). S'il apparaît à la commission, sur demande du greffier du travail, qu'une association reconnue au titre de la présente loi ne s'est pas conformée à un arrêt de la commission ou du président d'un conseil, ou qu'elle persiste dans des agissements contraires aux dispositions de la présente loi, la commission pourra ordonner que soit révoquée la reconnaissance de cette association, sur quoi cette dernière sera réputée non reconnue et sans titre à l'exercice ou au bénéfice de tout droit ou privilège octroyé aux associations reconnues. Or le plaignant allègue que cette procédure a été négligée, et qu'en retirant par voie législative à la BLF la protection du régime des relations professionnelles et en lui refusant le recours selon l'article 56 2) de la loi sur les relations professionnelles, on a commis à son encontre une violation du droit fondamental de présenter sa défense contre des allégations.
- 164. En ce qui concerne le quatrième point (restrictions par décret administratif à l'utilisation des fonds de la BLF), le plaignant allègue que l'article 7 de la loi donne à l'administration un droit de saisie sur les biens syndicaux; il fait valoir que la saisie de ses biens pourrait en fait revenir à sa dissolution par autorité administrative, et que l'article 7 de la loi est donc contraire aux articles 3 et 4 de la convention no 87.
- 165. Enfin, la BLF relève que l'adoption de la loi coïncide avec la condamnation de M. N. Gallagher, secrétaire général du syndicat et secrétaire de sa section du Victoria, à quatre ans et trois mois de prison pour avoir secrètement perçu des commissions, et aussi avec les élections syndicales de la section victorienne de la BLF; le plaignant en conclut que l'adoption de la loi a servi d'encouragement à voter contre le bureau en place, contrairement à l'article 3 de la convention no 87 qui garantit aux travailleurs le droit d'élire leurs représentants en toute liberté.
- 166. Le plaignant conclut en relevant que le ministre fédéral de l'Emploi et des Relations professionnelles a publiquement déclaré, en juillet 1985, que le Parlement fédéral serait saisi vers août 1985 d'un projet de loi fédérale portant radiation de la BLF.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 167. Dans sa communication du 18 février 1986, le gouvernement australien transmet au comité les observations du gouvernement de l'Etat de Victoria, qui souligne son attachement aux normes énoncées dans les conventions nos 87 et 98, ratifiées avec l'agrément de tous les Etats australiens y compris le Victoria. Le gouvernement du Victoria estime que la loi de 1985 portant radiation de la BLF ne contrevient pas à ces normes. Il relève aussi que la plupart des syndicats (y compris la BLF) opérant dans le Victoria sont affiliés à la section victorienne du Parti travailliste australien, actuellement au pouvoir au niveau fédéral et dans le Victoria.
- 168. Le gouvernement explique le régime australien de relations professionnelles qui, en vertu de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, permet l'enregistrement volontaire des syndicats conformément à la loi fédérale de 1904 sur la conciliation et l'arbitrage; les organisations d'employeurs et de travailleurs peuvent en outre demander à relever de la législation des Etats, en l'occurrence la loi du Victoria sur les relations professionnelles (1979). Le gouvernement précise que la loi du Victoria prévoit la reconnaissance des associations représentant les employeurs ou les travailleurs comme associations compétentes pour toute profession pour laquelle existe un conseil de conciliation et d'arbitrage institué aux termes de la loi (ces conseils sont institués chacun pour une profession donnée, et peuvent rendre des sentences exécutoires applicables à tous les travailleurs de la profession qui ne seraient pas visés par des sentences de la Commission fédérale de conciliation et d'arbitrage ou d'autres tribunaux). En 1982, la BLF a demandé et obtenu sa reconnaissance aux termes de la loi du Victoria pour diverses professions relevant du Conseil des ouvriers de la construction; le gouvernement précise à cet égard que la reconnaissance en vertu de la législation du Victoria ne confère pas aux associations la personnalité juridique, mais certains droits dont les suivants: nommer des membres au conseil de conciliation et d'arbitrage, être informé des travaux du conseil compétent, paraître devant le conseil pour toute question touchant aux intérêts des membres de l'association, passer avec un employeur un accord exécutoire en vertu de la loi avec valeur de sentence, demander au président du conseil de convoquer le conseil et requérir la Commission des relations professionnelles de rendre un arrêt sur les congés annuels. Il existe dans la construction d'autres syndicats fédéralement enregistrés en vertu de la loi de 1904 sur la conciliation et l'arbitrage et reconnus aux termes de la loi du Victoria, et dont l'action vise les mêmes domaines professionnels que celle de la BLF.
