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Informe provisional - Informe núm. 308, Noviembre 1997

Caso núm. 1934 (Camboya) - Fecha de presentación de la queja:: 08-JUL-97 - Cerrado

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85. Dans sa communication du 8 juillet 1997, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Cambodge. Des informations supplémentaires ont été soumises par communication du 17 septembre 1997.

  1. 85. Dans sa communication du 8 juillet 1997, la Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement du Cambodge. Des informations supplémentaires ont été soumises par communication du 17 septembre 1997.
  2. 86. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 19 août 1997, mais n'a pas encore pu présenter ses commentaires sur les informations supplémentaires.
  3. 87. Le Cambodge n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du syndicat plaignant

A. Allégations du syndicat plaignant
  1. 88. Dans sa communication du 8 juillet 1997, la CMT dénonce des violations du droit d'organisation et du droit de grève, ainsi que d'autres droits syndicaux et des libertés civiles.
    • Situation générale
  2. 89. La CMT fait valoir que les élections démocratiques au Cambodge et la pacification du pays ont amené des investisseurs étrangers à établir des entreprises, particulièrement dans le secteur de la confection textile dont la quasi-totalité du personnel est composée de jeunes filles issues de familles paysannes pauvres. L'organisation plaignante décrit les conditions de travail dans les industries de la confection: 14 heures de travail par jour, 7 jours par semaine; travail supplémentaire obligatoire; salaires de 30 dollars des Etats-Unis (inférieurs au minimum vital); retenues sur salaires par l'employeur pour frais d'examens médicaux, formation, valeur du matériel confié, etc.; réductions de salaires en cas de traitement médical occasionné par un accident professionnel; absence de protection en cas de maladie ou de maternité; absence de protection contre les licenciements; manquements dans le domaine de la sécurité et de la santé.
  3. 90. Des travailleurs ont fait l'objet d'insultes et de coups, certains ont été enfermés dans les usines. Ils ont été frappés lors de manifestations et dans l'enceinte des usines. Certains travailleurs ont été giflés simplement pour s'être déplacés pendant les heures de travail. Plusieurs témoignages ont été recueillis à cet égard. Ces violences ont été le fait de la police ou des gardes de l'usine. Le secrétaire d'Etat aux Affaires sociales a écrit aux employeurs pour leur rappeler leurs obligations en la matière. La fouille corporelle des travailleuses est une pratique courante. L'accès restreint aux toilettes est un autre exemple des humiliations dégradantes infligées aux travailleurs, qui doivent utiliser des coupons rationnés limitant l'usage des toilettes à une seule fois par jour. Selon l'organisation plaignante, l'inspection du travail, d'une part, et le système judiciaire, d'autre part, sont très insuffisants. Dans sa communication supplémentaire du 17 septembre 1997, l'organisation plaignante affirme qu'il n'y a pas eu d'amélioration dans les conditions de travail.
    • Création du Syndicat SLORC
  4. 91. C'est dans ce contexte qu'il convient de situer la création, le 10 décembre 1996, par un groupe de 158 travailleurs de l'une des plus grandes usines du pays, de la première organisation syndicale, le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC). Le syndicat a rapidement compté près de 5 000 membres.
  5. 92. En vue d'améliorer les conditions de travail, le syndicat a mené des actions pacifiques, entamé des négociations et conclu des accords sur les salaires et les conditions de travail avec quatre entreprises. Toutefois, de nombreuses entreprises ont refusé au syndicat le droit à l'existence; des employeurs ont recouru à des actions brutales pour affaiblir la détermination des travailleurs et entraver leurs activités syndicales légitimes. Le syndicat a fait l'objet, par ailleurs, de mesures répressives de la part de l'Etat.
    • Grèves
    • Cambodia Garment Ltd.
  6. 93. Selon l'organisation plaignante, le 17 décembre 1996, le SLORC a organisé la première grève de l'histoire moderne du Cambodge, dans l'usine Cambodia Garment, en protestation contre les conditions de travail, contre les tentatives de démembrer le syndicat récemment créé et contre les mauvais traitements infligés aux travailleurs par leurs chefs. Il réclamait aussi le respect des droits de l'homme, un salaire minimum de 50 dollars, une semaine de travail de 40 heures et le paiement du congé maternité. Près de 4 000 travailleurs de l'usine Cambodia Garment se sont mis en grève. Lors de cette grève, les gardes de l'entreprise tirèrent en l'air avec leurs armes à feu pour intimider les travailleurs et les disperser.
  7. 94. Les trois dirigeantes principales du nouveau syndicat, Mmes Mary Ou, la présidente, Om Navy et Phuong Sophon, ont été retenues de force par la direction de l'usine et menacées de licenciement. Elles ont été interrogées pendant toute une matinée par les directeurs sur leur participation à la création du syndicat et elles ont ensuite été relâchées.
    • Gennon Manufacturing
  8. 95. Les travailleurs de l'entreprise Gennon Manufacturing se sont mis en grève pour appuyer leurs revendications. Un représentant de la direction refusa de négocier avec les grévistes en affirmant que le syndicat était une organisation illégale. Une employée de l'usine a été licenciée après avoir déposé une plainte auprès du tribunal municipal de Phnom Penh, le 2 janvier 1997, contre les directeurs qui lui avaient imposé une fouille corporelle en présence d'autres employés.
    • Tack Fat Garment
  9. 96. Les travailleurs de l'entreprise Tack Fat se sont élevés contre les pratiques de retard dans le paiement des salaires; licenciement systématique des travailleurs en cas de plainte; diminutions arbitraires de salaires; enfermement des travailleurs pour les obliger à effectuer des heures de travail supplémentaires sous peine de suspension et réduction du salaire en cas de refus, et de licenciement en cas de deuxième refus.
  10. 97. Les travailleurs de l'usine ont fait grève le 3 janvier 1997 en vue d'améliorer leurs conditions de travail. La direction a cherché à briser la grève en enfermant 200 grévistes. Le 4 janvier, le syndicat organisa une manifestation pacifique pour soutenir les revendications. L'entreprise menaça de refuser de payer le salaire de décembre si les travailleurs ne mettaient pas fin à la grève. La manifestation, réunissant principalement des femmes, fut violemment réprimée par la police, commandée par le chef de la police de Phnom Penh en personne. La police avait été envoyée sur les lieux sur ordre du ministre de l'Intérieur. Elle fit usage de lances à incendie et frappa les travailleurs. Certains d'entre eux, dont des femmes, furent blessés, et d'autres furent arrêtés par la police. Une femme fut admise à l'hôpital, blessée à la tête après avoir été jetée à terre par le jet à incendie. Une autre fut blessée par les coups qui lui furent portés avec la crosse d'un fusil par un policier. Yem Sarin, un travailleur de 29 ans, eut la bouche tuméfiée suite aux coups de poings assénés par la police. Men Peuv, âgée de 27 ans, poussée par un policier contre un mur, eut de fortes éraflures au visage.
