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Informe definitivo - Informe núm. 253, Noviembre 1987

Caso núm. 1409 (Argentina) - Fecha de presentación de la queja:: 08-JUN-87 - Cerrado

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  1. 143. La Coordination des organisations professionnelles de cadres de la République argentine a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Argentine dans une communication du 8 juin 1987. Elle a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte le 22 juillet 1987. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 14 septembre 1987.
  2. 144. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 145. Dans sa communication du 8 juin 1987, l'organisation plaignante allègue que certains aspects du projet de loi sur les associations professionnelles en cours d'examen par le Parlement portent atteinte aux principes, normes et conventions internationales sur la liberté syndicale.
  2. 146. L'organisation plaignante observe que, si le projet prévoit que les associations syndicales pourront être créées librement et sans autorisation préalable, il ne mentionne pas en revanche la possibilité pour le personnel d'encadrement de constituer ou de conserver ses propres syndicats, telle que l'avait indiquée la Réunion tripartite sur les conditions d'emploi et de travail des travailleurs intellectuels organisée par l'OIT en novembre 1977.
  3. 147. L'existence d'organisations de cadres, techniciens et professionnels - poursuit l'organisation plaignante - a été reconnue en Argentine depuis 1955. Par la suite, la loi no 20615 de 1973, complétée par le décret no 1045/74, avait établi la possibilité de former des organisations professionnelles par catégorie et la loi no 22105 de 1979, complétée par le décret no 640/80, avait reconnu formellement l'existence des organisations de cadres. Cette reconnaissance entérinait ainsi l'existence de ces organisations qui, pour la majorité d'entre elles, menaient depuis plus de vingt-cinq ans une intense activité syndicale pour la défense de leurs affiliés et de la communauté dans son ensemble.
  4. 148. En conclusion, l'organisation plaignante, après avoir défini ce que représente pour elle le personnel d'encadrement, déclare revendiquer une législation qui protège les cadres au sein d'une structure syndicale spécifique.
  5. 149. Dans sa communication du 22 juillet 1987, l'organisation plaignante analyse le projet de loi qui a déjà été approuvé par la Chambre des députés et qui est actuellement devant le Sénat. Elle relève que, dans le message du pouvoir exécutif au Congrès qui accompagne le projet, il est indiqué qu'"est maintenu le critère retenu dans toutes les législations antérieures de privilégier le syndicat le plus représentatif, conformément à une pratique de plus en plus répandue sur le plan international". Ce principe est, selon l'organisation plaignante, dénaturé par le paragraphe suivant du même message: "Ce privilège accordé au syndicat le plus représentatif n'entraîne pas un déni du principe de la pluralité syndicale car, si l'organisation qui jouit de la personnalité syndicale perd son caractère de plus représentative, cette capacité est tranférée à l'organisation qui est devenue la plus représentative." Pour l'organisation plaignante, ce principe équivaut à dire que non seulement le projet prévoit la perte de la personnalité syndicale mais qu'il prévoit également le transfert de la capacité de droit qui y est attachée à une autre organisation, même contre la volonté du personnel d'encadrement qui voit ainsi violée sa liberté d'association. De l'avis de l'organisation plaignante, le projet de loi consacre de cette manière le syndicat unique en violation de la convention no 87.
  6. 150. L'organisation plaignante se réfère également aux articles 21, 22 et 25 du projet qui exigent l'accomplissement de certaines formalités pour la création d'une organisation et qui prévoit en outre que l'autorité administrative du travail a quatre-vingt-dix jours pour se prononcer sur l'inscription de l'organisation en tant que simple syndicat. Il ne s'agit pourtant là que d'une étape préalable à l'octroi de la personnalité syndicale qui constitue l'acte administratif authentique qui permet le fonctionnement intégral d'une organisation professionnelle. Ce n'est en effet que six mois après l'inscription, en tant que simple syndicat, que l'organisation a la possibilité de demander la personnalité syndicale. La majorité des formalités à accomplir pour cette demande est, selon l'organisation plaignante, soumise à une appréciation subjective de l'autorité d'application, à savoir le ministère du Travail. Celui-ci bénéficie encore d'un délai de quatre-vingt-dix jours pour prononcer une décision qui se fonde, selon l'organisation plaignante, non sur la volonté des travailleurs de s'associer mais sur un degré de représentativité pendant un moment déterminé. Ainsi, de fait, explique l'organisation plaignante, est rendue impossible l'existence d'un pluralisme syndical qui réponde strictement au libre choix des travailleurs.
