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- 559. La plainte de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) est contenue dans une communication en date du 24 septembre 2002.
- 560. Le gouvernement a communiqué ses observations au sujet de la plainte dans une communication en date du 28 janvier 2003.
- 561. Le Kenya n’a pas ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il a ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 562. L’OIE indique tout d’abord que cette plainte, déposée au nom de la Fédération des employeurs du Kenya (FEK), est appuyée par la Confédération panafricaine des employeurs. La plainte s’articule en trois volets, dans lesquels l’OIE expose les faits, fournit des informations sur le contexte et formule un certain nombre de considérations fondées sur les principes de la liberté syndicale. De là, elle conclut en demandant que le comité adresse au gouvernement une série de recommandations précises.
- 563. L’OIE indique que, le 20 août 2002, le président national de la FEK, M. Walter Mukuria, participait à une réunion du conseil de gestion de la Commission des finances de la Caisse nationale de sécurité sociale (NSSF), où il représentait les intérêts des employeurs. Cette réunion avait été convoquée pour traiter d’investissements irréguliers effectués par l’ancien fidéicommissaire de la NSSF, qui avait illégalement escompté des bons du trésor et en avait déposé le produit dans une banque avec laquelle la NSSF n’avait jamais eu aucune relation d’affaires et au sujet de laquelle le conseil de gestion avait peu d’informations. Au cours de cette réunion, M. Mukuria a suggéré que des vérifications devraient être faites au sujet des principaux actionnaires et directeurs de la banque où l’argent avait été déposé. Enfin, toujours selon l’OIE, la banque en question serait aux mains de certaines personnalités très en vue dans le pays, dont au moins un fonctionnaire.
- 564. M. Mukuria a été avisé peu après la réunion que la police le recherchait. Le lendemain soir, 21 août, six policiers puissamment armés se sont présentés à son domicile, lui enjoignant de le suivre. M. Mukuria insista pour qu’on lui donne l’occasion de communiquer avec son avocat, mais la police lui dénia ce droit. Il fut amené au siège central du Département des enquêtes pénales (CID). Là, on lui permit d’appeler le directeur exécutif de la FEK mais celui-ci, à son arrivée au CID, n’eut pas l’autorisation de lui parler.
- 565. L’OIE allègue qu’au siège central de la CID, M. Mukuria a été interrogé puis obligé de faire une déclaration écrite en rapport avec les propos qu’il avait tenus au cours de la réunion de la Commission des finances de la NSSF. M. Mukuria rédigea donc une déclaration en sept pages, après qu’on lui eut de nouveau refusé de parler à son avocat et sous la menace d’une prolongation de sa garde à vue. Finalement, il fut relâché un peu plus tard dans la soirée, mais à condition de se présenter le lendemain au CID.
- 566. Le 22 août, M. Mukuria, accompagné du directeur exécutif et du directeur exécutif adjoint de la FEK, se rendit au CID. Quinze minutes plus tard, la police lui signifia qu’elle ne voyait pas de raison de donner suite à cette affaire, ne jugeait pas opportun de retenir contre lui quelque charge que ce soit et qu’il était donc libre.
- 567. L’OIE communique un certain nombre de renseignements sur la FEK. Cette fédération a été enregistrée en 1959 en tant qu’association d’employeurs conformément à l’article 233 de la loi sur les syndicats. Elle est, sans conteste, l’organisation d’employeurs la plus représentative au Kenya et le gouvernement voit en elle l’organisation la plus apte à représenter les intérêts des employeurs au sein de l’organisme tripartite qu’est la NSSF. Elle est affiliée à la Confédération panafricaine des employeurs et à l’OIE. Cette dernière ajoute que, tout au long de ses quarante-trois années d’existence, la FEK a entretenu de bonnes relations à la fois avec le gouvernement et avec l’Organisation centrale des syndicats dans le cadre du système tripartite.
- Considérations sur les principes de la liberté syndicale
- 568. L’organisation plaignante rappelle certains principes de liberté syndicale de l’OIT et soutient qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être ouverte immédiatement dans le cas de M. Mukuria pour clarifier pleinement les faits, établir les responsabilités, punir les coupables et prévenir la répétition de tels actes. Pour conclure, l’organisation plaignante suggère une série de mesures que le comité devrait prendre et notamment adresser au gouvernement du Kenya des recommandations précises, afin que celui-ci, en particulier, respecte à l’avenir les libertés civiles des représentants des employeurs, dont la liberté d’expression, et veille à ce que ces représentants puissent exercer leur mandat sans être exposés à quelque ingérence, intimidation ou pression de la part du gouvernement; enfin, ce dernier devrait clarifier publiquement la détention illégale de M. Mukuria et réparer toute atteinte ainsi causée à sa réputation.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 569. Dans sa communication du 28 janvier 2003, le gouvernement communique ses observations sur le contexte de l’affaire et sa réponse quant aux recommandations suggérées par l’organisation plaignante.
- 570. Le gouvernement confirme les faits relatifs à la réunion de la Commission des finances du conseil de gestion de la NSSF tels qu’ils sont relatés par la plaignante et, en particulier, que M. Mukuria, en sa qualité de membre du conseil de gestion de la NSSF, avait suggéré de procéder à certaines vérifications auprès de la banque où des investissements irréguliers avaient été faits. Le gouvernement reconnaît qu’apparemment c’est cette suggestion qui a conduit à l’arrestation et la garde à vue de M. Mukuria.