  11. 98. Le 6 janvier, 500 travailleurs qui réclamaient le paiement des salaires de décembre s'assemblèrent devant l'usine. La police et les unités anti-émeutes intervinrent. Les dirigeants syndicaux appelèrent les travailleurs à entrer dans l'enceinte pour éviter les violences. La police entra dans l'usine et ordonna par haut-parleurs aux travailleurs de reprendre leur travail. Les travailleurs ne se laissèrent pas intimider. Pov Kero, 19 ans, qui distribuait des tracts portant les revendications des travailleurs (telles que: suppression du retard de paiement des salaires, licenciements systématiques de travailleurs en cas de plainte, diminutions arbitraires de salaires, heures supplémentaires obligatoires imposées aux travailleurs), fut emmené de force et roué de coups jusqu'à la perte de connaissance. Il resta détenu toute la nuit. Le propriétaire de l'usine, M. Lee, rejeta les demandes des travailleurs en invoquant des arguments économiques, tels que les coûts de production, les investissements, les perspectives d'exportation.
  12. 99. Le 10 janvier, la presse rapporta que les travailleurs de l'usine qui avaient décidé de continuer le travail se trouvaient sous la surveillance d'une centaine de membres de la police militaire dont un grand nombre étaient armés d'armes à feu.
  13. 100. La grève prit fin le 17 janvier. Les employeurs acceptèrent d'entamer des discussions sur les revendications des travailleurs. Le 18 janvier, lors de la reprise du travail, 13 travailleurs furent licenciés de manière arbitraire, sous prétexte qu'ils avaient repris le travail avec un jour de retard. Il apparaît qu'ils ont été licenciés en réalité pour leur participation à la grève. Ils furent ensuite informés qu'ils seraient réintégrés s'ils s'engageaient par écrit à cesser d'agiter les travailleurs. Thip Chantavy et Mao Chansithoeun, dont les témoignages ont paru dans la presse le 20 janvier, sont au nombre des travailleurs licenciés.
    • Violations d'autres droits syndicaux
  14. 101. Ces faits, selon l'organisation plaignante, démontrent clairement que le gouvernement cambodgien a violé les droits garantis par les conventions nos 87 et 98, et que les employeurs et le gouvernement restreignent et répriment systématiquement le droit des travailleurs de s'organiser librement. Les dirigeants et les militants du SLORC se sont efforcés d'organiser un syndicat indépendant capable de négocier avec les employeurs. Le refus de la direction de l'usine Gennon Manufacturing de négocier, en prétendant que le syndicat est une organisation illégale, reflète la position de la plupart des employeurs. Cette dernière est en contradiction avec l'article 2 de la convention no 87, qui garantit le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte et sans autorisation préalable, d'établir des organisations de leur choix et de s'y affilier. Le syndicat a d'ailleurs été créé conformément à l'article 36 de la Constitution du Cambodge, qui stipule que les citoyens khmers des deux sexes ont le droit de fonder des syndicats et d'en devenir membres.
  15. 102. Le droit de grève reconnu comme un moyen légitime des travailleurs pour défendre leurs intérêts et garanti par la convention no 87 a été violé par le gouvernement. Le gouvernement et les employeurs ont eu recours massivement à l'intervention des forces de sécurité pour réprimer les grèves dans les usines et lors des manifestations des grévistes. Compte tenu des effroyables conditions de travail au Cambodge, en particulier dans l'industrie de la confection, le droit de grève est, selon la CMT, un moyen essentiel pour les organisations de travailleurs en vue de promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  • Situation générale
    1. 103 Dans sa communication, datée du 19 août 1997, le gouvernement explique, sur le plan de la situation générale, que le nombre des entreprises privées n'a cessé d'augmenter dans des proportions importantes, en particulier dans l'industrie de la confection des vêtements. Vers la fin de 1996, les usines de confection à Phnom Penh et dans les environs étaient au nombre de 43 et occupaient environ 20 000 salariés, dont une majorité écrasante de femmes. Au début de 1996, les employeurs de 36 usines de confection ont fondé l'Association des manufactures de confection du Cambodge.
    2. 104 Un nouveau Code du travail a été promulgué officiellement en mars 1997. Ce Code, selon le gouvernement, est la reproduction améliorée des Codes de 1972 et 1992. Le ministère des Affaires sociales, du Travail et des Anciens combattants (ci-après le ministère du Travail) a pour tâche pressante de mettre le Code du travail en application. Cette législation est nouvelle tant pour les fonctionnaires que pour les employeurs et les travailleurs. Le gouvernement précise que le nouveau Code du travail (de même d'ailleurs que celui de 1992) fixe la durée du travail à 8 heures par jour, 6 jours par semaine. Si les heures supplémentaires dépassent une heure par jour, l'employeur doit obtenir l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Le travail supplémentaire ne peut pas être imposé au travailleur contre sa volonté.
    3. 105 Le gouvernement indique que, selon les accords entre le ministère du Travail et l'Association des manufactures du Cambodge du 25 décembre 1996 et du 17 janvier 1997, le salaire minimum est fixé à 30 dollars américains pour un apprenti et à 40 dollars pour un travailleur. D'après le communiqué interministériel du 26 décembre 1996, le représentant du ministère du Travail, le représentant du ministère de l'Industrie et l'association des employeurs de 36 usines de confection ont poursuivi leurs discussions. Les employeurs ont été d'accord pour allouer aux travailleurs les accessoires du salaire, la rémunération pour le travail supplémentaire du soir et divers frais (primes de régularité, transport, uniformes, etc.). Ils ont toutefois demandé un délai pour discuter concrètement ces questions avec les travailleurs ou leurs représentants. Quant à la durée du travail, les employeurs ont décidé d'appliquer la durée de 48 heures comme stipulé dans le Code du travail. Quant aux ministères concernés, ils ont décidé d'améliorer graduellement les conditions de travail ainsi que l'élection des délégués du personnel. Le gouvernement relève que les dépenses liées à l'examen médical sont prises en charge par l'employeur. L'employeur peut retenir une partie du salaire des travailleurs afin de compenser l'argent que ces derniers ont emprunté pour acheter des matières et matériaux dont le travailleur a la charge et l'usage. Le traitement médical des travailleurs qui ont subi des accidents du travail relève de la responsabilité de l'employeur. Les injures et voies de fait sont absolument interdites et considérées comme faute grave de l'employeur. Aucune disposition législative n'interdit aux travailleurs de se rendre aux toilettes. Les travailleurs ont droit à un repos en cas de maladie et d'accouchement. Le congé maternité est de 90 jours et la bénéficiaire jouit de la moitié du salaire au minimum. Les travailleurs licenciés peuvent bénéficier d'un préavis et d'une indemnité de licenciement, sauf en cas de faute grave. Ils ont droit à des dommages-intérêts en cas de licenciement sans motif valable. L'employeur doit maintenir la santé et la sécurité des travailleurs au cours du travail.
