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- Allégations: arrestation et détention d'un dirigeant syndical; violation d'un local syndical; atteinte au droit de grève et de négociation collective
- 119 Le comité a déjà examiné le cas no 2005 à sa session de novembre 1999 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir 318e rapport du comité, paragr. 172 à 187, approuvé par le Conseil d'administration à sa 276e session, nov. 1999.)
- 120 S'agissant du cas no 2056, l'Organisation démocratique syndicale des travailleurs africains (ODSTA) a présenté une nouvelle plainte en violation de la liberté syndicale dans une communication du 10 septembre 1999.
- 121 Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 16 février et 14 mars 2000.
- 122 La République centrafricaine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas no 2005
A. Examen antérieur du cas no 2005- 123. A sa session de novembre 1999, eu égard aux conclusions intérimaires du comité, le Conseil d'administration avait notamment approuvé les recommandations suivantes:
- a) Déplorant que le gouvernement n'ait fait état d'aucun fait précis concernant les modalités et les motifs d'arrestation et de détention de M. Sony Cole, le comité avait prié instamment le gouvernement de lui faire parvenir ses observations concernant cet aspect du cas ainsi que de le tenir informé de l'évolution de la procédure judiciaire.
- b) En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements physiques et de tortures infligés à M. Sony Cole, le comité avait rappelé au gouvernement qu'il devrait donner les instructions nécessaires pour qu'aucun détenu ne fasse l'objet de mauvais traitements et avait prié instamment le gouvernement de diligenter une enquête judiciaire indépendante et d'envoyer ses observations concernant ces allégations.
- c) En ce qui concerne les allégations formulées par la CNTC relatives aux atteintes au droit de grève, à la négociation collective et à la violation de ses locaux syndicaux, le comité avait demandé au gouvernement de communiquer sans tarder ses observations sur l'ensemble des allégations de la CNTC.
- d) Concernant les allégations de refus du gouvernement de négocier de bonne foi sur le problème des arriérés de salaires, le comité avait demandé aux parties de fournir des informations détaillées sur cet aspect du cas.
B. Cas no 2056
B. Cas no 2056- 124. Dans une communication du 10 septembre 1999, l'ODSTA allègue que, depuis le mois d'octobre 1993, le gouvernement centrafricain a cumulé plusieurs mois d'arriérés de salaires. Devant cette situation, les enseignants fonctionnaires de l'Etat affiliés aux quatre centrales syndicales, à savoir la Confédération nationale des travailleurs de Centrafrique (CNTC), l'Union syndicale des travailleurs de Centrafrique (USTC), la Confédération syndicale des travailleurs de Centrafrique (CSTC) et la Confédération centrale des travailleurs de Centrafrique (CCTC), se sont réunis en assemblée générale en octobre 1995 pour exiger le paiement des salaires échus. Cette revendication n'ayant pas été satisfaite, les quatre centrales syndicales ont déclenché un premier mouvement de grève à la fin de l'année 1995 et un second en avril 1996. En réponse au préavis de grève, l'organisation plaignante allègue que le ministre de la Fonction publique et de l'Emploi a menacé de sanction tout travailleur qui entrerait en grève sans justifier au préalable son appartenance à une des quatre centrales syndicales. Aucune solution n'ayant été trouvée, lesdites centrales ont opté pour un boycott des examens de fin d'année ainsi que pour des mouvements de grèves illimités.
- 125. L'organisation plaignante affirme qu'en guise de représailles, le gouvernement centrafricain a procédé à des affectations arbitraires de certains enseignants et suspendu les salaires de plus de 1 000 enseignants. Elle cite en exemple les cas de Louis-Marie Kogrengbo, Jules Nemandji, Xavier Balewanga, Blaise Vincent Yangue, Joseph Koyakoua et François Kogonet qui auraient tous été victimes d'actes de discrimination antisyndicale tels que des suspensions de salaire ou des affectations en province. L'organisation plaignante précise également que le gouvernement aurait fait appel à des enseignants vacataires en remplacement des enseignants titulaires grévistes.
