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- 62. Par une communication du 26 août 1987, l'Association
- des internes des
- hôpitaux (AIH) a présenté une plainte en violation de la liberté
- syndicale
- contre le gouvernement du Danemark. Elle a envoyé des
- informations et
- allégations complémentaires dans des lettres des 1er octobre
- 1987, 8 février
- 1988 et 13 février 1989. Le gouvernement a envoyé ses
- observations au sujet de
- ce cas dans des communications des 10 décembre 1987, 22
- novembre 1988 et 17
- avril 1989.
- 63. Le Danemark a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et
- la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur
- le droit
- d'organisation et de négociation collective, 1949, et la
- convention (no 151)
- sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 64. Dans sa communication du 26 août 1987, l'AIH affirme
- que le gouvernement
- a violé les conventions nos 87, 98 et 151 lorsque le Parlement
- danois a
- adopté, le 8 mai 1987, la loi no 246 "portant modification du
- programme de
- travail des internes du service de la santé publique et
- renouvellement et
- prorogation de leurs conventions collectives" (un exemplaire
- de la loi est
- joint). Cette loi dispose que toutes les conventions collectives
- conclues
- entre l'Association des conseils de comté, la municipalité de
- Copenhague, la
- municipalité de Frederiksberg et le ministère des Finances du
- Danemark en
- qualité d'employeurs, d'une part, et l'AIH, d'autre part, sont
- prorogées du
- 1er avril 1987 au 1er avril 1989 et, pour certaines conditions (à
- savoir la
- durée hebdomadaire moyenne du travail et les ajustements de
- salaires
- spéciaux), au 1er avril 1991. En outre, aux termes des articles
- 6 et 7 de
- cette loi, le ministre des Finances devait constituer une
- commission où les
- parties seraient représentées à parité, afin de fixer certains
- aspects des
- conditions de travail (tels que le travail, les horaires, la
- rémunération des
- médecins assurant un service de permanence depuis leur
- domicile); cette
- commission devait trancher ces questions avant le 1er
- septembre 1987, faute de
- quoi elle nommerait un arbitre chargé de rendre une décision
- ayant force
- exécutoire, en d'autres termes une procédure obligatoire de
- règlement des
- différends.
- 65. L'association plaignante explique que cette loi a été
- adoptée pour
- mettre fin à une grève légale de l'AIH dans des services et des
- salles
- spécifiquement désignés de certains hôpitaux publics. La
- grève, dûment
- notifiée conformément à la loi, avait tout d'abord été ajournée
- par le comité
- de conciliation. Cependant, quand le conciliateur public n'avait
- pas trouvé de
- solution acceptable pour les deux parties, l'AIH avait décidé
- d'exercer ses
- droits en matière de travail et de déclencher la grève projetée.
- 66. Selon l'association plaignante, la grève, qui n'était
- autorisée que pour
- une période de vingt-deux jours, n'a pas nui aux services
- d'urgence et, dans
- l'ensemble, n'a pas provoqué de situation de crise générale
- puisque l'AIH
- avait accepté de maintenir les services d'urgence. Dans
- l'accord conclu le 9
- mars 1987 entre l'Association des conseils de comté, la
- municipalité de
- Copenhague, la municipalité de Frederiksberg et le ministère
- des Finances du
- Danemark, d'une part, et l'Association des internes des
- hôpitaux, d'autre
- part, concernant les services d'urgence à maintenir pendant
- une grève légale
- (dont copie est jointe), les parties étaient convenues,
- notamment, que: en cas
- de catastrophe, tout le personnel médical en grève pouvait
- être appelé au
- travail; que, dans les situations de crises vitales ou autres
- situations
- d'urgence, le nombre d'internes occupés dans les hôpitaux,
- fixé par des
- accords locaux, pouvait être augmenté pour une courte
- période par voie
- d'accord; et que les internes de service pouvaient être
- appelés à fournir les
- prestations médicales indispensables ou qui ne peuvent être
- différées ou qui
- sont nécessaires pour éviter des conséquences pour la santé
- des malades ou un
- risque d'invalidité durable. Selon l'association plaignante, cet
- accord
- démontre que, par souci du grand public et des patients
- concernés, elle n'a
- pas voulu faire usage de son droit de grève dans toute son
- étendue. De plus,
- l'AIH ajoute qu'au Danemark une grande partie des médecins
- des hôpitaux sont
- fonctionnaires et qu'à ce titre ils n'ont pas le droit de se mettre
- en grève;
- ces fonctionnaires pouvaient donc renforcer tous les services
- d'urgence
- pendant la grève des internes.