    4. 106 Le gouvernement indique par ailleurs que, selon les rapports des groupes d'inspection du travail et diverses autres informations, le ministère du Travail est parvenu à la conclusion qu'il y a violation générale des conditions de travail. Toutefois, le ministère a fait les remarques suivantes: la contrainte à effectuer des heures supplémentaires n'a lieu qu'occasionnellement, à bref délai, quand il y a une grande commande de vêtements. Dans ces cas, les travailleurs ont bénéficié des rémunérations afférentes et d'un repas supplémentaire. Avant le 1er janvier 1997, un certain nombre d'usines de la confection ont payé un salaire inférieur à 30 dollars des Etats-Unis par mois, mais, à ce moment, le ministère n'avait pas encore pu fixer le salaire minimum. Les accidents du travail dans les usines de confection sont rares et de moindre gravité. Les fouilles des travailleurs, à l'entrée ou à la sortie de l'usine, ne sont appliquées que pour assurer la protection des biens et la sécurité de l'usine. La fouille corporelle n'a eu lieu que dans une usine où deux employées étrangères ont fouillé deux travailleuses de manière indécente. Ces dernières ont porté plainte au ministère qui a imposé aux employées fautives de payer 1 000 dollars de dommages-intérêts pour chacune des travailleuses concernées. Il s'agit cependant d'un cas isolé. La grande majorité des travailleuses sont des jeunes filles célibataires, et rien n'indique que les femmes en couches ne peuvent avoir droit au congé maternité. Dans certains cas, l'employeur guette les travailleurs se rendant aux toilettes, parce que ces derniers en profitent pour éviter de travailler. Dans certaines usines qui n'ont pas d'infirmerie, les employeurs ont autorisé les travailleurs malades à recourir à un traitement médical à l'extérieur de l'usine. Seul un petit nombre d'usines n'ont pas encore de médecins du travail, et les inspecteurs du travail ont pris des mesures pour que les employeurs assument leurs responsabilités en la matière. La majorité des travailleurs licenciés n'ont pas reçu d'indemnités. Parmi les plaintes à ce sujet reçues au ministère, il n'y a qu'un cas relatif à la maladie et trois cas relatifs aux activités syndicales. Il n'y a pas de problème en rapport avec la sécurité du travail. L'inspecteur du travail effectue des inspections dans le domaine de la santé et de la sécurité.
    5. 107 Quelques travailleurs ont été insultés par les responsables d'une usine, en particulier par les chefs de groupe. L'article 79 du Code du travail de 1992 ou l'article 83 du nouveau Code stipulent clairement que les injures, violences ou voies de fait sont considérées comme des fautes graves de l'employeur. Toutefois, de tels cas ont été rares dans le passé. Chaque fois que le ministère a été saisi d'une plainte à cet égard, il a envoyé un groupe d'inspection régler le conflit sans délai, en imposant à l'employeur l'arrêt immédiat de tels actes et en l'avertissant qu'il serait traduit devant les tribunaux en cas de récidive. A ce jour, il n'y a pas eu de récidive. Les autres infractions donnent lieu à plusieurs avertissements pour les raisons suivantes: la politique du gouvernement vise à attirer les investissements étrangers pour résoudre le problème de l'emploi et développer l'économie nationale. L'industrie de la confection se développe rapidement et absorbe beaucoup de main-d'oeuvre, en particulier des femmes. Le domaine de la réglementation du travail est récent au Cambodge, et la connaissance des lois, l'acquisition de l'expérience et de la pratique ne sont pas encore suffisantes. Dans le cadre de l'application du Code du travail, on a donc procédé par étapes: avant de recourir au tribunal ou à la sanction, le groupe d'inspection du travail s'efforce de faire connaître le Code, de veiller à son application et de donner des avertissements. L'effectif des fonctionnaires du travail et leurs moyens ne sont pas encore au niveau du développement rapide de l'économie et du mouvement des travailleurs. La question de la fixation du temps pour se rendre aux toilettes est difficile: elle demande la compréhension de l'employeur et la bonne foi du travailleur. Toutefois, le groupe de médecins du travail a conseillé aux employeurs de permettre aux travailleurs d'utiliser les toilettes selon leurs besoins physiologiques. Le défaut d'attention aux travailleurs malades provient de ce que chaque usine ne dispose pas encore de médecins du travail et n'a pas encore envoyé régulièrement les travailleurs se faire examiner pour leur aptitude physique comme prévu. Le ministère prend des mesures pour sanctionner les usines qui n'ont pas respecté ces avis.
  • Création du Syndicat SLORC
    1. 108 La Constitution du Royaume du Cambodge, adoptée en 1993, prévoit le droit pour les citoyens de créer des syndicats et d'en être membres et précise que "l'organisation et le fonctionnement des syndicats feront l'objet d'une loi". Le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC) a été proclamé le 15 décembre 1996, avant que le nouveau Code du travail, qui contient des dispositions concernant la liberté syndicale, ait été adopté et promulgué officiellement. Bien que le Royaume du Cambodge n'ait pas encore ratifié les conventions nos 87 et 98, le nouveau Code du travail contient des dispositions particulières relatives aux droits et libertés syndicaux conformes aux normes de ces deux conventions. Le SLORC a été proclamé par un politicien d'un parti d'opposition au gouvernement royal, et il a des objectifs politiques et non pas de défense des réels intérêts des travailleurs. Il s'agit de M. Sam Rainsy, président du Parti de la nation khmère, ancien membre du gouvernement royal, destitué par l'Assemblée nationale, selon les indications du gouvernement. Le nom du syndicat (qui semble s'être dénommé d'abord "Syndicat des ouvriers libres de la nation khmère") et ses activités concrètes sont étroitement liés au Parti de la nation khmère. Le président de ce parti a dirigé lui-même directement ce syndicat, ce qui est contraire à l'article 10 de la convention no 87. Dans un appel du 27 décembre 1996, dont le gouvernement a fourni une copie, le gouvernement s'est référé aux manifestations des travailleurs des usines de confection visant à demander aux employeurs de respecter les conditions de travail telles que les horaires, les augmentations de salaires, les allocations et d'autres demandes. Il a mentionné le communiqué interministériel du 26 décembre et l'accord sur les salaires du 25 décembre. Le gouvernement affirme que, "profitant du mouvement revendicatif des travailleurs et travailleuses, une poignée d'extrémistes en a fait une exploitation politique en inspirant et incitant les travailleurs et travailleuses à organiser des manifestations et défilés sans respecter la loi encore en vigueur et en utilisant le nom de "Syndicat des ouvriers de la nation khmère" qui n'a pas encore rempli les formalités administratives requises pour influencer l'opinion publique nationale et internationale".