- 126. Enfin, l'organisation plaignante allègue que, le 7 mai 1997, le domicile du secrétaire général de la CNTC a été saccagé par des inconnus et que, le 6 janvier 1999, le siège social de la CNTC a été investi de force par un peloton de la gendarmerie nationale.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 127. Dans ses communications des 16 février et 14 mars 2000, le gouvernement indique en premier lieu, en rapport au cas no 2005 que, dans un souci d'apaiser le climat social, il vient de surseoir à la procédure judiciaire entamée contre M. Sony Cole et que ce dernier jouit désormais de toutes ses libertés civiques.
- 128. S'agissant du cas no 2056, le gouvernement rappelle que, si l'article 10 de la Constitution du pays reconnaît à tous les travailleurs le droit de s'organiser en syndicats, le droit de grève lié à l'activité syndicale n'est reconnu qu'aux seuls travailleurs organisés en syndicats dans le respect des textes qui le régissent. Ainsi, le gouvernement déplore que, dès qu'il y a grève, tous les travailleurs et même ceux qui ne sont pas syndiqués y participent. Le gouvernement précise que, pendant la dernière grève, un contrôle effectué par le Département auprès des inspections académiques a fait état de 1 000 enseignants "grévistes". Toutefois, il n'a jamais été procédé à la suspension de leur salaire en dépit de la position illégale de certains d'entre eux qui n'appartiennent à aucune centrale syndicale.
- 129. Le gouvernement explique ensuite que le système éducatif centrafricain connaît un important déficit en personnel depuis le Programme de départ volontaire assisté, aggravé par l'épidémie du SIDA qui entraîne annuellement une centaine de décès d'enseignants de tous niveaux. De plus, il faut ajouter les effets de l'abandon de postes et de refus de regagner leur poste par de nombreux enseignants qui qualifient leur affectation en province d'arbitraire. Selon le gouvernement, ces enseignants sont confortés dans leur attitude par les syndicats qui considèrent que l'affectation en province est une sanction alors que des centaines d'écoles sont fermées ou ne disposent que d'un seul enseignant pour un cycle complet. Le gouvernement explique que les parents excédés ont dû recruter des maîtres-parents qui ne possèdent pas les qualifications requises, d'où la baisse constante du niveau de l'éducation. Il insiste sur le fait qu'il n'a jamais fait appel à des enseignants vacataires pour remplacer les titulaires grévistes, mais que ce sont les associations de parents d'élèves qui ont pris l'initiative à l'issue d'assemblées générales de recruter ces vacataires pour éviter des années blanches, c'est-à-dire des années scolaires perdues pour leurs enfants.
- 130. En ce qui concerne le paiement des salaires, le gouvernement explique que les enseignants réfractaires depuis trois ans sont en majorité confinés au niveau de la capitale. Ceux-ci refusent d'enseigner dans les écoles publiques mais se retrouvent nombreux comme vacataires dans les établissements privés et continuent de toucher leurs salaires au même titre que ceux qui travaillent régulièrement. En outre, le gouvernement insiste sur le fait que le non-paiement des salaires à terme échu ne résulte pas de la volonté délibérée du gouvernement mais constitue l'une des multiples conséquences issues des trois mutineries des années 1996 et 1997 qui ont considérablement affaibli l'économie du pays. Enfin, le gouvernement réaffirme qu'il a toujours accordé une priorité à la négociation collective en cas de conflit avec les partenaires sociaux et qu'il s'efforce dans le cadre d'un programme incluant le BIT à dynamiser le dialogue social et la coopération tripartite.
