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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 279, Noviembre 1991

Caso núm. 1532 (Argentina) - Fecha de presentación de la queja:: 16-ABR-90 - Cerrado

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  1. 270. Dans une communication en date du 16 avril 1990, le Syndicat de Buenos Aires de la Fédération des ouvriers et employés des téléphones de la République argentine (FOETRA) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux. En août 1990, il s'est désisté de sa plainte, considérant que les problèmes qui l'avaient motivée avaient été résolus. Par la suite, dans une communication en date du 10 septembre 1990, il a présenté une nouvelle plainte contenant des allégations analogues à celles sur lesquelles se fondait la plainte antérieure. Le gouvernement a répondu par une communication en date du 14 mai 1991.
  2. 271. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 272. Le Syndicat de Buenos Aires de la Fédération des ouvriers et des employés des téléphones de la République argentine (FOETRA) faisait valoir, dans sa communication du 16 avril 1990, qu'alors que le coût de la vie avait augmenté d'environ 466 pour cent au cours du premier trimestre de 1990, les traitements n'avaient été majorés que de 40 pour cent dans le secteur des téléphones. Aussi, pour faire pression sur l'Entreprise nationale de télécommunications (ENTEL) - une entreprise d'Etat - la FOETRA avait lancé, pour le 4 avril 1990, un mot d'ordre de grève de vingt-quatre heures dans tout le pays, et le Syndicat de Buenos Aires avait décrété, pour le 5 avril 1990, une grève tournante de deux heures par catégorie professionnelle. Le Syndicat de Buenos Aires avait fait l'objet, le 2 avril 1990, d'une exhortation l'invitant à ne pas donner suite aux mesures d'action directe décidées; malgré le recours formé à ce sujet, aucune solution n'était intervenue. Le 10 avril 1990, le ministère du Travail avait pris l'arrêté no 208/90, en vertu duquel il se disposait à demander en justice l'annulation du statut syndical du Syndicat de Buenos Aires et à déposer une plainte alléguant que les délits visés aux articles 192, 194 et 197 du Code pénal avaient été commis.
  2. 273. En août 1990, le Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA avait demandé que la plainte soit classée; en effet, le ministère du Travail ayant renoncé à demander l'annulation du statut syndical, les motifs de la plainte avaient disparu.
  3. 274. Dans sa communication du 10 septembre 1990, le Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA faisait valoir que, plus de cinq mois après sa première plainte, aucune amélioration salariale n'était intervenue, avec comme circonstance aggravante le fait que l'entreprise ENTEL avait suspendu pendant cette période les heures supplémentaires, ce qui avait eu pour résultat, dans la pratique, que la rémunération du mois d'août avait même été inférieure à celle perçue au mois de mars. Les appels lancés à plusieurs reprises n'avaient pas été écoutés et les problèmes avaient recommencé. Le ministère du Travail avait répondu par des injonctions de s'abstenir de toute action directe et avait soumis le conflit aux procédures de conciliation obligatoire prévues par la loi no 14786. Dans ce contexte, l'entreprise avait offert une augmentation qui, sans répondre à l'attente des travailleurs, avait été expressément acceptée par eux, mais qui par la suite, de manière incroyable, avait été retirée sous prétexte qu'elle n'avait pas été "acceptée" par le ministère de l'Economie, ce qui avait manifestement provoqué une recrudescence du conflit (il convient d'indiquer qu'une avance sur cette augmentation avait même été versée, comme il avait été convenu, et qu'il y avait donc eu, sans nul doute, commencement d'exécution). Le ministère du Travail, quant à lui, avait déclaré "illégale" l'action des travailleurs le 28 août 1990.
