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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 316, Junio 1999

Caso núm. 1949 (Bahrein) - Fecha de presentación de la queja:: 07-SEP-97 - Cerrado

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102. La Fédération syndicale mondiale et le Syndicat des travailleurs de Bahreïn ont présenté une plainte contre le gouvernement de Bahreïn dans des communications en date des 7 septembre et 6 octobre 1997, des 10 février, 16 mars, 27 août et 30 décembre 1998. Le gouvernement a fait parvenir ses observations en date du 1er avril 1998 et du 24 février 1999.

  1. 102. La Fédération syndicale mondiale et le Syndicat des travailleurs de Bahreïn ont présenté une plainte contre le gouvernement de Bahreïn dans des communications en date des 7 septembre et 6 octobre 1997, des 10 février, 16 mars, 27 août et 30 décembre 1998. Le gouvernement a fait parvenir ses observations en date du 1er avril 1998 et du 24 février 1999.
  2. 103. Bahreïn n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 104. De façon générale, la plainte présentée par les organisations plaignantes porte sur le déni du droit d'organisation à Bahreïn; elles soutiennent en effet que le gouvernement est hostile à toutes formes d'organisation des travailleurs, nie leurs droits syndicaux et leur interdit toute activité syndicale.
  2. 105. Aspects législatifs. Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement refuse d'appliquer les articles 27 et 28 de la Constitution du pays concernant les droits syndicaux et le droit d'établir des syndicats et de s'y affilier. Dans ce contexte, le gouvernement a adopté deux ordonnances ministérielles en 1981 (nos 9/1981 et 10/1981) qui omettent toute référence aux droits des travailleurs de s'organiser et qui établissent comme principe celui de la représentation conjointe travailleurs-employeurs (commissions paritaires). Selon les organisations plaignantes, ces ordonnances ont confirmé en fait le refus du gouvernement de permettre l'organisation d'un syndicat pour les travailleurs de Bahreïn.
  3. 106. Au surplus, les organisations plaignantes ajoutent que le gouvernement a violé les droits syndicaux en abrogeant la loi sur les syndicats de 1957 et en la remplaçant par une simple disposition dans le Code du travail de 1976 (art. 142 de la loi no 23/1976) qui dispose que:
    • les employeurs et les travailleurs de tout établissement pourront former entre eux des commissions paritaires pour collaborer dans le règlement des différends, l'établissement de meilleures normes sociales pour les travailleurs, l'organisation de services sociaux, la fixation des salaires, l'augmentation de la productivité et toutes autres questions présentant un intérêt mutuel pour les deux parties.
  4. 107. Les organisations plaignantes allèguent que cette disposition a pour effet de substituer les commissions paritaires employeurs-travailleurs aux syndicats traditionnels.
  5. 108. Les organisations plaignantes estiment que, en modifiant les lois relatives au travail et en établissant les commissions paritaires du travail, le gouvernement a établi une forme inacceptable de représentation des travailleurs et nie ainsi aux travailleurs le droit d'établir leurs propres organisations qui pourraient par la suite les représenter au sein de telles commissions paritaires. En outre, les organisations plaignantes critiquent le fait que la composition de ces commissions, formées de quatre représentants d'employeurs et du même nombre de représentants travailleurs, est soumise à une autorisation ministérielle, le ministre pouvant refuser tout candidat travailleur en raison de motifs fondés sur la sécurité nationale.
  6. 109. Le gouvernement a également mis sur pied une Commission générale des travailleurs de Bahreïn qui est, selon les organisations plaignantes, soumise à son étroit contrôle. A l'appui de leurs allégations, les organisations plaignantes soumettent des communications qui révèlent que le gouvernement exige qu'un représentant ministériel assiste et contrôle les assemblées générales de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn. Les organisations plaignantes estiment que la Commission générale des travailleurs de Bahreïn ne répond d'aucune façon aux principes de la liberté syndicale et ne jouit d'aucun des droits syndicaux définis dans les conventions internationales du travail. De toute manière, les organisations plaignantes plaident que le concept même de représentation paritaire est en soi illogique lorsqu'elle se substitue à une représentation syndicale réelle et effective.