- 131. S'agissant des allégations relatives aux représailles exercées contre certains fonctionnaires pour activités syndicales, le gouvernement rappelle que la prise de décisions objectives dans le cadre du fonctionnement normal de l'administration ne saurait être considérée comme des représailles. A cet égard, et concernant les individus mentionnés par l'ODSTA, le gouvernement fournit les informations suivantes: concernant le cas de M. Louis-Marie Kogrengbo, le gouvernement précise que son salaire est suspendu depuis mai 1998 et non 1997 et que cette suspension est la conséquence de sa longue absence pour grève. A cet égard, le gouvernement estime qu'il appartient à la centrale syndicale responsable du mot d'ordre de grève d'assurer les salaires de ses adhérents; concernant le cas de M. Nemandji, le gouvernement précise que son cas ne peut être assimilé à une représaille puisque, en tant que secrétaire préfectoral, il n'a pas été affecté en dehors de la Préfecture à laquelle s'étend sa compétence de juridiction; concernant le cas de M. Xavier Balewanga, le gouvernement explique que sa nouvelle affectation à l'Inspection académique s'est effectuée en conformité avec la loi centrafricaine qui précise que tout fonctionnaire est soumis au principe de la mutabilité conformément aux besoins de chaque service; enfin, concernant les cas de MM. Koyakoua et Kogonet, le gouvernement reconnaît qu'ils sont inscrits au registre de la banque du personnel, ce qui signifie qu'ils sont en attente d'affectation mais qu'ils continuent à toucher leurs salaires.
- 132. S'agissant des allégations de mise à sac du domicile du secrétaire général de la CNTC, le gouvernement déclare qu'aucun lien n'a été établi entre cet événement et l'appartenance ou l'activité syndicale de ce dernier et qu'il s'agit d'une affaire de droit commun qui aurait dû suivre la procédure judiciaire en la matière.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- Cas no 2005
- 133 Le comité rappelle que le cas no 2005 avait fait l'objet d'un rapport intérimaire à sa session de novembre 1999. (Voir 318e rapport.) Le comité avait alors demandé au gouvernement de préciser les motifs d'arrestation et de détention de M. Sony Cole et de le tenir informé de l'évolution de la procédure judiciaire. A cet égard, tout en regrettant que le gouvernement n'ait fourni aucune précision sur lesdits motifs d'arrestation de M. Cole, ni sur les allégations d'actes de tortures dont il aurait été victime, le comité prend néanmoins bonne note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il vient de surseoir à la procédure judiciaire entamée contre M. Sony Cole et que ce dernier jouit désormais de toutes ses libertés civiques. Néanmoins, le comité insiste de nouveau auprès du gouvernement pour qu'il diligente une enquête concernant les allégations de torture à l'encontre de M. Sony Cole et lui demande de le tenir informé à cet égard. En outre, le comité regrette que, malgré la demande expresse formulée par le comité, l'organisation plaignante n'ait fourni aucune information détaillée sur les allégations de refus du gouvernement de négocier de bonne foi sur le problème des arriérés de salaires.
- Cas no 2056
- 134 S'agissant des allégations relatives aux atteintes au droit de grève, à la négociation collective, aux représailles antisyndicales et à la violation de locaux syndicaux formulées par l'ODSTA, le comité note qu'elles sont essentiellement les mêmes que celles soulevées par la CNTC dans le cas no 2005.
- 135 En ce qui concerne la question des grèves dans le domaine de l'éducation, le comité note que, suite au non-paiement des salaires dus aux enseignants, ces derniers ont eu recours à des mouvements de grève en 1995 et 1996. L'organisation plaignante déclare en outre que, suite au blocage de la situation, les enseignants ont opté pour un boycott des examens de fin d'année ainsi que pour des mouvements de grèves illimités. Le comité note que, de son côté, le gouvernement fournit des explications quant à l'important déficit en personnel au sein du système éducatif centrafricain, causé en partie par l'épidémie du SIDA, qui a indéniablement des conséquences graves pour la population active de l'Afrique. Le comité note également la déclaration du gouvernement selon laquelle le non-paiement des salaires est directement lié à l'affaiblissement de l'économie du pays suite aux mutineries qui ont eu lieu en 1996-97. Enfin, le comité note que, selon le gouvernement, aucune réquisition d'enseignants vacataires pour remplacer les enseignants titulaires grévistes n'a eu lieu et que ce sont plutôt les parents d'élèves qui ont pris l'initiative de recruter des maîtres afin d'éviter des années sans scolarité aux élèves.