  4. 275. C'est alors, ajoute l'organisation plaignante, que le ministère du Travail avait pris, le 30 août 1990, l'arrêté no 704 donnant instruction au service juridique du ministère du Travail de demander en justice, conformément aux dispositions de l'article 56 de la loi no 23551, l'annulation du statut syndical du Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA et de déposer une plainte alléguant que les délits visés aux articles 192, 194 et 197 du Code pénal argentin avaient été commis. En outre, dans le cadre de la procédure engagée en vue d'obtenir le retrait du statut syndical, il avait été demandé, à titre de mesure conservatoire, que l'organe de direction du syndicat soit suspendu de ses fonctions et qu'un administrateur soit désigné. Par ailleurs, le ministère du Travail avait pris, le 31 août 1990, l'arrêté no 711 en vertu duquel: 1) l'enregistrement du syndicat était suspendu à titre préventif jusqu'à la conclusion de la procédure engagée, et 2) les droits de l'organisation attachés à son statut syndical étaient suspendus à titre préventif, de même que le prélèvement par l'employeur des montants dus au titre des cotisations ou autres paiements que doivent effectuer les travailleurs affiliés. Or, d'après la loi, l'inscription au registre des organisations professionnelles confère automatiquement la personnalité juridique (art. 23 de la loi no 23551); par conséquent, la suspension de l'enregistrement entraîne automatiquement celle de la personnalité juridique, ce qui interdit au syndicat toute activité professionnelle. Cela équivaut à la mort civile du syndicat. De même, l'arrêté no 711 ordonnait la suspension de l'exercice des droits attachés au statut syndical de l'organisation avant qu'une sentence ne l'eut autorisé.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 276. Dans sa communication du 14 mai 1991, le gouvernement déclare que, le conflit entre le Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA et ENTEL ayant été soumis au régime de la conciliation obligatoire prévu par la loi no 14786, les parties étaient dans l'obligation de négocier pendant la période prévue par la loi. L'attitude du syndicat, qui s'est tenu à l'écart du dialogue (ce que cette organisation reconnaît) avant l'expiration du délai prévu pour la conciliation, a causé un grave préjudice à la communauté et témoigne de légèreté et d'un mépris évident de l'intérêt de la société. Même à supposer que les parties se soient mises d'accord mais que l'une d'entre elles doive soumettre la décision à un autre organe, cela ne change rien au délai de négociation. L'illégitimité de l'arrêt de travail et, partant, la déclaration par le ministère du Travail de son illégalité ne procèdent pas de la grève elle-même, mais de son caractère intempestif face aux mécanismes de conciliation. En effet, l'article 11 de la loi susdite dispose clairement qu'une fois écoulé le délai en question, si les parties ne se sont ni mises d'accord sur une formule de conciliation ni ralliées à un compromis arbitral, elles pourront recourir aux mesures d'action directe qui leur semblent opportunes.
  2. 277. Dans ce contexte, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a pris l'arrêté no 704 du 30 août par lequel, en vertu de l'article 56 de la loi no 23551, il charge le service juridique permanent du ministère d'introduire une action en justice pour obtenir l'annulation du statut syndical accordé à l'organisation plaignante, action qui a été engagée immédiatement et se trouve actuellement en instance devant la quatrième Chambre du Tribunal national d'appel du travail.
  3. 278. Le gouvernement ajoute que, parallèlement à la procédure ainsi engagée le 31 août 1990, le ministère du Travail a pris le même jour l'arrêté no 711/90 décrétant la suspension à titre préventif de l'enregistrement de l'organisation plaignante jusqu'à l'aboutissement de la procédure judiciaire. Ce dernier acte administratif se fonde sur l'article 56 de la loi no 23551, qui confère au ministère du Travail et de la Sécurité sociale le pouvoir d'accorder l'enregistrement; sur l'article 23 de la même loi qui assimile l'enregistrement à la personnalité juridique; et sur l'article 48 du Code civil qui dispose, dans sa partie pertinente, que: "La décision administrative relative au retrait de la personnalité juridique ou à l'intervention dans le fonctionnement de l'organisation sera susceptible des recours prévus à l'article 45. Le juge peut ordonner la suspension provisoire des effets de l'arrêté ayant fait l'objet d'un recours." La doctrine nationale est donc unanime à cet égard: la reconnaissance de la personnalité juridique dépend d'un acte administratif émanant de l'autorité compétente - c'est-à-dire du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif; le retrait ou l'annulation de la personnalité juridique est du ressort du pouvoir qui a présidé à la naissance de l'organisation; tout ceci, bien entendu, sans préjudice du contrôle exercé par la justice. Or le ministère du Travail n'a fait que suspendre à titre préventif l'enregistrement de l'organisation, en se fondant sur le principe du devoir de vigilance qui incombe à l'autorité administrative ayant officiellement octroyé la personnalité juridique, au moyen d'une mesure conservatoire subordonnée, en dernier ressort, à la décision du pouvoir judiciaire.