  • Grèves
  • Cambodia Garment Ltd.
    1. 109 Dans cette usine, les travailleurs avaient élu leurs délégués le 22 avril 1995. L'organisation de la grève n'était pas appropriée parce qu'à ce moment la loi sur les syndicats n'avait pas encore été promulguée. Au moment de la grève, des débats étaient en cours à l'Assemblée nationale sur le projet de Code. Informé de la grève, le directeur adjoint du Département de l'inspection du travail (ministère du Travail), M. Kéo Borentr, s'est rendu sur place le 18 décembre dans la matinée à la tête d'un groupe d'inspection pour régler le conflit. M. Bun Va, représentant du directeur de l'usine, a confirmé que la grève des 15 et 16 décembre avait été dirigée par MM. Sam Rainsy et Khiev Rada, respectivement président et secrétaire général du Parti de la nation khmère. Il a reconnu que les gardiens de l'usine ont tiré en l'air le 17 décembre, mais c'était pour arrêter l'assaut d'inconnus conduits par les deux personnes mentionnées, après l'échec de la négociation. Le groupe d'inspection s'est entretenu avec Mmes Mary Ou, Um Navy et Phuong Sophon, respectivement présidente, vice-présidente et secrétaire générale du SLORC, qui ont affirmé qu'elles avaient été détenues par l'employeur mais n'avaient pas, selon le gouvernement, été maltraitées ou menacées de licenciement. Le groupe d'inspection a demandé aux trois dirigeantes syndicales de suspendre leurs activités syndicales, particulièrement la grève, en attendant l'adoption du nouveau Code du travail qui reconnaîtrait les droits et libertés syndicaux. Le gouvernement a joint à sa réponse le procès-verbal de la réunion du 18 décembre "sur la question de création de syndicat et de son but" entre les représentants du ministère du Travail et les trois responsables syndicales nommées ci-dessus. D'après ce document, le directeur adjoint du Département de l'inspection du travail a informé les trois travailleuses que le Code n'a pas encore permis la création des syndicats, mais que les salariés pouvaient revendiquer leurs droits et faire valoir leurs intérêts par l'intermédiaire des délégués du personnel qu'ils ont déjà élus. Il leur a demandé de suspendre la propagande et les activités syndicales temporairement en attendant l'adoption du nouveau Code du travail qui régirait les droits et les activités syndicaux. La présidente du syndicat a affirmé, selon ce document, que le syndicat, créé le 15 décembre 1996 avec l'aide de M. Rainsy, a pour but de revendiquer les droits et libertés des travailleurs et qu'il a les objectifs suivants, entre autres: augmentation des salaires, limitation de la durée de travail hebdomadaire, assistance en cas de maladie, licenciements avec motifs valables, assistance appropriée en cas de grossesse. Elle a affirmé que ce syndicat a été créé au niveau national et n'a pas de tendances politiques. Le groupe d'inspection s'est à nouveau rendu dans l'usine, le 19 décembre au matin, en vue de régler le conflit. Le groupe a vu MM. Sam Rainsy et Khiev Rada et de nombreuses personnes étrangères à l'usine entrer dans l'enceinte de l'usine. Les deux personnes nommées ci-dessus ont lancé des insultes, des grossièretés contre les directeurs de l'usine et des accusations contre le gouvernement, particulièrement contre les fonctionnaires du ministère du Travail; leur but n'était pas de régler les problèmes mais d'exciter les travailleurs contre les employeurs et le gouvernement, en particulier le ministère qui, de tout temps, avait avec succès fait oeuvre de conciliation dans les conflits au sein de l'usine. Seul un petit nombre de travailleurs de l'usine, membres du parti en question, ont participé à cette grève avec des conducteurs de motos-taxis et des vagabonds payés par le parti. D'après le texte du communiqué interministériel du 26 décembre, dont une copie a été communiquée par le gouvernement, le ministère du Travail a discuté avec l'employeur qui a été d'accord de satisfaire la demande des travailleurs sur un certain nombre de points, parmi lesquels les heures supplémentaires, l'assistance en cas de maladie, le congé de maternité, les préavis et indemnités en cas de licenciement, conformément au Code. L'employeur s'est également engagé à donner des instructions aux cadres de l'entreprise pour qu'ils usent d'un langage décent et se comportent avec une attitude décente à l'égard des travailleurs.
  • Gennon Manufacturing
    1. 110 Informé de la grève dans cette usine, M. Kéo Borentr s'y est rendu avec le groupe d'inspection du 25 au 30 décembre 1996 pour régler le conflit. Le groupe a interrogé l'employeur, puis il a tenu, dans l'après-midi du 25 décembre, un meeting avec les grévistes et les a informés du communiqué interministériel en date du 26 décembre concernant l'augmentation du salaire minimum des travailleurs de la confection à 40 dollars par mois. Vu que cette usine n'avait pas encore de délégués du personnel, puisqu'elle venait d'être créée, le groupe d'inspection a demandé aux travailleurs d'élire les délégués du personnel aussitôt que possible pour les représenter légitimement dans la négociation avec l'employeur. M. Sam Rainsy, son épouse, des membres du Parti de la nation khmère et d'autres personnes étrangères à l'usine sont arrivés, ont insulté le gouvernement, le ministère et les dirigeants de l'usine et incité les travailleurs à ne pas reconnaître le règlement du conflit par le groupe d'inspection. M. Rainsy a insisté pour que les cinq prétendus représentants des travailleurs qu'il avait désignés au préalable, ainsi que son épouse, puissent entrer dans l'usine pour négocier avec l'employeur. Ce dernier a accepté de recevoir ces représentants, mais ni M. Rainsy ni son épouse. M. Rainsy a alors proféré des menaces et organisé un lancement de pierres. Du matériel fut détruit. Les personnes impliquées dans ces violences ont refusé d'écouter les autorités compétentes et la police qui leur conseillaient de régler pacifiquement le conflit.