- 169. Le gouvernement retrace l'historique de la BLF. Cette organisation a été enregistrée à l'origine en 1911 au titre de la législation fédérale, mais radiée en 1974 pour graves infractions sociales (le gouvernement donne copie de la décision judiciaire radiant la BLF, où sont plusieurs fois évoqués les actes de menace et d'intimidation commis par le syndicat, tels que destruction ou dommages volontaires de biens, et violences collectives par des dirigeants ou des membres); la BLF a été à nouveau enregistrée en 1976 après avoir donné des assurances pour l'avenir, telles que d'user modérément de l'action directe et de recourir aux procédures de conciliation et d'arbitrage prévues par la loi. En 1981, le gouvernement australien du moment, invoquant de nombreuses infractions sociales par la BLF, a entamé des procédures fédérales de radiation, auxquelles se sont ensuite associés les gouvernements du Victoria, d'Australie occidentale et d'Australie méridionale et les principales organisations d'employeurs; le gouvernement fédéral et ceux des trois Etats ayant changé, et leurs successeurs ayant une conception différente des problèmes posés par la BLF, ils se sont retirés de la procédure, qui s'est officiellement close en 1984 avec le désistement des organisations d'employeurs. Ces désistements faisaient presque tous suite à des promesses de meilleure conduite et d'action responsable données par la BLF. Le gouvernement ajoute que, parallèlement aux procédures menées en 1981, les gouvernements du Victoria et de l'Australie avaient nommé pour enquêter sur la BLF une commission royale qui a rendu en 1981 un rapport de plus de 400 pages (dont le gouvernement donne copie) qui critique sèvèrement l'attitude et les actes de la BLF.
- 170. Le gouvernement déclare que, à la mi-1984, les syndicats et les employeurs de la construction ont passé un protocole d'accord qui astreignait les deux parties à de larges engagements tendant à stabiliser les relations professionnelles dans l'industrie de la construction à l'échelon national. La BLF a signé ce protocole (appelé convention de la construction, 1984-1986) en octobre 1984 mais, selon le gouvernement, elle a ensuite rompu ses engagements comme elle avait rompu ceux de 1976 après son réenregistrement et ceux de 1981 après le retrait des procédures de radiation. Le gouvernement communique une longue liste d'abus commis par la BLF (outrage à magistrat, intimidation d'employeurs et de syndicalistes non-BLF, violences et désordres, empêchement ou arrêt des coulées de béton, dommage aux biens, extorsion de fonds, violation de locaux et intrusion) de 1977 à 1984 dans toute l'Australie. Il ressort de cette liste que la confédération à laquelle est affiliée la BLF, le Conseil australien des syndicats, a désapprouvé plusieurs de ces incidents et a même pris des mesures pour éviter les violences sur les chantiers en créant des jurys pour délimiter les compétences syndicales. C'est sur ces entrefaites que le gouvernement victorien a adopté en 1985 la loi portant radiation de la BLF, que le gouvernement considère comme une solution de dernière extrémité.
- 171. Le gouvernement fait observer que le jeu de la loi de 1985 du Victoria dépend directement des initiatives qui pourront être prises au niveau fédéral, c'est-à-dire que l'article 2 de la loi dispose que la loi ne sera pas promulguée avant que soit pris, en vertu de la loi fédérale, un arrêté restreignant le droit de la BLF à représenter les travailleurs dans l'Etat de Victoria ou que la reconnaissance fédérale de la BLF soit retirée. Le Parlement fédéral a adopté, le 26 août 1985, la loi sur l'industrie de la construction pour créer un mécanisme qui peut avoir certains effets d'intérêt public liés à la reconnaissance de la BLF; ces effets peuvent comprendre la radiation ou la restriction des droits de la BLF à représenter des travailleurs en qualité de syndicat fédéralement reconnu. Le gouvernement souligne toutefois que, en vertu de l'article 4 de la loi fédérale, nulle mesure ne peut être prise avant que la Commission fédérale de conciliation et d'arbitrage n'ait tenu une audience (à laquelle la BLF a le droit de se présenter) et n'ait déclaré que le syndicat a commis un abus de relations professionnelles. A cela tendent les procédures entamées en septembre 1985 (avec le concours des gouvernements des Etats de Victoria et de Nouvelle-Galles du Sud et des principales organisations d'employeurs), et qui se poursuivent actuellement, avec la participation de la BLF, devant la commission plénière.