- 571. La réponse du gouvernement contient notamment les considérations suivantes. Le gouvernement affirme qu’il a toujours respecté les principes de la liberté syndicale, auxquels il est tenu en raison de son appartenance à l’OIT et du fait qu’il a ratifié la convention no 98. Il déclare que l’arrestation de M. Mukuria est éminemment regrettable et qu’il ne laissera pas de tels agissements se reproduire. En outre, il donne au comité toutes assurances qu’il veillera à ce que tous les partenaires sociaux, représentants des employeurs inclus, restent libres de s’exprimer, sans être exposés de sa part à quelque intimidation ou pression que ce soit. L’arrestation et la détention de M. Mukuria doivent être considérées comme un fait isolé, qui ne se répétera pas. Le gouvernement ajoute qu’il s’engage à veiller à ce que tous les partenaires sociaux, représentants des employeurs compris, jouissent toujours pleinement des libertés civiles.
- 572. Le gouvernement souligne en outre qu’il a présenté ses excuses à M. Mukuria, par l’entremise de la FEK, et que ces excuses ont été rendues publiques. Effectivement, dans un communiqué de presse en date du 23 janvier 2003, dont copie jointe, le gouvernement présente des excuses publiques à M. Mukuria et à la FEK et il assure les représentants des employeurs que leur liberté d’expression dans tous les organes tripartites sera toujours respectée et qu’il ordonnera une enquête devant conduire à ce que le ou les auteurs des préjudices subis par la NSSF soient démasqués et punis. Le gouvernement joint à sa réponse des coupures de presse et le texte de sa lettre du 27 janvier 2003 par laquelle il communiquait copie à la FEK du communiqué de presse et des coupures de presse en question. Dans ce courrier, le gouvernement exprimait l’espoir que M. Mukuria voudrait bien accepter ses excuses et envisager favorablement le retrait de la plainte portée devant le comité. Enfin, le gouvernement indique que le conseil de gestion de la NSSF a d’ores et déjà intenté une action en justice contre les auteurs présumés de l’investissement irrégulier. Il y a lieu de croire qu’à l’issue de cette procédure les instigateurs de l’arrestation et de la garde à vue de M. Mukuria seront identifiés et punis.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 573. Le comité note que le présent cas a trait à l’arrestation et à la garde à vue du dirigeant d’une organisation d’employeurs suite à une déclaration faite par celui-ci en cette qualité lors d’une réunion d’un organe tripartite.
- 574. Le comité note que la version des faits donnée par la plaignante et celle du gouvernement coïncident sur les points suivants. Tout d’abord, c’est la déclaration faite par M. Mukuria en sa qualité de membre du conseil de gestion de la NSSF qui est à l’origine de son arrestation et de sa garde à vue pendant quelques heures au siège central du Département des enquêtes pénales (CID). Deuxièmement, pendant sa garde à vue, M. Mukuria a été contraint de rédiger une déclaration en rapport avec les propos qu’il avait tenus devant le conseil de gestion de la NSSF. Troisièmement, son arrestation et sa garde à vue se sont opérées en marge des procédures légales régulières et sans l’assistance judiciaire requise. Le comité note à cet égard que le gouvernement ne nie pas que la police a refusé à M. Mukuria de communiquer avec son avocat.
- 575. De l’avis du comité, il y a lieu de rappeler, en l’espèce, les principes suivants de la liberté syndicale. L’arrestation de dirigeants d’organisations d’employeurs ou de travailleurs dans l’exercice d’activités légitimes en rapport avec leurs droits d’association, même si c’est pour une courte période, est contraire aux principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition révisée, 1996, paragr. 69 et 70.] De telles arrestations peuvent susciter un climat d’intimidation et de crainte préjudiciable au déroulement normal des activités syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 76]; et cela d’autant plus quand l’arrestation est menée de manière arbitraire, en marge de la procédure légale régulière. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées, vu les risques que les mesures d’arrestation comportent pour les activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 81.]
- 576. Le comité relève, d’autre part, que le gouvernement a présenté publiquement ses excuses à M. Mukuria et à son organisation dans un communiqué de presse détaillé diffusé par plusieurs journaux, et qu’il a transmis par courrier à la FEK ce communiqué de presse et les coupures de presse y relatives. Le comité note également que le gouvernement déclare déplorer vivement l’arrestation de M. Mukuria et que cette affaire doit être considérée comme un incident isolé, dont il ne permettra pas la répétition. Le comité note en outre que le gouvernement assure qu’il veillera à ce que tous les partenaires sociaux, y compris les représentants des employeurs, jouissent pleinement de leur liberté d’expression, sans s’exposer à quelque pression que ce soit et, d’une manière générale, de toutes les libertés civiles.
- 577. Etant donné les dispositions prises par le gouvernement quelque temps avant de soumettre sa réponse, et considérant que le gouvernement a exprimé ses regrets pour l’arrestation et la détention de M. Mukuria, le comité estime que celui-ci a pris des mesures appropriées suite à la violation des principes de la liberté syndicale commise à l’endroit du président de la FEK. Notant également que le gouvernement déclare solennellement son attachement au plein respect des principes de la liberté syndicale, y compris dans la pratique, le comité veut croire que celui-ci veillera effectivement à prévenir toute arrestation arbitraire et détention illégale des représentants des employeurs ou des travailleurs en raison de leurs activités. En dernier lieu, le comité note que, selon le gouvernement, les poursuites engagées par la NSSF en rapport avec l’investissement irrégulier devraient permettre de démasquer l’instigateur de l’arrestation de M. Mukuria et de le sanctionner. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 578. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le gouvernement est prié de tenir le comité informé de l’issue des poursuites engagées, pour ce qui est de l’identification de l’instigateur de l’arrestation de M. Mukuria et des sanctions prises à son égard.