  7. 110. En outre, le gouvernement aurait adopté une disposition pénale (art. 132 du Code pénal de 1976) aux termes de laquelle tout citoyen qui contacte, en quelque capacité que ce soit, des représentants de syndicats, organisations, associations ou fédérations est passible d'une peine d'emprisonnement pour une période d'au moins trois mois ou d'une amende d'au moins 100 dinars ou les deux à la fois. Les organisations plaignantes indiquent que, en août 1997, le ministre du Travail a pris des mesures supplémentaires contre la liberté syndicale en interdisant à la Commission générale des travailleurs de Bahreïn elle-même de participer à toute activité internationale et en lui enjoignant de travailler conformément aux instructions ministérielles.
  8. 111. Ces dispositions législatives auraient causé de graves préjudices à l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn. Cette organisation ne peut en effet, au regard des dispositions mêmes de la loi, librement s'organiser sur le territoire de l'Etat. Les organisations plaignantes expliquent en effet que l'annonce officielle de l'établissement du Syndicat des travailleurs de Bahreïn a été prononcée le 15 février 1978 à la suite d'une entente conclue entre les syndicats du pays sous la supervision de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), le Syndicat des travailleurs du Koweït et le Syndicat des travailleurs du Yémen. Dès le 11 avril 1984, le programme de l'organisation a été annoncé et enregistré auprès de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA). Quelques jours plus tard, le programme était soumis au ministre du Travail et des Affaires sociales et publié dans nombre de journaux locaux et arabophones. A cette même époque, l'organisation a entamé une procédure auprès du ministère de la Justice afin qu'il requît le ministère du Travail et des Affaires sociales de reconnaître l'organisation et qu'il cessât de poursuivre, arrêter et déporter les syndicalistes en raison de leurs activités syndicales. Au début du mois de juillet 1989, l'organisation a présenté à nouveau ses documents constitutifs au ministère du Travail en vue de son enregistrement et de sa reconnaissance comme organisation syndicale légalement constituée. Les organisations plaignantes précisent que le Syndicat des travailleurs de Bahreïn est depuis le mois d'avril 1989 affilié à la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) ainsi qu'à la Fédération syndicale mondiale. Dans ces circonstances, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, qui compte plus 6 000 membres, est représenté à l'extérieur du pays par deux dirigeants qui sont également délégués auprès de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), MM. Hameed Ibrahim Awachi et Mohamed Abdul Jalil Al-Murbati. Ces derniers mènent leurs principales activités à partir de l'extérieur du territoire de Bahreïn puisque le gouvernement leur refuse systématiquement à eux et aux membres de leurs familles l'accès au pays. M. Awachi aurait tenté de retourner à Bahreïn en avril 1993; il aurait alors été arrêté et détenu pendant une semaine avant d'être expulsé du territoire.
  9. 112. Pour ce qui est de la situation personnelle de M. Al-Murbati, les organisations plaignantes allèguent qu'il fait l'objet de mesures de discrimination antisyndicale de la part des autorités publiques. Les organisations plaignantes rappellent que M. Al-Murbati, chef incontesté du mouvement syndical à Bahreïn, a participé activement aux activités syndicales nationales entre 1969 et 1973; il a été élu à l'unanimité par les aiguilleurs de l'aéroport de Bahreïn où il a travaillé à titre de technicien. M. Al-Murbati est également membre des conseils généraux de la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA) et de la Fédération syndicale mondiale. Tel que mentionné précédemment, M. Al-Murbati est contraint depuis de nombreuses années à l'exil; dans ce contexte, lui et les membres de sa famille se sont vu refuser la nationalité bahreïnite contrairement aux dispositions mêmes de la Constitution du pays qui disposent que la nationalité est décidée par la loi. La perte de la nationalité n'est en fait possible qu'en cas de haute trahison et de double nationalité. Or M. Al-Murbati possède la nationalité bahreïnite de par sa naissance, son passeport issu en 1967 (no 54739) en faisant foi. Il n'a du reste jamais été jugé pour actes de haute trahison et n'a jamais possédé d'autre nationalité; il a dès lors, selon les organisations plaignantes, plein droit à la nationalité bahreïnite et c'est par décision arbitraire que les autorités ont refusé de renouveler son passeport lorsqu'il en a fait la demande en 1977. Les organisations plaignantes estiment que les mesures prises contre M. Al-Murbati s'inscrivent dans le cadre d'une politique généralisée en vue d'affaiblir, voire annihiler, le mouvement syndical au pays.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 113. Le gouvernement estime que les allégations des organisations plaignantes sont sans fondement et sont exclusivement motivées par des intérêts politiques. Selon le gouvernement, ces communications ignorent totalement le système de relations professionnelles à Bahreïn qui assure pleinement la protection des droits des travailleurs et leur permet de régler pacifiquement leurs différends.
