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Informe provisional - Informe núm. 286, Marzo 1993

Caso núm. 1638 (Malawi) - Fecha de presentación de la queja:: 16-ABR-92 - Cerrado

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  1. 591. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) ont présenté, contre le gouvernement du Malawi, des plaintes datées respectivement des 16 avril et 29 mai 1992, alléguant la violation de droits syndicaux fondamentaux. La Fédération internationale des travailleurs du textile, de l'habillement et du cuir a exprimé son soutien à la plainte de la CISL dans une communication du 12 mai 1992.
  2. 592. Le gouvernement a présenté sa réponse dans une communication datée du 27 janvier 1993.
  3. 593. Le Malawi n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 594. Dans sa communication du 16 avril 1992, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) allègue que le gouvernement du Malawi a violé des droits syndicaux fondamentaux, notamment ceux qui concernent la liberté d'association et d'expression.
  2. 595. L'organisation plaignante déclare que, le 6 avril 1992, les forces de sécurité du Malawi ont arrêté M. Chakufwa Chihana, secrétaire général du Conseil de coordination syndicale d'Afrique australe (SATUCC), alors qu'il venait d'atterrir à l'aéroport de Lilongwe à son retour de Lusaka (Zambie), où il avait assisté à des réunions syndicales. La CISL indique que M. Chihana était allé en Zambie le 1er mars pour participer à une série de réunions organisées par le SATUCC et la Commission du travail pour l'Afrique australe (SALC). Elle précise que le SATUCC coordonne les activités des organisations syndicales dans toute l'Afrique australe et que la SALC regroupe les gouvernements, employeurs et syndicalistes de dix pays de la région.
  3. 596. La CISL déclare en outre que, le jour de l'arrestation de M. Chihana, les forces de sécurité du Malawi ont arrêté six autres salariés du SATUCC, William Chisimba, Yared Mgwira, Florence Lungu, Malitowe, Frank Mkandawire et Loyd Tembo. La CISL affirme que les forces de sécurité ont aussi saccagé les bureaux du SATUCC à Lilongwe et y ont apposé des scellés, et que les faits suivants se sont ensuite produits: M. Chihana et les six salariés du SATUCC ont été incarcérés sans inculpation; M. Chihana s'est vu refuser le droit de voir son avocat; son épouse a été licenciée de l'emploi gouvernemental qu'elle occupait; de plus, craignant pour leurs vies, trois autres salariés du SATUCC ont été contraints de se réfugier en Zambie, tandis qu'un quatrième était porté disparu. La CISL note également les informations selon lesquelles les forces de sécurité ont harcelé et intimidé les membres de la famille de certaines des personnes incarcérées.
  4. 597. La CISL se dit convaincue que M. Chihana a été arrêté et incarcéré en raison de ses activités syndicales et politiques, et que les six salariés du SATUCC l'ont été en raison de leurs activités syndicales. L'organisation plaignante note que la fermeture des bureaux du SATUCC et les arrestations opérées ont empêché ce dernier de fournir ses services à ses mandants. En bref, la CISL affirme que les arrestations, les incarcérations et la fermeture des bureaux du SATUCC constituent des actes délibérés du gouvernement visant à entraver les activités syndicales, et notamment celles qui tendent à l'avènement d'une véritable liberté et d'un véritable pluralisme politique.
  5. 598. Dans sa communication du 29 mai 1992, l'Organisation de l'unité syndicale africaine (OUSA) déclare que la fermeture, par le gouvernement, des bureaux du SATUCC à Lilongwe a paralysé les activités de coordination syndicale menées par cet organisme pour le compte des organisations affiliées à l'OUSA. Elle indique également que le gouvernement n'a pas répondu à ses demandes ni à celles desdites organisations, non plus qu'à celles d'autres organisations syndicales internationales et nationales, de gouvernements et d'ONG tendant à faire libérer M. Chihana et à rouvrir les bureaux du SATUCC.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 599. Dans sa communication du 27 janvier 1993, le gouvernement indique que M. Chihana a été arrêté, non pas en raison de son statut de syndicaliste, mais parce qu'il se livrait à des activités illégales "considérées comme contraires aux objectifs du SATUCC tels que les entend le gouvernement du Malawi ...". M. Chihana n'est pas détenu sans inculpation. En réalité, il a été arrêté le 6 avril 1992 et relâché sous caution de 3.000 kwacha (780 dollars) le 10 juillet 1992. Il a été arrêté de nouveau le 13 juillet 1992 sous l'inculpation d'importation de publications subversives, de préparatifs en vue de commettre un acte à visées subversives et de détention illégale de publications subversives. Il a été de nouveau remis en liberté sous caution le 8 août 1992 à condition qu'il ne fasse pas de déclarations à la presse, qu'il se présente à un fonctionnaire du gouvernement et qu'il ne se rende pas à l'étranger sans l'autorisation du gouvernement.
