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- 184. Le Kilusang Mayo Uno (KMU) a présenté une plainte pour
violation des droits syndicaux dans une communication en date du
1er octobre 1985. Par la suite, l'Union internationale des
travailleurs de l'alimentation et des branches connexes (UITA) a
également porté plainte à propos des mêmes faits dans une lettre en
date du 19 février 1986, au nom de son affiliée, la Fédération
nationale des travailleurs du sucre. Le gouvernement a adressé ses
observations dans des communications en date des 28 avril et
22 septembre 1986.
- 185. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la
liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que
la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation
collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 186. Le KMU, dans sa communication en date du 1er octobre 1985, a
allégué que dans la ville d'Escalante, province du Negros, plusieurs
travailleurs du sucre, membres de la Fédération nationale des
travailleurs du sucre, ont été abattus par balles par une unité
paramilitaire des forces armées, et qu'il y aurait eu 17 tués,
30 blessés et 197 disparus. D'après les allégations, ces travailleurs
exerçaient leur droit constitutionnel d'expression, de réunion
pacifique, d'association et de grève, en liaison avec des
revendications présentées à l'employeur pour obtenir des allocations
de riz à titre gratuit et des augmentations de salaires, etc. Le KMU a
prétendu qu'au moment de la fusillade les travailleurs participaient à
un piquet de grève pacifique.
- 187. D'après le rapport établi par des avocats des syndicats qui
se sont rendus à Escalante pour enquêter sur les faits cinq jours
après le massacre, environ 5.000 personnes (y compris des travailleurs
du sucre, des étudiants, des vendeurs) avaient, le 18 septembre,
manifesté bruyamment dans le centre ville; le lendemain, ils avaient
formé des barricades devant le marché public et à l'entrée de la Plaza
Municipal. Selon des témoins oculaires, les barricades n'occupaient
qu'une seule voie et n'empêchaient en rien la libre circulation du
trafic. Le 20 septembre, une voiture de police s'était approchée des
barricades et avait invité les manifestants à venir négocier dans le
bâtiment municipal; ceux-ci ayant senti qu'il y avait là quelque chose
d'anormal avaient demandé que les négociations soient menées aux centres installés dans les barricades. La police s'était retirée sans
revenir. L'après-midi du même jour, des voitures de pompiers avaient
attaqué les manifestants avec des lances à incendie, de l'eau
contenant des produits chimiques, et des grenades de gaz lacrymogène.
Lorsque des manifestants avaient renvoyé quelques-unes de ces
grenades, non pas sur les voitures de pompiers mais en direction de la
place vide, une unité paramilitaire des forces de défense civile (FDC)
avait ouvert le feu. Comme la plupart des manifestants étaient couchés
dans la rue, ils avaient été atteints dans le dos ou de côté; une
mitrailleuse aurait été postée dans la tour du bâtiment municipal.
Après que les manifestants, paniques, se furent dispersés en direction
des champs de canne à sucre ou des canaux, les unités militaire et
paramilitaire avaient interdit l'accès du quartier et donné ordre aux
personnes présentes d'emmener les blessés dans les hôpitaux situés à
proximité.
- 188. Ce rapport fournit les noms de 18 manifestants tués et les
conclusions des rapports médicaux les concernant: il s'agit de Rowena
Franco, Clara F. Monares, Maria Luz Mondejar, Juvelyn Jarbilo,
Rogelio, Michael Dayanan, Jahnny Suarez, Loloy Tan, William Alegre,
Alex Lobatos, Edgardo Osalili, Nenita Orot, Ronilo Sta. Ana, Angelina
Lape, Manuel Tan, César Tejones, Norberto Locanilao et Rodolfo
Montealto. 11 contient également les noms de 13 autres personnes qui
ont été blessées en précisant les lésions qu'elles ont subies: il
s'agit, à l'hôpital Magdalene, de Lucia Ravanes, Eliza Zaraga, Henry
Bernai, Félix Almoros, Nelson Cabahug, Celso Seborado, Joël Guiameo
Nono Jarabello, Leones Luvina, Eduardo Latoza, Julio Iwayon, Renato
Saratobias; à la clinique Hinolan, de Virginita Mabuyao, Ernesto Caro
Nelly Artigo, Renato Tapel, Magdalene Hemolas; à l'hôpital de district
de la Fondation Lopez, de Hermogenes Elias, Alejandro Bucabal, Abundia
Caraat, Federico Dogomeo, Globen Gabrido et Luzinda Genola.