- 172. Le deuxième grand argument juridique du gouvernement est que, en vertu de l'article 2 de la loi portant radiation de la BLF, ses dispositions n'ont d'effet qu'une fois promulguées (or la promulgation n'est possible qu'une fois la situation du syndicat déterminée au niveau fédéral). Le gouvernement du Victoria a décidé de ne promulguer l'article 4 (exclusion des membres de la BLF des contrats publics) et l'article 5 (résiliation des contrats en cas d'infraction à l'article 4) en aucune circonstance, et de ne promulguer l'article 7 (restriction à l'utilisation des fonds de la BLF par arrêté pour six mois) que s'il y a un risque sérieux d'infraction aux droits d'anciens membres de la BLF (le gouvernement déclare que cette condition est dictée par le long passé de violence et d'intimidation de la BLF). De plus, la loi expire un an après la date de consentement royal, à moins que toutes les dispositions de la loi n'aient alors été promulguées (art. 11 de la loi). Cela veut dire, compte tenu de la décision de ne pas promulguer les articles 4 et 5, que la loi expirera le 30 juillet 1986. Le gouvernement relève aussi que de toute faUon la résiliation par l'Etat des contrats publics au cas où l'entrepreneur continuerait d'employer des membres de la BLF (art. 5) n'est ni automatique ni obligatoire; le gouvernement du Victoria a pouvoir de laisser les contrats courir, même si l'article 4 est violé; il explique aussi que la rétroactivité de l'article 4 ne vise qu'à permettre d'appliquer le remède prévu par l'article 5 aux contrats courants, aussi bien qu'aux nouveaux, et que la résiliation n'a que des effets prospectifs, et non des effets rétroactifs à compter de la date de passation du contrat.
- 173. En ce qui concerne l'article 6 (exclusion de la BLF et de ses membres de la participation aux mécanismes institués dans le Victoria par la loi sur les relations professionnelles), le gouvernement souligne que cette exclusion n'affecterait pas le statut ou la personnalité juridique de la BLF en tant qu'association, ses activités administratives, ses rapports avec ses membres, ni aucun droit qu'elle peut avoir en droit ordinaire, ni celui qu'elle a de négocier avec les employeurs au nom de ses membres (voir au paragr. 12 ci-avant l'explication du système). La résiliation n'affecterait pas non plus les droits et facultés individuels des travailleurs. De toute faUon, explique le gouvernement, la branche d'activité dans laquelle opère la BLF relève principalement des mécanismes fédéraux de relations professionnelles. Selon le gouvernement, l'article 6 a été conçu pour éviter la situation inadmissible où la BLF, si elle était radiée ou réduite dans ses droits de représentation au niveau fédéral par suite d'abus commis par elle, pourrait se rabattre sur le régime de relations professionnelles du Victoria et l'exploiter pour poursuivre des activités abusives.
- 174. En ce qui concerne l'article 8 (déclaration sous serment de non-appartenance à la BLF), le gouvernement déclare que, puisque cet article est lié aux articles 4 et 5, qui ne seront pas promulgués, il n'aura pas à être promulgué. De plus, il relève que cet article n'impose pas aux personnes de faire une telle déclaration mais dispose que, si cette déclaration est faite, elle sera tenue pour probante; le gouvernement nie qu'il doive y avoir surveillance des formalités de déclaration par la police, car cela pourrait être interprété comme une forme d'intimidation officielle.
- 175. Quant à l'article 9 (immunité de l'Etat, du ministre, des organismes publics ou des entrepreneurs contre les poursuites), le gouvernement souligne que cette immunité ne joue que si l'acte a été commis de bonne foi pour se conformer à la loi; nul acte commis en dehors de cette condition ne serait protégé par l'article 9. De toute façon, le gouvernement déclare que l'article 9 n'a d'effet pratique que rapproché des articles 4 et 5 (qui ne seront pas promulgués) et de l'article 7 (qui ne serait promulgué que dans les conditions exceptionnelles définies plus haut).