  7. 151. L'organisation plaignante ajoute qu'il existe des organisations de cadres qui, depuis plus de deux ans, souffrent de disparitions de leurs dossiers et de l'esprit bureaucratique des fonctionnaires, qui exigent des formalités légalement inexistantes, empêchant ces organisations d'obtenir la personnalité syndicale. Selon l'organisation plaignante, les craintes qu'elle exprime à propos du projet de loi ne sont pas infondées, mais sont au contraire corroborées par la réalité caractérisée par une violation permanente des conventions nos 87 et 98 envers les organisations de cadres.
  8. 152. L'organisation plaignante indique également qu'en cas d'inobservation de l'une des exigences requises pour obtenir la personnalité syndicale l'acte de reconnaissance administratif ou judiciaire sera déclaré nul. Ceci constitue, selon l'organisation plaignante, la reconnaissance de la primauté de l'autorité administrative sur l'autorité judiciaire, ce qui constitue pour elle une violation de la Constitution nationale.
  9. 153. Cette conception se retrouve, selon l'organisation plaignante, dans l'ensemble du projet de loi. Ainsi, l'article 56 permet à l'autorité administrative de mettre une association syndicale sous tutelle sans décision judiciaire préalable, de même que l'article 36 permet à une confédération ou fédération de mettre sous tutelle une organisation de degré inférieur. Ceci montre, de l'avis de l'organisation plaignante, le caractère interventionniste de la loi contraire aux conventions de l'OIT, à la doctrine et à la pratique internationalement acceptées et reconnues.
  10. 154. En conclusion, l'organisation plaignante déclare que la regrettable expérience qu'ont vécue les organisations de cadres, qui même sous la loi no 22105 ont vu leur représentativité réduite par résolution ministérielle, fonde ses craintes et ses inquiétudes quant au projet de loi. Ce n'est pas la première fois, précise-t-elle, que par un projet de loi on empêche la croissance légitime des organisations de cadres.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 155. Dans sa réponse, le gouvernement déclare en premier lieu que c'est précisément la liberté syndicale qu'on a cherché à privilégier dans le projet de loi sur les associations syndicales de travailleurs.
  2. 156. Le gouvernement explique que les dispositions déjà approuvées par la Chambre des députés et actuellement examinées par le Sénat n'affectent en rien les intérêts légitimes des associations syndicales du personnel d'encadrement. Cet argument n'est pas mis en cause par l'absence dans le projet d'une norme similaire à celle de la loi no 22105 invoquée par le plaignant. Le gouvernement observe en effet que cette disposition portait atteinte à la liberté syndicale en interdisant la syndicalisation conjointe des cadres et des autres travailleurs.
  3. 157. Le gouvernement ajoute que le projet de loi en son article 10 b) prévoit, comme les anciennes lois mentionnées par le plaignant, l'existence d'associations syndicales de travailleurs de même métier, profession ou catégorie, parmi lesquelles peut être inclus le personnel d'encadrement.
  4. 158. Le gouvernement cite une série de dispositions protégeant clairement la liberté syndicale. Il précise que le chapitre concernant les attributions de l'autorité d'application délimite les facultés d'intervention de cette dernière (art. 57). L'autorité administrative est en effet obligée de recourir au pouvoir judiciaire pour demander la suspension ou l'annulation de la personnalité syndicale d'une organisation ou sa mise sous tutelle (art. 56) . En outre, toutes les décisions administratives peuvent faire l'objet d'un recours devant la justice (art. 61).