- 67. L'AIH estime que le gouvernement danois a décidé de
- faire cesser cette
- grève légale en violation de ses obligations internationales
- envers l'OIT, non
- pas pour venir en aide aux patients dans des situations
- mettant en danger leur
- vie, mais uniquement pour atténuer les effets potentiels à long
- terme de la
- grève, notamment la formation de longues listes de personnes
- attendant de
- recevoir des soins médicaux pour des affections sans gravité.
- 68. L'association plaignante souligne que le renouvellement
- et la
- prorogation forcés des conventions collectives auxquelles elle
- est partie
- constituaient une mesure prise unilatéralement par le
- gouvernement qui ne lui
- laisse aucune possibilité d'exercer son droit de négocier
- entièrement, et que
- l'intervention législative empêche en pratique les internes
- d'exercer leur
- droit de grève. L'AIH regrette tout particulièrement de n'avoir
- pas été
- consultée avant l'intervention du gouvernement et de n'avoir
- pas eu l'occasion
- de faire valoir sa position.
- 69. Selon l'association plaignante, le gouvernement danois a
- déjà une
- réputation peu enviable en matière d'intervention dans le
- processus de
- négociation collective, et d'autres syndicats en ont fait
- l'expérience en
- 1987. Cette pratique a récemment provoqué les critiques de
- l'OIT: l'AIH se
- réfère aux plaintes présentées à l'OIT en 1985 par la
- Fédération des syndicats
- danois (LO) et la Confédération des employés salariés et des
- fonctionnaires
- (FTF) (cas no 1338) qui ont donné lieu à des critiques de la
- conduite du
- gouvernement danois à l'égard de ses obligations
- internationales découlant des
- conventions de l'OIT qu'il a ratifiées. Ce cas concernait la
- troisième
- intervention du gouvernement dans des questions
- réglementées par des
- conventions collectives en moins de trois ans et, selon
- l'association
- plaignante, il est très semblable aux mesures qui sont à l'origine
- du présent
- cas. L'AIH cite le 243e rapport du Comité de la liberté
- syndicale, approuvé
- par le Conseil d'administration du BIT en mars 1986 (paragr.
- 246):
- Le comité espère qu'à l'avenir de telles mesures
- d'intervention dans le
- domaine de la libre négociation collective ou de restriction du
- droit des
- travailleurs de défendre leurs intérêts économiques et sociaux
- par l'action
- directe ne seront pas adoptées.
- 70. L'AIH fait observer que cette décision du Conseil
- d'administration du
- BIT est apparemment restée sans effet sur le gouvernement
- puisqu'il est de
- nouveau intervenu, cette fois, dans le différend des internes.
- Etant donné le
- caractère très grave et urgent du présent cas, l'association
- plaignante prie
- le comité d'envisager l'envoi d'un représentant de l'OIT au
- Danemark pour
- examiner, dans le cadre de contacts directs avec les
- partenaires sociaux et le
- gouvernement, la question de l'intervention gouvernementale
- dans la libre
- négociation collective.
- 71. Le 1er octobre 1987, l'association plaignante a fourni de
- nouvelles
- informations sur la procédure suivie par la commission instituée
- en vertu de
- la loi no 246 pour statuer sur certaines dispositions contestées
- de la
- convention collective prorogée avant le 1er septembre 1987.
- Elle signale
- qu'après dix séances la commission a constaté, le 31 août,
- l'impossibilité de
- parvenir à une décision ou de se mettre d'accord sur la
- nomination d'un
- arbitre. La loi prévoit que, dans une telle impasse, le comité de
- conciliation
- nomme l'arbitre. Selon l'AIH, le nom de l'arbitre désigné lui a
- été indiqué le
- 15 septembre, mais à la date de sa communication l'arbitre
- n'avait pas encore
- pris contact avec elle pour discuter des questions en instance.
- 72. Dans sa communication du 8 février 1988, l'association
- plaignante met en
- doute les déclarations contenues dans la réponse du
- gouvernement (dont ce
- dernier lui avait fait tenir une copie), notamment en ce qui
- concerne les
- graves conséquences qu'aurait eues la grève pour les
- patients. Elle conteste
- aussi la description des faits à l'origine de la grève. L'AIH
- relève en
- premier lieu qu'en 1980 les internes des hôpitaux avaient
- conclu une
- convention fort différente de la première et prévoyant, à la
- demande des
- employeurs, que la durée des heures de travail serait alignée
- sur celle des
- autres fonctionnaires; l'association plaignante ajoute que
- l'introduction du
- nouveau système a d'abord causé plusieurs difficultés, mais
- qu'à mesure de son
- application il fonctionnait de mieux en mieux. Ces quelques
- dernières années
- s'était aussi établie, entre l'Office national de la santé, les
- médecins et
- les employeurs, une coopération systématique portant sur
- diverses expériences
- de formation et sur la préparation de nouveaux règlements sur
- les durées de
- travail. Ces changements étaient possibles dans le cadre de la
- convention
- collective alors en vigueur.