  4. 279. Le gouvernement indique que la suspension de l'enregistrement d'une orgranisation professionnelle n'implique pas la négation de l'existence de l'entité collective, et il a été dit à cet égard qu'"il est possible d'admettre que l'organisation dissoute subsiste, non pas en qualité de personne juridique mais en tant que simple association dépourvue de cette qualité (voir Code civil annoté - Jorge Joaquín Llambias, tome I, p. 137, édition de 1982). Conformément à l'article 46 du Code civil, les simples associations sont sujets de droit et n'ont pas besoin d'une autorisation de l'Etat pour fonctionner (op. cit., p. 124); elles peuvent par conséquent acquérir des droits et contracter des obligations." En conséquence, l'argumentation avancée par l'organisation plaignante, à savoir que la suspension de l'inscription au registre des organisations professionnelles signifie la mort civile du syndicat, ou que l'autorité administrative n'est pas habilitée à prendre une telle décision suspensive est fallacieuse, car, on l'a vu, les effets de l'acte administratif en cause en peuvent aller et n'ont pas été, dans la pratique, jusqu'à empêcher l'organisation syndicale de subsister et de poursuivre ses activités normales.
  5. 280. Le gouvernement déclare par ailleurs qu'en dépit de l'attitude intempestive adoptée par le syndicat plaignant les négociations collectives évoquées plus haut ont suivi leur cours avec la fédération nationale des travailleurs des téléphones et qu'elles ont abouti à une conclusion satisfaisante en apportant une solution définitive au différend qui existait alors. Il convient d'ajouter que, dans le cadre de la politique de concertation sociale dans laquelle il s'est engagé, le gouvernement national a créé la Commission paritaire de négociation de la convention collective du travail des travailleurs des téléphones, chargée d'effectuer la mise à jour du texte de la convention, le nouveau texte devant remplacer celui en vigueur depuis 1975, avec la participation non seulement de la représentation syndicale légitime, mais aussi des nouvelles entreprises privées qui prennent le relais de l'ancienne entreprise nationale de télécommunications pour assurer le service du téléphone. Cette négociation a récemment connu une issue favorable avec la signature de la convention collective nationale relative aux services téléphoniques, qui régit, à compter du 1er mai 1991, les conditions de travail du personnel desdits services.
  6. 281. Le gouvernement conclut en soulignant que cette dernière circonstance démontre que, de ce point de vue, la plainte présentée est devenue sans objet; cela étant, et compte tenu de ce qui précède. elle est irrecevable et doit être traitée comme telle.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 282. Le comité prend note du fait que le syndicat plaignant s'est désisté de la plainte ayant fait l'objet de la communication du 16 avril 1990. Le comité rappelle qu'il lui appartient de rendre une décision à cet égard en tenant compte des circonstances de chaque cas. Dans le présent cas, il accepte le retrait de la plainte en ce qui concerne les allégations contenues dans cette communication. Le comité se bornera par conséquent à formuler des conclusions sur les allégations contenues dans la communication du 10 septembre 1990.
  2. 283. La situation qui est présentée au comité dans cette affaire peut se résumer ainsi: le Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA ayant réclamé une augmentation des traitements, compte tenu de l'hyperinflation qui sévit dans le pays, l'entreprise nationale des télécommunications, a proposé une augmentation qui a été acceptée par les travailleurs, mais cette offre a été retirée par la suite parce qu'elle n'avait pas été acceptée par le ministère de l'Economie; cela a donné lieu à des mouvements de grève déclenchés par la FOETRA et son Syndicat de Buenos Aires avant l'expiration du délai légal de conciliation obligatoire; le ministère du Travail a réagi en prenant les arrêtés nos 704 et 711, respectivement datés des 30 et 31 août 1990. Le premier de ces arrêtés ordonne que la justice soit saisie d'une demande d'annulation de la personnalité juridique du Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA, qu'une plainte soit déposée alléguant que les délits visés aux articles 192, 194 et 197 du Code pénal (délits contre la sécurité des moyens de transport et de communication) ont été commis et que la suspension dans ses fonctions de l'organe de direction du syndicat et la désignation d'un administrateur soient aussi demandées à titre de mesure conservatoire. Le deuxième arrêté suspend à titre préventif et jusqu'à l'aboutissement de la procédure entamée l'enregistrement formel du syndicat ainsi que les droits attachés à son statut syndical et le prélèvement par l'employeur des montants dus au titre des cotisations ou autres paiements que doivent effectuer les travailleurs affiliés.