  2. 114. Les allégations des organisations plaignantes ne reconnaissent pas non plus la réalité de ce pays insulaire qui, avec ses 600 000 habitants, occupe le cinquième rang au niveau mondial pour ce qui est du nombre d'habitants par mètre carré. En outre, bien que plus de 60 pour cent des revenus de l'Etat proviennent de la production pétrolière, les autorités de Bahreïn ont tenté de diversifier leurs sources de revenus en investissant notamment dans les secteurs financier et touristique. Selon le gouvernement, de bonnes raisons justifient l'absence de syndicats dans le pays: par exemple, au moment où le Code du travail a été adopté, plus de 90 pour cent des travailleurs étaient des étrangers non nationaux. Dans ce contexte, il n'était ni approprié ni pratique de prévoir l'établissement de syndicats dans le sens strict du terme.
  3. 115. De toute manière, le gouvernement insiste sur le fait qu'il existe des organes et des mécanismes qui permettent la représentation des travailleurs. Ces organes protègent les droits de ceux qu'ils représentent et contribuent à la création d'une atmosphère de coopération et de consultation entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. En fait, ils peuvent être considérés comme des syndicats, sauf pour ce qui est de leur nom. Cette structure s'est avérée bénéfique pour tous et a permis une amélioration de la productivité et une réduction d'interruptions du travail qui s'avéraient particulièrement coûteuses pour l'économie.
  4. 116. Pour leur part, les commissions paritaires composées d'employeurs et de travailleurs se sont avérées d'excellents organes pour promouvoir de saines relations professionnelles à Bahreïn. Implantées dans 19 sociétés, ces commissions sont composées de huit à dix membres, les employeurs et les travailleurs étant représentés en nombre égal en leur sein. Le gouvernement insiste sur le fait que tout employé peut se porter candidat et qu'il n'a pour ce faire qu'à démontrer sa bonne conduite. D'un autre côté, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn constitue le syndicat national. Le gouvernement précise que cette commission est consultée sur les questions qui la concernent et fait partie de nombreux organes nationaux; ses membres sont élus au scrutin secret parmi les membres des commissions paritaires d'entreprise. Au dire du gouvernement, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn est entièrement intégrée au processus démocratique du pays et joue un rôle majeur dans la définition des relations professionnelles. Si les différends du travail ne sont pas réglés à ce niveau, le ministre enquête et tient une médiation. Si cette procédure échoue, les parties peuvent soumettre leur différend à une instance juridictionnelle.
  5. 117. Pour le gouvernement, l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, outre qu'elle véhicule de fausses informations en ce qui concerne la situation des travailleurs à Bahreïn, ne constitue pas une organisation syndicale bona fide et ne devrait pas dès lors se voir reconnaître de locus standi devant le Comité de la liberté syndicale. En effet, ni le syndicat en tant que tel ni son unique dirigeant, M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati, n'ont d'intérêt légitime et réel dans les relations professionnelles à Bahreïn. Pour appuyer ses déclarations, le gouvernement précise que le Syndicat des travailleurs de Bahreïn a établi son siège à l'extérieur du pays, à Damas, en Syrie. Il n'a pas de lien effectif avec le pays et n'y possède aucune adresse ou propriété. Il ne compterait aucun membre à Bahreïn. Son existence est tout-à-fait artificielle, n'ayant ni structure ni dirigeant ni constitution.
