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- 316. La plainte figure dans une communication du Syndicat des pilotes et techniciens de Lan Chile (SPTLC) datée du 29 janvier 2002. Le gouvernement a fait parvenir ses observations par une communication en date du 31 juillet 2002.
- 317. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 318. Dans sa communication du 29 janvier 2002, le Syndicat des pilotes et techniciens de l’entreprise Lan Chile SA fait état d’une série de pratiques de travail illégales, contraires aux conventions nos 87 et 98, suite à des négociations ayant pour but la conclusion d’une nouvelle convention collective. L’organisation plaignante explique que, en 2001, le peuple chilien a été le témoin d’un intense conflit du travail entre le syndicat et Lan Chile SA , la compagnie de transport aérien commercial la plus importante du pays. Avant le début des négociations contractuelles, le 15 octobre 2001, quand les parties se sont trouvées légalement obligées de maintenir les conditions de statu quo, la compagnie a mis en œuvre une campagne antisyndicale féroce et très orchestrée. A la suite de quoi, le syndicat a répondu par des actions de revendication, y compris la grève du zèle, afin d’essayer de faire revenir la compagnie sur les pratiques antisyndicales dirigées contre lui. Résultat de la campagne de la compagnie, tant sur le lieu de travail que dans la presse, le syndicat a perdu plus de 80 pour cent de ses membres au cours des derniers mois.
- 319. Dans un premier temps, la compagnie a cherché à éliminer les pilotes syndiqués en les mutant dans des filiales récemment créées. La compagnie a obtenu ce résultat en négociant directement avec les membres du syndicat et en leur promettant un avancement rapide dans leur carrière dans ces filiales en échange de leur renoncement au syndicat. Entre mai et septembre 2001, la compagnie a réussi à transférer des unités de travail collectives dans des filiales ou des sociétés situées hors du Chili, même si les coûts opérationnels étaient sensiblement plus élevés.
- 320. Par la suite, la compagnie a licencié plusieurs pilotes qui étaient des membres actifs du syndicat. Le 14 septembre 2001, la compagnie a congédié 73 pilotes syndiqués, soi-disant pour des raisons «disciplinaires». Il est à noter que la compagnie a éliminé tous les pilotes qui avaient assisté à un discours prononcé par John Darrah, président de l’Allied Pilots Association (Association des pilotes et travailleurs assimilés). Treize autres pilotes et membres du syndicat ont été licenciés par la suite pour des raisons disciplinaires entre le 1er et le 4 octobre. Dans le même temps, 22 pilotes ont été licenciés pour cause de réduction des effectifs. Beaucoup de ces pilotes congédiés pendant les jours qui ont précédé les négociations collectives étaient très actifs dans le syndicat: en effet, parmi ces pilotes il y avait huit ex-dirigeants du syndicat.
- 321. A partir de là, la direction a lancé l’assaut final contre les membres restants et, directement ou indirectement, elle les a menacés de mettre fin à leur contrat. Par exemple, plusieurs superviseurs ont téléphoné aux épouses ou à d’autres membres des familles des pilotes en les menaçant et en les intimidant pour qu’elles fassent pression sur leurs époux afin qu’ils se retirent du syndicat et signent des contrats individuels avec la compagnie. En outre, la compagnie a eu recours à des pilotes non syndiqués pour faire courir des rumeurs selon lesquelles certains membres clés du syndicat s’en étaient retirés ou avaient coopéré avec la compagnie. Cet effort a eu pour effet que plus de 150 membres ont renoncé à leur affiliation au syndicat.
- 322. La discrimination antisyndicale est encore plus flagrante dans le refus de la compagnie de tenir compte de l’ancienneté pour la formation au pilotage des nouveaux avions. Normalement, les pilotes sont entraînés pour exercer sur les nouveaux avions selon leur ordre d’ancienneté dans la compagnie. Cependant, après l’action de la «grève du zèle» de la part du syndicat, tous les entraînements de pilotage ont été annulés. Quand l’école a rouvert un peu plus tard, la compagnie a exclu tous les membres du syndicat, indépendamment de leur ancienneté, de la participation aux entraînements. Le syndicat s’est plaint à ce sujet à la compagnie, mais aucune mesure n’a été prise.