  5. 159. Pour le gouvernement, les arguments du plaignant selon lesquels le projet de loi favoriserait l'unicité syndicale ne méritent pas non plus d'être retenus car les formalités requises pour la constitution et l'enregistrement des syndicats ne sont que de nature formelle. Le délai d'examen accordé à l'autorité administrative du travail avant de procéder à l'enregistrement (quatre-vingt-dix jours) semble raisonnable si l'on apprécie la masse de tâches administratives que doit remplir l'administration du travail. En outre, au terme du délai, l'organisation concernée peut demander l'intervention de la justice du travail pour refus tacite d'inscription (art. 62 c)).
  6. 160. Le gouvernement fait valoir également que, en vertu de l'article 23 du projet, la simple inscription confère à toutes les associations syndicales l'acquisition de la personnalité juridique et l'octroi de droits, tels que ceux de revendiquer au nom de leurs adhérents et de les représenter, de représenter les intérêts collectifs de l'activité ou de la catégorie, d'imposer des cotisations ou des contributions à ses affiliés et de réaliser des réunions ou assemblées sans nécessité d'autorisation préalable.
  7. 161. Enfin, pour ce qui est des droits exclusifs accordés aux syndicats dotés de la personnalité syndicale, le gouvernement déclare que les dispositions du projet ne privent pas les organisations simplement inscrites des droits généraux qui leur incombent. Le gouvernement se réfère sur ce point aux décisions du Comité de la liberté syndicale en la matière ainsi qu'à des systèmes nationaux accordant des privilèges au syndicat le plus représentatif.
  8. 162. En conclusion, le gouvernement estime que le projet de loi en question ne contient pas de violations de la liberté syndicale et qu'en conséquence la plainte n'est pas fondée.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 163. Le comité note que la plainte de la Coordination des organisations professionnelles de cadres de la République argentine se fonde sur le nouveau projet de loi sur les associations syndicales de travailleurs déposé par le gouvernement devant le Congrès. L'organisation plaignante allègue que le projet ne prévoit pas expressément la possibilité de constituer des organisations de cadres, contrairement à la loi précédemment en vigueur. Elle critique la procédure prévue pour l'enregistrement des syndicats qui, selon elle, est trop lente ainsi que les pouvoirs excessifs dont serait investie l'autorité administrative, en l'occurrence le ministère du Travail. Enfin, l'organisation plaignante estime que le système de privilèges exclusifs accordés à l'organisation la plus représentative empêche l'existence d'un pluralisme syndical.
  2. 164. Le comité a relevé que le projet de loi ne contient aucune disposition prévoyant expressément la possibilité de constituer des organisations regroupant exclusivement le personnel d'encadrement. Toutefois, l'article 10 du projet dispose qu'il peut exister des organisations regroupant les travailleurs du même métier, de la même profession et de la même catégorie, même s'ils sont engagés dans des secteurs d'activité distincts. Il apparaît donc clairement qu'aux termes de cet article des organisations de cadres peuvent se créer et fonctionner. Le comité doit d'ailleurs observer que la disposition de la loi précédente à laquelle se réfère l'organisation plaignante avait fait l'objet de commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et du comité lui-même car, tout en prévoyant expressément la création d'organisations de cadres, elle interdisait à ces derniers de s'affilier aux mêmes organisations que les autres travailleurs. (Voir 201e rapport, cas no 842 (Argentine), paragr. 35.)Le comité considère donc que la disposition de l'article 10 du projet, qui est rédigée de telle manière que les cadres peuvent soit constituer leurs propres organisations, soit s'affilier à des organisations de travailleurs de façon générale, constitue un progrès par rapport à la législation antérieure.
  3. 165. Pour ce qui est des formalités requises pour la constitution des organisations, le comité relève qu'aux termes de l'article 22 du projet l'autorité administrative du travail doit enregistrer une organisation qui a satisfait aux formalités (dépôt du nom et des statuts; liste des dirigeants et des affiliés, etc.), dans un délai de quatre-vingt-dix jours. Les décisions administratives sont, en vertu des articles 61 et 62, susceptibles d'appel devant l'autorité judiciaire, à savoir la Chambre nationale d'appel du travail.
