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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 306, Marzo 1997

Caso núm. 1891 (Rumania) - Fecha de presentación de la queja:: 19-JUN-96 - Cerrado

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556. La Confédération nationale des syndicats libres de Roumanie-FRATIA (CNSLR-FRATIA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Roumanie, dans une communication datée du 19 juin 1996. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s'est associée à cette plainte dans une communication du 8 juillet 1996. Le gouvernement a soumis ses observations dans une communication en date du 28 octobre 1996.

  1. 556. La Confédération nationale des syndicats libres de Roumanie-FRATIA (CNSLR-FRATIA) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Roumanie, dans une communication datée du 19 juin 1996. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) s'est associée à cette plainte dans une communication du 8 juillet 1996. Le gouvernement a soumis ses observations dans une communication en date du 28 octobre 1996.
  2. 557. La Roumanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 558. Dans sa communication du 19 juin 1996, la CNLSR-FRATIA indique qu'elle porte plainte au nom de ses affiliés, le Syndicat libre et le Syndicat "Viitorul" ("L'avenir") de la société commerciale CELROM SA, Drobeta Turnu Severin, département de Mehedinti. La CNLSR-FRATIA se réfère premièrement à l'action de la police contre les grévistes de la société CELROM SA et deuxièmement à certaines dispositions de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, particulièrement l'article 30.
  2. 559. Selon l'organisation plaignante, pendant la nuit du 19 au 20 mars 1996, la police a utilisé la force contre les grévistes. L'organisation fait valoir que cette action viole le droit des syndicats d'organiser et de formuler leurs programmes d'action énoncé à l'article 3 de la convention no 87. L'organisation explique que les travailleurs étaient en grève après des essais infructueux de la Direction du travail et de la sécurité sociale en vue de résoudre le conflit par la conciliation et après des négociations qui se sont déroulées sans succès entre les représentants des syndicats et des salariés et la direction de l'entreprise.
  3. 560. L'intervention de la police s'est déroulée à 4 heures du matin. Elle était motivée par l'exécution d'une décision judiciaire qui visait à rétablir l'accès de la direction dans l'entreprise. La grève ayant eu lieu avec occupation des lieux de travail, les grévistes se trouvaient à l'intérieur de l'entreprise. L'organisation plaignante allègue que la police est entrée en attaquant les grévistes, malgré le fait que la loi prévoit d'autres moyens (tels que l'élaboration de dossiers de mise en jugement); en outre, elle est entrée pendant la nuit, alors que la loi précise que cela ne peut se faire avant 8 heures du matin, et elle n'était pas accompagnée par des huissiers ou par le procureur. Elle est donc intervenue violemment contre des travailleurs qui exerçaient pacifiquement leur droit de grève, alors qu'il n'y avait eu ni destruction de biens ni aucun autre acte de violence.
  4. 561. D'après les documents communiqués par les plaignants, la société CELROM SA produit du carton ondulé et du papier. Elle compte 1 200 travailleurs, dont 800 environ sont syndiqués au sein du syndicat CELROM et une trentaine auprès de deux autres syndicats. Le conflit du travail, qui a débuté le 15 février 1996, se situe dans un contexte complexe de privatisation. La grève déclenchée par le syndicat a été suivie d'une grève spontanée, menée par des représentants élus des grévistes. Ces derniers ont refusé d'appliquer la décision du tribunal visant l'accès de la direction dans l'entreprise. Après deux présentations infructueuses de la décision du tribunal par la police, celle-ci est intervenue, pendant la nuit du 19 au 20 mars 1996, avec un effectif de 200 à 300 hommes. Les syndicats ont immédiatement protesté contre cette action. Le 20 mars, la Cour suprême de justice a pris une décision de suspension de la grève pour une durée de 50 jours. Le ministère de l'Intérieur a fait une enquête sur le conflit, mais son rapport n'a pas été rendu public. Un représentant du syndicat CNSLR-FRATIA et un représentant de la CISL ont rencontré les grévistes et ont dressé un rapport, dont il ressort que les policiers ont enfoncé des portes de l'entreprise, gardée la nuit par une trentaine de grévistes, mais que, averties de l'intervention, environ 350 personnes s'étaient rendues sur les lieux; qu'il y a eu des affrontements entre la police et les grévistes, dont plusieurs ont reçu des coups et au moins un a été blessé. Les policiers ont quitté l'établissement vers 9 heures du matin. Le 9 avril, le tribunal de Mehedinti a rendu une décision définitive selon laquelle la grève était déclarée légale. Les salariés ont repris le travail le 13 mai 1996.