- 323. Ayant perdu tant de pilotes, la compagnie s’est retrouvée, et se trouve encore, face à un cruel besoin de pilotes. Comme elle ne désire pas alléger la pression qu’elle exerce sur le syndicat, la compagnie embauche des pilotes non syndiqués, venant du Pérou ou de l’Equateur, entre autres, et cela très souvent en pleine connaissance de cause des Autorités de l’aviation civile (DGAC) et du gouvernement chilien, et avec leur consentement.
- 324. Lan Chile commence à offrir de réintégrer les pilotes licenciés, s’efforçant ainsi de s’assurer une main-d’œuvre suffisante pour la prochaine haute saison. Cependant, la réintégration a un prix très élevé. Les anciens pilotes du syndicat qui veulent revenir doivent écrire et signer de leur propre main une lettre dans laquelle ils déclarent qu’ils acceptent une responsabilité individuelle pour tout dommage qu’ils auraient pu causer quand ils ont participé à la «grève du zèle» et où ils affirment que le syndicat leur a ordonné d’y participer. Quand un pilote est réembauché par la compagnie, ou l’une de ses filiales, il n’est plus couvert par la convention collective existante mais dépend de contrats de travail individuels.
- 325. A ce jour, près de 300 des 400 membres du syndicat ont reçu leur congé ou ont subi des pressions ou ont été convaincus de renoncer au syndicat; le nombre des affiliés est passé de 420 à 114. En outre, la compagnie a entrepris une action en justice contre l’un des dirigeants du syndicat pour le harceler, juste avant la négociation du contrat. Une deuxième action en justice a été annoncée par un représentant de la compagnie, mais elle n’a pas encore été engagée. Les pilotes congédiés illégalement ont entamé une action contre la compagnie pour réclamer leur réintégration. On estime qu’une décision à ce sujet pourrait prendre plus de deux ans.
- 326. L’organisation plaignante signale que les faits relatés ici montrent qu’il existe une campagne organisée pour détruire le syndicat.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 327. Dans sa communication datant du 31 juillet 2002, le gouvernement explique que, pendant le second semestre de 2001, durant les mois qui ont précédé l’expiration de la convention collective des pilotes et techniciens, il commençait à y avoir un climat peu propice à la négociation qui devait commencer au mois d’octobre de la même année entre l’entreprise Lan Chile SA et le Syndicat des pilotes et techniciens de l’entreprise. Il convient de signaler que cette condition existait avant même l’attaque et la destruction des Tours jumelles aux Etats-Unis, et il est clair que cet accident a eu une incidence sur certains faits dénoncés par le syndicat, mais cela ne constitue pas une explication unique ni suffisante.
- 328. Le gouvernement détaille ensuite une série de faits qui, indique-t-il, constituent des pratiques antisyndicales.
- Négociation individuelle de l’entreprise
- avec des pilotes
- 329. L’entreprise, pendant le second semestre de 2001, a créé des filiales auxquelles ont été mutés certains des pilotes syndiqués, après des négociations individuelles qui leur ont permis d’améliorer leur situation économique à condition de renoncer au syndicat. Ces faits sont de notoriété publique et, de plus, corroborés par des cadres supérieurs.
- Campagne publicitaire défavorable à la négociation collective
- 330. L’atmosphère interne vécue à l’intérieur de l’entreprise Lan Chile SA a eu des manifestations externes, consignées à plusieurs reprises dans des articles de presse à partir du mois d’août 2001, dans lesquels il était indiqué que le processus de négociation collective que les pilotes allaient entreprendre constituait une menace pour l’entreprise et pour l’économie du pays, étant donné que la négociation paraissait indissolublement liée au conflit et à la paralysie. Ces conclusions sont celles qui se dégagent à la lecture des articles parus dans le journal «El Mercurio» d’août 2001.
- 331. Le comité exécutif du syndicat, par une dénonciation publique, a qualifié ces articles de presse de campagne antisyndicale, visant à discréditer l’organisation des travailleurs et à décourager la négociation collective, en générant une opinion publique défavorable. Le syndicat a répondu par une action de revendication appelée «grève du zèle», qui consiste à suivre au pied de la lettre les dispositions réglementaires aéronautiques, ce qui, bien entendu, ne suppose pas qu’on enfreigne les normes imposées mais qui implique qu’on s’éloigne des usages habituels de l’entreprise dans les processus de navigation aérienne
- – qui sont en marge des normes réglementaires, dans le but d’économiser du combustible et autres facteurs de production.