  4. 166. Pour se prononcer sur la compatibilité de ces dispositions avec les principes de la liberté syndicale, le comité doit déterminer si les formalités requises équivalent à une autorisation préalable des autorités ou pas. Considérant que la nature des formalités et le délai imparti pour la décision administrative sont raisonnables et qu'il existe une possibilité de recours judiciaire, le comité estime que les exigences du projet de loi en matière de constitution des organisations ne portent pas atteinte aux principes de la liberté syndicale.
  5. 167. Enfin, sur la question des privilèges accordés au syndicat le plus représentatif, le comité relève que l'organisation ayant ce statut se voit accorder la "personnalité syndicale", qui est assortie de la reconnaissance de certains droits exclusifs notamment d'intervenir dans les négociations collectives (art. 31 du projet). L'association jouissant de la personnalité syndicale doit être inscrite au registre des syndicats, fonctionner depuis au moins six mois et regrouper plus de 20 pour cent des travailleurs qu'elle aspire représenter. Sera désignée l'association qui compte le plus grand nombre moyen d'affiliés cotisants par rapport au nombre moyen de travailleurs susceptibles d'être affiliés, la moyenne étant calculée sur les six mois antérieurs à la demande (art. 25). Pour leur part, les organisations n'ayant pas obtenu la personnalité syndicale peuvent notamment représenter les intérêts individuels de leurs membres et représenter les intérêts collectifs quand il n'y a pas d'organisations dotées de la personnalité syndicale dans la même activité ou catégorie (art. 23).
  6. 168. Le comité a eu à plusieurs reprises à se prononcer sur de tels systèmes. Il a indiqué que, lors de la discussion du projet de convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, la Conférence internationale du Travail a évoqué la question du caractère représentatif des syndicats et elle a admis dans une certaine mesure la distinction opérée parfois entre les divers syndicats en présence, selon leur degré de représentativité. De son côté, l'article 3, paragraphe 5, de la Constitution de l'OIT consacre la notion d'"organisations professionnelles les plus représentatives". Par conséquent, le comité a estimé que le simple fait que la législation d'un pays donné établit une distinction entre les organisations syndicales les plus représentatives et les autres organisations syndicales ne saurait, en soi, prêter à critique. Encore faut-il qu'une telle distinction n'ait pas pour conséquence d'accorder aux organisations les plus représentatives - caractère qui découle du nombre plus important de leurs affiliés - des privilèges allant au-delà d'une priorité en matière de représentation aux fins de négociations collectives, de consultation par les gouvernements, ou encore en matière de désignation de délégués auprès d'organismes internationaux. En d'autres termes, il ne faudrait pas que la distinction opérée aboutisse à priver les organisations syndicales non reconnues comme appartenant aux plus représentatives des moyens essentiels de défense des intérêts professionnels de leurs membres, et du droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action prévu par la convention no 87. (Voir, par exemple, 218e rapport, cas no 1113 (Inde), paragr. 718.)
  7. 169. Dans le cas présent, il apparaît que les critères ainsi définis sont respectés dans le projet de loi puisque, notamment, l'organisation la plus représentative est déterminée selon des critères objectifs et préétablis (le plus grand nombre d'adhérents) et que les syndicats minoritaires ont la possibilité de représenter les intérêts individuels de leurs membres. Le comité exprime l'espoir que, sur cette base, les cadres pourront être représentés dans le processus de négociation collective par l'organisation qu'ils ont choisie majoritairement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 170. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime l'espoir que, sur la base des critères définis dans le projet de loi pour la détermination du syndicat le plus représentatif, les cadres pourront être représentés dans le processus de négociation collective par l'organisation qu'ils ont choisie majoritairement.
    • b) Le comité soumet ce cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
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