- 176. En conclusion, le gouvernement rejette l'allégation selon laquelle le calendrier d'adoption de la loi aurait eu un rapport avec les élections internes de la BLF ou avec les poursuites judiciaires menées contre son secrétaire général pour infraction au Code pénal.
- 177. A sa communication du 22 avril 1986, le gouvernement joint copie de la décision et de la déclaration de la réunion plénière de la Commission fédérale de conciliation et d'arbitrage, datée du 4 avril 1986, faite en vertu de la loi fédérale de 1985 sur l'industrie de la construction. Dans ses conclusions, la commission plénière déclare que:
- Il est établi hors de doute que la Fédération australienne des employés et travailleurs de la construction (BLF) a répudié les règles de conduite admises par la plupart des syndicats australiens. La BLF n'a pas de règle au sens communément admis de ce mot mais agit selon les circonstances au gré des idées que s'en fait son comité directeur fédéral. Loin de suivre une politique logique propre à soutenir les intérêts de ses membres, le comité directeur fédéral se complaît dans des mots d'ordre du genre "Ose te battre, ose gagner", "Le malheur du patron, c'est le bonheur de l'ouvrier" ou "Abimes-en un, on fera mal aux autres".
- C'est sous ce primitif drapeau que la BLF fait campagne, menant ses troupes de désastre en désastre; les agissements des dirigeants ont coûté cher aux travailleurs et attiré sur eux l'hostilité des autres syndicats de la construction ...; leurs excès ont mis entre la BLF et la véritable action syndicale un tel fossé que le Conseil du travail de Nouvelle-Galles du Sud l'a exclue. Les témoignages que nous avons examinés montrent que les agissements de la BLF ont profondément désorganisé l'industrie de la construction.
- La cause de la BLF est indéfendable.
- 178. Le gouvernement indique que, à la suite de cette déclaration, le gouvernement fédéral a passé une loi radiant la BLF de la liste des organisations relevant de la loi fédérale sur la conciliation et l'arbitrage. Il ajoute que la BLF conserve la personnalité juridique et peut fonctionner, mais en dehors du système de conciliation et d'arbitrage.
- 179. A ses communications du 28 avril et du 2 mai 1986, le gouvernement joint copies de la loi et du règlement sur la BLF (Radiation et dispositions subsidiaires), adoptés le 14 et le 16 avril respectivement, et de la loi du 14 avril portant radiation de la BLF. Le gouvernement fait observer qu'en vertu de l'article 5 de la loi sur les dispositions subsidiaires, la BLF, étant un syndicat non enregistré, n'a pas le droit de demander son enregistrement aux termes de la législation fédérale de base pendant cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi portant radiation de la BLF. Le gouvernement ajoute que la BLF a saisi la Cour suprême australienne d'un recours pour inconstitutionnalité des deux lois, et que les débats devraient commencer le 15 mai 1986. Le gouvernement communique aussi une copie d'un avis paru dans la Victorian Gazette Notice du 14 avril 1986 relatif à la promulgation de tous les articles de la loi du Victoria portant radiation de la BLF, sauf les articles 4, 5 et 7.
- 180. Dans sa lettre du 20 mai 1986, le gouvernement indique que le 15 mai la Cour suprême a rejeté la demande de l'organisation plaignante tendant à déclarer inconstitutionnelle sa radiation.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 181. Le présent cas concerne la promulgation, par l'Etat de Victoria, de la loi de 1985 portant radiation de la BLF, qui tend à retirer aux syndicats plaignants et à ses membres les avantages découlant de l'enregistrement au titre de la loi de 1979 du Victoria sur les relations professionnelles et à exclure les membres de la BLF des emplois régis par les contrats de travaux publics (c'est-à-dire de travaux financés par le gouvernement de l'Etat de Victoria). Les effets de la loi de 1985 sont conditionnés par certaines mesures à prendre au niveau fédéral contre la BLF. Le gouvernement fédéral a adopté la loi sur l'industrie de la construction, première étape de ces mesures, puis, une fois terminée la procédure judiciaire menée en vertu de cette loi, a adopté une loi spécifique de radiation. Le comité note que, selon le gouvernement, cette action législative avait été rendue nécessaire par les constants abus professionnels commis par la BLF (violence, intimidation d'employeurs et de membres d'autres syndicats, rupture d'engagements officiellement pris au sujet de sa propre conduite) dont il est fait état dans le récent rapport de la Commission royale indépendante.