- 73. En second lieu, l'AIH déclare qu'aucun problème de cet
- ordre ne justifie
- l'intervention du législateur. Comme l'indique la réponse du
- gouvernement,
- cette intervention faisait que les salaires augmentaient
- jusqu'au niveau de la
- rémunération convenue pour d'autres fonctionnaires ayant une
- formation
- universitaire, que les durées de travail diminuaient, et que
- plusieurs autres
- questions étaient renvoyées devant une commission paritaire.
- Cette commission,
- on l'a vu, n'a pas pu s'accorder, de sorte que le 30 décembre
- 1987 un arbitre
- a prononcé sa décision (dont copie est jointe). L'AIH considère
- que cette
- décision donne largement satisfaction aux employeurs dans
- leur demande de
- modification de la convention collective; elle signifie, entre
- autres
- conséquences, que les internes de permanence sont chargés
- chacun de plus d'une
- salle, ce qui est peu fait pour améliorer le service, et
- notamment la
- continuité des soins aux patients. La décision signifie aussi
- que les
- employeurs pourront compenser financièrement une partie du
- temps de permanence
- au lieu de le créditer, comme avant, sur le temps de travail de
- chaque
- interne. Ceci a pour conséquence que la réduction devient
- illusoire.
- 74. Selon l'association plaignante, sans préjuger de
- l'opportunité de ces
- modifications, quelque souhait qu'ait un gouvernement de voir
- modifier une
- convention collective, cela ne l'autorise pas à suspendre une
- grève, si cette
- grève a été organisée de manière à éviter des conséquences
- graves pour les
- patients, ce qui a été expressément prévu par un accord entre
- les employeurs
- et l'AIH.
- 75. Dans une autre communication, datée du 13 février
- 1989, l'AIH présente
- des observations supplémentaires sur deux aspects de sa
- plainte: i)
- l'étroitesse du mandat de la commission instituée en vertu de la
- loi no 246
- (article 6) pour statuer sur certaines dispositions contestées,
- faute de quoi
- un arbitre devait être saisi; ii) les mesures prises pour assurer
- les services
- hospitaliers pendant la grève limitée d'avril-mai 1987.
- 76. Sur le premier point, l'AIH souligne que la disposition
- énoncée dans la
- loi no 246 pour le règlement des conflits est exactement
- conforme aux
- exigences émises par les employeurs pendant la négociation
- collective, et que
- les efforts faits pendant l'examen parlementaire de la loi pour
- élargir le
- mandat de la commission ont malheureusement échoué.
- L'association plaignante
- estime en conséquence que la commission n'était pas en
- mesure de mener des
- négociations sérieuses et que, malgré sa composition paritaire,
- elle ne
- pouvait que favoriser les employeurs. Qui plus est, ajoute
- l'association
- plaignante, après l'échec de la commission et la saisine d'un
- arbitre, la
- décision prise par ce dernier le 30 décembre 1987 a fait aux
- employeurs de
- grandes concessions sur les questions objet de l'article 6 de la
- loi. L'AIH
- déclare aussi que, jusqu'à présent, la plupart des employeurs
- n'ont pas encore
- appliqué la décision de l'arbitre, par exemple en ce qui
- concerne la réduction
- du volume de travail des internes.
- 77. Sur le second point, l'AIH insiste sur le fait que la grève
- qu'elle
- avait déclenchée était modérée dans sa portée et dans ses
- modalités. Elle
- explique que, sur les 8.091 médecins employés dans les
- hôpitaux danois, 555
- seulement avaient été désignés pour participer au mouvement
- de grève; elle
- répète que l'accord du 9 mars 1987 prévoyait la mise en place
- de services
- minimums - à fixer de concert avec l'AIH - en cas de
- catastrophe, de situation
- d'urgence et pour l'octroi des prestations médicales
- indispensables,
- impossibles à différer. Dans les hôpitaux en grève, les
- employeurs et l'AIH
- avaient conclu 17 accords particuliers sur le nombre d'internes
- appelés à
- servir pendant l'arrêt du travail. L'accord général prévoyait
- aussi le
- renforcement du service minimum en cas de besoin, ce qui en
- fait est arrivé
- dans plusieurs hôpitaux; l'AIH déclare avoir accordé aux
- employeurs toutes
- leurs demandes de renfort. L'association plaignante ajoute
- qu'en 1987 et
- auparavant les gouvernements danois successifs avaient
- fait usage des droits reconnus aux travailleurs et aux
- employeurs de recourir
- à des mesures de contrainte dans le cadre de négociations
- collectives; ainsi,
- en 1987, le gouvernement avait accepté le déroulement d'une
- grève légalement
- déclarée, alors même qu'il aurait pu légiférer pour y mettre
- immédiatement un
- terme; de même, en 1981, le gouvernement en tant
- qu'employeur avait mis en
- lock-out près de 1.200 internes sur les 6.600 que comptaient
- alors les
- hôpitaux.
