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535. Dans une communication datée du 3 mai 1995, l'Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Zaïre.

  1. 535. Dans une communication datée du 3 mai 1995, l'Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement du Zaïre.
  2. 536. Depuis lors, le comité, en l'absence des informations et observations du gouvernement sur ce cas, a dû ajourner l'examen de cette plainte à plusieurs reprises. A sa session de novembre 1995, il a adressé un appel pressant au gouvernement lui demandant de transmettre d'urgence ses observations et informations sur ce cas et l'informant de ce que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d'administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l'affaire même si ses observations et informations n'étaient pas reçues à temps. Depuis lors, le gouvernement n'a pas fourni d'informations.
  3. 537. Le Zaïre n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 538. L'organisation plaignante se réfère à l'arrestation arbitraire de syndicalistes de la Direction générale des contributions à Kinshasa. Elle explique, dans sa communication du 3 mai 1995, que la Direction générale des contributions est un service public chargé, sous la tutelle du ministère des Finances, de collecter les contributions dues à l'Etat. Son personnel se trouve sur tout le territoire national et relève du statut de la fonction publique. Depuis quatre ans, ce personnel s'est doté d'un comité syndical provisoire chargé de le représenter auprès de l'employeur, comité reconnu par la direction générale qui l'associait aux discussions et négociations relatives aux problèmes, revendications et autres suggestions du personnel. Ce comité a adhéré au Directoire national des agents et fonctionnaires de l'Etat (DINAFFET-aile Gandir).
  2. 539. Or l'organisation plaignante allègue que les rapports entre le personnel et la direction générale se sont détériorés depuis la nomination de l'actuel directeur général, M. Gaston Mongbondo Djumambele, à la tête de la Direction générale des contributions:
    • - le comité syndical a soulevé les revendications du personnel, cependant la direction générale ne lui a pas répondu;
    • - un cahier des charges a été déposé, et le directeur général a répondu qu'il ne négocierait pas avec le syndicat;
    • - le personnel a estimé que son comité syndical était complice de l'employeur au vu de l'immobilisme consécutif au dépôt de ce cahier; et
    • - l'employeur a accusé les syndicalistes d'être des meneurs de tous les mouvements, remous et arrêts momentanés du travail du personnel.
  3. 540. Selon l'organisation plaignante, n'ayant pas d'arguments pour réfuter les revendications du personnel, le directeur général a usé de voies de fait obtenant l'arrestation arbitraire des syndicalistes:
    • - le 8 mars 1995, après les heures de travail, aux alentours de l'Hôtel de ville, c'est-à-dire non loin des bureaux de la Direction générale des contributions, des hommes en uniforme ont débarqué d'une voiture, enlevé les syndicalistes Okitalomé Pené Ngongo et Masudi Bin Omari et les ont conduits au cachot du quartier général de la garde civile;
    • - le troisième syndicaliste Lokombe Loteke les a rejoints le 9 mars 1995 au matin après avoir été arrêté en plein travail dans son bureau sur ordre du directeur général par les militaires.
  4. 541. D'après les allégations, les conditions de détention de ces syndicalistes étaient déplorables:
    • - pas de visite extérieure en dehors des avocats;
    • - pas d'habillement;
    • - pas de restauration et hygiène inexistante.
      • Cependant, ces syndicalistes n'ont pas subi de sévices corporels étant donné que les militaires se sont solidarisés avec eux et ont refusé de les torturer en indiquant que "ces syndicalistes défendaient la cause de tout le monde, y compris d'eux-mêmes".
    • 542. A la suite des fortes pressions de plusieurs organisations de droits de l'homme, d'organisations syndicales et de la presse écrite, ces trois syndicalistes ont été libérés le 13 mars 1995 dans l'après-midi sans avoir été inculpés ni entendus par quelque autorité judiciaire que ce fut et sans le moindre document attestant de leurs arrestation, incarcération et sortie. Ils ont refusé de signer une déclaration, préparée à l'avance, de demande de clémence à l'adresse du directeur général.
