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- 305. Dans ses communications du 28 septembre et du 16 octobre 2001, le syndicat Pataka Biri Karmachary a présenté une plainte pour violations de la liberté syndicale contre le gouvernement de l’Inde.
- 306. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées des 10 janvier et 7 mai 2002.
- 307. L’Inde n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 308. Dans sa communication du 28 septembre 2001, l’organisation plaignante explique que la société Pataka Biri possède trois usines au Bengale-Occidental, dans les villes d’Amangabad, Jangipur et Dhuliyan, soit un total de 710 travailleurs permanents environ. L’organisation plaignante allègue tout d’abord qu’en 1998 la direction de l’entreprise a licencié six travailleurs au motif qu’ils s’étaient affiliés au syndicat et avaient présenté une liste de revendications. Le syndicat a alors déposé plainte, et ce cas a été soumis à la Direction du travail. Cela fait aujourd’hui plus de deux ans et demi qu’on attend une réponse du Commissaire au travail sur cette affaire, alors qu’en principe il ne faut pas plus de six mois pour régler un cas de ce genre.
- 309. Deuxièmement, l’organisation plaignante explique que le 1er juillet 1999 neuf de ses membres ont présenté au ministère du Travail une plainte contre la direction de Pataka Biri pour exploitation des travailleurs et pratiques de travail déloyales, et ont demandé que la liste de revendications en dix points concernant les droits fondamentaux des travailleurs soit appliquée. Il est vrai qu’il y a plus de deux ans la Direction du travail a demandé l’ouverture d’une enquête sur cette affaire, mais jusqu’à présent aucune mesure n’a été prise en la matière. Par ailleurs, l’organisation plaignante allègue que 45 jours après l’envoi de la liste de revendications en dix points ces neuf syndicalistes ont été licenciés illégalement par la direction. Ils ont certes fait appel de cette décision auprès du tribunal compétent, mais l’affaire est toujours en suspens devant la Haute Cour de Calcutta.
- 310. Troisièmement, l’organisation plaignante allègue qu’il y aurait eu harcèlement de la part de la Direction du travail, celle-ci lui ayant refusé pendant 24 mois tout certificat d’enregistrement. La Direction du travail lui aurait réclamé document sur document, ne lui délivrant le certificat d’enregistrement que le 29 juin 2001, sur intervention de l’OIT. En outre, la direction de l’entreprise a porté, en collusion avec les services de police du district, trois accusations fausses et montées de toutes pièces contre l’un des dirigeants syndicaux. Celui-ci a été détenu pendant une période de 70 jours avant d’être libéré, l’accusation s’étant avérée fausse. Le dirigeant syndical n’a pas été autorisé à déposer plainte pour demander réparation.
- 311. Enfin, l’organisation plaignante allègue plusieurs actes d’intimidation de la part de la direction, souvent en collusion avec les services de police locaux, à l’encontre des membres du syndicat. En mars 2001, huit travailleurs ont été licenciés pour avoir maintenu des liens étroits avec le syndicat. La police n’a pas cessé de harceler le dirigeant du syndicat, et la direction et les forces de police font pression sur des syndicalistes pour les amener à quitter le syndicat. En outre, la direction a déclaré ouvertement qu’elle ne manquerait pas de saccager les bureaux du syndicat. L’organisation plaignante insiste sur le fait que, malgré les nombreuses plaintes déposées auprès de la Direction du travail et du gouvernement de l’Etat, aucune mesure efficace n’a été prise à ce jour pour mettre un terme à ces actes.
- 312. Dans sa dernière communication, l’organisation plaignante allègue que depuis le dépôt de la plainte le dirigeant syndical a été inculpé sur de faux témoignages avant d’être libéré le lendemain sous caution sur l’intervention de l’association Jangipur Bar. L’organisation plaignante redoute par conséquent de la part de la direction ou des services de police locaux d’autres actes de discrimination antisyndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 313. Dans sa communication du 10 janvier 2002, le gouvernement commence par expliquer que les droits syndicaux et les pratiques du travail déloyales relèvent des différents gouvernements étatiques et provinciaux. Le gouvernement du Bengale-Occidental -- gouvernement compétent dans le cas d’espèce -- a été prié de faire le nécessaire pour la plainte déposée par le syndicat Pataka Biri Karmachary contre la direction de Pataka Biri. Les rapports du gouvernement du Bengale-Occidental ont donné lieu aux observations suivantes.
- 314. S’agissant de la première allégation -- celle des six travailleurs licenciés --, le gouvernement de l’Etat du Bengale-Occidental déclare qu’il y a eu conciliation à différents niveaux, du Commissaire adjoint au travail de Jangipur au Commissaire au travail de Calcutta. L’affaire est actuellement entre les mains du Commissaire au travail de Berhampur -- autorité de recours selon la loi de 1966 sur les travailleurs des usines de Bidi et de cigares (conditions d’emploi). Tout fait nouveau en la matière sera communiqué dès qu’il aura été transmis.