  2. 600. Le gouvernement ajoute que, par jugement rendu le 4 septembre 1992, la Haute Cour a décidé que le cas de M. Chihana devait être déféré à un tribunal. Le tribunal, sur réquisition du procureur public principal conformément à l'article 289 du Code de procédure pénale (8:01), a renvoyé l'intéressé à la Haute Cour pour jugement. Il a été jugé lors d'un procès public en décembre 1992.
  3. 601. Le 14 décembre 1992, M. Chihana a été reconnu coupable par la Haute Cour de deux chefs d'inculpation, à savoir l'importation et la détention illégale de publications subversives, en violation de l'article 51(2) du Code pénal. Le gouvernement ne fournit pas d'autres détails sur le cas. M. Chihana a été condamné à dix-huit mois de prison avec travail forcé pour le premier chef d'inculpation et à vingt-quatre mois de détention avec travail forcé pour le second chef d'inculpation, les deux sentences étant concomitantes.
  4. 602. En ce qui concerne la fermeture des bureaux du SATUCC, le gouvernement indique qu'il avait autorisé le SATUCC à fonctionner au Malawi car il reconnaissait l'importance du rôle que ses bureaux pouvaient jouer dans le développement des relations professionnelles pour l'ensemble de la sous-région d'Afrique australe.
  5. 603. Le gouvernement déclare également que, si les bureaux du SATUCC ont été fermés, c'est parce que M. Chihana était sorti de son rôle en se livrant à des activités politiques contraires aux objectifs du SATUCC. Le 16 décembre 1992, le ministre du Travail a rencontré des membres du conseil exécutif du SATUCC qui lui ont présenté une demande de réouverture des bureaux du SATUCC. Cette demande est actuellement étudiée par le gouvernement.
  6. 604. Le gouvernement indique enfin que, au Malawi, la liberté syndicale est garantie par la loi sur les syndicats (chapitre 54:01) et que les activités antigouvernementales de M. Chihana et son arrestation étaient totalement étrangères à un syndicalisme légitime tel que régi par la législation et pratiqué au Malawi.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 605. Le comité note que le présent cas concerne les allégations suivantes: arrestation de M. Chakufwa Chihana, secrétaire général du Conseil de coordination syndicale d'Afrique australe (SATUCC), à son retour au Malawi après avoir assisté à des réunions syndicales en Zambie; arrestation de six salariés du SATUCC; saccage des bureaux du SATUCC; licenciement de l'épouse de M. Chihana; crainte d'autres salariés du SATUCC d'être arrêtés; refus de permettre à un avocat de s'entretenir avec M. Chihana; menaces contre des membres des familles des personnes arrêtées.
  2. 606. Le comité exprime sa profonde préoccupation devant la gravité de ce cas. Le comité rappelle au gouvernement qu'un mouvement syndical authentiquement libre et indépendant ne peut se développer que lorsque les droits fondamentaux de l'homme sont pleinement respectés et garantis (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 68). Ainsi qu'il est dit dans la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970, l'absence de libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux, et les droits conférés aux organisations de travailleurs et d'employeurs doivent se fonder sur le respect des libertés civiles (Recueil, paragr. 72).