- B. Réponse du gouvernement
- 78. Dans sa communication du 10 décembre 1987, le
- gouvernement décrit les
- événements qui ont conduit à l'adoption de la loi no 246. Il
- déclare que les
- négociations entre l'Association des internes des hôpitaux et
- ses employeurs
- (le ministère des Finances, l'Association des conseils de
- comté, la
- municipalité de Copenhague et la municipalité de
- Frederiksberg), y compris
- celles menées avec l'assistance du conciliateur public, n'ont
- pas donné de
- résultats. Une grève eut donc lieu, qui dura vingt-deux jours.
- 79. Le gouvernement estimait qu'une grève prolongée dans
- les hôpitaux aurait
- des conséquences graves pour les patients et pour le
- fonctionnement des
- hôpitaux; les patients figurant sur des listes d'attente pour un
- traitement
- hospitalier, par exemple, étaient particulièrement touchés. La
- conséquence
- inévitable était que ces patients, qui se trouvaient déjà dans
- une situation
- difficile, ont connu une incertitude et une insécurité croissante
- et que leurs
- conditions pénibles ont été prolongées. A cet égard, le
- gouvernement renvoie
- au Recueil de décisions sur la liberté syndicale, qui classe le
- secteur
- hospitalier au nombre des services essentiels où des
- restrictions au droit de
- grève sont admissibles dans certaines circonstances.
- 80. Le gouvernement indique que le différend entre l'AIH et
- ses employeurs
- ne portait pas sur des questions de salaire, mais sur
- l'organisation du
- travail et la réglementation du temps de travail, qui font
- normalement partie
- intégrante des conventions collectives. L'origine de cette
- situation était
- l'évolution, dans une direction indésirable, des conditions
- relatives à
- l'organisation du temps de travail dans ce secteur au cours
- des dernières
- années. Le gouvernement explique que les règles établies
- dans la convention
- collective étaient initialement conçues comme des règles de
- formation mais
- que, combinées à d'autres clauses de la convention (visant le
- temps de
- travail, et notamment le service de garde), elles s'étaient
- muées en règlement
- sur les présentes; il était en même temps devenu difficile
- d'assurer la bonne
- formation des médecins; enfin un organisme consultatif
- spécialisé, l'Office
- national de la santé, avait dû déclarer qu'il serait à la longue
- difficile de
- maintenir la qualité du traitement des patients, et il avait
- fortement insisté
- tant auprès du gouvernement que des directions régionales
- des hôpitaux sur la
- nécessité de renverser cette évolution.
- 81. Le gouvernement a donc jugé nécessaire de trouver une
- solution à long
- terme pour résoudre ces problèmes, acceptable pour les
- médecins et les
- directeurs d'hôpitaux, afin d'éviter les différends lors de
- négociations
- futures. Le gouvernement a donc jugé nécessaire d'intervenir
- dans le différend
- en adoptant une législation. Le 5 mai 1987, le ministre du
- Travail a rencontré
- les représentants de l'Association des internes des hôpitaux et
- leur a soumis
- le projet de loi. La loi adoptée renouvelle la convention
- collective
- concernant le salaire et les autres conditions de travail des
- internes des
- hôpitaux (conclue entre le ministère des Finances,
- l'Association des conseils
- de comté, la municipalité de Copenhague et la municipalité de
- Frederiksberg
- d'une part, et l'AIH d'autre part) et proroge six autres
- conventions conclues
- entre les mêmes parties et qui, pour certaines conditions de
- salaire et de
- travail, renvoient à la convention collective des internes des
- hôpitaux.
- 82. Le gouvernement signale que les dispositions relatives au
- salaire n'ont
- pas été contestées, mais que la réorganisation du temps de
- travail - fondée
- sur les raisons décrites plus haut - l'a été. La loi prévoyait donc
- la
- création d'une commission paritaire pour trancher les questions
- en litige de
- telle manière que les parties puissent influer sur la décision
- dans la plus
- large mesure possible. En cas d'échec au 1er septembre
- 1987, un arbitre devait
- être désigné pour prendre la décision finale. Le gouvernement
- reconnaît que,
- malheureusement, la commission paritaire n'est pas parvenue
- à un accord sur
- les points litigieux, et que le comité de conciliation a donc
- nommé un
- arbitre. Celui-ci a tenu des réunions avec les parties pendant
- les deux
- dernières semaines d'octobre 1987 en vue d'établir la
- procédure à suivre.