- Licenciement massif de membres actifs du syndicat
- 332. Après ces faits survient le licenciement massif de pilotes syndiqués. Entre le 14 septembre et le 4 octobre 2001, la compagnie congédie 108 membres du syndicat. Elle invoque, dans 23 cas, des «impératifs de l’entreprise» et dans les 85 autres «un manquement grave aux obligations du contrat». Parmi les faits que la compagnie décrit comme étant un manquement grave aux obligations du contrat, elle se réfère à des situations confuses qui ont occasionné le retard de quelques vols; cependant, la relation de cause à effet entre les retards et le manquement à leurs contrats ou à la réglementation interne n’apparaît pas clairement.
- 333. Par la suite, sur ces 85 travailleurs, la compagnie en a réembauché 40. Parmi ceux qui n’ont pas été réembauchés figurent huit anciens dirigeants syndicaux et des travailleurs qui ont participé à la grève légale de 1995. La mesure a donc été hautement discriminatoire, vu qu’elle a affecté en définitive les membres les plus actifs de l’organisation, ceux qui ont été licenciés pour avoir respecté un accord syndical qui consistait à faire la «grève du zèle», sans violer les normes contractuelles ni légales.
- 334. Les personnes affectées, au total 37, ont intenté une action en nullité des licenciements devant le 5e Tribunal de première instance de Santiago intitulée «Bustamante et les autres contre Lan Chile SA», rôle no 5196-2000.
- Diminution du pouvoir de négociation des travailleurs
- 335. Les licenciements ayant eu lieu avant le début de la négociation collective ont eu des répercussions sur le processus de négociation collective promu par le Syndicat des pilotes, car seuls 111 membres du syndicat y ont participé. Ceci signifie une diminution de
- 200 pour cent des participants par rapport à la négociation collective antérieure. Le processus s’est terminé sans grève, et un contrat collectif de quatre ans a été signé, assorti d’une réduction de 56 pour cent du réajustement possible du montant nominal des rémunérations. En même temps, l’entreprise a établi avec trois groupes de pilotes qui, au cours de la négociation antérieure, faisaient partie du syndicat, des conventions collectives à 62 mois, avec un réajustement inférieur.
- Pressions de l’entreprise Lan Chile SA
- pour que les adhérents renoncent au syndicat
- 336. On a pu établir, à travers l’activité de contrôle menée par l’inspection du travail durant l’année 2001, que de fortes pressions ont été exercées sur les pilotes et techniciens syndiqués pour qu’ils se retirent de l’organisation syndicale qui les regroupait. Cela apparaît clairement dans des documents et des communications émanant de l’employeur, par lesquels on offrait de meilleures conditions de travail incompatibles avec le fait de rester affilié au syndicat. On peut voir aussi clairement cette attitude dans la menace implicite de perte de l’emploi exercée par l’intermédiaire de certains superviseurs, et reconnue par certains travailleurs au cours de conversations qu’ils ont eues avec le contrôleur de l’inspection du travail. En conséquence, le comité exécutif du syndicat, à partir de la moitié de l’année 2001 et jusqu’au premier trimestre de l’année 2002, a reçu des démissions d’adhérents et ne compte plus à ce jour que 71 membres.
- Discrimination en matière de formation
- à l’encontre des membres du syndicat
- 337. L’entreprise Lan Chile SA a exclu les membres du syndicat de la formation au pilotage des nouveaux avions de la compagnie, et le comité exécutif du syndicat a fait, en temps voulu, des représentations à ce sujet à l’employeur, sans que celui-ci soit revenu sur cette mesure qui, dans le passé, était comprise comme une prime à l’ancienneté des aviateurs. Selon les informations recueillies lors des contrôles pratiqués dans l’entreprise, on peut établir que cette exclusion aurait déjà été manifeste peu avant le début de la négociation collective et, selon les informations données par le comité exécutif du syndicat, cette ségrégation est toujours en vigueur cette année.