  6. 118. Le gouvernement ajoute, pour ce qui est de M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati, qu'il a volontairement quitté Bahreïn depuis vingt-cinq ans, époque où il faisait l'objet d'une enquête relative à la possession d'armes, de substances explosives et était suspecté d'appartenir à une organisation illégale visant le renversement du gouvernement par la force. Il a alors choisi d'émigrer en Syrie où il a élevé sa famille. Il posséderait désormais la nationalité yéménite (passeport no 125522 issu le 21 juillet 1992). Le gouvernement rappelle que, dans tous les cas, M. Abdul Jalil Jaffer Al-Murbati peut se prévaloir de la loi de Bahreïn et demander le rétablissement de sa nationalité d'origine. Le gouvernement déclare n'avoir jamais privé M. Al-Murbati de sa nationalité d'origine. Enfin, le gouvernement insiste sur le fait que M. Al-Murbati n'a pas été élu par ses pairs et n'a été assigné à aucun groupe ou organe qui représenterait les travailleurs de Bahreïn sur le territoire étatique.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 119. Le présent cas se réfère, de façon générale, à des allégations relatives à des divergences entre la législation nationale de Bahreïn et les principes de la liberté syndicale, et, de façon plus spécifique, au déni du droit pour les travailleurs de Bahreïn de créer les organisations de leur choix et de s'y affilier.
  2. 120. D'emblée, le comité observe qu'il a déjà examiné au cours des dernières années des plaintes contre le gouvernement de Bahreïn qui se référaient à des questions similaires. (Voir notamment cas no 1043, 211e rapport, paragr. 572-589, cas no 1211, 233e rapport, paragr. 580-592, et 234e rapport, paragr. 39-45, cas no 1413, 259e rapport, paragr. 553-563, et 272e rapport, paragr. 171-196.)
  3. 121. Objection préliminaire. Dans ce contexte, l'objection préliminaire soulevée par le gouvernement, aux termes de laquelle il met en doute la compétence de l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, de soumettre une plainte étant donné qu'il a son siège à l'extérieur du pays, a déjà été examinée et décidée par le comité. (Voir cas no 1043, paragr. 584.) Dans son examen précédent, le comité avait rappelé que, dans d'autres cas où il avait examiné la recevabilité de plaintes émanant d'organisations syndicales situées en dehors du pays en cause, il avait signalé systématiquement que, conformément à la procédure en vigueur en matière de soumission de plaintes relatives à des violations de la liberté syndicale, les plaintes doivent émaner soit d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, soit de gouvernements. Toutefois, il était parfois suggéré que des personnes prétendant agir au nom d'une telle organisation n'avaient pas qualité pour le faire, sous prétexte que l'organisation en question avait été dissoute ou que les plaignants avaient cessé de résider dans le pays intéressé. Le comité avait alors considéré qu'il ne serait pas conforme au but dans lequel a été instituée la procédure d'examen des plaintes relatives aux atteintes à l'exercice des droits syndicaux d'admettre que la dissolution d'une organisation en vertu d'une mesure gouvernementale met fin au droit de cette organisation d'invoquer ladite procédure.