- 182. Le Comité relève tout d'abord que l'objet de la plainte (la loi du Victoria portant radiation de la BLF) n'est entré en vigueur que le 14 avril 1986, et ne peut donc être pris en considération qu'à compter de cette date, et cela pour deux motifs: que son article 2 subordonne directement son application à des procédures menées au niveau fédéral (audiences de conciliation et d'arbitrage et déclaration sur les abus de la BLF; ordre au greffier du travail de radier la BLF); et que son article 11 subordonne sa mise en vigueur à la promulgation de tous ces articles. Pour ce qui est du premier motif, le comité observe que, le 4 avril 1986, la Commission plénière de conciliation et d'arbitrage a terminé ses travaux et a fait, en vertu de la loi fédérale sur l'industrie de la construction, une déclaration attestant les abus professionnels de la BLF; et que le gouvernement fédéral a, par conséquent, adopté le 14 avril 1986 une loi portant radiation de la BLF. Quant au second motif, le comité note que, le gouvernement du Victoria ayant promulgué tous les articles sauf trois de la loi du Victoria, celle-ci expirera le 30 juillet 1986 (art. 11).
- 183. Le comité note que les conséquences de la loi portant radiation de la BLF sont de deux ordres: 1) la BLF, désormais organisation de travailleurs non enregistrée, ne peut plus demander son enregistrement au niveau fédéral pendant cinq années; 2) les travailleurs occupés aux divers travaux de construction peuvent, en vertu d'une autre loi portant règlement d'application de la loi principale, s'affilier aux divers autres syndicats enregistrés au niveau fédéral. Le comité note également que le recours de la BLF en inconstitutionnalité des deux lois a été rejeté par la Cour suprême australienne.
- 184. En ce qui concerne les dispositions de la législation victorienne spécifiquement récusées par le plaignant, le comité prend note de l'explication que donne le gouvernement sur les droits et devoirs conférés aux organisations de travailleurs une fois reconnues en vertu de la loi de base de l'Etat de Victoria (loi sur les relations professionnelles) et sur les effets de la radiation tels que définis à l'article 6 de la loi portant radiation de la BLF. On notera que cet article est la principale disposition actuellement appliquée de la loi de 1985 maintenant promulguée. Il est évident que la non-reconnaissance d'un syndicat dans le régime de relations professionnelles du Victoria n'affecte pas l'existence ou le fonctionnement de ce syndicat; la radiation ne constitue pas une dissolution, une suspension, ni une quelconque atteinte à la personnalité juridique du syndicat, et la BLF, même radiée, peut toujours négocier avec les employeurs. Par contre, cette radiation retire à la BLF et à ses membres les importants avantages que la législation confère aux syndicats reconnus.
- 185. Le comité note également que le gouvernement se fonde sur les antécédents de la BLF (radiée au niveau fédéral en 1974, et nouvelles procédures de radiation engagées en 1981 mais abandonnées depuis) et sur les constatations de la Commission royale indépendante pour justifier son intervention législative. Le comité a déjà eu l'occasion de déclarer que des événements de nature exceptionnelle peuvent justifier l'intervention directe d'un gouvernement dans les affaires internes d'un syndicat pour rétablir une situation dans laquelle les droits syndicaux soient pleinement respectés. (Voir 112e rapport, cas no 554 (Brésil), paragr. 138,et 158e rapport, cas no 818 (Canada/Québec), paragr. 222.) Dans le présent cas, il note que le gouvernement a donné des indications détaillées sur les infractions du syndicat au droit du travail et au droit pénal, y compris des incidents désapprouvés par la centrale syndicale à laquelle est affiliée la BLF. Le comité estime que l'existence de circonstances exceptionnelles est établie, et que ces circonstances suffisent à justifier les mesures prises par les autorités pour mettre fin à des violences et à des affrontements sociaux dont il a été prouvé que le syndicat était responsable. En dehors de certaines mesures de droit pénal ordinaire qu'elles ont prises contre certains dirigeants et membres de la BLF, les autorités ont recouru à la voie législative pour radier le syndicat au niveau fédéral et à celui de l'Etat. Le comité considère que, dans les circonstances exceptionnelles qui régnaient alors, cette sanction supplémentaire pouvait être justifiée.