- Condition pour la réintégration des pilotes licenciés
- 338. Selon les informations recueillies lors des contrôles pratiqués dans l’entreprise pendant l’année 2001, on a pu établir que 40 des pilotes licenciés pour motifs disciplinaires, quand ils avaient participé à ladite «grève du zèle», ont été réembauchés par l’employeur à condition d’écrire une lettre dans laquelle ils devaient reconnaître leur responsabilité dans les éventuels dommages que cette action de revendication aurait pu causer, et devaient en plus imputer cette soi-disant transgression à une mesure imposée par le syndicat. Ces pilotes, dans leurs nouveaux contrats individuels, n’ont pas récupéré les bénéfices collectifs dont ils jouissaient antérieurement.
- Remplacement des pilotes syndiqués licenciés
- par l’embauche de pilotes étrangers
- 339. L’entreprise a été tenace face aux mises en demeure des contrôleurs de fournir la documentation pour déterminer la légalité de ces embauches. Cette attitude lui a valu d’être condamnée à trois reprises à des amendes, et la dernière fois elle s’est vu infliger la plus forte sanction administrative pour avoir fait obstacle au travail de contrôle des inspecteurs du travail.
- Harcèlement contre des dirigeants syndicaux:
- non-attribution du travail convenu
- et mise en incapacité professionnelle
- 340. Au mois d’août 2001, la suspension du travail habituel des dirigeants syndicaux Nibaldo Jorquera et Artidoro Leal a fait l’objet d’une dénonciation, et l’entreprise Lan Chile SA a été sanctionnée pour avoir refusé d’attribuer le travail convenu dans le contrat de travail. Cette situation a aussi affecté le dirigeant Baldovino Bendix.
- 341. Cette attitude a commencé à se dessiner quand les dirigeants syndicaux n’ont plus été inclus dans les «rôles d’équipage», document par lequel on notifie à chaque pilote quel sera, pour le mois suivant, son itinéraire de vols, ses jours de repos, ses activités d’instruction et autres, ce qui constitue une obligation pour l’employeur selon la convention collective.
- 342. En janvier 2002, une nouvelle amende administrative a été infligée à l’entreprise pour ne pas avoir présenté les rôles d’équipage aux dirigeants Jozcef Szita, Artidoro Leal, Nibaldo Jorquera et Baldovino Bendix, et pour ne pas avoir attribué le travail convenu aux deux premiers.
- 343. Il faut savoir que, conformément aux dispositions de l’autorité aéronautique civile, les pilotes, pour conserver leur licence, doivent justifier d’un certain nombre d’heures de vol, et, s’ils n’ont pas leur licence, ils ne peuvent plus exercer comme pilote ou copilote, ce qui, dans la pratique, signifie leur mise en incapacité professionnelle et l’impossibilité d’accéder à un emploi dans cette compagnie ou dans une autre, faute de remplir les conditions essentielles.
- 344. D’autre part, le gouvernement indique les effets des actes de la compagnie Lan Chile SA qui constituent des pratiques antisyndicales et déloyales dans la négociation collective:
- – Affiliation syndicale. Le Syndicat des pilotes et techniciens, après avoir été le plus représentatif et avoir regroupé la quasi-totalité des pilotes et du personnel technique de Lan Chile SA, avec 400 adhérents, ne compte plus aujourd’hui que 71 membres, à cause des licenciements, des désaffiliations et de la création de filiales.
- – Dirigeants syndicaux. En octobre 2001, le comité exécutif du syndicat comptait cinq membres. Durant le premier trimestre de 2002, il n’y avait plus qu’un seul dirigeant en exercice, car trois d’entre eux avaient quitté l’entreprise; dans l’un des cas, il y avait eu un procès avec conciliation, dans les autres cas, il y a eu des négociations extrajudiciaires. Lors du dernier renouvellement de la direction syndicale, qui a eu lieu le 16 mai 2001, on n’a permis l’élection que de trois dirigeants.
- – Patrimoine syndical. Vu la baisse de l’affiliation syndicale, le syndicat a cessé de percevoir, à titre de cotisations syndicales, une quantité importante de ressources, et il a donc dû abandonner son siège syndical pour un local plus petit et réduire le nombre de ses employés et conseillers.