- 315. S’agissant du licenciement présumé de neuf membres de l’organisation plaignante, et ce 45 jours à peine après qu’ils eurent demandé que la liste de revendications en dix points concernant les droits fondamentaux des travailleurs soit appliquée, le gouvernement reconnaît qu’il y a bien eu licenciement, tout en précisant qu’il s’agit d’un licenciement pour faute, et que la procédure normale en la matière a bien été respectée. Les travailleurs ont contesté leur licenciement auprès de l’autorité de recours, qui a rejeté leur appel le 9 février 2000, après quoi ils ont introduit une requête auprès de la Haute Cour de Calcutta, où l’affaire est encore en suspens.
- 316. Pour ce qui est des atermoiements qui sont reprochés à la Direction du travail dans l’affaire de l’enregistrement du syndicat, le gouvernement fait savoir qu’une fois les formalités accomplies ce dernier a bien été enregistré le 29 juin 2001, et nie toute forme de harcèlement venant de lui. S’agissant de l’allégation selon laquelle la direction de l’entreprise aurait porté, en collusion avec les services de police locaux, trois accusations fausses et montées de toutes pièces contre un dirigeant syndical, le gouvernement reconnaît qu’une action en justice a été intentée devant le tribunal compétent, avec trois chefs d’accusation, et qu’aucune autre observation ne peut être faite à ce stade.
- 317. Concernant l’allégation d’actes de discrimination antisyndicale, et notamment de licenciement de huit travailleurs, le gouvernement fait savoir que la direction a réfuté ces allégations et a précisé que les travailleurs en question avaient été recrutés sur contrat pour une période d’une année, après quoi il était automatiquement mis fin à leurs services. Toutefois, l’affaire est aujourd’hui en conciliation. S’agissant des deux autres allégations, l’allégation de harcèlement et l’allégation de discrimination antisyndicale de la part de la direction et des services de police locaux, le gouvernement du Bengale-Occidental devra soumettre un rapport, qui sera communiqué immédiatement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 318. Le comité note que ce cas concerne des allégations portant sur divers actes de discrimination antisyndicale qui auraient été commis au sein de l’entreprise Pataka Biri dans l’Etat du Bengale-Occidental. Le comité prend note des explications données par le gouvernement, à savoir qu’en Inde les droits syndicaux et les pratiques du travail déloyales relèvent des différents gouvernements étatiques et provinciaux, et que, dans le cas d’espèce, les rapports fournis par le gouvernement du Bengale-Occidental constituent la seule et unique base des observations du gouvernement. Tout en reconnaissant la spécificité de la structure politique et de l’organisation des différents pays, le comité tient à rappeler, avant toute chose, que lorsqu’un Etat décide d’adhérer à l’OIT le gouvernement a l’obligation de s’assurer que les principes de la liberté syndicale sont pleinement respectés sur tout son territoire.
- 319. S’agissant de la première allégation, celle concernant les six travailleurs qui auraient été licenciés en 1998 pour avoir rejoint les rangs de l’organisation plaignante et pour avoir présenté une liste de revendications à la direction de l’entreprise, le comité note que, loin de réfuter cette allégation, le gouvernement se contente de dire que l’affaire a été en conciliation à différents niveaux, et qu’elle est aujourd’hui entre les mains du Commissaire au travail de Berhampur, qui est l’autorité de recours dans le cas d’espèce. Le comité ajoute que l’affaire de ces travailleurs licenciés est toujours en instance depuis plus de trois ans. A cet égard, le comité rappelle que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. En fait, le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs et peu coûteux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 738 et 741.] De plus, le comité rappelle que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. Par conséquent, le comité, convaincu que les cas en instance des six travailleurs licenciés seront réglés sans délai, prie le gouvernement, si la nature antisyndicale de ces licenciements devait être confirmée, de prendre rapidement les mesures nécessaires pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leurs fonctions, sans perte de salaire, et de faire en sorte que l’entreprise se voit appliquer les sanctions juridiques correspondantes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 320. Concernant l’allégation relative au licenciement de neuf membres de l’organisation plaignante 45 jours à peine après qu’ils eurent présenté une liste de revendications en dix points, le comité note que le gouvernement reconnaît qu’il y a bien eu licenciement, tout en précisant que, d’après la direction, il s’agit de licenciements pour faute qu’elle aurait menés en suivant la procédure normale en la matière. Le comité ajoute que cette affaire est toujours en suspens devant la Haute Cour de Calcutta. Une fois de plus, regrettant les lenteurs de la procédure -- près de trois ans se sont écoulés depuis les licenciements -- et rappelant qu’un dirigeant syndical ne devrait en aucun cas pouvoir être licencié pour le simple motif qu’il a présenté un cahier de revendications, ces licenciements constituant un acte de discrimination antisyndicale extrêmement grave, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure concernant les neuf travailleurs licenciés, qui est en suspens devant la Haute Cour de Calcutta. Ainsi qu’il a été dit précédemment, si le caractère antisyndical des licenciements était établi, le comité prie le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leurs fonctions, sans perte de salaire, et que l’entreprise se voie appliquer les sanctions juridiques correspondantes. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- 321. S’agissant des atermoiements qui sont reprochés à la Direction du travail dans l’affaire de l’enregistrement de l’organisation plaignante, le comité prend note de la précision donnée par le gouvernement, à savoir qu’une fois les formalités accomplies le syndicat a bien été enregistré en juin 2001. Le comité note également que le gouvernement nie toute forme de harcèlement de la part de la Direction du travail dans cette affaire. Tout en prenant bonne note de l’enregistrement de l’organisation plaignante, le comité insiste sur le fait que la procédure d’enregistrement ne devrait être qu’une simple formalité et que, lorsque les autorités compétentes ont des pouvoirs plus ou moins discrétionnaires pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer, cela est de nature à entraver gravement la création d’un syndicat et peut revenir à nier le droit de constituer un syndicat sans autorisation préalable.