  5. 562. Sur le deuxième point, concernant la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, l'organisation plaignante cite la teneur de l'article 30 qui dispose: "A la demande des directeurs des unités dans lesquelles un conflit collectif a été déclenché, la Cour suprême de justice peut suspendre le déclenchement ou la poursuite de la grève pour un délai de 90 jours au plus si les intérêts majeurs de l'économie nationale ou les intérêts d'ordre humanitaire sont affectés". Selon l'organisation plaignante, cette disposition a donné la possibilité à la Cour suprême de justice, par une interprétation abusive, de suspendre la grève dans la société CELROM SA pour une période de 50 jours. La CNLSR-FRATIA mentionne les commentaires de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT qui avait demandé au gouvernement de modifier la disposition en question. L'organisation plaignante souligne que l'article 30 de la loi en cause produit ses effets dans la suspension de la grève de CELROM SA et dans d'autres cas, sans que la preuve ait été faite que ces grèves affectaient des intérêts humanitaires ou l'économie nationale.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 563. Dans sa communication du 28 octobre 1996, le gouvernement affirme que l'intervention des forces de l'ordre dans le conflit collectif de la société CELROM SA s'est faite dans le cadre de l'observation des dispositions légales en la matière. En particulier, selon la loi no 26 de 1994 sur l'organisation et le fonctionnement de la police et l'article 373 du Code de procédure civile, les forces de l'ordre sont tenues d'accorder leur appui en vue de l'exécution d'une décision de justice et pour rétablir l'état de légalité. Le gouvernement relève que la grève déclenchée par les salariés de la société CELROM a été déclarée illégale par le tribunal de Drobeta Turnu Severin et par la sentence civile no 2354 du 14 mars 1996. Cette même instance, aux termes de l'article 581 du Code de procédure civile et de l'article 28 de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, a reconnu le droit du directeur de l'unité d'entrer dans l'établissement afin de remplir ses tâches. La décision judiciaire, selon le gouvernement, prévoit l'exécution d'office, sans sommation et sans délai.
  2. 564. Etant donné qu'il n'a pas été possible de mettre en application la sentence mentionnée, à cause de l'opposition des grévistes, poursuit le gouvernement, le tribunal a sollicité de manière expresse (par demande no 302/R/1996 fondée sur l'article 373, alinéa 4, du Code de procédure civile qui prévoit que, lorsque l'huissier le juge nécessaire, les forces de l'ordre sont tenues de lui accorder leur concours afin d'effectuer l'exécution forcée) l'appui de la police pour la mise en exécution de la décision judiciaire définitive. L'intervention des forces de police est également jusitifiée, selon le gouvernement, par les dispositions de l'article 46 (1) de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, qui prévoit que le fait, par menaces ou violences, d'empêcher ou d'obliger un salarié ou un groupe de salariés de participer à la grève ou de travailler durant la grève constitue une infraction punissable d'emprisonnement ou d'amende ou, le cas échéant, de peines plus graves. Les attributions de la police, conformément à l'article 1 de la loi no 26 sur l'organisation et le fonctionnement de la police, comportent celles qui visent la défense des droits et libertés fondamentaux des citoyens.
  3. 565. A la lumière des faits et des dispositions légales mentionnés, le gouvernement considère que l'intervention des forces de l'ordre à l'appui de l'huissier n'a pas visé à impliquer la police dans le conflit collectif dans la société CELROM SA, et que l'exercice du droit de grève des salariés de la société n'a pas été affecté.
  4. 566. En ce qui concerne l'article 30 de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, conformément aux prérogatives établies par la loi, aucune instance, y compris la Cour suprême de justice, ne peut suspendre l'exercice du droit de grève comme tel, c'est-à-dire le droit des syndicats de déclencher une grève. La disposition permet uniquement à la Cour suprême de justice de retarder le déclenchement ou de suspendre la grève.
  5. 567. Quant aux raisons de la suspension de la grève dans la société CELROM SA Drobeta Turnu Severin, elles étaient connues des parties par le contenu de la décision prononcée par la Cour suprême de justice.
  6. 568. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale se préoccupe en permanence du perfectionnement du système législatif dans le domaine du travail, en vue de l'harmonisation avec les réglementations européennes. La modification de la loi sur le règlement des conflits collectifs du travail en fait partie, mais il y a lieu de tenir compte de la complexité particulière du processus de changement législatif.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 569. Le comité note que les allégations formulées dans le présent cas portent sur l'intervention violente des forces de police dans une entreprise occupée par des grévistes ainsi que sur l'application de l'article 30 de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs qui établit les conditions de suspension d'une grève.