- – Négociation collective. La négociation collective des pilotes qui, jusqu’à 2001, était menée à bien exclusivement par le Syndicat des pilotes et techniciens, a été fragmentée de manière significative durant la dernière série de négociations, ce qui signifie que des bénéfices collectifs de moindre importance ont été obtenus. D’autre part, en négociant séparément, trois groupes ont signé des instruments pour 62 mois, alors que le syndicat l’a fait pour 48 mois, ce qui fait que, en cas de négociation future, les pilotes de Lan Chile SA ne pourront pas renégocier ensemble par voie réglementaire, et dans une même période ni exercer un pouvoir de négociation en équilibre avec leur interlocuteur, étant donné que des actions telles qu’une grève seraient très difficiles à promouvoir dans un tel contexte.
- – Licenciement massif de pilotes. L’action en justice par laquelle 37 pilotes réclament la nullité du licenciement, engagée auprès du 5e Tribunal de première instance de Santiago, intitulé «Bustamante et les autres contre Lan Chile SA», rôle
- no 5196-2000, en est encore à l’étape probatoire. Sans aucun doute, le fait qui marque ce cas, de par sa gravité et le nombre des personnes affectées, c’est le licenciement massif d’affiliés du syndicat dans lequel les motifs de la cessation de la relation d’emploi invoqués par l’entreprise n’ont aucun lien avec le désastre mondial de l’aviation civile qui a eu lieu suite aux événements du 11 septembre 2001. Les motifs ont obéi à des facteurs internes, dépendant de la stratégie que l’entreprise a mise en œuvre dans la phase préalable à la négociation collective, dans le but d’affaiblir l’acteur syndical avec lequel elle devait négocier. L’application de cette stratégie a affaibli le syndicat, a réduit les attentes des travailleurs dans la négociation, et a causé de graves préjudices aux travailleurs qui se sont retrouvés dans l’incapacité d’exercer leur profession; elle a dévasté une organisation syndicale, laissant le champ libre à la compagnie pour exercer son pouvoir sans aucun contrepoids valable, comme celui joué jusqu’avant ces événements par le Syndicat des pilotes et techniciens, une organisation syndicale forte et autonome, capable d’établir les équilibres nécessaires dans la relation d’emploi.
- 345. Finalement, le gouvernement déclare que les agissements de l’entreprise Lan Chile SA destinés à obtenir le retrait des pilotes du syndicat s’inscrivent pleinement dans le cadre de l’article 291, alinéa a), du Code du travail, qui dispose ce qui suit:
- Article 291. Sont particulièrement en infraction attentatoire à la liberté syndicale:
- a) Ceux qui exercent une pression d’ordre physique ou moral sur des travailleurs afin d’obtenir leur affiliation ou leur désaffiliation syndicale ou pour qu’un travailleur s’abstienne d’adhérer à un syndicat, et ceux qui, de la même manière, empêchent un travailleur de promouvoir la formation d’une organisation syndicale ou l’obligent à le faire.
- En conséquence, le syndicat devrait saisir les tribunaux du travail en dénonçant les pratiques antisyndicales de l’entreprise Lan Chile SA. Pour information du Comité de la liberté syndicale, le gouvernement joint une copie d’une récente décision judiciaire, dans laquelle le tribunal reconnaît que les conventions nos 87 et 98 de l’OIT sont en vigueur, accepte la dénonciation d’un syndicat pour pratique antisyndicale dans son entreprise et condamne l’entreprise défenderesse à payer une amende en espèces au bénéfice du Service national de la formation et de l’emploi (SNCE).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 346. Le comité a décidé de présenter un rapport intérimaire sur ce cas, considérant qu’il lui manquait des informations. Le comité demande notamment au gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, en vue de pouvoir disposer de leurs vues et de celles de l’entreprise en cause sur les questions en instance. Le comité réexaminera alors le cas.
