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- 397. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Paraguay dans des communications en date des 6 avril, 25 mai et novembre 1988. Le gouvernement n'a fait parvenir aucune réponse sur les allégations, malgré les diverses demandes formulées depuis la présentation de la plainte.
- 398. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 399. Dans une première communication du 6 avril 1988, la CMOPE a indiqué que le secrétaire général récemment élu de l'Organisation des travailleurs de l'éducation du Paraguay (OTEP), affiliée à la CMOPE, M. Juan Gabriel Espínola a été muté de son poste de professeur titulaire au collège national "Vicepresidente Sánchez" d'Asunción à celui de professeur intérimaire à l'école nationale de commerce de La Paloma, à 500 kilomètres d'Asunción. Cette mutation résulte de la décision no 168 du 7 mars 1988, qui prévoit également la déclassification de l'intéressé qui, de professeur titulaire, devient professeur intérimaire; M. Espínola est professeur titulaire depuis cinq ans. La CMOPE joint en annexe divers documents reflétant les activités syndicales du dirigeant enseignant, qui a participé activement à la campagne nationale pour le salaire minimum lancée par l'OTEP en 1987. Le dirigeant syndical a fait appel contre la décision ministérielle no 168 le 11 mars 1988, auprès du ministre de l'Education et des Cultes, en expliquant qu'aucune raison ne justifiait ces mesures.
- 400. Par la suite, dans une communication du 25 mai 1988, la CMOPE a dénoncé le licenciement de la directrice de l'école "Coronel Feliciano Duarte", Antonia Jara Paredes, et celui de Canuta Ozuna de Ledesma en raison de leurs activités syndicales, toutes deux dirigeantes syndicales de l'OTEP.
- 401. Enfin, au mois de novembre 1988, la CMOPE a allégué que des policiers en civil ont pénétré, le 21 septembre 1988 vers 20 heures, au domicile de M. Roque Vera pour procéder à l'arrestation de quatre personnes, parmi lesquelles Mme Cira Novara, professeur et membre actif de l'OTEP. Mme Novara a été incarcérée à la prison du "Bon Pasteur" et inculpée d'activités subversives en vertu de la loi no 208 sur le maintien de l'ordre public et la liberté des personnes. La CMOPE a signalé que, d'après ses informations, Mme Novara a été l'objet de pressions psychologiques et a été menacée de viol. Elle a été libérée le 17 octobre 1988, mais elle a perdu son poste d'enseignante. Selon la CMOPE, les autorités considèrent les activités syndicales comme des activités "subversives", et cela semble avoir été la raison pour laquelle Mme Novara a été emprisonnée.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité
- 402. En dépit du temps écoulé depuis la présentation des allégations et des diverses demandes envoyées par le BIT au gouvernement pour qu'il transmette ses observations sur ce sujet, aucune réponse n'a été reçue.
- 403. Avant d'examiner le cas quant au fond, le comité estime nécessaire de rappeler les considérations qu'il a exposées dans son premier rapport (paragr. 31, approuvé par le Conseil d'administration de mars 1952) et qu'il a eu l'occasion de répéter en diverses circonstances. Le but de l'ensemble de la procédure est d'assurer le respect des libertés syndicales, en droit comme en fait, c'est pourquoi le comité est convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, les gouvernements doivent de leur côté reconnaître l'importance qu'il y a à ce qu'ils présentent des réponses détaillées aux allégations formulées par les organisations plaignantes afin de procéder à un examen objectif.
- 404. Le comité déplore que le gouvernement ne lui ait envoyé aucune des informations demandées, et c'est pourquoi il se voit obligé, vu le temps écoulé, d'examiner le cas sans disposer des réponses du gouvernement sur les allégations présentées.
- 405. En ce qui concerne les allégations relatives à la mutation de M. Juan Gabriel Espínola, secrétaire général de l'Organisation des travailleurs de l'éducation du Paraguay (OTEP), au retrait de son statut de professeur titulaire, par décision ministérielle, et au licenciement des professeurs Antonia Jara Paredes et Canuta Ozuna de Ledesma, dirigeants de l'OTEP, pour leurs activités syndicales, le comité rappelle le principe selon lequel aucun travailleur ne doit être l'objet de mesures discriminatoires dans l'emploi en raison de ses activités ou de son affiliation syndicales légitimes. En outre, la protection contre les actes de discrimination antisyndicale s'applique non seulement à l'engagement et au licenciement mais également à toutes les mesures discriminatoires qui sont adoptées en cours d'emploi, notamment les transferts, la rétrogradation et d'autres actes préjudiciables. (Voir à ce sujet le rapport no 236, cas no 1290 (Uruguay), paragr. 389, et le rapport no 211, cas no 1020 (Mali), paragr. 250.)
- 406. Le comité demande une nouvelle fois au gouvernement d'envoyer ses observations sur ces allégations et, en particulier, d'indiquer si la décision administrative no 168 prise à l'encontre du dirigeant Juan Gabriel Espínola a été annulée ou reconsidérée à la suite de la lettre de protestation envoyée par l'intéressé au ministre de l'Education et des Cultes le 11 mars 1988, et de le renseigner sur les motifs du licenciement des enseignantes syndicalistes Antonia Jara Paredes et Canuta Ozuna de Ledesma.
- 407. Le comité regrette profondément la détention, les pressions psychologiques et les menaces dont a été l'objet la syndicaliste enseignante Cira Novara ainsi que la mesure de licenciement qui l'a frappée en vertu de la loi no 208 sur la protection de l'ordre public et la liberté des personnes. Il rappelle qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer dans un climat de violence et d'incertitude. En outre, la détention de dirigeants syndicaux contre lesquels il n'existe aucune charge spécifique entrave l'exercice des droits syndicaux. (Voir à ce sujet le rapport no 217, cas no 1031 (Nicaragua), paragr. 120.)
- 408. Le comité demande instamment au gouvernement de lui faire connaître quels sont les faits concrets retenus contre la dirigeante enseignante, Mme Novara, si un procès a eu lieu à son encontre et quelle en a été l'issue, ainsi que les motifs de son licenciement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 409. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette vivement que le gouvernement ne lui ait pas fait parvenir les informations demandées; c'est pourquoi il s'est vu dans l'obligation, vu le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, d'examiner ce cas sans disposer des réponses du gouvernement sur les allégations présentées.
- b) Le comité ne peut que rappeler au gouvernement qu'aucun travailleur ne doit être l'objet de mesures discriminatoires dans l'emploi en raison de ses activités ou de son appartenance syndicales.
- c) En ce qui concerne la mutation de M. Juan Gabriel Espínola, secrétaire général de l'OTEP, le retrait de son statut de professeur titulaire, ainsi que le licenciement des enseignantes Antonia Jara Paredes et Canuta Ozuna de Ledesma, qui auraient été motivés par leurs activités syndicales, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement de transmettre ses observations sur ces allégations et de lui faire savoir notamment si la décision administrative no 168 prise à l'encontre du dirigeant Espínola a été annulée ou reconsidérée à la suite de la lettre de protestation que l'intéressé a envoyée au ministre de l'Education et des Cultes, et quels sont les motifs du licenciement des syndicalistes enseignantes Antonia Jara Paredes et Canuta Ozuna de Ledesma.
- d) Le comité regrette profondément la détention, les pressions psychologiques et les menaces dont a été l'objet la syndicaliste enseignante Cira Novara et son licenciement. Il prie le gouvernement de lui faire connaître quels sont les faits concrets retenus contre elle, si un procès a eu lieu et quelle en a été l'issue.