- 83. Au vu de toutes les informations fournies, le
- gouvernement est d'avis
- qu'une mission de contacts directs au Danemark n'est pas
- nécessaire.
- 84. Dans sa nouvelle lettre du 22 novembre 1988, le
- gouvernement rejette
- d'abord l'affirmation de l'association plaignante selon qui la
- grave situation
- des patients n'est pas due à la grève; il cite à ce propos des
- statistiques du
- ministère de la Santé tendant à montrer que les améliorations
- des dernières
- années ont réduit les listes d'attente pour admission, et que la
- durée moyenne
- d'attente a diminué pour certaines opérations (par exemple la
- cataracte, la
- stérilisation et les varices). Le gouvernement déclare que la
- grève du
- printemps 1987 a gravement compromis les résultats obtenus
- dans la réduction
- des listes d'attente, car c'est justement dans ces domaines
- que le traitement
- des patients a été perturbé; il ajoute que l'intervention
- législative était un
- préalable nécessaire pour que la situation en ces matières
- s'améliore au cours
- de l'année 1987. Le fait que les conventions conclues
- garantissaient le
- traitement des malades souffrant d'affections aiguës
- n'empêchait pas les
- graves conséquences qu'une grève prolongée aurait eues
- pour les patients sur
- listes d'attente; autrement dit, les accords conclus entre les
- employeurs et
- l'AIH pour exclure les arrêts de travail dans certains domaines
- n'entraient
- pas en ligne de compte, puisque ces accords, qui visent le
- service d'urgence
- en cas d'affections aiguës, ne présentent aucun intérêt pour la
- majorité des
- patients sur listes d'attente. Ces accords ne rendaient donc
- pas surperflue
- l'intervention législative.
- 85. En second lieu, le gouvernement conteste les dires de
- l'AIH quand elle
- nie la nécessité de mesures législatives pour assurer la qualité
- des soins aux
- malades et la formation des internes. Selon l'association
- plaignante, la
- transition, d'abord difficile, aurait été ensuite facilitée par une
- meilleure
- planification du travail et par des expériences pédagogiques
- dans la formation
- des médecins. Le gouvernement maintient pour sa part que la
- qualité de la
- formation des internes était effectivement compromise et
- renvoie à ce propos à
- une étude menée dans le pays par l'Association des conseils
- de comté sur la
- durée moyenne de présence effective des internes dans les
- salles d'hôpital;
- cette étude montre que la présence effective moyenne en
- salle allait de
- vingt-cinq à trente-six heures, pour une semaine de trente-neuf
- heures; le
- gouvernement ajoute que les médecins sont, dans tous les
- cas, rémunérés pour
- plus de trente-neuf heures par semaine, par suite d'une clause
- de la
- convention collective stipulant que la permanence à domicile
- entre dans le
- calcul des heures de travail.
- 86. Troisièmement, en ce qui concerne les critiques de
- l'association
- plaignante contre la décision arbitrale prononcée le 30
- décembre 1987, qui
- donnerait "largement satisfaction aux employeurs dans leurs
- demandes", le
- gouvernement juge qu'il est prématuré d'en commenter les
- conséquences. Il
- signale toutefois à titre préliminaire que, selon le ministère de la
- Santé,
- les problèmes fondamentaux que pose l'application de l'accord
- aux internes ne
- sont toujours pas résolus. Le ministère des Finances relève
- pour sa part que
- la question de la surveillance commune de plusieurs salles est
- certes une
- question médicale en ce que les équipes de service doivent
- se conformer aux
- normes de responsabilité médicale, mais qu'il appartient aux
- administrations
- hospitalières, et non aux internes, de décider en la matière. Il
- est
- expressément dit dans la décision arbitrale que les autorités
- hospitalières
- doivent, avant d'organiser la surveillance commune de
- plusieurs salles,
- prendre l'avis médical de la commission des médecins-chefs
- de l'établissement
- et donner à l'AIH la possibilité d'exprimer son avis.
- 87. Se fondant sur ces éléments, le gouvernement affirme
- que le différend
- avec l'Association des internes des hôpitaux avait abouti à
- une impasse; cette
- grève ne pouvait aucunement résoudre la grave situation
- régnant dans les
- hôpitaux, car elle rendait de plus en plus aléatoire la possibilité
- de traiter
- les nombreux patients qui attendaient d'être opérés. Aussi le
- gouvernement
- estime-t-il son intervention justifiée par l'incalculable détresse
- humaine
- qu'elle a évitée.