    2. 111 En ce qui concerne Mmes Chun Rany et So May, travailleuses de l'usine Gennon Manufacturing, qui ont accusé les responsables de l'usine de les avoir fait déshabiller pour la fouille, cette affaire a été réglée par le ministère le 12 février 1997 par conciliation. Le directeur de l'usine a accepté de payer à chaque travailleuse 1 000 dollars des E.-U. à titre de dommages-intérêts.
  • Tack Fat Garment
    1. 112 Comme dans les deux autres cas, le SLORC n'a pas recouru à la loi pour régler le conflit. Le 3 janvier, vers 2 heures de l'après-midi, la majorité des travailleurs étaient au travail. Le groupe d'inspection, conduit par M. Kéo Borentr, était en train de discuter avec les directeurs de l'usine quand les militants du syndicat ont provoqué désordre et panique dans l'usine en jetant, de l'extérieur, des pierres sur les bâtiments, détruisant une partie d'un toit. M. Sam Rainsy et ses acolytes ont incité les travailleurs à cesser le travail et ils ont proféré les mêmes paroles injurieuses que dans les autres cas. Les grévistes ont forcé l'entrée principale de l'usine. Parmi eux, il y avait deux conducteurs de motos-remorques, Lam Han et Vong Saroeun, qui ont utilisé un grand marteau pour détruire la porte d'entrée. M. Rainsy a lui-même procédé à l'élection à main levée de 11 représentants provisoires des travailleurs. Cinquante travailleurs environ, sur les 1 000 que compte l'établissement, ont levé la main. Le 4 janvier, de 8 heures du matin à 6 heures du soir, une réunion s'est tenue entre l'employeur et les 11 représentants provisoires, sous la présidence de M. Kéo Borentr, pour régler le conflit. Le représentant du ministère de l'Industrie, des Mines et de l'Energie, le représentant de la police du Khan de Meanchey et celui du ministère de l'Intérieur ont participé à cette discussion. Les représentants des travailleurs ont confirmé qu'ils n'avaient jusqu'alors commis aucun acte de violence contre l'entreprise mais qu'ils avaient été menacés par les forces de l'extérieur et incités à ne pas travailler. Tous les représentants ont été d'accord pour organiser l'élection des délégués du personnel le 6 janvier. Les deux parties étaient parvenues à un accord sur 12 des 15 points de revendication. Les questions qui restaient en suspens portaient sur la rémunération des heures supplémentaires, le salaire du travail aux pièces, la date de versement des salaires de décembre 1996. Au moment des discussions, M. Rainsy et les activistes du SLORC ont annoncé qu'ils ne reconnaissaient pas les 11 représentants précédemment élus, qu'ils ont accusés d'être vendus à la direction. Ils ont reçu à coups de poings deux représentants qui voulaient informer les grévistes du déroulement des discussions et de leur résultat. Ils ont refusé de reconnaître l'accord intervenu et ont présenté de nouvelles demandes. Ils ont persuadé un petit nombre de travailleurs de défiler. La foule a bloqué la circulation, causé du tumulte et enfreint l'ordre public. Afin d'assurer la sécurité de la majorité des travailleurs qui voulaient continuer le travail pour protéger les biens de l'usine et l'ordre social, et en application du communiqué du ministère de l'Intérieur du 19 décembre 1996 et de l'appel du gouvernement royal du 27 décembre, la police a emmené les deux conducteurs de motos-remorques au commissariat et utilisé les lances à incendie pour disperser les manifestants. Au cours de ces événements, aucun travailleur ou manifestant n'a été torturé ou maltraité par la police, contrairement à ce que prétend l'organisation plaignante. Seuls MM. Lam Han et Vong Saroeun ont été détenus et libérés après avoir été interrogés. Le 6 janvier, l'usine a affiché un avis demandant aux travailleurs de venir toucher leur salaire et de reprendre le travail le 8 janvier. Le 8 janvier, le directeur de l'usine a payé les salaires de décembre 1996 aux travailleurs et, le jour suivant, il a procédé à l'élection de neuf délégués du personnel et neuf suppléants. Le 11 janvier, le directeur a de nouveau lancé un appel aux travailleurs pour qu'ils reprennent le travail le 13 janvier au plus tard. Le 13 janvier, le directeur a réuni les représentants élus pour discuter les questions en suspens. Du fait qu'un certain nombre de travailleurs n'avaient pas encore repris le travail le 13, le directeur a prolongé le délai de reprise du travail au 17 janvier.
    2. 113 Le 21 janvier, le ministère a reçu une plainte de 13 travailleurs de l'usine Tack Fat accusant le directeur de les avoir licenciés sans motif valable. Pour régler le conflit, le ministère a convoqué les deux parties, mais l'employeur a refusé de réengager les travailleurs pour les raisons suivantes: neuf travailleurs (dont Mao Chansithoeun) avaient abandonné leur travail et ne l'avaient pas repris le 17 janvier; deux travailleurs ont volé des biens de l'usine et ont été licenciés; deux travailleurs ont été licenciés parce qu'ils ont abandonné le travail et ne l'ont pas repris à la fin d'un congé autorisé; Mme Thip Chantavy ne travaillait pas à l'usine Tack Fat. Le gouvernement a fourni la copie du procès-verbal de cette réunion, qui s'est tenue le 31 juillet 1997.
  • Autres droits syndicaux
    1. 114 Le gouvernement affirme que l'organisation plaignante s'est basée uniquement sur les plaintes du SLORC et que ce dernier poursuit des objectifs politiques. Il a mené ses activités sans respecter la légalité. Il a souvent recours aux actes de violence pour atteindre ses buts politiques. Il s'oppose au gouvernement royal et au groupe d'inspection qui s'efforce de régler pacifiquement le conflit selon les procédures légales.