  5. 543. Après leur libération, le directeur général a assuré dans un premier temps le comité syndical de l'ouverture de négociations sur toutes les revendications. Cependant, il lui a fait faux bond à plusieurs reprises et, le 17 avril 1995, les syndicalistes MM. Okitalomé et Mbelu Tshimanga, qui voulaient prendre contact avec lui sur la date des négociations, ont été à nouveau arrêtés par les militaires et conduits au cachot du Parquet de grande instance de la Gombe. Quant à M. Lokombe, il a également été arrêté et conduit dans le même cachot le 18 avril par l'inspecteur Hemedi chargé d'instruire le dossier.
  6. 544. Les trois syndicalistes arrêtés ont été placés en garde à vue plus de quarante-huit heures, puis transférés à la prison centrale de Makala le 21 avril 1995 dans l'attente de jugement. A la demande du médecin du syndicaliste Lokombe, vu la dégradation de la santé de l'intéressé, celui-ci a été libéré avec obligation de répondre à tout appel du Parquet. La santé de ses deux camarades restés en prison lui inspire de grandes craintes, car les conditions de détention y sont pires qu'au cachot de la garde civile.
  7. 545. L'organisation plaignante dénonce le fait que le directeur général refuse de négocier avec le comité syndical car, selon elle, il veut gérer les fonds de l'Etat sans contrôle. Les revendications du personnel constituent donc des entraves à ses ambitions et il souhaite éliminer les syndicalistes. Cependant, ceux-ci ne cherchent qu'à négocier pour répondre aux attentes du personnel en tenant compte des ressources limitées de la Direction générale des contributions.
  8. 546. L'organisation plaignante explique qu'au niveau national l'UNTZA informée de l'affaire avait, en sa qualité de syndicat le plus représentatif du Zaïre, multiplié les démarches et les contacts auprès des autorités gouvernementales pour obtenir la libération des camarades arrêtés arbitrairement pour cause d'exercice de leurs activités syndicales. Parallèlement, l'UNTZA a rappelé aux pouvoirs publics l'existence de la loi sur la liberté syndicale et cherché à les convaincre de l'impérieuse nécessité pour eux de la respecter afin de favoriser l'émergence d'un état de droit. Elle a saisi par la télévision et la radio l'opinion publique tant nationale qu'internationale. Elle tient en outre à un procès juste et équitable qui servirait de leçon à tous les autres à la suite des condamnations qui frapperont les auteurs de tels actes. Elle souhaite également que les conditions de travail et de vie du personnel de la Direction générale des contributions fassent l'objet de négociations avec les syndicalistes dès qu'ils seront libérés.
  9. 547. Enfin, au plan international, en collaboration avec la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), l'UNTZA a décidé de porter plainte auprès du Comité de la liberté syndicale de l'OIT pour violation manifeste par le directeur général, M. Mongbondo, des droits syndicaux reconnus au personnel de la Direction générale des contributions et à leur comité syndical d'organiser leurs activités et de formuler leur programme d'action sans ingérence des pouvoirs publics. Elle souhaite que des pressions soient exercées sur le gouvernement du Zaïre, qui est l'autorité de tutelle de la Direction générale des contributions, pour qu'il se ressaisisse et qu'il ordonne la libération des syndicalistes et les déclare libres de toute poursuite.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 548. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de cette plainte et bien qu'il ait invité le gouvernement à le faire à plusieurs reprises, y compris par le moyen d'un appel pressant, le gouvernement n'ait pas formulé ses commentaires et observations sur les allégations présentées par l'organisation plaignante.
  2. 549. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable (voir 127e rapport du comité, paragr. 17, approuvé par le Conseil d'administration à sa 184e session), le comité se voit dans l'obligation de présenter un rapport sur le fond de l'affaire, même si les informations qu'il attendait du gouvernement n'ont pas été reçues.