- 347. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante fait état d’une campagne organisée par l’entreprise Lan Chile SA depuis 2001 pour la détruire et fait valoir que ceci s’est concrétisé par une série de pratiques illégales de discrimination antisyndicale, en particulier suite aux négociations ayant pour but la conclusion d’une nouvelle convention collective. Ces pratiques incluent, selon le plaignant, une campagne orchestrée contre le syndicat, le licenciement massif de pilotes syndiqués, des menaces de licenciement, des pressions sur les pilotes et sur leurs familles pour que ceux-ci renoncent à leur affiliation, des discriminations en matière de formation à l’encontre des membres du syndicat, l’embauche de pilotes licenciés dans des filiales à des conditions antisyndicales (accepter une responsabilité individuelle pour l’action de la «grève du zèle», affirmer que le syndicat leur a ordonné de participer à cette action et accepter de ne plus être couverts par le contrat collectif mais par des contrats de travail individuels) et des actes de harcèlement dirigés contre l’un des dirigeants du syndicat.
- 348. Le comité prend note des déclarations du gouvernement confirmant les allégations et qualifiant les faits allégués de pratiques antisyndicales et même (vu que la réponse du gouvernement est de six mois postérieure aux plaintes) incluant des faits plus récents contraires aux droits syndicaux. De manière générale, le comité souligne la gravité des faits allégués, qui ont été confirmés par le gouvernement et exprime sa profonde préoccupation quant au nombre et à la nature des pratiques antisyndicales discriminatoires ou contraires à la négociation collective qui ont eu cours et qui ont eu pour effet que le syndicat soit passé de 400 à 71 membres.
- 349. De manière plus concrète, le comité prend note des déclarations du gouvernement qui affirme que:
- – l’action de la «grève du zèle» entreprise par le syndicat consiste à respecter au pied de la lettre les dispositions réglementaires aéronautiques, ce qui n’implique pas, à l’évidence, que l’on enfreigne les normes imposées; ni les normes contractuelles ni les normes légales n’ont donc été violées;
- – entre le 14 septembre et le 4 octobre 2001, l’entreprise a licencié 108 membres du syndicat; dans 23 cas, elle a invoqué des «impératifs de l’entreprise» et dans 85 «un manquement grave aux obligations du contrat», sans qu’apparaisse clairement dans ces 85 cas la relation de cause à effet entre les retards et le non-respect des contrats ou de la réglementation interne; par la suite, sur ces 85 travailleurs, la compagnie en a réembauché 40; parmi ceux qui n’ont pas été réembauchés figurent huit ex-dirigeants syndicaux et des travailleurs qui avaient participé à la grève légale de 1995. Cette mesure a donc été hautement discriminatoire, puisqu’en définitive elle a affecté les membres les plus actifs de l’organisation, qui ont été congédiés pour avoir respecté un accord syndical qui consistait à faire la «grève du zèle», sans violer les normes contractuelles ni légales. Trois des cinq membres du comité exécutif du syndicat ont abandonné l’entreprise après une action en justice (avec conciliation ou avec des négociations extrajudiciaires). Trente-sept pilotes affectés ont intenté une action en nullité des licenciements devant le 5e Tribunal de première instance de Santiago;
- – les licenciements ont sapé le pouvoir de négociation des travailleurs (les participants ont diminué de 200 pour cent par rapport à la négociation antérieure) et, en même temps qu’on signait une nouvelle convention collective, l’entreprise a conclu un accord avec trois groupes de pilotes qui auparavant faisaient partie du syndicat; la convention collective avec le syndicat a été signée pour quatre ans (48 mois) avec une diminution de 56 pour cent du réajustement possible du montant nominal des rémunérations, tandis que les conventions collectives conclues avec les groupes de travailleurs étaient signées pour 62 mois, avec un réajustement inférieur; de cette façon, les pilotes ne pourront plus négocier ensemble dans une même période et, dans ce contexte, une grève serait très difficile à soutenir;
- – on a pu établir que les pilotes et techniciens syndiqués ont subi de fortes pressions destinées à obtenir leur retrait du syndicat; cela apparaît clairement dans des documents et des communications émanant de l’employeur, par lesquels on offrait de meilleures conditions de travail incompatibles avec le fait de rester affilié au syndicat; cette attitude apparaît aussi clairement dans la menace implicite de perte de l’emploi exercée par l’intermédiaire de certains superviseurs, et reconnue par certains travailleurs au cours de conversations avec le contrôleur de l’inspection du travail. Le syndicat peut légalement saisir les tribunaux en dénonçant ces faits et obtenir qu’une amende soit infligée à l’entreprise;
- – selon les informations recueillies lors des contrôles effectués dans l’entreprise, celle-ci a exclu les membres du syndicat de la formation au pilotage des nouveaux avions de la compagnie;
- – 40 pilotes licenciés quand ils avaient participé à la «grève du zèle» ont été réembauchés à condition d’écrire une lettre dans laquelle ils devaient reconnaître leur responsabilité dans les éventuels dommages que cette action de revendication aurait pu causer, et devaient en plus imputer cette soi-disant transgression à une mesure imposée par le syndicat; ces pilotes, dans leurs nouveaux contrats individuels, n’ont pas récupéré les bénéfices collectifs dont ils jouissaient antérieurement;
- – l’autorité administrative a infligé deux amendes à la compagnie pour ne pas avoir attribué le travail convenu dans le contrat de travail ou ne pas avoir présenté les «rôles d’équipage» à quatre dirigeants syndicaux (pour conserver leur licence, les pilotes doivent justifier d’un certain nombre d’heures de vol, et ne pas pouvoir le faire revient, dans la pratique, à leur interdire l’exercice de leur profession).