- 189. L'UITA, dans sa communication du 19 février 1986, décrit les
faits qui se sont produits le 20 septembre 1985 à Escalante, et
allègue qu'au cours de la grève pacifique des travailleurs du sucre
les autorités philippines ont tiré sur les grévistes et en ont tué 27.
11 ressort de coupures de presse fournies en annexe à la plainte que
17 des 27 tués étaient membres de la Fédération nationale des
travailleurs du sucre.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 190. Dans sa communication en date du 28 avril 1986, le
gouvernement déclare que les événements politiques récents ont abouti
à un changement radical de gouvernement aux Philippines, que la
promotion des droits de l'homme, de la justice sociale et
l'amélioration des conditions de travail et de vie demeurent des
objectifs primordiaux dans le domaine du travail et de l'emploi. La
Présidente de la République s'est engagée à ce que son gouvernement se
consacre à l'amélioration de la situation des travailleurs, et des
réformes tendant à restaurer les droits, précédemment limités, des
travailleurs et des syndicats sont imminentes.
- 191. S'agissant du présent cas, le gouvernement déclare que la
commission d'enquête du ministre de la Défense a établi deux rapports,
dont un rapport minoritaire, recommandant de poursuivre plusieurs
responsables civils et militaires de haut rang qui avaient été exclus
par un rapport majoritaire de la liste des personnes pouvant être
poursuivies. D'après le gouvernement, l'Ombudsman Raul Gonzales a
indiqué qu'il avait déjà demandé à la Présidente et au ministre de la
Défense que le cas soit examiné et il a déclaré qu'il s'efforcerait de
faire poursuivre les accusés devant les tribunaux civils si les
tribunaux militaires se déclaraient incompétents, ajoutant que le
Président déposé Marcos avait justement exclu ce cas de la compétence
des tribunaux militaires.
- 192. Dans sa communication du 22 septembre, le gouvernement
ajoute que le Bureau du Tanodbayan (Ombudsman) procède à une enquête
préliminaire en vue de procéder à l'inculpation officielle des
personnes responsables du massacre d'Escalante et déclare que cette
enquête se fondera largement sur les rapports majoritaire et
minoritaire (annexés) de la commission d'enquête créée pour instruire
les faits.
- 193. Le gouvernement ajoute encore que les poursuites vont
s'accélérer maintenant que des témoins plus nombreux ont déclaré être
disposés à témoigner - alors que sous l'administration précédente on
se heurtait à une réticence générale provoquée par la crainte. Il fait
observer que les personnes dont l'inculpation a été recommandée ont
été relevées de leurs fonctions officielles et mises aux arrêts de
rigueur ou sanctionnées d'autres manières.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 194. Le comité note avec intérêt les informations fournies par le
gouvernement, et en particulier sa déclaration selon laquelle, à la
suite du changement radical de gouvernement, la promotion des droits
de l'homme et de la justice sociale et l'amélioration des conditions
de travail et de vie resteront des objectifs primordiaux dans le
domaine du travail; et selon laquelle la Présidente de la République
s'est engagée à ce que son gouvernement se consacre, notamment, à la
restauration, dans un proche avenir, des droits précédemment limités
des travailleurs et des mouvements syndicaux. Relevant que la
concrétisation de cet engagement devrait entraîner des changements
législatifs, le comité attire l'attention de la Commission d'experts
pour l'application des conventions et recommandations sur cet aspect
du cas.
- 195. Le comité prend note également des informations concernant
les enquêtes menées préalablement à 1'inculpation des personnes
responsables du massacre d'Escalante, et note que ces poursuites iront
probablement plus rapidement que sous l'administration précédente, n
demande au gouvernement de le tenir informé de tous faits nouveaux a
cet égard et, en particulier, de fournir le plus rapidement possible
des informations relatives aux jugements rendus contre les
responsables.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 196. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil
d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier
les conclusions suivantes:
- a) Le comité note avec intérêt la déclaration du gouvernement selon
laquelle il veillera à la restauration des droits de l'homme et
des droits syndicaux dans le pays.
- b) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour
l'application des conventions et recommandations sur le fait que
la Présidente de la République s'est engagée à ce que son
gouvernement se consacre notamment à la restauration, dans un
proche avenir, des droits précédemment limités des travailleurs
et des mouvements syndicaux.
- c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de tous
faits nouveaux au sujet de l'enquête sur le massacre d'Escalante
et, en particulier, de lui fournir le plus rapidement possible
des informations relatives aux jugements rendus contre ies
responsables.