  4. 122. Toutefois, le comité avait alors reconnu que, dans de tels cas, il pourrait être difficile de savoir exactement si les personnes qui prétendent agir au nom de l'organisation intéressée ont bien qualité pour ce faire et connaissent suffisamment les faits dont il s'agit, et avait souligné les problèmes de fiabilité liés au témoignage de personnes ne résidant plus dans le pays dont il est question. Le comité avait alors déclaré qu'il était prêt à accorder aux questions soulevées par de telles situations toute l'attention qu'elles pourraient mériter, mais qu'il ne considérerait aucune plainte comme irrecevable pour le simple motif que le gouvernement mis en cause avait dissous ou se proposait de dissoudre l'organisation au nom de laquelle la plainte avait été formulée ou que la personne ou les personnes de qui émanait la plainte étaient réfugiées à l'étranger. En adoptant ces vues, le comité s'était inspiré des conclusions adoptées à l'unanimité par le Conseil d'administration en 1937 au sujet de l'île Maurice, lors de l'examen d'une réclamation déposée au titre de l'article 24 de la Constitution de l'OIT où il avait indiqué qu'il possédait une entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'OIT et qu'il ne se considérait lié par aucune définition nationale de ces mots. Au regard de ces considérations, le comité avait estimé à l'époque que la plainte du Syndicat des travailleurs de Bahreïn était recevable. En l'absence de tout élément de preuve justifiant de s'écarter de ces considérations, le comité estime que, en l'espèce, cette décision doit être maintenue et que la plainte présentée, dans le présent cas, par le Syndicat des travailleurs de Bahreïn est recevable.
  5. 123. Aspects législatifs. Le comité a déjà examiné en détail dans les cas précédents concernant le Bahreïn les dispositions qui font l'objet de la présente plainte, à savoir notamment le chapitre 17 de la loi de 1976 sur le travail (loi no 23/1976) et les ordonnances ministérielles nos 9 et 10 de 1981. (Voir cas no 1043, 211e rapport, paragr. 588, et cas no 1413, 254e rapport, paragr. 489.) Dans le cas présent, les organisations plaignantes allèguent que ces dispositions, en imposant la mise en place de commissions paritaires au niveau de l'établissement et, à l'échelon national, un organisme élu, la Commission générale des travailleurs de Bahreïn, nient aux travailleurs le droit de constituer les organisations de leur choix ou de s'y affilier. En outre, elles soutiennent que ces commissions paritaires ne sont pas pleinement autonomes et indépendantes par rapport aux autorités publiques puisqu'elles sont soumises à un strict contrôle gouvernemental. Pour sa part, le gouvernement estime que tant les commissions paritaires que la Commission générale des travailleurs de Bahreïn prennent en considération le système des relations du travail du pays et s'avèrent d'excellents instruments pour promouvoir de saines relations professionnelles au pays.
  6. 124. Plus spécifiquement, le chapitre 17 de la loi de 1976 (loi no 23/1976) vise la création des commissions paritaires et conseils. Au regard des dispositions qui composent ce chapitre, il est prévu que des commissions paritaires composées de représentants travailleurs et employeurs peuvent être établies au sein de tout établissement; ces commissions visent en fait à promouvoir la collaboration "dans le règlement des différends, l'établissement de meilleures normes sociales pour les travailleurs, l'organisation de services sociaux, la fixation de salaires, l'augmentation de la productivité et toutes autres questions présentant un intérêt mutuel pour les deux parties" (loi no 23/1976, art. 142). C'est l'ordonnance no 9/1981 qui précise les exigences selon lesquelles les représentantes employeurs et travailleurs sont élus au sein de ces commissions paritaires. En fait, l'employeur doit désigner ses représentants et organiser l'élection pour ce qui est des représentants travailleurs (ordonnance no 9/1981, art. 2 et 3). Pour être élu, un travailleur ne doit pas notamment avoir été condamné "pour quelque crime ou délit" ou ne pas avoir été engagé dans des activités qui pourraient porter atteinte à la sécurité, l'unité ou l'intérêt de l'Etat (ibid., art. 4). C'est le ministre du Travail et des Affaires sociales qui a le pouvoir de refuser une candidature qui ne répondrait pas à toutes les exigences et conditions fixées par la loi.