- 186. Le comité relève que, bien que la BLF ne puisse pas être à nouveau enregistrée au niveau fédéral avant cinq ans, cette durée n'est pas prévue au niveau de l'Etat; en vertu de l'article 6 de la loi du Victoria, la BLF ne peut pas demander son réenregistrement entre l'entrée en vigueur de la loi, à savoir le 14 avril 1986, et son expiration automatique le 30 juillet 1986, mais elle pourra le faire après cette date. Le comité estime que les mesures de radiation, même justifiées, ne devraient pas exclure la recevabilité d'une demande d'enregistrement d'un syndicat une fois la situation normale rétablie.
- 187. Outre l'article relatif à la radiation, le comité relève dans la loi de 1985 du Victoria d'autres dispositions qui peuvent avoir de graves implications pour la BLF et ses membres. En ce qui concerne les articles 4 et 5, qui permettent la résiliation des contrats de travaux publics si l'entrepreneur recrute ou garde des membres de la BLF pour des travaux effectués sous de tels contrats, le comité note que ces articles auraient pour effet pratique d'exclure de tout chantier public les travailleurs qui se déclareraient membres de la BLF, mais non ceux qui, syndiqués ou non, n'en seraient pas membres. Selon la BLF, ces dispositions violeraient l'article 2 de la convention no 87 et l'article 1 de la convention no 98. Le comité observe que les dispositions prétendues discriminatoires contre le plaignant et ses membres sont contenues dans la loi de 1985, qui n'a été promulguée qu'en partie, et qu'elles n'ont donc pas d'effet pratique jusqu'à présent. Il relève aussi que la BLF elle-même estime que les contrats de travaux publics qui contiendraient une clause d'exclusion envers ses membres représentent 30 pour cent des contrats de construction exécutés par la BLF dans l'Etat de Victoria. Autrement dit, les membres de la BLF pourraient encore travailler dans l'Etat sur d'autres chantiers, mais le plaignant craint que la loi de 1985 ne soit étendue à ces contrats. Le comité prend toutefois note de la décision, prise par le gouvernement du Victoria, de ne promulguer en aucune circonstance les articles 4 et 5 de la loi.
- 188. Le comité doit cependant relever que, si on en venait à promulguer ces articles, tous les membres de la BLF s'en trouveraient affectés du fait qu'ils seraient exclus des contrats de travaux publics à cause des agissements de quelques dirigeants de la BLF et de la conduite de la BLF en tant qu'organisation (par exemple la rupture d'engagements qu'elle avait signés). Le comité a toujours considéré que nul ne doit être lésé dans son emploi du fait de son affiliation syndicale ou de son activité syndicale légitime; cela n'implique pourtant pas nécessairement que la tenue de fonctions syndicales confère à l'intéressé l'immunité en toute circonstance. Il est établi dans le présent cas qu'une certaine action disciplinaire s'imposait en raison des abus commis à divers niveaux hiérarchiques de la BLF, mais le comité considère que l'application de sanctions graves à l'ensemble des membres de la BLF ne serait ni juste, ni favorable à la paix sociale. Le syndicat lui-même est puni par la perte des avantages que lui donnait sa reconnaissance au titre de la loi sur les relations professionnelles, et il appert que le principal responsable de la BLF a été condamné en application du code pénal de l'Etat de Victoria. Le comité considère donc que les articles 4 et 5 de la loi de 1985, si on les promulguait et les appliquait, léseraient les membres de la BLF dans leur emploi uniquement du fait de leur appartenance syndicale, ce qui serait contraire à l'article 1 de la convention no 98.