  2. 570. S'agissant de l'allégation selon laquelle la police est violemment intervenue contre les grévistes dans la nuit du 19 au 20 mars 1996, dans l'enceinte de la société CELROM, le comité observe que le gouvernement ne réfute pas l'allégation mais justifie cette intervention qui avait pour but d'obtenir l'exécution d'une décision judiciaire reconnaissant le droit au directeur d'entrer dans l'établissement et de rétablir la légalité. En premier lieu, le gouvernement relève que la police a agi en conformité avec les dispositions légales. Ensuite, le gouvernement fait valoir que la grève déclenchée par les salariés de la société CELROM SA a été déclarée illégale par le tribunal de Drobeta Turnu Severin et par la sentence civile no 2354 du 14 mars 1996. La décision judiciaire prévoyait l'exécution d'office, sans sommation et sans délai. Etant donné qu'il n'a pas été possible de mettre en application la sentence, le tribunal a demandé l'appui de la police pour la mise en exécution de la décision définitive. L'organisation plaignante, de son côté, reconnaît que l'intervention de la police a été motivée par l'exécution forcée de la décision judiciaire qui permettait l'accès de la direction à l'entreprise, mais elle affirme que la police a violé la loi, parce qu'elle a utilisé la force pour attaquer les grévistes, que l'intervention a eu lieu de nuit, et qu'elle n'était accompagnée ni d'un huissier, ni du procureur. Enfin, les grévistes exerçaient pacifiquement leur droit de grève. Le comité constate que le gouvernement ne fournit aucune information sur les circonstances qui auraient motivé l'intervention nocturne de la police ni celles dans lesquelles les violences ont eu lieu.
  3. 571. Le comité considère que, s'il a été fait appel à la police pour permettre l'accès des membres de la direction à l'entreprise occupée par les grévistes en application d'une décision de justice en bonne et due forme, cela ne constitue pas une atteinte aux principes de la liberté syndicale. Il semble toutefois que certaines règles et garanties applicables aux interventions de la force publique n'ont pas été entièrement observées. Le comité considère que, si les travailleurs et leurs organisations sont tenus de respecter la légalité (article 8, alinéa 1, de la convention no 87), l'intervention des forces de police pour obtenir l'exécution d'une décision judiciaire visant des grévistes, devrait quant à elle respecter les garanties élémentaires applicables dans tout système respectueux des libertés publiques fondamentales.
  4. 572. Pour ce qui est de l'article 30 de la loi no 15 sur le règlement des conflits collectifs, qui autorise la Cour suprême de justice à suspendre une grève pour une période de 90 jours au plus, à la demande des employeurs, si la grève risque d'affecter des intérêts majeurs pour l'économie nationale ou des intérêts d'ordre humanitaire, le comité note que cette disposition a été appliquée sans que la preuve ait été faite que ces grèves affectaient les intérêts humanitaires ou l'économie nationale. Le comité observe que la société CELROM SA produit du papier et du carton, qu'elle compte 1 200 travailleurs et qu'il serait difficile d'admettre que l'arrêt de travail dans une telle entreprise soit, par définition, propre à engendrer un état de crise nationale aiguë.
  5. 573. Le comité a déjà examiné l'application de l'article 30 de la loi no 15 dans le cadre du cas no 1788. (Voir 297e rapport, paragr. 316 à 366.) Il avait constaté que les violations aux principes de la liberté syndicale dans ce cas ont eu pour origine l'article 30 de la loi et avait demandé au gouvernement de prendre l'initiative de faire abroger cette disposition. Le comité note que la même disposition a fait l'objet de commentaires répétés de la commission d'experts qui a rappelé dans son observation la plus récente la nécessité de modifier ou d'abroger cette disposition.
  6. 574. Dans le cas d'espèce, le comité considère que les restrictions ainsi imposées sont allées au-delà des restrictions acceptables et ont donc porté atteinte aux principes de la liberté syndicale. Constatant que les violations aux principes de la liberté syndicale relevées dans le présent cas ont pour origine, une fois de plus, la disposition en question et estimant que les pouvoirs de la Cour devraient être circonscrits aux cas de grève dans les services essentiels au sens strict du terme, le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour l'abroger dans les plus brefs délais.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 575. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les conclusions suivantes:
    • a) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre des mesures pour que la législation sur les conflits collectifs soit modifiée dans le sens indiqué dans ses conclusions, en particulier les dispositions restrictives au droit de grève, et que soit abrogé sans délai le pouvoir de la Cour suprême de suspendre l'exercice du droit de grève pour une durée excessive et si elle juge que des intérêts majeurs pour l'économie peuvent être affectés. Il le prie de le tenir informé de l'avancement des travaux de révision de la législation dont il a fait état et de lui transmettre la copie des projets de loi sur la résolution des conflits collectifs.
    • b) Le comité recommande au gouvernement de s'assurer que l'intervention de la force publique, si elle est rendue nécessaire pour obtenir l'exécution de décisions judiciaires visant des grévistes, se déroule dans le respect des garanties élémentaires applicables dans tout système respectueux des libertés publiques fondamentales.
    • c) Le comité attire l'attention de la commission d'experts sur les aspects législatifs de ce cas au regard des conventions nos 87 et 98.
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