  3. 607. En ce qui concerne l'arrestation de M. Chihana, le comité prend note du fait qu'il a été détenu pendant plus de trois mois sans inculpation et s'est vu refuser le droit de consulter un avocat de son choix. Le comité rappelle que les syndicalistes détenus doivent, à l'instar des autres personnes, bénéficier d'une procédure judiciaire régulière et avoir le droit à une bonne administration de la justice, à savoir notamment le droit d'être informés des accusations qui pèsent contre eux, de disposer du temps et des moyens nécessaires à la préparation de leur défense, de communiquer sans entraves avec le conseil de leur choix, et d'être jugés sans retard par une autorité judiciaire impartiale et indépendante (Recueil, paragr. 110). Le comité estime que le maintien en détention de M. Chihana pendant plus de trois mois par le gouvernement, sans inculpation, et le refus initial de l'autoriser à consulter un avocat de son choix n'étaient pas conformes avec ces principes de bonne administration de la justice.
  4. 608. Le comité note également l'allégation de la CISL selon laquelle les forces de sécurité ont arrêté M. Chihana à son arrivée à l'aéroport de Lilongwe après qu'il eut assisté à des réunions syndicales organisées à Lusaka, Zambie, sous l'égide du SATUCC et de la Commission du travail pour l'Afrique australe (SALC). Dans sa réponse, le gouvernement déclare d'une façon générale que M. Chihana est sorti du cadre des objectifs du SATUCC, que les charges retenues contre lui ne concernaient pas des activités syndicales et que M. Chihana avait été reconnu coupable d'importation et de détention de publications subversives. Le comité note que, si les personnes qui participent à des activités syndicales ou qui détiennent des postes syndicaux ne sauraient se prévaloir d'une immunité au regard de la loi pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas, par elles-mêmes, être utilisées par les autorités comme prétexte à l'arrestation arbitraire ou à la détention de syndicalistes (Recueil, paragr. 90). Etant donné que, selon les renseignements fournis par le gouvernement, M. Chihana a été reconnu coupable d'accusations qui, de l'avis du comité, pourraient être liées à ses activités syndicales, le comité demande sa libération immédiate.
  5. 609. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les forces de sécurité ont saccagé et fermé les bureaux du SATUCC à Lilongwe et arrêté et emprisonné six salariés du SATUCC, le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle celui-ci a fermé les bureaux en raison des charges retenues contre M. Chihana. Le comité estime que, quelles que soient les charges reconnues contre M. Chihana, l'arrestation de celui-ci n'aurait pas dû avoir d'influence sur les activités du SATUCC. Le comité rappelle que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l'une des libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux (voir Recueil, paragr. 204), et que l'occupation des locaux syndicaux peut constituer une grave ingérence des autorités dans les activités syndicales (voir Recueil, paragr. 202).
  6. 610. Le comité regrette également que le gouvernement n'ait pas donné d'informations sur les autres allégations: les faits relatifs au saccage des bureaux du SATUCC; l'arrestation et l'emprisonnement de six salariés du SATUCC; les menaces contre d'autres salariés et le licenciement de l'épouse de M. Chihana. Il invite le gouvernement à lui communiquer des renseignements détaillés sur ces sujets. En outre, le comité veut croire que le gouvernement, conformément aux principes fondamentaux de la liberté syndicale, autorisera rapidement la réouverture et le libre fonctionnement des bureaux du SATUCC. Il demande au gouvernement de le tenir informé de toutes mesures prises à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 611. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime sa profonde préoccupation devant la gravité des allégations présentées et rappelle qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que si les droits fondamentaux de l'homme sont pleinement respectés et garantis.
    • b) Regrettant que M. Chihana ait été détenu pendant plus de trois mois sans inculpation et sans être autorisé à voir le conseil de son choix, le comité condamne ces faits, non conformes aux principes fondamentaux d'une bonne administration de la justice.
    • c) Le comité demande au gouvernement de libérer immédiatement M. Chihana.
    • d) Le comité demande au gouvernement de fournir des renseignements détaillés sur les allégations relatives au saccage des bureaux du SATUCC, à l'arrestation et à la détention de six salariés, aux menaces formulées contre d'autres salariés et au licenciement de l'épouse de M. Chihana.
    • e) Le comité veut croire que le gouvernement autorisera rapidement la réouverture et le libre fonctionnement des bureaux du SATUCC. Il invite le gouvernement à le tenir informé de toutes mesures prises à cet égard.
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