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- 583. La plainte figure dans une communication de la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU) datée du 25 juin 2001.
- 584. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l’examen de ce cas à deux reprises. A sa session de mars 2002 [voir 327e rapport, paragr. 9], il a lancé un appel pressant au gouvernement en rappelant que, conformément aux règles de procédure indiquées au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il serait en droit de présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine session, même si les informations ou observations demandées n’avaient pas encore été reçues. A cette date, le gouvernement n’a toujours pas communiqué ses observations.
- 585. Le Swaziland a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant- 586. Dans sa communication du 25 juin 2001, la SFTU explique tout d’abord que l’un des principaux problèmes qui se posent dans le domaine des relations professionnelles est que le gouvernement recourt systématiquement au décret de 1973 sur l’état d’urgence et à la loi de 1963 sur l’ordre public, deux textes qui établissent l’état d’urgence, ce qui porte atteinte aux droits de l’homme et aux droits syndicaux. Le décret de 1973 qui, selon le plaignant, est considéré par le gouvernement comme la loi suprême du pays et qui demeure en vigueur aujourd’hui interdit les partis politiques, la liberté syndicale, le droit de réunion, le droit de manifestation et permet la détention d’une personne pendant soixante jours sans jugement. Cela signifie que, ces dernières années, les travailleurs n’ont pu se réunir qu’avec l’autorisation de la police. Celle-ci, quand elle donne son autorisation, assiste aux réunions et peut les suspendre à tout moment.
- 587. La SFTU donne une liste d’événements qui se sont produits ces dernières années et au cours desquels le gouvernement a eu recours au décret de 1973 sur l’état d’urgence et à la loi de 1963 sur l’ordre public: interdiction de réunions syndicales par le Premier ministre, le 27 octobre 2000; brutalités commises à l’encontre de personnes manifestant de façon pacifique, les 13 et 14 novembre 2000; refus d’accorder le droit de manifester, le 7 novembre 2000; arrestation de militants lors d’une manifestation, le 10 novembre 2000; et détention de dirigeants syndicaux pendant neuf heures au poste de police de Lobamba; interdiction par le Premier ministre, en décembre 2000, des réunions syndicales à moins qu’elles ne soient autorisées par la police et que celle-ci puisse y assister et les suspendre si des questions jugées politiques étaient abordées.
- 588. La SFTU indique aussi que, en janvier 2001, le gouvernement a engagé des poursuites contre six dirigeants syndicaux qui avaient pris la tête de la manifestation pacifique des 13 et 14 novembre 2000, à savoir: Jan Sithole, secrétaire général de la SFTU; Musa Dlamini, secrétaire général du syndicat des enseignants SNAT; Phineas Magagula, président du SNAT; Elliot Mkhatschwa, vice-président de la SFTU; Quinton Dlamini, secrétaire général du syndicat de la fonction publique SNACS; et Bonginhlanhla Gama, membre exécutif du SNAT. Ces personnes ont été laissées en liberté mais leurs passeports et autres documents de voyage leur ont été confisqués et il leur a été interdit de prendre la parole à des réunions. Leurs passeports leur ont finalement été rendus mais leur procès a été ajourné à trois reprises, de sorte qu’ils attendent toujours d’être jugés.
- 589. Enfin, la SFTU affirme que le gouvernement s’en est pris aux dirigeants de tous les syndicats du secteur public qu’il a accusés d’avoir «compromis leur impartialité politique» en participant à une protestation pacifique et en assistant à une réunion de travailleurs en Afrique du Sud. Les noms des fonctionnaires ainsi poursuivis sont les suivants: Phineas Magagula, Meshack Masuku, Musa Dlamini, Masitsela Mhlanga, Zweli Nxumalo, Julia Ziyane, Elliot Mkhatschwa, Sipiwe Hlophe et Quinton Dlamini.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 590. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations du plaignant bien qu’il ait été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations. Le comité espère que le gouvernement se montrera plus coopératif à l’avenir.