- 350. En ce qui concerne les allégations relatives à des actes de discrimination antisyndicale (licenciements massifs à cause de l’exercice d’activités syndicales, pressions sur les pilotes et leurs familles pour qu’ils renoncent à leur affiliation syndicale, exclusion des membres du syndicat de la formation au pilotage des nouveaux avions, non-attribution du travail convenu dans le contrat de travail aux dirigeants syndicaux, réembauche de plus de la moitié des personnes licenciées à des conditions antisyndicales), le comité prend note de ce que le gouvernement confirme les faits invoqués ainsi que le fait que plus de la moitié des personnes licenciées ont été réintégrées et que trois d’entre elles sont parvenues à un accord dans le cadre d’une procédure judiciaire. Le comité note que le gouvernement laisse également entendre que les pressions exercées par l’entreprise pour que les pilotes se retirent du syndicat pourraient donner lieu à une action en justice et que l’entreprise pourrait être condamnée à une amende pour pratique antisyndicale. Le comité note également que les actes de harcèlement dirigés contre quatre dirigeants syndicaux
- (non-attribution de travail) ont été sanctionnés à deux reprises par une amende infligée par l’autorité administrative.
- 351. Le comité déplore profondément toutes les pratiques antisyndicales décrites et souligne que «nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 690] et que «la protection contre la discrimination antisyndicale doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de congédier un travailleur ou de lui porter préjudice par tout autre moyen, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des lieux de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 694.] De même, «nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique» [voir Recueil, op. cit., paragr. 696] et «il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions contre les actes de discrimination antisyndicale, afin d’assurer l’efficacité pratique de l’article 1 de la convention no 98». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 697.] C’est dans ce sens que «le respect des principes de la liberté syndicale exige que les travailleurs qui estiment avoir subi des préjudices en raison de leurs activités syndicales disposent de moyens de recours expéditifs, peu coûteux, et tout à fait impartiaux». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 741.]
- 352. Dans le cas présent, le comité souligne qu’il importe de réparer et sanctionner sans délai les pratiques discriminatoires qu’ont subies l’organisation plaignante et ses adhérents, et constate avec préoccupation que, selon l’organisation plaignante, le procès relatif au licenciement des pilotes prendra plus de deux ans.
- 353. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procès en cours ou qui seraient intentés en raison des licenciements et des pratiques antisyndicales mentionnés plus haut et s’attend à ce que soient imposées sans délai, outre les mesures de réparation, des sanctions efficaces et dissuasives qui mettront à l’avenir un frein aux pratiques antisyndicales de l’entreprise. Le comité demande au gouvernement d’engager des discussions en vue d’une éventuelle réintégration des 37 pilotes qui ont formé un recours contre leur licenciement.