- 88. Dans encore une autre communication, datée du 17 avril
- 1989, le
- gouvernement répond sur les deux aspects du cas que
- relevait la toute dernière
- lettre de l'association plaignante, à savoir: i) le mandat de la
- commission
- instituée par la loi no 246, et ii) la portée et les modalités de la
- grève.
- Sur le premier point, le gouvernement déclare que, malgré les
- conflits qu'elle
- suscite depuis des années, la question de l'organisation du
- travail dans les
- hôpitaux a toujours été réglée par convention collective avec
- les médecins et
- le restera à l'avenir, puisque l'arbitrage considéré dans le
- présent cas est
- stipulé dans toutes les conventions collectives. Le
- gouvernement fait valoir
- que, dès la rédaction du projet de loi, il avait cherché à limiter
- autant que
- possible la portée de son intervention, ce qui explique que
- l'article 6 se
- borne à trois questions spécifiques qu'il était indispensable de
- régler; il
- s'étonne donc de voir les médecins estimer maintenant que la
- loi aurait dû
- porter aussi sur d'autres questions. Le gouvernement souligne
- que la loi
- elle-même ne traite pas de la solution des questions, mais
- laisse ce soin aux
- parties, faute de quoi la décision finale en la matière reviendra
- à un arbitre
- neutre; il conclut en regrettant que ni les employeurs ni les
- travailleurs
- n'aient été satisfaits de cette décision.
- 89. Sur le deuxième point, le gouvernement estime que
- l'important n'est pas
- le nombre de médecins qui étaient en grève, mais bien les
- conséquences de
- cette grève sur la santé publique. Il souligne que, au moment
- où il a décidé
- d'intervenir, la grève durait depuis vingt-deux jours et que rien
- ne laissait
- espérer sa résolution par les parties. Reconnaissant toujours le
- droit des
- médecins à la négociation collective et à l'action collective, il
- souligne que
- son intervention était en l'occurrence justifiée par les
- circonstances
- particulières du cas, qu'elle a été brève et limitée, et qu'elle
- était
- nécessaire pour mettre fin à une grève dont la prolongation
- entraînait des
- souffrances humaines.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 90. Le comité observe que les faits, dans le présent cas, ne
- sont pas
- contestés: l'association plaignante et le gouvernement
- expliquent que, le 8
- mai 1987, la loi no 246 "portant modification du programme de
- travail des
- internes du service de la santé publique et renouvellement et
- prorogation de
- leurs conventions collectives" a mis fin à une grève de
- vingt-deux jours dans
- le secteur hospitalier et prolongé certaines conditions d'emploi
- des internes
- pour une période de deux ou quatre ans.
- 91. Les parties à cette plainte sont toutefois en désaccord
- sur certains
- aspects des circonstances qui ont abouti à l'adoption de la loi
- no 246. En
- premier lieu, l'association plaignante allègue qu'elle n'a pas été
- consultée
- au sujet des interventions gouvernementales; le
- gouvernement, en revanche,
- déclare que le ministre du Travail a rencontré les représentants
- de l'AIH le 5
- mai pour leur faire part du projet de loi en question.
- 92. Le comité a signalé dans le passé (voir, par exemple,
- 202e rapport, cas
- no 949 (Malte), paragr. 275) que, si le refus d'autoriser ou
- d'encourager la
- participation des organisations syndicales à la mise en oeuvre
- de lois ou de
- règlements nouveaux affectant leurs intérêts ne constitue pas
- nécessairement
- une atteinte aux droits syndicaux, le principe de la consultation
- et de la
- collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations
- d'employeurs et
- de travailleurs aux échelons industriel et national mérite qu'on y
- attache la
- plus haute importance, conformément aux dispositions de .
- Dans le présent cas,
- le comité doit regretter que l'organisation de travailleurs
- compétente n'ait
- été consultée qu'une seule fois sur une loi qui vise
- spécifiquement les
- conditions de travail de ses membres.
- 93. En second lieu, le plaignant et le gouvernement sont en
- désaccord sur
- les conséquences de la grève d'avril et mai 1987: selon l'AIH,
- seuls 555
- médecins sur plus de 8.000 auraient pris part à la grève, qui
- n'aurait affecté
- que certaines salles ou départements de certains hôpitaux, et
- toutes les
- dispositions auraient été prises pour maintenir les services
- minima et les
- services d'urgence, comme prévu par l'accord général signé le
- 9 mars 1987 et
- par non moins de 17 accords d'établissements. Le
- gouvernement était pour sa
- part préoccupé par les souffrances immédiates des patients
- inscrits sur les
- listes d'attente et par les effets à long terme d'une grève
- prolongée des
- médecins; il désirait régler une fois pour toutes la question de
- l'organisation du temps de travail afin d'éviter une nouvelle
- grève lors de
- négociations futures.