- 189. En ce qui concerne l'allégation que l'article 7 de la loi violerait les articles 3 et 4 de la convention no 87 en permettant au gouverneur en son conseil, aux fins de protéger les droits de personnes ayant cessé d'appartenir à la BLF, de limiter l'utilisation des fonds ou des biens de la BLF par un arrêté valable six mois, le comité prend note de l'explication donnée par le gouvernement, selon laquelle cette mesure est dictée par l'inquiétude qu'inspire le passé de violence et d'intimidation de la BLF. Il relève en particulier que le gouvernement a décidé de ne promulguer cet article qu'en dernier recours en cas de risque grave pour les droits des anciens membres de la BLF, et que la promulgation partielle de la loi de 1985 du Victoria ne s'étend pas à cet article.
- 190. Le comité tient à relever d'abord que les circonstances dans lesquelles il serait fait usage du pouvoir de limiter l'utilisation des fonds et des biens de la BLF ne sont pas clairement définies dans la disposition considérée. Le comité tient d'ailleurs à rappeler que, bien que l'intervention des autorités dans les affaires intérieures d'un syndicat puisse être justifiée dans des circonstances exceptionnelles, la gestion interne doit se faire sous contrôle judiciaire pour assurer une procédure impartiale et objective. Le comité considère que le contrôle judiciaire est particulièrement nécessaire quand il s'agit de l'administration des biens et des finances d'un syndicat. Le comité ne peut en conséquence qu'exprimer l'espoir que les "circonstances exceptionnelles" évoquées par le gouvernement comme justifiant la promulgation éventuelle de l'article 7 ne se présenteront pas, et que la BLF restera donc libre d'organiser son administration et ses activités et de formuler ses programmes, conformément à l'article 3 de la convention no 87. Le comité juge aussi opportun de rappeler que, si la convention no 87 confère aux organisations de travailleurs et d'employeurs des droits importants, elle dispose aussi que ses organisations devront, dans l'exercice de ces droits, respecter la législation nationale.
- 191. Le plaignant formule aussi des allégations sur les articles 8 (déclaration sous serment) et 9 (immunité de l'Etat et autres personnes contre les poursuites). Le comité note que ces dispositions sont liées aux articles 4 et 5 de la loi que le gouvernement a décidé de ne pas promulguer. Ceci signifie que, même si les articles 8 et 9 sont maintenant en vigueur puisqu'ils ont été promulgués, ils n'auront pas d'effet pratique. Le comité estime qu'en l'état actuel de la cause ces dispositions n'appellent pas de remarques de sa part, en raison de la décision du gouvernement de ne pas promulguer les articles 4 et 5.
- 192. Le comité espère que le gouvernement s'efforcera d'assurer que, maintenant que la loi de 1985 portant radiation de la BLF est en partie promulguée, des mesures seront prises pour garantir aux travailleurs concernés dans le présent cas les droits contenus dans les conventions sur la liberté syndicale qu'a ratifiées l'Australie.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 193. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité note que la loi de 1985 du Victoria portant radiation de la Fédération des employés et travailleurs de la construction (BLF) est maintenant entrée en vigueur à la suite de l'adoption d'une législation au niveau fédéral et que le recours en inconstitutionnalité de la législation fédérale interjeté par la BLF a été rejeté par la Cour suprême.
- b) Le comité estime que, en raison des circonstances exceptionnelles du cas, la radiation du syndicat, en vertu de la loi du Victoria portant radiation de la BLF et de la loi fédérale sur l'annulation d'enregistrement de la BLF, ne remet pas en question les principes de la liberté syndicale.
- c) Le comité considère que, si les dispositions de la législation de l'Etat de Victoria concernant l'exclusion des membres de la BLF des chantiers de construction couverts par des contrats de travaux publics étaient promulguées et appliquées, ce projet d'exclusion aurait pour effet de léser dans leur emploi les membres de la BLF, en contravention à l'article 1 de la convention no 98.
- d) En ce qui concerne la possibilité d'une intervention administrative dans le patrimoine syndical, le comité considère qu'un contrôle judiciaire est particulièrement nécessaire quand il s'agit de l'administration des biens et des finances d'un syndicat pour assurer une procédure impartiale et objective.
- e) Le comité attire l'attention du plaignant sur l'article 8 1) de la convention no 87 qui dispose que les travailleurs et leurs organisations respecteront la législation nationale.
- f) Le comité espère que le gouvernement s'efforcera d'assurer que des mesures soient prises pour garantir aux travailleurs concernés dans le présent cas tous les droits contenus dans les conventions sur la liberté syndicale qu'a ratifiées l'Australie.