- 591. Dans ces conditions, et conformément aux règles de procédure applicables [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité est obligé de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans disposer des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 592. Le comité rappelle que la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations d’atteinte à la liberté syndicale a pour but de promouvoir le respect de cette liberté en droit et en pratique. Le comité estime que la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables et que, de leur côté, les gouvernements doivent être conscients qu’il importe, pour leur bonne réputation, de répondre dans le détail aux accusations qui sont portées contre eux. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 593. Le comité note que ce cas concerne l’application dans la pratique du décret de 1973 sur l’état d’urgence et de la loi de 1963 sur l’ordre public qui, selon l’organisation plaignante, a entraîné de graves atteintes au droit des travailleurs de se réunir et de manifester pacifiquement. Le comité note aussi que le recours à cette législation aurait conduit à la détention de dirigeants syndicaux et que des poursuites ont été engagées contre eux. A cet égard, le comité rappelle que le droit d’organiser des réunions syndicales est un élément essentiel du droit syndical. De plus, les travailleurs ont le droit de manifester pacifiquement pour défendre leurs intérêts professionnels et les autorités devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice, à moins que cet exercice ne trouble l’ordre public ou ne le menace de manière grave ou imminente. En outre, les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans les situations où l’ordre public est sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le risque d’excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 137.] Le comité note aussi que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations s’inquiète depuis plusieurs années du recours au décret de 1973 sur l’état d’urgence et à la loi de 1963 sur l’ordre public face à des actions de protestation pacifiques. La commission d’experts a toutefois noté avec intérêt dans son observation de 2002 que, depuis l’adoption de la loi no 8 de 2000, entrée en vigueur en décembre 2000, qui modifie certains articles de la loi de 2000 sur les relations professionnelles, les dispositions relatives aux actions de protestation pacifiques sont conformes aux principes de la liberté syndicale. Le comité espère fermement que les dispositions de la loi no 8 de 2000 concernant les actions de protestation pacifiques seront dûment appliquées, en droit et en pratique, et que le gouvernement n’aura plus recours au décret de 1973 sur l’état d’urgence et à la loi de 1963 sur l’ordre public lorsque les travailleurs organisent des manifestations pacifiques. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 594. En ce qui concerne la brève détention de dirigeants syndicaux à la suite d’une manifestation pacifique en novembre 2000, et les poursuites qui ont été engagées contre eux en janvier 2001 à la suite de ces incidents, le comité note qu’ils ont été relâchés et que leurs passeports, qui avaient été confisqués, leur ont été rendus, mais que leur procès a été ajourné trois fois et qu’ils attendent toujours d’être jugés. Le comité rappelle au gouvernement que la détention, même brève, de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dont le seul tort est d’avoir exercé des activités syndicales légitimes constitue une violation des principes de la liberté syndicale. Le comité demande au gouvernement de renoncer aux poursuites engagées contre les six dirigeants syndicaux s’il est établi qu’ils sont poursuivis uniquement pour avoir pris la tête d’une manifestation pacifique. En ce qui concerne les poursuites engagées contre des dirigeants syndicaux du secteur public, le comité demande au gouvernement de renoncer à ces poursuites s’il est établi qu’elles sont uniquement motivées par le fait qu’ils auraient compromis leur impartialité politique en participant à une action de protestation pacifique et en assistant à une réunion de travailleurs en Afrique du Sud. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 595. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations du plaignant. Le comité espère que le gouvernement se montrera plus coopératif à l’avenir.
- b) Le comité rappelle que les travailleurs doivent pouvoir manifester pacifiquement pour défendre leurs intérêts professionnels et il espère fermement que les dispositions de la loi no 8 de 2000 concernant les actions de protestation pacifiques seront dûment appliquées, en droit et en pratique, et que le gouvernement n’aura plus recours au décret de 1973 sur l’état d’urgence et à la loi de 1963 sur l’ordre public lorsque les travailleurs organiseront des manifestations pacifiques.
- c) En ce qui concerne la détention de six dirigeants syndicaux et les poursuites engagées contre eux, le comité demande au gouvernement de renoncer à ces poursuites s’il est établi que la seule chose qui leur est reprochée est d’avoir pris la tête d’une manifestation pacifique. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité demande instamment au gouvernement de communiquer ses observations concernant les poursuites engagées contre des dirigeants syndicaux du secteur public et, comme dans le cas précédent, de renoncer à ces poursuites s’il est établi que la seule chose qui leur est reprochée serait d’avoir compromis leur impartialité politique en participant à une action de protestation pacifique et à une réunion de travailleurs en Afrique du Sud.