- 94. Dans des cas antérieurs, le comité a indiqué que le droit
- de grève peut
- être limité, voire interdit, aux fonctionnaires agissant en tant
- qu'organes de
- la puissance publique, ou dans les services essentiels au sens
- strict du terme
- - à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en
- danger dans
- l'ensemble ou dans une partie de la population la vie, la
- sécurité ou la santé
- de la personne. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1140
- (Colombie) ,
- paragr. 144.) Sur la base de ce critère, le comité a estimé que
- le secteur
- hospitalier est un service essentiel (voir, par exemple, 217e
- rapport, cas no
- 1191 (Inde), paragr. 443) dans lequel les organes de contrôle
- des normes
- admettent que l'Etat puisse intervenir pour limiter ou interdire la
- grève.
- 95. Le comité prend note de l'argument de l'association
- plaignante, qui fait
- valoir qu'en acceptant d'assurer largement les services
- d'urgence pendant la
- grève elle a satisfait aux normes de l'OIT sur les services
- minimums, de sorte
- que la définition des services essentiels ne s'étend pas aux
- hôpitaux publics
- visés par la grève. Le comité estime toutefois que la nature
- même des hôpitaux
- publics interdit de déroger à ce principe important: le fait que
- certains
- médecins, certaines salles et certains services soient restés en
- activité
- pendant la grève ne modifie pas le fait que le fonctionnement
- d'autres salles
- et services soit resté longtemps compromis.
- 96. Néanmoins, le comité tient aussi à rappeler le principe
- selon lequel,
- lorsque le droit de grève est limité, voire interdit, dans certaines
- entreprises ou certains services essentiels - les hôpitaux dans
- le présent cas
- -, une protection adéquate, telle que des procédures de
- conciliation et
- d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses
- étapes
- desquelles les intéressés doivent pouvoir participer et dans
- lesquelles les
- sentences rendues doivent être appliquées entièrement et
- rapidement, doit être
- accordée aux intéressés pour compenser la limitation de leur
- liberté d'action.
- (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1263 (Japon), paragr.
- 270. ) Le comité
- note, dans le présent cas, que la loi no 246, en son article 8,
- interdit la
- grève pendant la durée de la validité des conventions
- collectives prorogées
- et, en son article 9, dispose que les questions relatives à la
- violation et à
- l'interprétation des conventions collectives prorogées seront
- réglées
- "conformément à la déontologie coutumière des relations
- professionnelles en la
- matière". Pour les points encore en litige au moment de
- l'adoption de la loi,
- les articles 5, 6 et 7 prévoient la création d'une commission
- paritaire afin
- de trancher ces questions avant le 1er septembre 1987, à
- défaut de quoi cette
- commission ou le comité de conciliation doivent nommer un
- arbitre pour statuer
- sur les problèmes.
- 97. Le comité note que, conformément aux dispositions
- évoquées plus haut de
- la loi no 246, pendant les dernières semaines d'octobre 1987,
- un arbitre
- désigné par le comité de conciliation (institution
- gouvernementale
- indépendante composée de trois conciliateurs nommés par le
- ministre du Travail
- pour une période de trois ans, conformément à la loi de 1934
- sur la
- conciliation en matière de différends du travail, dans sa teneur
- modifiée) a
- effectivement tenu des réunions avec les parties pour tenter
- de régler les
- questions en instance. La décision de cet arbitre, rendue le 30
- décembre 1987,
- ne semble pas avoir donné entière satisfaction à toutes les
- parties, comme le
- montrent les inquiétudes exprimées tant par l'association
- plaignante que par
- certains ministères. Il n'appartient pas au comité de se
- prononcer sur le
- contenu de cette décision qui concerne des questions
- techniques telles que la
- rémunération des médecins assurant un service de
- permanence depuis leur
- domicile; en revanche, il lui appartient de vérifier s'il trouve
- conforme à
- ses principes cette manière de compenser le retrait du droit de
- grève.
- 98. Selon le critère mentionné plus haut, le comité estime que
- la procédure
- générale mise en place pour le règlement des différends relatifs
- aux
- conventions collectives qui ont été prorogées et la procédure
- spécifique
- (commission paritaire et arbitre indépendant) instituée en vertu
- des articles
- 5 à 7 de la loi no 246 sont appropriées, impartiales et
- expéditives et font
- appel à la participation des parties. A ce titre, le comité estime
- qu'elles
- sauvegardent effectivement les intérêts des travailleurs, qui
- sont tenus de
- maintenir la paix du travail en vertu de la législation en
- question.