- 136 Le comité doit rappeler que, lors de l'examen du cas no 2005, il avait estimé que le droit de grève est un moyen légitime de défense des intérêts des travailleurs et que, lorsque celle-ci est légale, l'utilisation d'une main-d'oeuvre étrangère à l'entreprise afin de remplacer des grévistes comportait un risque d'atteinte au droit de grève pouvant affecter le libre exercice des droits syndicaux. Dans le cas d'espèce, le comité observe que les enseignants grévistes qui, selon le gouvernement, touchent toujours leurs salaires, auraient été remplacés non pas de façon délibérée par le gouvernement mais bien par les parents d'élèves voulant éviter aux enfants la perte d'années scolaires complètes. Constatant cependant avec préoccupation que le climat social continue de se dégrader dans le secteur de l'éducation, le comité demande au gouvernement de prendre des initiatives afin de rétablir des négociations véritables et constructives avec les syndicats du secteur de l'éducation et demande aux parties de déployer tous les efforts nécessaires pour aboutir à un accord satisfaisant pour tous.
- 137 S'agissant des allégations relatives aux représailles antisyndicales contre des enseignants grévistes, le comité note que le gouvernement réfute ces allégations et déclare que la prise de décisions dans le cadre du fonctionnement normal de l'administration ne peut être considérée comme des représailles. Toutefois, le comité observe que le gouvernement reconnaît que le salaire de M. Kogrengbo est toujours suspendu depuis mai 1998 et que cette suspension est la conséquence de sa longue absence pour grève. Il note également que le gouvernement ne fournit aucune information sur le cas de M. Blaise Vincent Yangue alors qu'il admet que MM. Nemandji, Balewanga, Koyakoua et Kogonet ont soit reçu une nouvelle affectation, soit ils sont en attente d'un nouveau poste. A cet égard, le comité rappelle de nouveau que nul ne doit faire l'objet de sanctions pour avoir déclenché une grève légitime. De plus, la protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement le cas de licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d'emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables. Le comité rappelle au gouvernement qu'il a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et qu'il doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d'une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 590 et 738.) Le comité demande donc au gouvernement de s'assurer que les individus en question puissent avoir accès à de telles procédures et, dans le cas où il serait avéré qu'ils ont été victimes d'actes de discrimination antisyndicale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à cette situation. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 138 S'agissant des allégations de violation du domicile du secrétaire général de la CNTC par des inconnus ainsi que du local syndical de cette organisation par les forces de l'ordre, le comité déplore que le gouvernement n'ait fourni des informations que sur la première allégation en se limitant à indiquer qu'il s'agissait d'une affaire de droit commun qui aurait dû suivre la procédure judiciaire en la matière. Le comité rappelle que les assauts menés contre des locaux syndicaux et les menaces exercées contre des syndicalistes créent un climat de crainte parmi ces derniers fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 179.) Le comité prie instamment le gouvernement de procéder à une telle enquête et lui demande de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 139. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité insiste de nouveau auprès du gouvernement pour qu'il diligente une enquête concernant les allégations de torture à l'encontre de M. Sony Cole et lui demande de le tenir informé à cet égard.
- b) Exprimant sa préoccupation concernant la dégradation du climat social dans le secteur de l'éducation en République centrafricaine, le comité demande au gouvernement de prendre des initiatives afin de rétablir des négociations véritables et constructives avec les syndicats du secteur de l'éducation et demande aux parties de déployer tous les efforts nécessaires pour aboutir à un accord satisfaisant pour tous.
- c) S'agissant des allégations d'actes de discrimination antisyndicale, le comité demande au gouvernement de s'assurer que les enseignants mentionnés par l'organisation plaignante puissent avoir accès à des procédures promptes et impartiales et, dans le cas où il serait avéré qu'ils ont été victimes d'actes de discrimination antisyndicale, de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier à cette situation. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) S'agissant des allégations de violation du domicile du secrétaire général de la CNTC ainsi que du local syndical de cette organisation, le comité prie instamment le gouvernement de procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables et de le tenir informé à cet égard.