  3. 284. Tout d'abord, le comité tient à souligner que, conformément aux principes qu'il a énoncés, les services téléphoniques peuvent être considérés comme des services essentiels, leur interruption pouvant mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans tout ou partie de la population; par conséquent, une limitation sérieuse du droit de grève des travailleurs de ce secteur, voire même son interdiction, pourrait être admissible du point de vue des principes de la liberté syndicale. La législation argentine autorise néanmoins l'exercice du droit de grève des travailleurs des téléphones sous réserve de l'observation des délais prévus pour la conciliation. Dans le cas présent, la FOETRA et son Syndicat de Buenos Aires n'a pas respecté ces délais, ce qui a donné lieu à une série de sanctions administratives graves (suspension préventive de l'enregistrement et des droits attachés au statut syndical, y compris celui de retenir à la source le montant des cotisations syndicales) et a amené le ministère du Travail à demander en justice l'annulation du statut syndical de l'organisation et à déposer une plainte alléguant que des délits avaient été commis.
  4. 285. De l'avis du comité, les conséquences des arrêtés pris par le ministère du Travail sont d'une sévérité excessive compte tenu des faits suivants: 1) les mouvements de grève déclenchés par la FOETRA et son Syndicat de Buenos Aires ont été entrepris lorsque le ministère de l'Economie a refusé d'accepter l'offre d'augmentation des traitements faite par l'entreprise ENTEL aux travailleurs des téléphones dans un contexte d'hyperinflation nationale; et 2) la riposte immédiate du ministère du Travail à ces mouvements de grève par le biais de l'arrêté no 704 semble avoir mis fin à ces mouvements qui n'ont pas duré longtemps. Le comité considère que, dans ces circonstances, il n'y avait pas lieu de recourir aux sanctions les plus sévères prévues par la loi, comme l'annulation du statut syndical et même la suspension de l'enregistrement de l'organisation et la demande de nomination d'un administrateur en remplacement de l'organe directeur du syndicat. Le comité estime par ailleurs que la suspension par voie administrative de l'enregistrement (qui est une condition nécessaire pour jouir de la personnalité juridique) ainsi que des droits attachés au statut syndical équivaut pratiquement de jure à la suspension par voie administrative de l'organisation, qui est contraire à l'article 4 de la convention no 87. Le comité fait observer d'autre part que, bien que le Syndicat de Buenos aires de la FOETRA ait de jure une existence juridique réduite au minimum - d'après les déclarations du gouvernement -, la Fédération nationale des travailleurs des téléphones a été en mesure de poursuivre les négociations qui ont permis d'aboutir à un règlement définitif du conflit collectif et a conclu une convention collective qui est entrée en vigueur le 1er mai 1991.
  5. 286. Compte tenu des éléments particuliers qui interviennent en l'espèce et du fait que le conflit collectif qui a été à l'origine de la présente plainte a été réglé, compte tenu aussi du fait que la Fédération nationale des travailleurs des téléphones a signé une convention collective, le comité demande au gouvernement, au cas où ce n'est pas encore fait, de procéder à l'annulation des sanctions administratives prises à l'encontre du Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA et de renoncer à la procédure qu'il a entamée contre ce syndicat et ses dirigeants.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 287. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à adopter la recommandation suivante:
    • a) Le comité demande au gouvernement, si tel n'est pas encore le cas, d'annuler la suspension administrative de l'enregistrement et des droits d'organisation attachés au statut syndical du Syndicat de Buenos Aires de la FOETRA.
    • b) Le comité demande également au gouvernement, si tel n'est pas encore le cas, de renoncer à la procédure judiciaire visant à annuler le statut syndical de cette organisation ainsi qu'aux procédures entamées contre ses dirigeants.
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