  7. 125. Etant entendu que les dispositions en question ne semblent pas avoir été modifiées depuis le dernier examen effectué par le comité, ce dernier se voit obligé de rappeler les conclusions qu'il avait alors formulées et qui se référaient notamment au droit pour les travailleurs d'élire librement leurs représentants et à l'authenticité de la représentation des travailleurs instituée par la législation en cause. En ce qui concerne la question de la représentation des travailleurs par des commissions paritaires, le comité estime que, dans certaines circonstances, il y a un risque que les représentants des travailleurs dans les commissions paritaires ne soient pas élus librement, étant donné notamment que c'est l'employeur lui-même qui organise les élections des représentants travailleurs. De plus, le ministre du Travail a le pouvoir de refuser tout candidat travailleur qui aurait été jugé pour "quelque crime" ou en raison de motifs liés à la sécurité de l'Etat. A cet égard, le comité se dit préoccupé du large pouvoir discrétionnaire octroyé au ministre et souhaite rappeler que toute condamnation pour une activité qui, de par sa nature, ne saurait porter préjudice à l'exercice correct de fonctions syndicales officielles ne devrait pas constituer un motif de disqualification pour les mandats syndicaux; tout texte législatif interdisant ces fonctions aux personnes condamnées pour tout type de délit est incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
  8. 126. En outre, le comité regrette que les dispositions de l'ordonnance no 10 de 1981 qui concerne la Commission générale des travailleurs de Bahreïn qui avaient fait l'objet de commentaires n'ont, depuis leur dernier examen, pas été modifiées. Le comité doit dès lors rappeler que sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale les articles 2 et 8 de l'ordonnance no 10 qui prévoient que les règles s'appliquant à la conduite des affaires de la Commission générale des travailleurs de Bahreïn et leurs modifications doivent être approuvées par le ministre du Travail et des Affaires sociales ainsi que l'article 10 qui interdit à la Commission générale des travailleurs de Bahreïn d'investir ses fonds ou d'accepter des dons sans l'approbation préalable du ministre, et lui interdit également de se livrer à des activités politiques. Dans ces circonstances, le comité doit à nouveau prier instamment le gouvernement de réexaminer les ordonnances nos 9 et 10 de 1981 prises au regard de la loi no 23 de 1976 sur le travail en vue de les harmoniser avec les principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  9. 127. Le comité est sensible au fait que la situation dans laquelle se retrouve l'organisation plaignante, le Syndicat des travailleurs de Bahreïn, ainsi que ses dirigeants est due en grande partie au cadre législatif bahreïnite qui ignore les organisations syndicales et leur substitue les commissions paritaires. Le comité rappelle que les principes de la liberté syndicale exigent que le gouvernement assure aux travailleurs le droit de s'organiser librement et de constituer les organisations de leur choix ou de s'y affilier. Le comité observe que les organisations de travailleurs ainsi créées pourraient dûment représenter les travailleurs au sein des commissions paritaires créées. Dans ces conditions et de façon générale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit effectivement garanti aux travailleurs le droit de s'organiser librement et prie notamment le gouvernement de rendre sa législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle que l'assistance technique du Bureau est à sa disposition s'il le souhaite. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  10. 128. Pour ce qui est du refus des autorités bahreïnites d'émettre le passeport de M. Al-Murbati, le comité observe que les déclarations des parties sont contradictoires à cet égard; les organisations plaignantes affirment en effet que M. Al-Murbati ne posséderait que la nationalité bahreïnite alors que le gouvernement affirme que M. Al-Murbati serait détenteur d'un passeport yéménite, ce qui l'empêcherait d'en détenir un émis par Bahreïn. Bien que les questions relatives à la nationalité ne relèvent pas de la compétence du comité, ce dernier prend note toutefois de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'a aucunement l'intention de priver M. Al-Murbati de sa nationalité bahreïnite et qu'il est prêt à examiner attentivement toute demande en vue de son rétablissement.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 129. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de réexaminer les ordonnances nos 9 et 10 de 1981 prises au regard de la loi no 23 de 1976 sur le travail en vue de les harmoniser avec les principes de la liberté syndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • b) De façon générale, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soit effectivement garanti aux travailleurs le droit de s'organiser librement et prie notamment le gouvernement de rendre sa législation en conformité avec les principes de la liberté syndicale. Le comité rappelle que l'assistance technique du Bureau est à sa disposition s'il le souhaite. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
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