- 354. Quant aux allégations relatives à la négociation de l’entreprise avec des pilotes individuels à des fins antisyndicales, le comité constate que le gouvernement confirme les négociations individuelles et se réfère aussi à des négociations avec des groupes de pilotes à des fins antisyndicales et pour empêcher que la négociation de l’ensemble des pilotes puisse se faire de manière simultanée dans le futur. Le comité souligne que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, dispose que: «aux fins de la présente recommandation, on entend par «convention collective» tout accord écrit relatif aux conditions de travail et d’emploi conclu entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou une ou plusieurs organisations d’employeurs et, d’autre part, une ou plusieurs organisations représentatives de travailleurs ou, en l’absence de telles organisations, les représentants des travailleurs intéressés, dûment élus et mandatés par ces derniers, en conformité avec la législation nationale»; «à ce propos, le comité a souligné que ladite recommandation met l’accent sur le rôle des organisations de travailleurs en tant qu’une des parties à la négociation collective. La négociation directe conduite entre l’entreprise et son personnel, en feignant d’ignorer les organisations représentatives existantes, peut, dans certains cas, être contraire au principe selon lequel il faut encourager et promouvoir la négociation collective entre les employeurs et les organisations de travailleurs». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 786.] De même, le comité rappelle que, dans un cas antérieur, il a éprouvé quelque difficulté à concilier le statut équivalent donné dans la loi aux contrats individuels et collectifs avec les principes de l’OIT sur la négociation collective, selon lesquels le développement et l’utilisation les plus larges des procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, devraient être encouragés et promus en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi. Il apparaît en réalité que la loi en question permet la négociation collective au moyen de conventions collectives, parallèlement à d’autres possibilités, plutôt que de promouvoir et d’encourager la négociation collective. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 911.]
- 355. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour éviter que l’entreprise Lan Chile SA négocie à des fins antisyndicales avec des pilotes individuels ou avec des groupes de pilotes en marge du syndicat et de le tenir informé des actions en justice qui seraient engagées en raison de telles pratiques.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 356. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité a décidé de présenter un rapport intérimaire sur ce cas, considérant qu’il lui manquait des informations. Le comité demande notamment au gouvernement de solliciter des informations auprès des organisations d’employeurs concernées, en vue de pouvoir disposer de leurs vues et de celles de l’entreprise en cause sur les questions en instance. Le comité réexaminera alors le cas.
- b) Le comité souligne la gravité des faits allégués, qui ont été confirmés par le gouvernement, et exprime sa profonde préoccupation quant au nombre et à la nature des pratiques antisyndicales discriminatoires ou contraires à la négociation collective qui ont eu cours et qui ont eu pour effet que le syndicat est passé de 400 à 71 membres.
- c) En ce qui concerne les allégations relatives aux actes de discrimination antisyndicale (licenciements massifs à cause de l’exercice d’activités syndicales, pressions sur les pilotes et leurs familles pour qu’ils renoncent à leur affiliation syndicale, exclusion des membres du syndicat de la formation au pilotage des nouveaux avions, non-attribution du travail convenu dans le contrat de travail aux dirigeants syndicaux, réembauche de plus de la moitié des personnes licenciées à des conditions antisyndicales), le comité déplore profondément ces pratiques antisyndicales et souligne qu’il importe de réparer et sanctionner sans délai les pratiques discriminatoires qu’ont subies l’organisation plaignante et ses adhérents.
- d) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du résultat des procès en cours ou qui seraient intentés en raison des licenciements et des pratiques antisyndicales mentionnés plus haut et s’attend à ce que soient imposées sans délai, outre les mesures de réparation, des sanctions efficaces et dissuasives qui mettront à l’avenir un frein aux pratiques antisyndicales de l’entreprise. Le comité demande au gouvernement d’engager des discussions en vue d’une éventuelle réintégration des 37 pilotes qui ont formé un recours contre leur licenciement.
- e) Quant aux allégations de l’organisation plaignante et aux déclarations du gouvernement relatives à la négociation de l’entreprise avec des pilotes individuels ou avec des groupes de pilotes à des fins antisyndicales et pour empêcher que la négociation de l’ensemble des pilotes puisse se faire de manière simultanée dans le futur, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour éviter que l’entreprise Lan Chile SA négocie à des fins antisyndicales avec des pilotes individuels ou avec des groupes de pilotes en marge du syndicat et de le tenir informé des actions en justice qui seraient engagées en raison de telles pratiques.