- 99. Le troisième aspect de la plainte est axé sur l'allégation
- selon
- laquelle la loi no 246 constitue un nouvel exemple
- d'intervention
- gouvernementale dans la négociation collective volontaire. Le
- comité observe -
- comme le fait l'association plaignante - que ce n'est pas la
- première fois au
- cours des récentes années qu'il est appelé à examiner
- l'intervention du
- gouvernement du Danemark par voie de législation dans le
- processus des
- négociations collectives dans les secteurs privé et public. Bien
- que la
- législation en cause dans le cas précédent (voir 243e rapport,
- cas no 1338,
- paragr. 209 à 247, approuvé par le Conseil d'administration en
- mars 1986, , et
- 259e rapport, cas no 1443, paragr. 163 à 197, approuvé en
- novembre 1988 et lui
- aussi porté devant la commission d'experts) ne soit pas celle
- qui est
- contestée ici, elle contenait des dispositions très semblables.
- Le comité se
- voit donc obligé de rappeler au gouvernement les mêmes
- principes fondamentaux
- sur lesquels il avait fondé ses critiques lors d'ingérences
- antérieures de
- l'Etat, à savoir qu'un aspect fondamental de la liberté syndicale
- est le droit
- des organisations de travailleurs de négocier librement leurs
- salaires et
- leurs conditions de travail avec les employeurs et leurs
- organisations, et que
- toute restriction à ce droit ne devrait être appliquée qu'en tant
- que mesure
- d'exception, limitée à l'indispensable, sans excéder une
- période raisonnable;
- toute restriction devrait s'accompagner de garanties
- appropriées en vue de
- protéger le niveau de vie des travailleurs.
- 100. En outre, le comité rappelle que l'article 6 de la
- convention no 98
- permet d'exclure les "fonctionnaires publics" de ce droit
- fondamental, terme
- que les organes de contrôle de l'OIT ont considéré à la lumière
- de la
- distinction à faire entre les fonctionnaires employés à des titres
- divers dans
- les ministères gouvernementaux ou des organismes
- comparables et les autres
- personnes employées par le gouvernement, par les entreprises
- publiques (en
- l'occurrence les hôpitaux publics) ou par des organisations
- publiques
- indépendantes. (Voir, par exemple, 236e rapport, cas no 1267
- (Papouasie-
- Nouvelle-Guinée), paragr. 596.)
- 101. Dans le présent cas, par conséquent, le comité estime
- que l'Association
- des internes des hôpitaux jouissait légitimement du droit de
- négocier les
- conditions de travail des internes des hôpitaux par voie de
- conventions
- collectives jusqu'à ce que la loi no 246 mette fin à toute
- possibilité de
- négociation pour la durée de la validité des conventions
- prorogées,
- c'est-à-dire jusqu'en avril 1989 ou avril 1991.
- 102. Etant donné les faits du présent cas, il apparaît au
- comité que
- l'intervention du gouvernement est allée au-delà des critères
- exposés aux
- paragraphes précédents concernant les restrictions
- acceptables à la fixation
- volontaire des conditions de travail, la méthode utilisée
- excédait la limite
- indispensable et la période raisonnable en prorogeant le terme
- des conventions
- de deux et parfois de quatre ans. A cet égard, le comité
- remarque qu'il n'a
- pas été avancé de preuve démontrant que l'économie danoise
- dans son ensemble
- ou le secteur des internes des hôpitaux lui-même se trouvaient
- confrontés à
- une situation si critique qu'elle justifiât une intervention dans
- les
- négocations collectives volontaires. Le comité prend en outre
- note de
- l'engagement du gouvernement, répété par ce dernier dans sa
- plus récente
- communication, de respecter le droit des médecins à la
- négociation collective,
- en dehors de l'intervention particulière objet du présent cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 103. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que le renouvellement et la prorogation
- par voie
- législative des conventions collectives couvrant les internes
- des hôpitaux
- n'est pas conforme au principe de la libre négociation
- collective en vue de
- régler les conditions d'emploi, exposé à l'article 4 de la
- convention no 98,
- que le Danemark a ratifiée.
- b) Le comité estime en revanche que dans les circonstances
- du cas
- l'intervention législative qui a mis fin à la grève des internes
- des hôpitaux
- ne peut être considérée comme ayant enfreint les principes de
- l'OIT relatifs
- au droit de grève.