- 322. S’agissant de l’allégation selon laquelle des accusations fausses et montées de toutes pièces auraient été portées contre l’un des dirigeants de l’organisation plaignante, le comité note que le gouvernement reconnaît que ces accusations ont bien été faites et n’a fait aucun commentaire particulier sur cette affaire. Toutefois, le comité note avec une vive inquiétude qu’après les accusations qui auraient été montées de toutes pièces le dirigeant syndical en question a été détenu durant une période de 70 jours avant d’être libéré, et qu’il n’a pas été autorisé à déposer plainte pour demander réparation. A cet égard, le comité rappelle que l’arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n’est ultérieurement retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale, et que les arrestations de ce type peuvent créer un climat d’intimidation et de crainte empêchant le déroulement normal des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 80.] Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités concernées reçoivent les instructions appropriées pour éliminer le danger qu’entraîne une arrestation pour activités syndicales. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.
- 323. Concernant l’allégation relative à des actes de discrimination antisyndicale, et en particulier au fait que huit travailleurs auraient été licenciés en mars 2001 pour avoir maintenu des liens étroits avec le syndicat, le comité note que, selon le gouvernement, la direction aurait nié ces allégations et aurait déclaré que lesdits travailleurs ont été recrutés sur contrat pour une durée d’une année et qu’il a simplement été mis fin à leur contrat après cette période. Le comité note que le gouvernement précise que la question est en conciliation, et lui demande par conséquent de le tenir informé de l’issue de la procédure de conciliation. Le comité demande également au gouvernement de faire parvenir ses observations sur toutes les autres allégations de discrimination antisyndicale, à savoir la pression qui aurait été exercée sur les syndicalistes pour qu’ils quittent le syndicat et la menace de saccager les bureaux du syndicat, ainsi que la dernière arrestation du dirigeant de l’organisation plaignante, qui a été apparemment libéré mais seulement sous caution et à la suite de l’intervention de l’association Jangipur Bar.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 324. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité veut croire que les cas en suspens des six travailleurs licenciés de la société Pataka Biri seront réglés sans délai, et prie le gouvernement, si le caractère antisyndical des licenciements devait être confirmé, de prendre rapidement les mesures nécessaires pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leurs fonctions sans perte de salaire, et de faire en sorte que l’entreprise se voit appliquer les sanctions juridiques correspondantes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Rappelant qu’un dirigeant syndical ne devrait en aucun cas être licencié pour le simple motif qu’il a présenté un cahier de revendications, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure concernant les neuf travailleurs licenciés, en suspens devant la Haute Cour de Calcutta. Ainsi qu’il a été dit ci-dessus, si le caractère antisyndical des licenciements était établi, le comité prie le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour que ces travailleurs soient réintégrés dans leurs fonctions sans perte de salaire, et que l’entreprise se voie appliquer les sanctions juridiques correspondantes. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
- c) Rappelant que l’arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n’est ultérieurement retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités concernées reçoivent les instructions appropriées pour éliminer le danger qu’entraîne une arrestation pour activités syndicales. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure de conciliation concernant les huit travailleurs qui auraient été licenciés. Il lui demande également de faire parvenir ses observations sur toutes les autres allégations de discrimination antisyndicale, à savoir la pression qui aurait été exercée sur les syndicalistes pour qu’ils quittent le syndicat et la menace de saccager les bureaux du syndicat, ainsi que la dernière arrestation du dirigeant de l’organisation plaignante.