    2. 115 Les autorités cambodgiennes n'ont pas violé les droits garantis par les conventions nos 87 et 98. Bien qu'il n'ait pas encore ratifié ces conventions, le Cambodge respecte le droit des citoyens de créer des syndicats sans autorisation préalable. Ni le gouvernement ni l'employeur n'ont interdit aux travailleurs de créer des syndicats, mais le nouveau Code du travail n'avait pas encore été promulgué officiellement, et les délégués du personnel ont été reconnus comme seuls représentants légitimes des travailleurs. En outre, le SLORC est dirigé par un parti politique, ce qui est contraire à l'article 10 de la convention no 87. Aux termes de la Constitution, l'organisation et le fonctionnement des syndicats doivent faire l'objet d'une loi. Ainsi, le refus de négocier avec les syndicats ne peut être considéré comme une faute de l'employeur, parce que le nouveau Code du travail n'était pas encore adopté. L'organisation de grèves et manifestations par le SLORC n'a pas respecté la légalité, ce qui est contraire à l'article 8 de la convention no 87. Les meetings et manifestations organisés par le SLORC dans les usines de confection Cambodia Garment Ltd., Gennon Manufacturing et Tack Fat ont été tenus sans avis préalable, accompagnés d'actes de violence et ont porté atteinte à l'ordre public, ce qui est contraire aux articles 1, 2, 4 et 6 de la loi sur les manifestations. Le ministère de l'Intérieur, dans un communiqué de presse du 19 décembre dont une copie a été communiquée par le gouvernement, affirme notamment que le syndicat proclamé par M. Sam Rainsy n'ayant pas encore déposé officiellement son dossier auprès d'aucune institution compétente, il s'agit d'une organisation qui n'est pas légalement reconnue et qu'en conséquence la manifestation de travailleurs organisée par le syndicat pour demander le respect du droit du travail, la fixation des horaires de travail et l'augmentation des salaires n'a pas respecté la législation. Des actes de violence ont été commis lors des grèves, à l'instigation du syndicat, ce qui est contraire à l'article 1 de la loi sur les manifestations. Le syndicat a porté atteinte aux biens privés, ce qui est contraire à l'article 44 de la Constitution. L'exercice des droits et de la liberté par l'individu ne doit pas porter atteinte aux droits et à la liberté d'autrui. L'exercice de ces droits doit faire l'objet d'une loi (art. 31 de la Constitution). Les droits de grève et de manifestation pacifique doivent être exercés dans le cadre de la loi (art. 37). Et le droit de propriété privée est sous la protection de la loi (art. 44).
    3. 116 Le SLORC a été créé avant la promulgation du nouveau Code du travail. Ses activités devaient donc recueillir l'autorisation préalable du directeur de l'usine et des autorités compétentes. Selon la procédure de règlement des conflits, les travailleurs, les employeurs et les représentants du ministère du Travail sont les parties reconnues à un conflit. Les forces de sécurité n'interviennent que si le conflit est cause de désordre public et s'il est accompagné d'actes de violence. La présence et les activités des forces de sécurité dans ces trois usines sont donc justifiées. Les forces de sécurité, pour maintenir l'ordre et la sécurité publics, peuvent arrêter tout manifestant se livrant à des actes de violence et prendre les mesures appropriées pour disperser les manifestants en faisant usage, par exemple, de jets à incendie, conformément aux dispositions de la loi sur les manifestations. Aucun travailleur n'a été blessé ou maltraité. MM. Lam Han et Vong Saroeun n'ont été détenus que pendant un court laps de temps. Les autorités compétentes ont fait preuve d'indulgence puisqu'elles n'ont pas condamné les coupables ni les personnes qui avaient incité les travailleurs à la violence.
    4. 117 Le gouvernement exprime l'espoir que, grâce à l'assistance technique du Bureau international du Travail, il sera en mesure de pallier les lacunes et de s'engager dans un développement progressif dans l'intérêt des travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 118. Le comité note que les allégations portent sur la violation du droit de constituer librement des syndicats et du droit de grève et de négociation collective, des licenciements de syndicalistes ainsi que des pressions et menaces exercées à leur encontre.
  2. 119. Le comité relève que le gouvernement, bien que n'ayant pas encore ratifié les conventions nos 87 et 98, déclare en respecter les principes et qu'il se réfère d'ailleurs, de manière détaillée, à plusieurs dispositions de ces conventions dans sa réponse.
  3. 120. Les faits allégués se sont produits dans un contexte de conditions de travail particulièrement difficiles s'inscrivant dans un effort de développement économique, qui s'est traduit notamment par un souci de composer avec les investisseurs dans certains secteurs nouvellement développés. Le gouvernement a reconnu qu'il y avait des abus commis dans les conditions de travail et affirme que des mesures ont été prises pour y remédier.
  4. 121. Le gouvernement fait valoir que le domaine de la réglementation du travail est récent au Cambodge, que la connaissance des lois, l'acquisition de l'expérience et de la pratique ne sont pas encore suffisantes et que l'effectif des fonctionnaires du travail et leurs moyens ne sont pas encore au niveau du développement rapide de l'économie et du mouvement des travailleurs. Le comité note avec intérêt que le gouvernement a exprimé l'intention de pallier les lacunes avec l'assistance technique du Bureau international du Travail.
  5. 122. Le Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC) a été créé en décembre 1996. Selon l'organisation plaignante, certains employeurs ont refusé au syndicat son droit à l'existence, d'autres ont refusé de le reconnaître sous prétexte qu'il s'agissait d'une organisation illégale. D'autre part, dès la fondation du syndicat, les dirigeants et militants ont fait l'objet de mesures répressives. Pour le gouvernement, le SLORC est dirigé par le président d'un parti politique d'opposition et le nom, les activités et les objectifs de ce syndicat sont étroitement liés à ce parti; les activités parfois violentes du syndicat n'ont pas pour but de défendre les intérêts des travailleurs mais de poursuivre des objectifs politiques. Le SLORC a été créé avant la promulgation du nouveau Code du travail, ses activités devaient donc recueillir l'autorisation préalable du directeur de l'usine et des autorités compétentes. Depuis la promulgation du Code du travail, selon le gouvernement, le syndicat n'a pas appliqué les dispositions concernant l'enregistrement des statuts des syndicats.
  6. 123. Le comité constate, sur la base de la documentation dont il dispose, que le syndicat en question a été créé en décembre 1996 par plus d'une centaine de travailleurs des usines de confection et qu'il réunit maintenant un nombre important de membres. Le comité remarque que le syndicat en question est la première organisation dans le secteur de la confection et qu'il compte parmi ses dirigeants des personnes employées dans cette industrie. D'après les documents fournis par le gouvernement, la présidente du syndicat a déclaré au directeur adjoint du Département de l'inspection du travail que le syndicat, créé le 15 décembre 1996 avec l'aide de M. Rainsy, a pour but de revendiquer les droits et libertés des travailleurs et qu'il a pour objectif de demander, entre autres, l'augmentation des salaires, la limitation de la durée de travail hebdomadaire, l'assistance en cas de maladie ou de grossesse, le contrôle des licenciements et qu'en outre le syndicat a été créé au niveau national et n'a pas de tendances politiques. Le comité relève que les revendications ainsi présentées par le syndicat portaient sur les conditions de travail et les salaires, et que ses activités, soutenues par un grand nombre de travailleurs, ressortissent aux activités normales d'une organisation syndicale ayant pour but de défendre et promouvoir les intérêts de ses membres. Le comité observe par ailleurs que le syndicat a entamé des négociations qui ont abouti, dans certaines entreprises, à des accords sur les salaires et les conditions de travail.