  3. 550. Observant avec un profond regret que, pour la seconde fois, le gouvernement n'a pas répondu aux allégations portées contre lui (voir cas no 1818, 300e rapport, paragr. 350 à 370, approuvé par le Conseil d'administration en novembre 1995), mais tout en ayant conscience de la difficile situation qui prévaut dans le pays, le comité rappelle à nouveau au gouvernement que l'objectif des procédures établies par l'Organisation internationale du Travail pour l'examen des allégations de violation de la liberté syndicale est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Si ces procédures protègent les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses détaillées et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigés contre eux. (Voir premier rapport du comité, paragr. 31.)
  4. 551. Le comité relève avec préoccupation la gravité des allégations présentées par l'organisation plaignante dans le présent cas qui concerne des arrestations et des détentions de syndicalistes ainsi que le refus du gouvernement de négocier avec un comité syndical représentatif dans le secteur des contributions publiques.
  5. 552. Le comité regrette profondément l'arrestation et la détention alléguées sans chefs d'inculpation de quatre syndicalistes MM. Okitalomé, Masudi Bin Omari, Mbelu Tshimanga et Lokombe en mars puis en avril 1995, même si l'un d'eux a été libéré rapidement pour des raisons de santé. A cet égard, le comité rappelle au gouvernement que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux légitimes, même si c'est pour une courte durée, constituent une grave violation des principes de la liberté syndicale (voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 69, 70 et 75), et en particulier que l'arrestation de dirigeants syndicaux sans qu'aucun délit spécifique soit retenu contre eux entraîne des entraves à l'exercice des droits syndicaux (op. cit., paragr. 82). Le comité demande donc instamment au gouvernement de s'abstenir à l'avenir d'avoir recours à de telles actions et de le tenir informé de l'évolution de la situation des syndicalistes mentionnés par l'organisation plaignante et plus particulièrement d'indiquer si les syndicalistes nommément désignés par l'organisation plaignante ont été libérés depuis et de préciser si des poursuites judiciaires ont été engagées contre eux et quelle en a été l'issue.
  6. 553. S'agissant des allégations relatives au refus de la Direction générale des contributions d'engager des négociations avec le personnel de ce service public, le comité regrette vivement que le gouvernement n'ait pas formulé de commentaire à cet égard. Le comité rappelle d'une manière générale l'importance qu'il attache au respect des principes contenus dans la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et il lui demande notamment de prendre des mesures pour encourager et promouvoir des procédures permettant la négociation des conditions d'emploi entre les autorités publiques et les organisations représentatives d'agents publics, y compris dans le secteur de la Direction générale des contributions, et de s'abstenir à l'avenir de refuser aux organisations syndicales représentatives l'accès aux négociations. Le comité demande au gouvernement de soumettre ses observations à cet égard le plus rapidement possible.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 554. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette que le gouvernement n'ait pas répondu aux graves allégations présentées par l'organisation plaignante, bien qu'il ait été invité à le faire à plusieurs reprises.
    • b) Le comité, rappelant que l'arrestation et la détention de dirigeants syndicaux pour activités liées à l'exercice de leurs droits syndicaux légitimes constituent une grave violation des principes de la liberté syndicale, demande au gouvernement de s'abstenir à l'avenir d'avoir recours à de telles mesures et de le tenir informé de l'évolution de la situation des syndicalistes mentionnés dans la plainte, en particulier d'indiquer si des poursuites judiciaires ont été engagées contre eux et quelle en a été l'issue.
    • c) Le comité demande instamment au gouvernement de s'abstenir de refuser aux organisations syndicales représentatives l'accès aux négociations des conditions d'emploi dans les services publics en général, et le service des contributions en particulier. Il lui demande de soumettre ses observations le plus rapidement possible sur le refus d'engager des négociations avec le personnel de la Direction générale des contributions.
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