  7. 124. Au vu des éléments du dossier, le comité comprend que les événements dont fait état la plainte, et en particulier la création du SLORC, se sont produits au cours d'une période transitoire où la nouvelle législation du travail était sur le point d'être adoptée et qu'elle n'est entrée en vigueur que trois mois plus tard. Le comité tient toutefois à rappeler que les formalités prévues par les réglementations nationales concernant la constitution et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d'employeurs sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale, à condition que ces dispositions réglementaires ne mettent pas en cause les garanties prévues par la convention no 87. Toutefois, si l'absence d'enregistrement avait pour effet de rendre un syndicat illégal, cela pourrait correspondre en pratique à soumettre l'enregistrement à une exigence d'autorisation préalable, or l'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est le droit des travailleurs de constituer des organisations de leur choix, sans autorisation préalable. Le comité rappelle également que seuls le développement d'organisations libres et indépendantes et la négociation avec l'ensemble des composantes du dialogue social peuvent permettre à un gouvernement d'affronter les problèmes économiques et sociaux et de les résoudre au mieux des intérêts des travailleurs et de la nation. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 24.)
  8. 125. Dans ces conditions, le comité, tout en notant que le nouveau Code du travail ne semble pas imposer d'entraves à la constitution et au fonctionnement des organisations syndicales, exprime le ferme espoir que le gouvernement sera maintenant en mesure d'assurer la régularisation de la situation de manière à permettre aux organisations d'employeurs et de travailleurs de remplir leurs fonctions. Le comité demande donc au syndicat de déposer ses statuts auprès de l'autorité compétente et au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'organisation soit enregistrée sans retard.
  9. 126. D'après l'organisation plaignante, certains employeurs ont refusé de négocier avec le syndicat en affirmant qu'il s'agissait d'une organisation illégale. A cet égard, le gouvernement indique que, conformément à la législation antérieure, seuls les délégués du personnel ont été reconnus comme représentants légitimes des travailleurs et que le refus de négocier ne peut donc être retenu contre l'employeur. D'après un document fourni par le gouvernement, le représentant du ministère du Travail a déclaré aux dirigeantes du SLORC, lors d'une réunion du 18 décembre 1996, que la création des syndicats n'était pas encore permise par la législation, mais que les salariés pouvaient revendiquer leurs droits et faire valoir leurs intérêts par l'intermédiaire des délégués du personnel déjà élus. Il a demandé aux dirigeantes du syndicat de suspendre les activités syndicales temporairement en attendant l'adoption du nouveau Code du travail. Le comité observe que le gouvernement, dans un "appel" du 27 décembre 1996, affirme que les délégués du personnel, dont l'élection urgente doit être facilitée d'entente avec les employeurs, sont "les seuls représentants des travailleurs, travailleuses et employés dans la discussion directe avec les employeurs et ministères compétents dans le cadre du Code du travail".
  10. 127. Dans ce contexte, le comité tient à souligner que la liberté syndicale n'implique pas seulement le droit, pour les travailleurs et les employeurs, de constituer librement des associations de leur choix, mais encore le droit, pour les associations professionnelles elles-mêmes, de défendre les droits et les intérêts professionnels de leurs membres. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 447.) Dans ce sens, en privilégiant les délégués au détriment des représentants du syndicat nouvellement constitué, le gouvernement n'a pas reconnu le droit des syndicats à promouvoir et défendre les droits et les intérêts des travailleurs; le comité conclut que cela a empêché le syndicat d'organiser ses activités et de fonctionner et a entravé son existence même. De plus, les principes de la liberté syndicale, fondés notamment sur la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, garantissent que, lorsqu'une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises, d'une part, pour assurer que la présence des représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés et, d'autre part, pour encourager la coopération entre les représentants élus et les syndicats et leurs représentants. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 787.) En privilégiant les délégués au détriment des représentants du syndicat nouvellement constitué, le gouvernement n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que la présence des délégués ne serve à affaiblir la situation du syndicat nouvellement créé ni pour encourager la coopération entre les uns et les autres. En outre, le comité considère qu'en déclarant que les délégués sont les seuls représentants des travailleurs, travailleuses et employés dans la discussion directe avec les employeurs et ministères compétents dans le cadre du Code du travail, le gouvernement a manqué au principe du droit de négociation collective, selon lequel des mesures doivent être prises pour encourager et promouvoir le développement des plus larges procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 781.)
  11. 128. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les syndicats puissent promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, notamment par la voie de la négociation collective des conditions de travail, au sens du principe rappelé ci-dessus. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le SLORC puisse négocier les conditions de travail dans le secteur de la confection avec les employeurs de ce secteur.
  12. 129. En ce qui concerne le droit de grève, le comité observe que des grèves ont eu lieu dans trois entreprises et qu'elles ont été appuyées ou prolongées par des manifestations sur la voie publique. L'organisation plaignante allègue que le gouvernement et les employeurs ont eu massivement recours à l'intervention des forces de sécurité pour réprimer les grèves dans les usines et lors des manifestations pacifiques des grévistes et que des personnes ont été blessées au cours d'actes de répression violente. Le gouvernement, quant à lui, affirme que l'organisation de grèves et manifestations par le SLORC n'a pas respecté la légalité. Des actes de violence ont été commis lors des grèves et des manifestations à l'instigation du syndicat, en violation de la loi sur les manifestations. Le comité note que cette loi dispose, entre autres, que les autorités doivent être informées par écrit, trois jours à l'avance, par les organisateurs de manifestations. Le comité relève que, selon le gouvernement, aucun travailleur n'a été blessé ou maltraité, et deux personnes, qui avaient été arrêtées, MM. Lam Han et Vong Saroeun, n'ont été détenues que très peu de temps et relâchées.
  13. 130. Le comité, en l'état du dossier, n'est pas en mesure de déterminer, sur la base des éléments présentés par l'organisation plaignante, que les mesures prises par le gouvernement ont eu pour but de briser la grève, même si elles ont visé à mettre fin aux manifestations sur la voie publique et à disperser les manifestants: le comité ne dispose pas d'informations suffisantes pour déterminer l'origine et la gravité des violences qui ont accompagné les manifestations.
  14. 131. Le comité rappelle cependant que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux (voir Recueil, op. cit., paragr. 475) et que le droit d'organiser des réunions publiques constitue un aspect important des droits syndicaux. Toutefois, le comité a toujours opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu'il considère comme rentrant dans l'exercice d'un droit syndical, et celles qui tendent à d'autres fins. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 133.) En outre, le comité doit souligner que les mesures privatives de liberté contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 77.)
  15. 132. En ce qui concerne le licenciement de 13 travailleurs, intervenu le 18 janvier, lors de la reprise du travail dans l'usine de Tack Fat Garment qui avait été en grève, le comité retient que, selon l'organisation plaignante, les motifs de ces licenciements étaient fallacieux et qu'il s'agissait en réalité de licenciements pour fait de grève. Le comité note que le ministère du Travail a envoyé un groupe d'inspection auprès de l'entreprise, en juillet 1997, pour recueillir des informations sur 13 licenciements. Le comité souligne que le respect des principes de la liberté syndicale exige que l'on ne puisse ni licencier des travailleurs ni refuser de les réengager en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 593.) Le comité considère que des allégations de licenciements pour faits de grève, si elles étaient avérées et fondées sur des faits, pourraient constituer une grave violation des principes de la liberté syndicale. Le comité note les explications données sur les motifs des licenciements par le gouvernement. Celles-ci ont fourni la preuve du caractère antisyndical des licenciements. Le comité demande donc au gouvernement de faire procéder à une enquête approfondie sur ces licenciements en vue d'obtenir la réintégration dans leur poste de travail des travailleurs pour lesquels il est avéré qu'ils ont été licenciés pour des motifs antisyndicaux et de le tenir informé à cet égard.
  16. 133. Le comité note que le gouvernement a confirmé la détention temporaire de Mmes Mary Ou, Um Navy et Phuong Sophon. A cet égard, le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 70.)
  17. 134. Le comité note par ailleurs que le gouvernement a fait état dans sa réponse de plaintes reçues au ministère du Travail concernant des indemnités de licenciement dans trois cas "relatifs aux activités syndicales". Le comité rappelle qu'il n'apparaît pas qu'une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l'indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 707.) Le comité prie en conséquence le gouvernement de fournir des informations complètes sur les trois cas de licenciements antisyndicaux auxquels il s'est lui-même référé dans sa réponse, en indiquant quelles ont été les circonstances de ces licenciements, quelle a été l'issue des plaintes en question et en communiquant la décision du ministère.
  18. 135. Le comité note que, selon l'organisation plaignante, les travailleurs ont fait l'objet de diverses brutalités, atteintes à l'intégrité, mauvais traitements et voies de fait, et traitements humiliants dans le cadre des usines. L'inspection du travail est intervenue auprès des employeurs et a demandé le versement de dommages-intérêts à deux travailleuses qui avaient déposé plainte pour des fouilles corporelles qui leur avaient été imposées. En ce qui concerne les insultes, les coups et les humiliations, le comité relève que l'organisation plaignante se réfère à l'intervention du secrétaire d'Etat auprès des employeurs pour les rappeler à l'ordre ainsi qu'aux déclarations du Premier ministre réclamant le respect de l'honneur national. Le comité estime utile de réaffirmer l'importance qu'il convient d'attacher aux principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, considérant que leur violation risque de porter atteinte au libre exercice des droits syndicaux. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 32.) A de nombreuses reprises, le comité s'est référé aux principes affirmés en 1970 par la Conférence internationale du Travail dans sa résolution sur les droit syndicaux et les libertés civiles. Particulièrement, le comité a considéré qu'il convient d'adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que les droits syndicaux puissent s'exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l'homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 36.) La responsabilité de l'Etat est engagée par les faits imputables à des particuliers en raison de son obligation de diligence et d'intervention pour prévenir les violations des droits de l'homme. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 19.)
  19. 136. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes et adéquates pour prévenir les atteintes aux droits fondamentaux de l'homme et garantir leur respect, afin de réaliser les conditions nécessaires au libre exercice par les travailleurs de leurs droits essentiels et particulièrement de leurs droits syndicaux.
  20. 137. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations au sujet des informations supplémentaires du 17 septembre 1997 de l'organisation plaignante.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 138. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Au sujet de la création du Syndicat libre des ouvriers du Royaume du Cambodge (SLORC), le comité demande au syndicat de déposer ses statuts auprès de l'autorité compétente et au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l'organisation soit enregistrée sans retard.
    • b) Au sujet des atteintes à la négociation collective, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les syndicats puissent promouvoir et défendre les intérêts des travailleurs, notamment par la voie de la négociation collective des conditions de travail. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le SLORC puisse négocier les conditions de travail dans le secteur de la confection avec les employeurs de ce secteur.
    • c) Le comité signale à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à la reconnaissance du droit de grève comme moyen de promouvoir et défendre les intérêts économiques et sociaux des travailleurs.
    • d) Le comité demande au gouvernement d'assurer le respect du principe selon lequel les mesures privatives de liberté contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s'il ne s'agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l'exercice des droits syndicaux.
    • e) Au sujet des licenciements de travailleurs, le comité demande au gouvernement de:
    • i) faire procéder à une enquête approfondie sur les licenciements intervenus à l'usine de Tack Fat Garment en vue d'obtenir la réintégration dans leur poste de travail des travailleurs pour lesquels il est avéré qu'ils ont été licenciés pour des motifs antisyndicaux et de le tenir informé à cet égard;
    • ii) fournir des informations complètes sur les trois cas de licenciement relatifs aux activités syndicales mentionnés dans sa réponse en indiquant quelles ont été les circonstances de ces licenciements, quelle a été l'issue des plaintes présentées à ce sujet et en communiquant la décision du ministère.
    • f) Au sujet des atteintes à l'intégrité et mauvais traitements subis par les travailleurs, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures fermes et adéquates pour prévenir les atteintes aux droits fondamentaux de l'homme et garantir leur respect, afin de réaliser les conditions nécessaires au libre exercice par les travailleurs de leurs droits essentiels et particulièrement de leurs droits syndicaux.
    • g) Notant que le gouvernement a confirmé la détention temporaire de trois syndicalistes, le comité rappelle que l'arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dans l'exercice d'activités syndicales légitimes, même si c'est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale.
    • h) Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations au sujet des informations supplémentaires fournies par l'organisation plaignante dans sa communication du 17 septembre 1997.
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